jeudi 28 avril 2016

Lorsqu'on a oublié de compter le ´ômar

ב״ה

Lorsqu'on a oublié de compter le ´ômar

Perspectives des Ri`shônim


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  1. Que fait-on si on a oublié de compter la nuit mais que l'on s'en souvient le lendemain ?

Les Ri`shônim sont divisés sur cette question en raison de deux Mishnoyôth apparemment contradictoires. Une Mishnoh dans Manohôth 71a déclare que les gerbes d'orge pour l'offrande du ´ômar devaient être coupées la nuit, mais si elles l'avaient été le lendemain matin l'offrande reste valable. Sur base de cette Mishnoh, certains Ri`shônim concluent que si quelqu'un n'a pas compté le ´ômar la nuit cela peut encore se faire le lendemain matin. (Cela suppose que l'on adhère à l'opinion selon laquelle les lois sur la Safirath Ho´ômar doivent coïncider avec celles du coupage des gerbes du ´ômar.) De l'autre côté, une Mishnoh dans Maghilloh 20b déclare simplement que כל הלילה כשר לקצירת העומר « Toute la nuit est valable pour le coupage [des gerbes] du ´ômar ». Prenant littéralement cette Mishnoh (et faisant le lien entre couper et compter le ´ômar), certains Ri`shônim ont conclu que le ´ômar ne peut être compté que durant la nuit (de la tombée de la nuit à l'aube).

Il existe trois approches parmi les Ri`shônim quant à la façon d'agir si on a oublié de compter durant la nuit et que l'on ne s'en est souvenu que le lendemain :

  1. Compter durant la journée en faisant une bénédiction. Cette opinion est basée sur la Mishnoh qui apparaît dans Manohôth et est soutenue par le Béha''g ז״ל, le Ramba''m ז״ל, le Mé`iri ז״ל et le Mishkanôth Ya´aqôv ז״ל.

  1. Ne pas compter durant la journée, car on n'accomplit rien en le faisant. Cette opinion est basée sur la Mishnoh qui apparaît dans Maghilloh et est soutenue par Rabbénou Ta''m ז״ל et le Sama''g ז״ל.

  1. Compter en journée sans faire de bénédiction. Cette approche est un compromis entre les deux précédentes opinion et est soutenue par le Mordokhay ז״ל, les Tôsofôth ז״ל, le Ra`avya''h ז״ל, le Tashbé''s ז״ל, Rabbénou Yarouham ז״ל, le Ro`''sh ז״ל et le Ra''n ז״ל.

  1. Que fait-on si on a oublié de compter la nuit mais également le lendemain ?

Deux approches radicalement différentes furent adoptées par différents groupes parmi les Ga`ônim et les Ri`shônim. D'un côté, le Béha''g tranche que si une journée entière (nuit + jour) est passée sans que l'on ait compté le ´ômar, il n'y a alors plus la moindre nécessité de continuer à compter le reste de la Safirath Ho´ômar. De l'autre côté, le Rov Hay Go`ôn ז״ל, le R''i ז״ל et le Mé`iri tranchent que l'on doit continuer à compter le ´ômar avec une bénédiction, même si on a manqué une journée entière dans la Safirath Ho´ômar.

Leur désaccord tourne autour de l'interprétation correcte du verset suivant1 : וּסְפַרְתֶּם לָכֶם, מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת, מִיּוֹם הֲבִיאֲכֶם, אֶת-עֹמֶר הַתְּנוּפָה: שֶׁבַע שַׁבָּתוֹת, תְּמִימֹת תִּהְיֶינָה « Vous compterez pour vous-mêmes, depuis le lendemain du Shabboth, depuis le jour où vous aurez apporté le ´ômar du balancement, sept semaines, qui doivent être complètes ». La lecture péshatique est celle du Béha''g, c'est-à-dire qu'aucun jour ne doit manquer dans le compte, ce qui rendrait incomplètes les sept semaines. Le Rov Hay Go`ôn et le R''i soutiennent que « complètes » se réfère à chaque jour individuellement ; chaque jour doit être complet, c'est-à-dire que le compte doit se faire de nuit. Le Mé`iri soutient plutôt que rendre les semaines « complètes » est une Miswoh indépendante du compte. De ce fait, pour le Mé`iri, si quelqu'un a oublié de compter la nuit il doit compter en journée avec une bénédiction, et s'il a oublié de le faire également en journée il doit néanmoins continuer à compter les nuits suivantes avec une bénédiction.

Le Tour et le Béth Yôséf2 expliquent qu'au cœur de cette divergence se trouve la question suivante : la Safirath Ho´ômar constitue-t-elle une seule Miswoh (compter quarante-neuf jours) ou quarante-neuf Miswôth indépendantes ? D'après le Béha''g, elle ne constitue qu'une seule Miswoh, de sorte qu'oublier de compter ne serait-ce qu'un seul jour invalide l'intégralité de la Miswoh. Par contre, le Rov Hay Go`ôn et le R''i considèrent que la Safirath Ho´ômar représente quarante-neuf actes indépendants, de sorte qu'oublier de compter un jour ne cause une perte que pour la Miswoh de ce jour-là et non l'ensemble des jours du compte. Il sera donc possible, d'après cette approche, de continuer à compter avec une bénédiction même en ayant manqué un jour de compte. Le Ri''d ז״ל déclare que l'on peut trouver une preuve de la validité de cette approche dans la bénédiction qui est faite avant de compter. Si l'ensemble du compte des quarante-neuf jours constitue une seule grande Miswoh, comme semble le soutenir le Béha''g, pourquoi ne pas alors faire une seule bénédiction le tout premier jour du compte qui sera valable pour l'ensemble des autres jours ? Puisque la bénédiction est refaite chaque jour avant de compter, cela accrédite l'approche du Rov Hay Go`ôn et du R''i, selon qui chaque jour du compte constitue une Miswoh indépendante.

  1. D'autres façons de compter le ´ômar parmi les Ga`ônim et Ri`shônim

  • Le Rov Sa´adhyoh Go`ôn3 ז״ל déclare que si on a oublié de compter le premier jour du ´ômar, on ne doit plus compter avec une bénédiction les autres nuits. Mais si le compte a été oublié une nuit autre que la première, on pourra continuer à compter avec une bénédiction. La question naturelle qui se pose est : pourquoi la première nuit est-elle différente des autres ? Si quelqu'un n'a pas compté la première nuit, c'est comme si la Miswoh de compter n'avait alors jamais vraiment commencé. Une progression doit toujours avoir un point de départ. L'idée du Rov Sa´adhyoh Go`ôn est qu'une fois que le compte a commencé depuis le début, manquer un jour ne détruit pas la Miswoh. On peut combler les vides et considérer que les jours manqués sont implicites, dès lors que la fondation d'un compte existe déjà.

  • Le Rov Hay Go`ôn4 déclare que si quelqu'un a oublié de compter la nuit et le lendemain, la nuit suivante il doit dire « Le compte d'hier était... et celui d'aujourd'hui est... ». En quoi est-ce important de compter le jour d'hier ? Le compte de chaque jour n'est-il pas une Miswoh uniquement pour « aujourd'hui » ? Compter le jour manqué permet de maintenir la progression, l'acte de simplement compter qui est essentiel à la Miswoh de la Safirath Ho´ômar. Déclarer « Le compte d'hier était... » n'est pas l'accomplissement d'une Miswoh, mais plutôt une façon de s'assurer qu'il y a un compte séquentiel et progressif, permettant ainsi de connecter le compte de la nuit d'aujourd'hui aux nuits précédentes.

  • Le Minhogh de Rash''i5 ז״ל consistait à compter le ´ômar tard dans l'après-midi après Palagh Hamminhoh (une heure et quart halakhique avant le coucher du soleil) sans bénédiction, puis de répéter le même compte durant la nuit, après la sortie des étoiles, avec une bénédiction. Si le compte réalisé après Palagh Hamminhoh est valable, pourquoi ne faisait-il pas la bénédiction à ce moment-là ? Et s'il n'était pas valable, pourquoi alors compter à ce moment-là au lieu de simplement attendre la tombée de la nuit ? Le compte réalisé à Palagh Hamminhoh n'était pas accompagné d'une bénédiction parce que Rash''i tranche que la vraie Miswoh ne doit être accomplie que lorsqu'il fait réellement nuit, après la sortie des étoiles. Mais de l'autre côté, étant donné que la nuit tombe de plus en plus tard durant la période de la Safirath Ho´ômar (et d'autres considérations également, comme par exemple la crainte d'oublier de le faire), Rash''i craignait de ne pas pouvoir compter cette nuit, ce qui lui ferait perdre son compte. La période qui suit Palagh Hamminhoh est pertinente concernant la nuit, puisque toutes les Miswôth associées à la nuit peuvent déjà, en cas de nécessité, être accomplies à partir de Palagh Hamminhoh. Ainsi, on peut déjà commencer le Shabboth ou prier Ma´ariv après Palagh Hamminhoh si on ne désire ou ne peut pas attendre la tombée de la nuit. De ce fait, si le compte était oublié plus tard, la progression aurait été préservée bien que la Miswoh de jour n'aurait pas été accomplie.
1Wayyiqro` 23:15
2`ôrah Hayim 489
3Cité par le Tour, Ibid.
4Cité dans le Bi`our Halokhoh, `ôrah Hayim 489:8

5Cité dans le Mahzôr Witri
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