בס״ד
La
Halokhoh d'après le Talmoudh et le Mishnéh Tôroh
Jusqu'où
doit-on répondre au Qaddish ?
- Un peu d'histoire
Après
la lecture de la dernière portion de Tôroh, la Tôroh était
ramenée dans le `Arôn Qôdhash (ou dans une caisse, s'il n'y avait
pas de ´Arôn Qôdhash), tout le monde s'asseyait alors et le
dernier appelé à la Tôroh, qui devait être un érudit (la plupart
du temps l'un des rabbins de la communauté) faisait un sermon (pas
trop long), à la fin duquel il récitait le קדיש
« Qaddish ».
Il convient d'en dire quelques mots.
Bien
que de nos jours il existe plusieurs sortes de Qaddish (« Qaddish
des Endeuillés », « Qaddish des Rabbins »,
« Qaddish Entier », « Demi-Qaddish »,
« Qaddish Tithqabbél », « Qaddish d’enterrement
d'un défunt » et « Qaddish d'un Siyoum »),
et que leurs versions diffèrent d'un Nousah à l'autre, dans
les temps talmudiques il n'existait qu'une seule sorte de Qaddish. Il
pouvait se faire soit en hébreu, soit en araméen.
Dans
le traité post-talmudique de Sôfrim
21:5-6, on apprend que le Qaddish était à l'origine une
prière récitée lors des offices, uniquement à la
fin de la lecture de la Tôroh. De même, les rabbins le récitaient
après avoir terminé leurs sermons du Shabboth après-midi. C'est
donc la preuve que le Qaddish DaRabbonon est le Qaddish d'origine.
Dans Sôfrim 10:6 et 18:10,
il est fait mention du fait que ce Qaddish était également la toute
dernière prière des offices, car la prière se concluait par une
leçon donnée par un Rabbin (d'où le fait que de nos jours, dans de
nombreuses communautés, une série de Mishnoyôth ont été
imprimées dans les Siddourim, à la fin des offices, et que les gens
récitent à la place d'un sermon. Et après la lecture de ces
Mishnoyôth, le Qaddish est récité). Ce n'est que bien plus tard
que le Qaddish commença à apparaître sous diverses formes à la
fin des différentes parties composant les offices.
Dans
Sôfrim 19:9, il est
fait mention de l'histoire d'un Hozzon
de Yarousholayim ´Ir Haqqôdhash qui, après les offices du
Shabboth, se mettait à bénir les endeuillés de la communauté en
récitant une version légèrement abrégée du Qaddish pour les
consoler. Mais nulle part le Talmoudh ne mentionne le fait que le
Qaddish était récité par les endeuillés eux-mêmes. De là, nous
apprenons qu'il n'existait pas de « Qaddish des Endeuillés »
à proprement parler durant les temps talmudiques. De même, alors
que le Rambam זצ״ל
mentionne
le Qaddish plus de quarante fois dans son Mishnéh Tôroh il ne fait
jamais mention d'une quelconque récitation du Qaddish par les
endeuillés eux-mêmes. C'était donc le Hozzon
qui le récitait pour les endeuillés (d'ailleurs, dans certaines
communautés aujourd'hui encore, c'est un rabbin, et non l'endeuillé
lui-même, qui fait le Qaddish pour un endeuillé, car à l'origine
seuls les Rabbins récitaient le Qaddish, d'où l'expression
« Qaddish DaRabbonon – Qaddish des Rabbins »).
L'idée
d'un « Qaddish des Endeuillés » ne fut introduite dans
la littérature juive qu'à la fin du 12ème siècle. Se basant sur
un pseudo Midhrosh qui enseigne que « Quand
les pécheurs qui se trouvent dans le Géhinnom répondent au
Qaddish, ils reçoivent la permission d'entrer dans le Gan ´Édhan »,
le Rôqéah explique que lorsqu'un enfant récite le
« Borkhou » ou le « Qaddish », il sauve ses
parents de la punition dans l'au-delà. Cette idée fausse (et même
risible) du Rôqéah fut répétée dans les ouvrages qui
suivirent son époque, et reflète la genèse du « Qaddish des
Endeuillés ».
Le
seul vrai Qaddish qui mérite d'être récité est celui qu'un rabbin
ou enseignant doit réciter à la fin de son sermon qui suit la
lecture de la Tôroh, à la fin d'un de ses cours, ou à la fin de
l'office de prière après avoir donné une leçon. Il est vrai que
dans les écrits des Ga`ônim nous trouvons la mention d'un Qaddish
récité à l'enterrement de quelqu'un, mais ce n'est pas là du tout
la base d'un Qaddish des Endeuillés. En effet, ce Qaddish récité à
l'enterrement n'était récité, là encore, après une étude de la
Tôroh. Après l'enterrement, les convives sortaient du cimetière et
procédaient à une étude de la Tôroh (car étudier dans un
cimetière est interdit, contrairement à la pratique que nous voyons
chez les Harédhim). Puisque la Tôroh avait été étudiée,
un Qaddish était récité. Ce Qaddish n'avait donc rien à voir du
tout avec le défunt, ni les endeuillés !
- Dans la Gamoro`
Le
Qaddish est explicitement mentionné dans plusieurs passages du
Talmoudh. Le tout premier est celui-ci
Barokhôth
3a
|
Il
a été enseigné : Rébbi Yôsé a dit : un jour, je
marchais sur la route, et je suis entré dans une ruine parmi les
ruines de Yarousholayim afin
de prier. Vint `Éliyohou de
mémoire bénie, qui se posta à la porte (et m'attendit) jusqu'à
ce que je finisse ma prière. Après que j'eus fini ma prière, il
me dit : « Paix
sur toi, Rébbi ! » et je lui dis :
« Paix sur toi, Rébbi et Môri ! ». Il me
dit: « Mon fils, pour quelle raison as-tu pénétré dans
cette ruine? »; je lui dis: « Pour prier ! »
[...] Il me dit : « Mon fils, quelle voix as-tu
entendu dans cette ruine ? » et je lui dis :
« J'ai entendu une Bath Qôl1
roucoulant comme une colombe, disant: ''Malheur aux fils par les
péchés desquels J'ai détruit Ma maison, brûlé Mon autel et
les ai exilés au sein des nations''. » Il me dit :
« Sur ta vie et la vie de ta tête, ce n'est pas en cette
seule heure que [la Bath Qôl] dit cela, mais chaque jour, trois
fois par jour ; non seulement cela, mais à l'heure où les
Israélites entrent dans les Synagogues
et les maisons d'étude, et répondent ''Yahé`
Shaméh Haggodhôl Mavorakh'', le Saint, béni soit-Il, hoche la
tête et dit : ''Heureux le Roi qu'on acclame ainsi dans Sa
maison.'' Qu'y a-t-il pour lui, le père qui a exilé ses
enfants ? Et malheur à eux, aux enfants qui ont été exilés
de la table de leur père ! » |
תניא
א"ר
יוסי פעם אחת הייתי מהלך בדרך ונכנסתי
לחורבה אחת מחורבות ירושלים להתפלל בא
אליהו זכור לטוב ושמר לי על הפתח <והמתין
לי>
עד
שסיימתי תפלתי לאחר שסיימתי תפלתי אמר
לי שלום עליך רבי ואמרתי לו שלום עליך
רבי ומורי ואמר לי בני מפני מה נכנסת
לחורבה זו אמרתי לו להתפלל...
ואמר
לי בני מה קול שמעת בחורבה זו ואמרתי לו
שמעתי בת קול שמנהמת כיונה ואומרת אוי
לבנים שבעונותיהם החרבתי את ביתי ושרפתי
את היכלי והגליתים לבין האומות ואמר לי
חייך וחיי ראשך לא שעה זו בלבד אומרת כך
אלא בכל יום ויום שלש פעמים אומרת כך
ולא זו בלבד אלא בשעה שישראל נכנסין
לבתי כנסיות ולבתי מדרשות ועונין יהא
שמיה הגדול מבורך הקב"ה
מנענע ראשו ואומר אשרי המלך שמקלסין
אותו בביתו כך מה לו לאב שהגלה את בניו
ואוי להם לבנים שגלו מעל שולחן אביהם
|
Le
Qaddish est également mentionné dans le passage suivant :
Sôtoh
49a
|
Ravo`
a dit : La malédiction de chaque jour est pire que
celle du [jour] précédent [...] Par quel mérite le monde
peut-il alors survivre ? Par la Qadhoushoh
de la Sidhro` et le Yahé` Shaméh Rabbo` de la `Aggodho`2
[c'est-à-dire du Qaddish DaRabbonon
|
אמר
רבא בכל יום ויום מרובה קללתו משל
חבירו...
ואלא
עלמא אמאי קא מקיים אקדושה דסידרא ואיהא
שמיה רבא דאגדתא
|
Notez
que dans le premier passage susmentionné, le Qaddish est rapporté
en Loshôn Haqqôdhash, alors que dans le dernier passage il est
rapporté en araméen. Comme nous l'avons dit plus haut, il pouvait
se réciter dans l'une ou l'autre langue.3
Nous
voyons donc que le Qaddish était récité dans les Synagogues ou les
maisons d'étude, et qu'il était associé à la lecture, l'étude ou
l'enseignement de la Tôroh. Nous apprenons donc que le seul Qaddish
qui existait à cette époque-là, avant que plusieurs versions ne
voient le jour, était le Qaddish appelé קדיש
דרבנן « Qaddish
DaRabbonon – Qaddish des Rabbins ». Ce nom a deux
origines :
- il fut appelé ainsi, parce qu'il était associé à l'étude et aux sermons des érudits ;
- il fut appelé ainsi, parce qu'il était uniquement récité par les rabbins et les Talmidhé Hakhomim.
Voici
un autre passage dans lequel le Qaddish est explicitement mentionné :
Shabboth
119b
|
Rébbi
Yahôshoua´ ban Léwi a dit : « Quiconque répond
''`Omén Yahé` Shaméh Rabbo` Mavorakh'' de toutes ses forces le
jugement qui a été décrété contre lui est déchiré » |
אריב"ל
כל העונה אמן יהא שמיה רבא מברך בכל כחו
קורעין לו גזר דינו
|
À
la lecture de tous les passages susmentionnés, une question se
pose : lorsque le rabbin récite le Qaddish et que ceux qui sont
présents répondent, jusqu'où doivent-ils répondre au Qaddish ?
De Sôtoh 49a, il semble qu'il faudrait répondre jusqu'à רבא
« Rabbo` »,
alors que des deux autres passages il semble qu'il faudrait répondre
jusqu'à מברך
« Mavorakh ».
Est-ce l'un ou l'autre ? Cette question a été traitée dans le
passage talmudique suivant :
Soukkoh
39a
|
Ravo`
a dit : « Un homme ne doit pas répondre ''Yahé`
Shaméh Rabbo`'' et ensuite ''Mavorakh'', mais plutôt ''Yahé`
Shaméh Rabbo` Mavorakh'' ensemble ». Rov Safro` lui a
dit : « Môshah, t'exprimes-tu de façon correcte ?
Le fait est que ce soit ici ou là, c'est la conclusion de la
phrase et la pause n'a pas d'importance ».
|
אמר
רבא לא לימא איניש יהא שמיה רבא והדר
מברך אלא יהא שמיה רבא מברך בהדדי א"ל
רב ספרא משה שפיר קאמרת אלא התם והכא
אסוקי מילתא הוא ולית לן בה
|
Il
ressort donc clairement que la conclusion de la réponse, lorsque le
Qaddish est récitée, se situe au mot « Mavorakh ». On
répondra donc au Qaddish en disant יהא
שמיה רבא מברך
« Yahé`
Shaméh Rabbo` Mavorakh – Que Son grand nom soit béni », et
que l'on ait dit cette réponse en une seule phrase ou en faisant une
brève pause entre les mots « Rabbo` » et « Mavorakh »
n'a pas d'importance, car dans un cas comme dans l'autre, le mot
« Mavorakh » marque de toute façon la fin de la réponse.
- Dans le Mishnéh Tôroh
Dans
son Mishnéh Tôroh, voici ce que dit le Rambam :
Séfar
`Ahavoh, Sédhar Hattafilloh, Nôsah Haqqaddish 28
|
Au
moment où le Shaliah Sibbour dit « Yithgaddal
Wayithqaddash Shaméh Rabboh », tous les gens répondent
« `Omén ! ». Au moment où il dit le
premier « Wa`imrou `Omén », tous les gens
répondent « `Omén ! Yahé` Shaméh Rabboh Mavorakh
La´olmo` Oula´olmé ´Olmayyo` ». Et il est un
commandement des Sages d'antan de répondre « `Omén !
Yahé` Shaméh Rabboh Mavorakh » de toutes les forces
dont l'homme est doté.
|
בעת
שיאמר שליח ציבור יתגדל ויתקדש שמיה
רבה,
כל
העם עונין אמן.
ובעת
שהוא אומר תחילה ואימרו אמן,
כל
העם עונין אמן יהא שמיה רבה מברך לעלמא
ולעלמי עלמיא;
ומצות
חכמים הראשונים לענות אמן יהא שמיה רבה
מברך,
בכל
כוחו של אדם
|
Bien
que le Rambam dise que l'on ajoute לעלמא
ולעלמי עלמיא « La´olmo`
Oula´olmé ´Olmayyo` » après « Mavorakh »,
et que telle est la pratique répandue dans la majorité des
communautés d'aujourd'hui, ces trois mots ne se trouvaient pas dans
les versions d'origine, mais ne firent leur apparition que du temps
des Ga`ônim. Comme nous pouvons le voir d'anciens manuscrits
babyloniens préservés par les Témonim (Juifs yéménites), la
réponse donnée par l'assemblée lorsque le Qaddish était récité
s'arrête à « Mavorakh », comme cela est prescrit dans
le Talmoudh lui-même :
Jusqu'à
présent, les Témonim qui ont gardé et utilisent le Nousah
Baladhi n'incluent pas les mots לעלמא
ולעלמי עלמיא « La´olmo`
Oula´olmé ´Olmayyo` ».
Bien
que cela ne soit pas une différence fondamentale, et que l'ajout de
ces trois mots dans la réponse au Qaddish ne change rien au sens de
la réponse, pour une question d'authenticité il est toujours
préférable d'agir conformément aux prescriptions du Talmoudh. Pour
toute question qui fut tranchée dans le Talmoudh, lorsqu'il y a une
différence entre HaZaL et le Rambam, nous devons suivre
HaZaL.
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1Une
Voix Céleste
2C'est-à-dire,
le Qaddish DaRabbonon, qui était récité après une leçon morale
appelée « `Aggodho` »