ב״ה
Une
femme doit-elle ou pas porter des bas ?
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Question :
D'un
point de vue strictement halakhique, une femme doit-elle ou pas
porter des bas pour couvrir ses jambes ? En regardant autour de
soi, on peut remarquer différentes pratiques à ce niveau. Comment
expliquer cela ?
Réponse :
Effectivement,
lorsqu'on regarde autour de soi, on ne trouve aucune règle
uniforme : dans certaines communautés, les femmes couvrent
leurs jambes avec es bas opaques ; dans d'autres, elles ne les
couvrent pas du tout ; dans d'autres encore, elles les
« couvrent », mais avec des bas couleur de chair (on se
demande à quoi cela sert-il).
Pour
comprendre ces différences de pratiques, il faut retourner à la
source, et la source de toute Halokhoh doit toujours être le
TaNa''Kh et le Talmoudh. Nous lisons ceci dans la Gamoro`1 :
אמר
רב חסדא שוק באשה ערוה שנאמר גלי שוק
עברי נהרות וכתיב תגל ערותך וגם תראה
חרפתך
|
La
Gamoro` démontre magistralement bien que le Shôq d'une femme est
considéré d'un point de vue biblique comme une « nudité »,
c'est-à-dire une partie attractive du corps de la femme qui est
censée être couverte. Mais le « problème », pour ainsi
dire, est qu'il y a eu une divergence quant au sens à donner au
terme שׁוֹק
« Shôq ».
D'un côté, des Pôsqim tels que le Pari Maghadhim ז״ל,
le Hofés Hayim ז״ל,
HoRov Môshah Feinstein ז״ל,
ou encore le Hozôn `ish ז״ל,
sont d'avis que le terme « Shôq » désigne la partie
supérieure de la jambe, et tranchent donc qu'une jupe ou une robe
doit couvrir la jambe de la femme au moins jusqu'au genou, mais que
couvrir la jambe en-dessous du genou n'est qu'une question de
Minhogh. De ce fait, d'après les Pôsqim qui souscrivent à cette
définition-là de « Shôq », porter des bas pour couvrir
l'intégralité de la jambe dépendra du Minhogh local.
D'autres
Pôsqim, tels que les Tôsofôth et le Ba''h ז״ל,
pensent plutôt que le terme « Shôq » désigne la partie
inférieure de la jambe d'une femme, du genou jusqu'en bas. Par
conséquent, ces Pôsqim qui souscrivent à cette deuxième école
tranchent que toute la jambe, même en-dessous du genou, doit être
couverte. C'est la raison pour laquelle il existe différentes
pratiques, d'une communauté à l'autre.
Pour
le dire sans détour, la deuxième position est ridicule !
Comment
est-il possible d'avoir une divergence d'opinion sur la définition
d'une partie bien connue de l'anatomie d'une personne ? De
nombreux passages talmudiques démontrent que HaZa''l savaient
pertinemment bien ce que voulait dire le mot « Shôq ».
Il n'y a pas une seule divergence d'opinion dans tout le Talmoudh
lorsque le mot « Shôq » est employé (et il est très
régulièrement employé dans le Talmoudh). Il rapporte d'ailleurs
l'enseignement de Rov Hisdo` ז״ל,
qui rappelle que le « Shôq » d'une femme est une nudité,
sans amples explications, impliquant par-là que n'importe qui lisant
le Talmoudh devrait automatiquement comprendre ce que le mot
signifie. C'était un mot hébreu utilisé dans la vie de tous les
jours.
Voici
ce que nous lisons dans la Tôroh4 :
Et
la cuisse droite vous la
donnerez en oblation au Kôhén, de vos sacrifices pacifiques.
|
וְאֵת
שׁוֹק
הַיָּמִין,
תִּתְּנוּ
תְרוּמָה לַכֹּהֵן,
מִזִּבְחֵי,
שַׁלְמֵיכֶם
|
Ici,
en parlant d'un animal, la Tôroh emploie clairement le terme
« Shôq » pour désigner une cuisse. Rash''i ז״ל
le
confirme également en citant pour preuve le passage talmudique de
Houllin 134b. Et nos Sages ont toujours employé
ce terme dans son sens biblique, à savoir, une cuisse, en parlant
des animaux ! C'est ainsi que dans ´avôdhoh Zoroh 25a,
le Talmoudh emploie là encore le terme « Shôq » en
parlant d'un animal et fait clairement comprendre que l'on parle de
la cuisse. Si ce terme signifie « cuisse », d'où vient
alors la confusion ?
Elle
fut causée par les Tôsofôth5,
qui écrivent que l'anatomie de l'homme est différente de celle de
l'animal, et donc que le « Shôq » d'un animal ne peut
pas correspondre au « Shôq » d'un être humain. Ils
soutiennent donc que chez les êtres humains, le terme « Shôq »
désigne la partie inférieure de la jambe. Un soutien à cette
position peut être trouvé dans la Mishnoh de `ôhalôth 1:8
qui, parlant d'un être humain, emploie le terme « Shôq »
pour désigner un mollet, qui se trouve évidemment dans la partie
inférieure d'une jambe. Ainsi, les Pôsqim de la deuxième école
soutiennent que chez un être humain, le terme « Shôq »
désigne la partie inférieure de la jambe. Mais ce n'est, en fait,
une preuve de rien du tout !
Premièrement,
le fait que dans ce passage-là de la Mishnoh le terme soit employé
pour désigner le mollet plutôt que la cuisse ne veut rien dire, si
ce n'est qu'il pouvait y avoir des cas où le terme, suivant le
contexte, pouvait désigner autre chose que la cuisse, mais pas tout
le temps. Prenez par exemple le mot רֶגֶל
« Raghal ».
Littéralement, il signifie « pied », et c'est ainsi
qu'il est employé dans la majorité des cas. Mais parfois, il peut
avoir la signification de « jambe ». Deuxièmement, en
général, lorsqu'en Hébreu nous avons un terme général, il peut
désigner l'ensemble de la partie ou, d'autres fois, une partie
spécifique de l'ensemble, suivant le contexte. Et très souvent, un
autre terme employé dans la phrase nous permet de le savoir. Dans le
passage de la Mishnoh utilisé pour preuve que le mot « Shôq »
désigne un mollet chez un être humain, on comprend que le terme
« Shôq » désigne le mollet que parce que la Mishnoh
choisit d'employer le terme יָרֵך
« Yorékh »
pour désigner la cuisse. En effet, « Yorékh » et
« Shôq » sont des termes synonymes pour désigner une
cuisse. Mais puisque la Mishnoh avait décidé d'employer « Yorékh »
plutôt que « Shôq » pour décrire la cuisse d'un homme,
afin de ne pas se répéter et causer une confusion, elle a alors
utilisé « Shôq » pour désigner le mollet. De la même
manière, si dans une même phrase on parle d'une jambe et d'un pied,
plutôt que dire deux fois « Raghal », qui peut signifier
à la fois « jambe » et « pied », on pourra
employer « Raghal » pour dire « pied » et
כֶּרַע
« Kara´ »
pou dire « jambe », bien que « Kara´ »
veuille aussi dire « genou ». Mais dans le contexte,
puisque « Raghal » fut employé pour dire « pied »,
on comprend alors qu'on doit donner à « Kara´ » le sens
de « jambe ». Pareil dans le cas qui nous intéresse ;
c'est seulement parce qu'un autre mot a été employé pour désigner
la cuisse que la Mishnoh a alors choisi, pour ne pas se répéter et
créer la confusion, d'utiliser « Shôq » pour désigner
un mollet plutôt qu'une cuisse. Et enfin, il suffit simplement de
jeter un coup d’œil sur le verset cité par Rov Hisdo` pour
clore le débat. Citons-le contextuellement6 :
Descends,
assieds-toi dans la poussière, vierge, fille de Bovél ;
assieds-toi à terre, plus de trône, fille des Chaldéens, car on
ne continuera plus de t'appeler « délicate »,
« douillette ». Prends les meules, écrase le grain ;
dépose ton voile, expose ta jambe, découvre
ta cuisse, traverse les rivières. Ta nudité sera
découverte, même ta honte sera vue ; Je prendrai vengeance,
Je ne ménagerai personne.
|
רְדִי
וּשְׁבִי עַל-עָפָר,
בְּתוּלַת
בַּת-בָּבֶל--שְׁבִי-לָאָרֶץ
אֵין-כִּסֵּא,
בַּת-כַּשְׂדִּים:
כִּי
לֹא תוֹסִיפִי יִקְרְאוּ-לָךְ,
רַכָּה
וַעֲנֻגָּה.
קְחִי
רֵחַיִם,
וְטַחֲנִי
קָמַח;
גַּלִּי
צַמָּתֵךְ חֶשְׂפִּי-שֹׁבֶל
גַּלִּי-שׁוֹק,
עִבְרִי
נְהָרוֹת.
תִּגָּל,
עֶרְוָתֵךְ--גַּם
תֵּרָאֶה,
חֶרְפָּתֵךְ;
נָקָם
אֶקָּח,
וְלֹא
אֶפְגַּע אָדָם
|
Tous
les verbes employés dans le verset 2 sont à l'impératif :
קְחִי
« Qahi
– prends », גַּלִּי
« Galli
– découvre », et חֶשְׂפִּי
« Haspi
– expose », alors qu'au verset 3 ce sont des futurs passifs
qui sont employés, à savoir, תִּגָּל
« Tiggol
– elle sera découverte » et תֵּרָאֶה
« elle
sera vue ». Le message est clair : si elle découvre son
Shôq, sa nudité (un terme qui fait évidemment référence à ses
parties intimes) sera révélée, même involontairement. Le Shôq et
ses parties intimes sont adjacents l'un de l'autre, et découvrir
l'un aura pour effet de découvrir l'autre.
Il
est donc évident qu'ont raison tous les Pôsqim qui disent que
« Shôq » se réfère à la partie supérieure de la
jambe d'une femme. C'est toujours ainsi qu'a été compris le terme
« Shôq » dans la Tôroh, mais également dans le
Talmoudh, et rien que le fait d'avoir cité ce verset démontre que
Rov Hisdo` pensait à la cuisse et non au mollet, et comme ce
terme avait toujours été compris pour désigner une cuisse, aussi
bien chez les animaux que chez les hommes, la Gamoro` n'avait pas
besoin de clarifier qu'il employait ce terme dans le même sens qu'il
est utilisé dans la Tôroh. Le Prophète Yasha´yohou ע״ה
décrit
une femme qui expose son Shôq afin de traverser des rivières. Si le
Shôq était situé en-dessous du genou et qu'elle était vêtue
jusqu'aux chevilles pour le couvrir, soulever sa jupe/robe jusqu'au
genou pour traverser la rivière n'aurait été d'aucune utilité et
n'aurait pas facilité sa traversée, et en plus, cela n'aurait
jamais amené à ce que ses parties intimes et ses fesses soient
révélées. Il est donc clair et évident que la seule mention du
Shôq d'une femme dans le TaNa''Kh se réfère à la partie
supérieure de sa jambe, à savoir, la cuisse. Car ce n'est qu'en
exposant ses cuisses qu'elle révèle également ses parties intimes.
De ce fait, même si on disait que dans le Talmoudh « Shôq »
désigne un mollet, il est clair que dans le TaNa''Kh, aussi bien
pour les animaux que pour les êtres humains, « Shôq »
désigne une cuisse. Et il est improbable que Rov Hisdo` ait
pu penser à un mollet tout en citant un passage se référant
clairement à une cuisse ! Notez également qu'avant les
Tôsofôth, il n'y a jamais eu de débat sur le fait que « Shôq »
voulait dire autre chose qu'une cuisse. Si on déduit d'un verset
biblique que le Shôq est une nudité, il va sans dire que c'était
la définition biblique de Shôq qu'utilisait Rov Hisdo`.
C'est la raison pour laquelle les Pôsqim de la première école
souscrivent au fait que « Shôq » désigne la partie
supérieure de la jambe.
De
ce fait, d'un point de vue strictement halakhique, une femme doit
couvrir au moins la partie supérieure de sa jambe, de la taille au
genou. Ce qui est en-dessous du genou peut être montré et n'a pas
le statut de « nudité ». C'est pourquoi, de nombreuses
femmes religieuses ont la pratique d'exposer la partie inférieure de
leurs jambes et ne portent pas de bas. Néanmoins, le Talmoudh nous
fait comprendre à plusieurs reprises que les mesures de rigueur au
niveau de la Sani´outh (pudeur) font partie de la « Dath
Yahoudhith », c'est-à-dire qu'elles dépendent de la
communauté locale. De ce fait, si la communauté locale a la
pratique d'exiger de couvrir toute la jambe, il faudra alors prendre
soin de se couvrir également en-dessous des genoux. Mais il convient
de préciser que par « communauté locale », on ne parle
pas de la communauté à laquelle on appartient, mais de la règle
qui est en vigueur dans la localité où l'on se trouve. De ce fait,
si on se trouve dans une ville où toutes les communautés juives
locales sont uniformes sur cette question, on doit alors suivre cette
pratique et couvrir toute la jambe. Par contre, si on se trouve dans
une ville qui compte plusieurs communautés ayant chacune leurs
propres pratiques et positions, ce n'est pas considéré qu'il y ait
une coutume locale, et de ce fait, celles qui voudront se couvrir
toute la jambe pourront le faire, tandis que celles qui ne voudront
se couvrir que jusqu'aux genoux pourront le faire aussi. Ainsi,
certaines femmes religieuses ne portent pas de bas à Flatbush, car
il n'y a pas de règle uniforme sur le fait d'en porter. Par contre,
lorsqu'elles doivent faire des courses à Boro Park, elles mettent
des bas, car c'est obligatoire dans ce quartier-là.
Il
convient de signaler que l'écrasante majorité des Pôsqim
souscrivent à l'opinion selon laquelle les femmes ne sont tenues de
se couvrir que jusqu'aux genoux. Ce qui est sous le genou n'est pas
halakhiquement considéré comme une nudité. En outre, même si on
souscrit à l'opinion selon laquelle c'est toute la jambe d'une femme
qui est une nudité, cela ne veut pas dire que les femmes doivent
porter des bas pour couvrir leurs jambes. Elles peuvent, en effet,
très bien couvrir toute la jambe avec une longue jupe/robe. Les
textes ne font jamais mention de bas, mais parlent de la longueur de
la jupe/robe. De plus, on peut s'interroger sur la nécessité de
porter des bas pour couvrir ses jambes. En hiver, cela est tout à
fait compréhensible pour avoir chaud, mais les bas sont fabriqués à
la base, non pas pour se tenir au chaud, mais pour améliorer
l'apparence et l’attractivité de la femme, comme n'importe quelle
créatrice/créateur de mode vous le dira. Les parties de la jambe
d'une femme qui doivent être couvertes doivent l'être par une jupe
ou une robe. Des bas ou des chaussettes ne sont pas des substituts,
tout comme personne n'en viendrait à dire qu'une femme pourrait
sortir en public simplement en collant de corps !
Étant
donné que la longueur de la jupe/robe est un sujet qui dépend
largement de la pratique locale, la majorité des Ri`shônim n'ont
émis aucune décision sur la question, puisque le minimum est de se
couvrir jusqu'au genou, et cela a toujours été clair, tandis que se
couvrir l'intégralité de la jambe dépend de la pratique locale ou
de la propre rigueur qu'une femme désire adopter. Vous ne trouverez
aucune directive claire dans le Mishnéh Tôroh ou le Shoulhon
´oroukh sur ces questions. De ce fait, il n'y a aucune Halokhoh pour
imposer de couvrir toute la jambe. Mais celles qui le font par pudeur
ou parce qu'elles se sentent mieux ainsi agissent bien, et chacun a
le droit de s'imposer ses propres mesures de rigueur quand il s'agit
de la Sani´outh (dès lors que cela reste, évidemment,
raisonnable.)
1Barokhôth
24a
2Yasha´yohou
47:2
3Ibid.,
47:3
4Wayyiqro`
7:32
5Commentaire
sur Manohôth 37
6Yasha´yohou
47:1-3