lundi 12 octobre 2015

Les femmes sont-elles tenues de prier ?

ב״ה

Les femmes sont-elles tenues de prier ?

L'approche du Ramba''m


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Voici ce qu'écrit le Ramba''m ז״ל dans son Mishnéh Tôroh :

Hilkôth Tafilloh Ouvirkhath Kôhanim 1:1-2
1. Il est une Miswath ´aséh1 de prier chaque jour, car il est dit2 : « et vous servirez HaShem, votre Dieu ». De tradition orale, ils ont enseigné que ce service [dont on parle] est la prière. Et il est dit3 : « et pour Le servir de tout votre cœur ». Les Sages ont dit4 : « Et qu'est-ce que le service qui [se fait] avec le cœur ? C'est la prière ! ». Min Hattôroh il n'y a pas de nombre de prières [à faire], Min Hattôroh il n'y a pas de formulation spécifique à la prière, et Min Hattôroh la Tôroh il n'y a pas de temps fixé à la prière. Par conséquent, les femmes et les esclaves sont astreints à la prière, parce que c'est une Miswath ´aséh qui n'est pas associée à un temps [d'accomplissement] spécifique.
א  מצות עשה להתפלל בכל יום, שנאמר "ועבדתם, את ה' אלוהיכם": מפי השמועה למדו שעבודה זו--היא תפילה, ונאמר "ולעובדו, בכל לבבכם"; אמרו חכמים, איזו היא עבודה שבלב, זו היא תפילה. ואין מניין התפילות מן התורה, ולא משנה התפילה הזאת מן התורה. ואין לתפילה זמן קבוע מן התורה; ולפיכך נשים ועבדים חייבין בתפילה, לפי שהיא מצות עשה שלא הזמן גרמה
2. Mais l'obligation de cette Miswoh [s'accomplit] de la manière suivante : l'être humain doit prier et supplier chaque jour et faire l'éloge du Saint, béni soit-Il, puis demander pour les choses dont il a besoin par des requêtes et des supplications, ensuite offrir des louanges et des remerciements à HaShem pour le bien dont Il l'a gratifié, chacun selon sa capacité.
ב  אלא חיוב מצוה זו, כך הוא--שיהא אדם מתפלל ומתחנן בכל יום, ומגיד שבחו של הקדוש ברוך הוא, ואחר כך שואל צרכיו שהוא צריך להן בבקשה ובתחינה, ואחר כך נותן שבח והודיה לה' על הטובה שהשפיע לו: כל אחד כפי כוחו

Le Ramba''m commence par nous dire que la prière est une obligation biblique (Miswoh Min Hattôroh). Chaque Israélite a le devoir de prier HaShem ית׳ au moins une fois chaque jour. Il base son opinion sur le Sifri et le Talmoudh, qui expliquent un verset difficile que l'on retrouve dans la Tôroh. Il est dit dans la Tôroh : ולעובדו, בכל לבבכם « et pour Le servir de tout votre cœur ». Le problème avec ce verset est que le mot עבודה « ´avôdoh - service » renvoie généralement à un acte physique, alors que le cœur représente le métaphysique. Nos Sages répondent que ce verset se réfère à la prière, qui est un service qui nécessite un acte physique (c'est-à-dire prononcer des paroles avec sa bouche), mais qui s'accomplit principalement avec sa pensée et ses émotions (c'est-à-dire la Kawwonoh). Ainsi, la Tôroh nous impose de prier, mais ne nous a jamais dit quelle parole prononcer en guise de prière, à quelle fréquence il fallait prier et à quel moment.

Le Ramba''m explique donc que le concept de prière est Min Hattôroh (d'origine biblique), mais que la formulation, la fréquence et le moment des prières sont tous Middarabbonon (d'origine rabbinique). C'est pourquoi, poursuit-il, les femmes ont une obligation biblique de prier. La raison à cela est qu'elles sont exemptes de toutes les Miswôth positives dont l'accomplissement est lié à un temps spécifique (Miswôth ´aséh Shahazzamon Garomoh). Puisque nous avons vu que le concept de prière n'est pas limité à un temps d'accomplissement spécifique requis par la Tôroh, elles sont tenues de prier. Et comment s'accomplit ce devoir biblique de prier ?

Le Ramba''m explique que pour s'acquitter de son devoir biblique de prier, on doit faire une prière qui commence par des louanges générales à HaShem, qui se poursuit par ses requêtes personnelles, et qui se conclut par des paroles de remerciements pour toutes les bonnes choses de la vie qu'Il nous a déjà accordées. C'est en fait exactement de cette manière-là que l'on est censé s'adresser à un roi. Lorsque les gens soumettaient leurs requêtes à un roi, ils commençaient par faire les éloges du monarque, et seulement après avoir encensé le roi ils soumettaient leurs requêtes et concluaient par des paroles de louanges supplémentaires et de remerciements à l'égard du roi pour toutes les bonnes choses qu'il avait déjà accordées et continuera à accorder aux sujets de son royaume. C'est ainsi que n'importe qui peut accomplir son devoir biblique de prier. Et chacun s'exprimera en fonction de ses capacités, c'est-à-dire selon l'aisance de sa locution, avec ses propres mots, et à n'importe quel moment de la journée, au moins une fois par jour.

Dans les Halokhôth suivantes, le Ramba''m poursuit en expliquant qu'en plus de cela, les `anshé Kanasath Haggadhôloh (les Hommes de la Grande Assemblée) exigèrent de tous les hommes de prier deux autres fois, mais à des moments bien spécifiques, à savoir, le matin et en fin d'après-midi. Ils formulèrent également un texte de base à dire lors de ces deux occasions en guise de prière (texte qui porta le nom de שמונה עשרה « Shamônah ´asréh », qui signifie « dix-huit », car il est composé de dix-huit bénédictions. Voir ici), de façon à ce que chacun puisse s'exprimer en Langue Sainte lorsqu'il prie et se concentrer sur les requêtes réellement essentielles et basiques, ce qui n'est pas toujours évident lorsqu'on prie dans ses propres mots. Et c'est ainsi que l'on accomplit son devoir rabbinique de prier chaque jour. Puisque les Shamônah ´asréh doivent se faire selon une certaine formulation, un nombre spécifique de fois et à des moments bien précis de la journée, il s'agit là d'une Miswath ´aséh Shahazzamon Garomoh, un commandement positif déterminé par un temps d'accomplissement spécifique. Or, les femmes étant exemptes des Miswôth ´aséh Shahazzamon Garomoh, elles ne sont pas tenues de faire les Shamônah ´asréh.

Ainsi, d'un côté les femmes sont tenues de prier au moins une fois par jour (au moment qu'elles désirent) dans leurs propres mots et selon leurs besoins et leur aisance d'élocution (ce qui représente l'aspect biblique de la prière), mais de l'autre côté, elles sont exemptes de la récitation des Shamônah ´asréh le matin et l'après-midi (ce qui représente l'aspect rabbinique de la prière).

Que les femmes ont un rapport différent à la prière que les hommes se vérifie aisément. Lorsqu'on entre dans une Synagogue n'importe où dans le monde, on verra à chaque fois la même scène. Pratiquement tous ceux qui sont rassemblés pour y prier sur une base quotidienne sont des hommes. Et même lorsqu'il n'y a pas d'office de prière, on remarquera que le nombre de places assises est généralement deux fois plus important du côté des hommes que du côté des femmes. Comme pour tout ce qui touche à la Halokhoh, ce n'est pas une anomalie architecturale, mais reflète vraiment l'influence de la Tôroh sur chaque aspect de nos vies. La Halokhoh n'a jamais exigé des femmes de se rendre à la Synagogue, et de toute façon la plupart des femmes n'ont tout simplement pas le temps ou la motivation de s'y rendre sur une base quotidienne. En fait, la présence des femmes dans une Synagogue a toujours été une vision très rare depuis que les Synagogues existent. C'est même l'une des raisons pour lesquelles la majorité des vieilles Synagogue à avoir été retrouvées ne possédaient même pas une séparation pour les femmes, car elles ne s'y rendaient pratiquement pas (et lorsqu'elles s'y rendaient pour des occasions particulières, une séparation de fortune pouvait être montée ou mise en place). Quant au fait de prier à la maison, nous venons d'expliquer que les femmes sont exemptes des Shamônah ´asréh, bien qu'elles soient astreintes au devoir de prier (mais quand elles le veulent, au moins une fois dans la journée, selon leurs propres mots et l'aisance de leur élocution).

Cette approche du Ramba''m concorde également avec l'opinion que le Ri''f ז״ל exprime dans son commentaire sur le Talmoudh.5 Il relève que la Mishnoh tranche que les femmes sont astreintes à la prière, et explique que c'est parce que la prière n'est pas une Miswath ´aséh Shahazzamon Garomoh, sous-entendant par-là qu'il soutient une approche identique à celle du Ramba''m, c'est-à-dire que la prière est composé de deux aspects ; l'aspect biblique, dont les femmes sont astreintes car il n'est pas lié à un temps d'accomplissement spécifique, et l'aspect rabbinique, dont les femmes sont exemptes car il est lié à un temps d'accomplissement spécifique.

L'un des plus grands opposants de cette approche fut le Ramba''n ז״ל. Pour lui, il n'y a pas d'aspect biblique et rabbinique à la prière, mais uniquement un aspect rabbinique. En outre, il tranche que bien que la prière rabbinique soit lié à un temps d'accomplissement spécifique, les femmes y sont astreintes car la prière est une demande de miséricorde Divine, et les femmes en ont également besoin. Par conséquent, elles sont elles aussi astreintes à faire les Shamônah ´asréh deux fois par jour, le matin et en fin d'après-midi, comme les hommes.6 L'approche du Ramba''n est également sous-entendue par Rash''i ז״ל.7

Le Shoulhon ´oroukh8 s’aligne clairement sr l'approche du Ramba''m (et du Ri''f) selon quoi les femmes sont astreintes à l'obligation de prier, car ce n'est pas un devoir lié à un temps d'accomplissement spécifique. Le Moghén `avrohom9 ז״ל explique que d'après le Mahabbér (surnom de Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל, auteur du Shoulhon ´oroukh), une femme a seulement besoin de faire une courte prière dans ses propres mots chaque jour. Il suppose que c'est sans doute la raison pour laquelle de nombreuses femmes qui sont généralement très minutieuses dans leur ´avôdath HaShem semblent ne jamais faire les Shamônah ´asréh. Après s'être lavé les mains et avoir récité leurs bénédictions du matin, de nombreuses femmes ajoutent une courte prière qui commence par des louanges à HaShem, se poursuit par une ou deux requêtes, et se conclut par des louanges et remerciements à HaShem, suivant le modèle énoncé par le Ramba''m, et s'acquittent ainsi de leur devoir de prier. Mais le Moghén `avrohom n'est pas d'accord avec le Mahabbér et écrit que l'opinion majoritaire suit l'approche du Ramba''n. De ce fait, il suppose que les femmes ne peuvent s'acquitter de leur devoir de prier qu'en faisant les Shamônah ´asréh.

Bien que l'opinion majoritaire soit que les femmes sont tenues de faire les Shamônah ´asréh deux fois par jour, le matin et l'après-midi, nous avons vu que ce n'est pas la seule façon de considérer le problème. En outre, l'approche du Ramba''m peut plus facilement être connectée au Talmoudh que celle du Ramba''n, et elle est, en outre, beaucoup plus en phase avec la logique, la raison et l'histoire.

1Commandement positif
2Shamôth 23:25
3Davorim 11:13
4Ta´anith 2a ; Sifri, Davorim 11:13
5Barokhôth 20a-b
6Hassaghôth Laséfar Hammiswôth 5
7Sur Barokhôth 20b
8`ôrah Hayim 106:1

9106:1