dimanche 12 avril 2015

Jusqu'où doit-on répondre au Qaddish ?

בס״ד

La Halokhoh d'après le Talmoudh et le Mishnéh Tôroh


Jusqu'où doit-on répondre au Qaddish ?

  • Un peu d'histoire

Après la lecture de la dernière portion de Tôroh, la Tôroh était ramenée dans le `Arôn Qôdhash (ou dans une caisse, s'il n'y avait pas de ´Arôn Qôdhash), tout le monde s'asseyait alors et le dernier appelé à la Tôroh, qui devait être un érudit (la plupart du temps l'un des rabbins de la communauté) faisait un sermon (pas trop long), à la fin duquel il récitait le קדיש « Qaddish ». Il convient d'en dire quelques mots.

Bien que de nos jours il existe plusieurs sortes de Qaddish (« Qaddish des Endeuillés », « Qaddish des Rabbins », « Qaddish Entier », « Demi-Qaddish », « Qaddish Tithqabbél », « Qaddish d’enterrement d'un défunt » et « Qaddish d'un Siyoum »), et que leurs versions diffèrent d'un Nousah à l'autre, dans les temps talmudiques il n'existait qu'une seule sorte de Qaddish. Il pouvait se faire soit en hébreu, soit en araméen.

Dans le traité post-talmudique de Sôfrim 21:5-6, on apprend que le Qaddish était à l'origine une prière récitée lors des offices, uniquement à la fin de la lecture de la Tôroh. De même, les rabbins le récitaient après avoir terminé leurs sermons du Shabboth après-midi. C'est donc la preuve que le Qaddish DaRabbonon est le Qaddish d'origine. Dans Sôfrim 10:6 et 18:10, il est fait mention du fait que ce Qaddish était également la toute dernière prière des offices, car la prière se concluait par une leçon donnée par un Rabbin (d'où le fait que de nos jours, dans de nombreuses communautés, une série de Mishnoyôth ont été imprimées dans les Siddourim, à la fin des offices, et que les gens récitent à la place d'un sermon. Et après la lecture de ces Mishnoyôth, le Qaddish est récité). Ce n'est que bien plus tard que le Qaddish commença à apparaître sous diverses formes à la fin des différentes parties composant les offices.

Dans Sôfrim 19:9, il est fait mention de l'histoire d'un Hozzon de Yarousholayim ´Ir Haqqôdhash qui, après les offices du Shabboth, se mettait à bénir les endeuillés de la communauté en récitant une version légèrement abrégée du Qaddish pour les consoler. Mais nulle part le Talmoudh ne mentionne le fait que le Qaddish était récité par les endeuillés eux-mêmes. De là, nous apprenons qu'il n'existait pas de « Qaddish des Endeuillés » à proprement parler durant les temps talmudiques. De même, alors que le Rambam זצ״ל mentionne le Qaddish plus de quarante fois dans son Mishnéh Tôroh il ne fait jamais mention d'une quelconque récitation du Qaddish par les endeuillés eux-mêmes. C'était donc le Hozzon qui le récitait pour les endeuillés (d'ailleurs, dans certaines communautés aujourd'hui encore, c'est un rabbin, et non l'endeuillé lui-même, qui fait le Qaddish pour un endeuillé, car à l'origine seuls les Rabbins récitaient le Qaddish, d'où l'expression « Qaddish DaRabbonon – Qaddish des Rabbins »).

L'idée d'un « Qaddish des Endeuillés » ne fut introduite dans la littérature juive qu'à la fin du 12ème siècle. Se basant sur un pseudo Midhrosh qui enseigne que « Quand les pécheurs qui se trouvent dans le Géhinnom répondent au Qaddish, ils reçoivent la permission d'entrer dans le Gan ´Édhan », le Rôqéah explique que lorsqu'un enfant récite le « Borkhou » ou le « Qaddish », il sauve ses parents de la punition dans l'au-delà. Cette idée fausse (et même risible) du Rôqéah fut répétée dans les ouvrages qui suivirent son époque, et reflète la genèse du « Qaddish des Endeuillés ».

Le seul vrai Qaddish qui mérite d'être récité est celui qu'un rabbin ou enseignant doit réciter à la fin de son sermon qui suit la lecture de la Tôroh, à la fin d'un de ses cours, ou à la fin de l'office de prière après avoir donné une leçon. Il est vrai que dans les écrits des Ga`ônim nous trouvons la mention d'un Qaddish récité à l'enterrement de quelqu'un, mais ce n'est pas là du tout la base d'un Qaddish des Endeuillés. En effet, ce Qaddish récité à l'enterrement n'était récité, là encore, après une étude de la Tôroh. Après l'enterrement, les convives sortaient du cimetière et procédaient à une étude de la Tôroh (car étudier dans un cimetière est interdit, contrairement à la pratique que nous voyons chez les Harédhim). Puisque la Tôroh avait été étudiée, un Qaddish était récité. Ce Qaddish n'avait donc rien à voir du tout avec le défunt, ni les endeuillés !

  • Dans la Gamoro`

Le Qaddish est explicitement mentionné dans plusieurs passages du Talmoudh. Le tout premier est celui-ci

Barokhôth 3a
Il a été enseigné : Rébbi Yôsé a dit : un jour, je marchais sur la route, et je suis entré dans une ruine parmi les ruines de Yarousholayim afin de prier. Vint `Éliyohou de mémoire bénie, qui se posta à la porte (et m'attendit) jusqu'à ce que je finisse ma prière. Après que j'eus fini ma prière, il me dit : « Paix sur toi, Rébbi ! » et je lui dis : « Paix sur toi, Rébbi et Môri ! ». Il me dit: « Mon fils, pour quelle raison as-tu pénétré dans cette ruine? »; je lui dis: « Pour prier ! » [...] Il me dit : « Mon fils, quelle voix as-tu entendu dans cette ruine ? » et je lui dis : « J'ai entendu une Bath Qôl1 roucoulant comme une colombe, disant: ''Malheur aux fils par les péchés desquels J'ai détruit Ma maison, brûlé Mon autel et les ai exilés au sein des nations''. » Il me dit : « Sur ta vie et la vie de ta tête, ce n'est pas en cette seule heure que [la Bath Qôl] dit cela, mais chaque jour, trois fois par jour ; non seulement cela, mais à l'heure où les Israélites entrent dans les Synagogues et les maisons d'étude, et répondent ''Yahé` Shaméh Haggodhôl Mavorakh'', le Saint, béni soit-Il, hoche la tête et dit : ''Heureux le Roi qu'on acclame ainsi dans Sa maison.'' Qu'y a-t-il pour lui, le père qui a exilé ses enfants ? Et malheur à eux, aux enfants qui ont été exilés de la table de leur père ! »
תניא א"ר יוסי פעם אחת הייתי מהלך בדרך ונכנסתי לחורבה אחת מחורבות ירושלים להתפלל בא אליהו זכור לטוב ושמר לי על הפתח <והמתין לי> עד שסיימתי תפלתי לאחר שסיימתי תפלתי אמר לי שלום עליך רבי ואמרתי לו שלום עליך רבי ומורי ואמר לי בני מפני מה נכנסת לחורבה זו אמרתי לו להתפלל... ואמר לי בני מה קול שמעת בחורבה זו ואמרתי לו שמעתי בת קול שמנהמת כיונה ואומרת אוי לבנים שבעונותיהם החרבתי את ביתי ושרפתי את היכלי והגליתים לבין האומות ואמר לי חייך וחיי ראשך לא שעה זו בלבד אומרת כך אלא בכל יום ויום שלש פעמים אומרת כך ולא זו בלבד אלא בשעה שישראל נכנסין לבתי כנסיות ולבתי מדרשות ועונין יהא שמיה הגדול מבורך הקב"ה מנענע ראשו ואומר אשרי המלך שמקלסין אותו בביתו כך מה לו לאב שהגלה את בניו ואוי להם לבנים שגלו מעל שולחן אביהם

Le Qaddish est également mentionné dans le passage suivant :

Sôtoh 49a
Ravo` a dit : La malédiction de chaque jour est pire que celle du [jour] précédent [...] Par quel mérite le monde peut-il alors survivre ? Par la Qadhoushoh de la Sidhro` et le Yahé` Shaméh Rabbo` de la `Aggodho`2 [c'est-à-dire du Qaddish DaRabbonon
אמר רבא בכל יום ויום מרובה קללתו משל חבירו... ואלא עלמא אמאי קא מקיים אקדושה דסידרא ואיהא שמיה רבא דאגדתא

Notez que dans le premier passage susmentionné, le Qaddish est rapporté en Loshôn Haqqôdhash, alors que dans le dernier passage il est rapporté en araméen. Comme nous l'avons dit plus haut, il pouvait se réciter dans l'une ou l'autre langue.3

Nous voyons donc que le Qaddish était récité dans les Synagogues ou les maisons d'étude, et qu'il était associé à la lecture, l'étude ou l'enseignement de la Tôroh. Nous apprenons donc que le seul Qaddish qui existait à cette époque-là, avant que plusieurs versions ne voient le jour, était le Qaddish appelé קדיש דרבנן « Qaddish DaRabbonon – Qaddish des Rabbins ». Ce nom a deux origines :

  • il fut appelé ainsi, parce qu'il était associé à l'étude et aux sermons des érudits ;
  • il fut appelé ainsi, parce qu'il était uniquement récité par les rabbins et les Talmidhé Hakhomim.

Voici un autre passage dans lequel le Qaddish est explicitement mentionné :

Shabboth 119b
Rébbi Yahôshoua´ ban Léwi a dit : « Quiconque répond ''`Omén Yahé` Shaméh Rabbo` Mavorakh'' de toutes ses forces le jugement qui a été décrété contre lui est déchiré »
אריב"ל כל העונה אמן יהא שמיה רבא מברך בכל כחו קורעין לו גזר דינו

À la lecture de tous les passages susmentionnés, une question se pose : lorsque le rabbin récite le Qaddish et que ceux qui sont présents répondent, jusqu'où doivent-ils répondre au Qaddish ? De Sôtoh 49a, il semble qu'il faudrait répondre jusqu'à רבא « Rabbo` », alors que des deux autres passages il semble qu'il faudrait répondre jusqu'à מברך « Mavorakh ». Est-ce l'un ou l'autre ? Cette question a été traitée dans le passage talmudique suivant :

Soukkoh 39a
Ravo` a dit : « Un homme ne doit pas répondre ''Yahé` Shaméh Rabbo`'' et ensuite ''Mavorakh'', mais plutôt ''Yahé` Shaméh Rabbo` Mavorakh'' ensemble ». Rov Safro` lui a dit : « Môshah, t'exprimes-tu de façon correcte ? Le fait est que ce soit ici ou là, c'est la conclusion de la phrase et la pause n'a pas d'importance ».
אמר רבא לא לימא איניש יהא שמיה רבא והדר מברך אלא יהא שמיה רבא מברך בהדדי א"ל רב ספרא משה שפיר קאמרת אלא התם והכא אסוקי מילתא הוא ולית לן בה

Il ressort donc clairement que la conclusion de la réponse, lorsque le Qaddish est récitée, se situe au mot « Mavorakh ». On répondra donc au Qaddish en disant יהא שמיה רבא מברך « Yahé` Shaméh Rabbo` Mavorakh – Que Son grand nom soit béni », et que l'on ait dit cette réponse en une seule phrase ou en faisant une brève pause entre les mots « Rabbo` » et « Mavorakh » n'a pas d'importance, car dans un cas comme dans l'autre, le mot « Mavorakh » marque de toute façon la fin de la réponse.

  • Dans le Mishnéh Tôroh

Dans son Mishnéh Tôroh, voici ce que dit le Rambam :


Séfar `Ahavoh, Sédhar Hattafilloh, Nôsah Haqqaddish 28
Au moment où le Shaliah Sibbour dit « Yithgaddal Wayithqaddash Shaméh Rabboh », tous les gens répondent « `Omén ! ». Au moment où il dit le premier « Wa`imrou `Omén », tous les gens répondent « `Omén ! Yahé` Shaméh Rabboh Mavorakh La´olmo` Oula´olmé ´Olmayyo` ». Et il est un commandement des Sages d'antan de répondre « `Omén ! Yahé` Shaméh Rabboh Mavorakh » de toutes les forces dont l'homme est doté.
בעת שיאמר שליח ציבור יתגדל ויתקדש שמיה רבה, כל העם עונין אמן. ובעת שהוא אומר תחילה ואימרו אמן, כל העם עונין אמן יהא שמיה רבה מברך לעלמא ולעלמי עלמיא; ומצות חכמים הראשונים לענות אמן יהא שמיה רבה מברך, בכל כוחו של אדם

Bien que le Rambam dise que l'on ajoute לעלמא ולעלמי עלמיא « La´olmo` Oula´olmé ´Olmayyo` » après « Mavorakh », et que telle est la pratique répandue dans la majorité des communautés d'aujourd'hui, ces trois mots ne se trouvaient pas dans les versions d'origine, mais ne firent leur apparition que du temps des Ga`ônim. Comme nous pouvons le voir d'anciens manuscrits babyloniens préservés par les Témonim (Juifs yéménites), la réponse donnée par l'assemblée lorsque le Qaddish était récité s'arrête à « Mavorakh », comme cela est prescrit dans le Talmoudh lui-même :


Jusqu'à présent, les Témonim qui ont gardé et utilisent le Nousah Baladhi n'incluent pas les mots לעלמא ולעלמי עלמיא « La´olmo` Oula´olmé ´Olmayyo` ».

Bien que cela ne soit pas une différence fondamentale, et que l'ajout de ces trois mots dans la réponse au Qaddish ne change rien au sens de la réponse, pour une question d'authenticité il est toujours préférable d'agir conformément aux prescriptions du Talmoudh. Pour toute question qui fut tranchée dans le Talmoudh, lorsqu'il y a une différence entre HaZaL et le Rambam, nous devons suivre HaZaL.

Cet article peut être téléchargé ici.

1Une Voix Céleste
2C'est-à-dire, le Qaddish DaRabbonon, qui était récité après une leçon morale appelée « `Aggodho` »

3Concernant l'affirmation selon laquelle le Qaddish fut composé en araméen car ce serait une langue que les anges ne comprennent pas, voir ici