ב״ה
Les
Lois de Niddoh
Contacts :
Qu'est-ce qui est halakhique et ce qui ne l'est pas ?
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Beaucoup
de couples ont de grandes difficultés avec les « lois »
de Niddoh telles qu'elles sont pratiquées aujourd'hui. Il y a
tellement de choses interdites et auxquelles faire attention que la
période de Niddoh devient rapidement un supplice. C'est un sujet
dont plusieurs couples m'ont déjà parlé, et dans tous les cas les
mêmes critiques étaient avancées. Et d'expérience, je sais que de
nombreux rabbins sont débordés dans leurs propres communautés par
des questions touchant à ce domaine très sensibles. Certains
répondent honnêtement et disent uniquement ce que la Halokhoh
déclare effectivement sur le sujet, d'autres se contentent de
perpétuer le non sens des « lois » de Niddoh telles
qu'elles sont pratiquées aujourd'hui dans les milieux dits très
« froum » et justifient cela par de la Qabboloh et des
« mesures de protection ». Cela pourrait être choquant
pour beaucoup, mais l'écrasante majorité des règles qui sont
enseignées et pratiquées aujourd'hui au sujet de la période de
Niddoh étaient inconnues de nos ancêtres, et non aucune base ou
valeur halakhique. Je sais que certains pourraient me prendre pour un
« libéral », quelqu'un de « permissif », et
j'en passe des qualificatifs. Mais c'est le cadet de mes soucis. En
tant que Talmidh HaRamba''m et talmudiste, je n'adhère qu'à la
Tôroh d'HaShem et la Halokhoh de HaZa''l. Le reste ne
m'intéresse pas !
Ce
qui heurte les gens est que les origines de bon nombre de ces
« règles » sont obscures et n'ont aucun lien avec le
fait d'empêcher le couple d'avoir des rapports sexuels. Comme pour
tout sujet, nous devons séparer ce qui est biblique et halakhique de
ce qui est de l'ordre de la Houmroh, voire carrément de la
pure fantaisie.
Ce
que la plupart des gens ne savent pas c'est que plusieurs des
restrictions respectées aujourd'hui furent instituées par les
Ga`ônim par complexe vis-à-vis des Musulmans, qui étaient
particulièrement stricts avec tout ce qui touchait à « la
pureté et l'impureté ». Ce processus reflétait le fort désir
des Ga`ônim de ne pas être inférieurs dans leurs pratiques par
rapport à leurs voisins. Cependant, le Ramba''m ז״ל
écrivit
clairement que les restrictions imposées à la femme Niddoh de ne
pas faire à manger, de ne pas toucher de vêtements, etc., étaient
dénuées de tout sens et signification et pourraient même se
rapprocher de l'hérésie du karaïsme ! Ces restrictions ne
furent à l'origine uniquement en vigueur à Babylone, là où
vivaient les Ga`ônim. Mais elles furent rejetées en terres
séfarades et ashkénazes.
Mais
progressivement, elles commencèrent à gagner l'Europe. Et c'est
d'ailleurs là que de nouvelles règles et restrictions se
développèrent et furent imposées à la femme Niddoh et aux membres
de sa famille. Beaucoup de couples ressentent dans leur for intérieur
qu'il est impossible que ces règles émanent du Judaïsme, mais s'y
plient car c'est ainsi qu'on leur a appris à se comporter. En fait,
ils ont raison ; ces lois ne sont pas juives. Ces mesures
respectées aujourd'hui sont toutes contenues dans un petit ouvrage
intitulé ברייתא
דנידה « Baraytho`
DaNiddoh », qui est si étrange que plusieurs rabbins
soupçonnaient qu'il provenait d'une secte juive hérétique. Où et
quand il fut rédigé, jusqu'à aujourd'hui personne ne le sait, bien
qu'on suppose généralement qu'il vit le jour à la fin de l'ère
gaonique. Quelques-unes des mesures les plus radicales qu'il contient
sont les suivantes :
- la femme Niddoh a l'interdiction d'entrer dans une Synagogue, ainsi que son mari s'il a été rendu impur par elle de quelque façon que ce soit (par con crachat, la poussière sous ses pieds, etc.) ;
- la femme Niddoh a l'interdiction d'allumer les bougies de Shabboth ;
- il est interdit de s'enquérir de la santé d'une femme Niddoh ;
- il est interdit de réciter une bénédiction en la présence d'une femme Niddoh ;
- un Kôhén dont l'épouse, la mère ou la fille est Niddoh ne peut pas réciter la Birkath Kôhanim à la Synagogue ;
- on ne peut tirer aucun profit du travail d'une femme Niddoh, dont rien que les paroles rendent impurs.
Dès
son arrivée en Europe, l'influence de cet ouvrage sur les Pôsqim
fut particulièrement marquée, et bien qu'on admet généralement
que les déclarations qui s'y trouvent n'ont pas de valeur
halakhique, les Juifs européens adoptèrent les Houmrôth
qu'il prône. Cela fut plus particulièrement notoire concernant
l'interdiction pour une Niddoh d'entrer dans une Synagogue, qui donna
lieu à une littérature conséquente parmi les premiers Pôsqim
d'Allemagne.
Ce
phénomène se comprend très aisément lorsqu'on prend en compte les
diverses superstitions qui circulaient parmi les Juifs, superstitions
qu'ils avaient adoptées pour la plupart de l'environnement non juif
au milieu duquel ils vivaient. Ces superstitions soutenaient que le
souffle de la bouche d'une Niddoh nuisait, que son regard déshonorait
et créait une mauvaise réputation à celui qu'elle regardait, qu'il
avait été avéré que le sang menstruel était mortel pour
quiconque en buvait, et que si son sang se mélangeait au système
sanguin du bébé qu'elle portait dans son ventre, cela produisait
des pustules et des furoncles chez le bébé nouveau-né. Si une
femme Niddoh regardait dans un miroir longtemps, des gouttes rouges
ressemblant à du sang apparaissaient dessus. Elle pollue l'air dans
ses environs, est considérée comme malade et m^me frappée de
plaie, en dépit du fait que la menstruation est tout simplement une
chose normale chez une femme, comme le rappelle justement à
plusieurs reprises le Ramba''n1
ז״ל.
Et la liste est longue. Et ce sont là quelques-unes des
superstitions qui imprègnent plusieurs des restrictions respectées
aujourd'hui dans le domaine des « lois » de Niddoh.
Plusieurs de ces règles furent abandonnées progressivement, mais
beaucoup ont subsisté. Nous allons désormais voir ce qu'est
réellement la Halokhoh sur cette question sensible d'une manière
qui se voudra la plus claire possible.
Le
Ramba''m commence son exposé des restrictions de la période de
Niddoh dans son Mishnéh Tôroh par la Halokhoh suivante2 :
La
Niddoh est comme toutes les autres ´aroyôth ; celui qui
s'insère en elle, que ce soit de la façon naturelle ou de la
façon non naturelle, est passible de Koréth.
|
הַנִּדָּה,
הֲרֵי
הִיא כִּשְׁאָר כָּל הָעֲרָיוֹת.
הַמַּעֲרֶה
בָּהּ,
בֵּין
כְּדַרְכָּהּ בֵּין שֶׁלֹּא
כְּדַרְכָּהּ--חַיָּב
כָּרֵת
|
עֲרָיוֹת
« ´aroyôth »
est un terme biblique (et talmudique) pour désigner toutes les
femmes avec lesquelles il nous est interdit d'avoir des relations
sexuelles. (Le singulier de ´aroyôth est עֶרְוָה
« ´arwoh ».).
La femme Niddoh devient donc interdite à un homme au niveau des
rapports sexuels comme n'importe quelle femme avec laquelle les
rapports sexuels sont interdits (par exemple, la femme d'un autre
homme, sa cousine, sa sœur, sa mère, etc.). C'est la seule
interdiction biblique relatives à la Niddoh : le fait d'avoir
une relation sexuelle avec elle. Et la Tôroh explique que quiconque
a un rapport sexuel avec une femme Niddoh est passible de Koréth,
c'est-à-dire d'excommunication et de retranchement.3
C'est-à-dire que l'Israélite qui aurait commis cette faute, s'il ne
s'en repent pas, est retranché dans ce Monde-ci et dans le
Monde-à-Venir.
Dans
le langage halakhique, une relation sexuelle est définie soit par
une pénétration du pénis dans le vagin (ce que l'on appelle « de
la façon naturelle »), soit par une pénétration du pénis
dans l'anus (ce que l'on appelle « de la façon non
naturelle »). Il n'y a que ces deux actes qui sont classés
comme « relation sexuelle » et qui sont interdits par la
Tôroh.
Mais
à partir de quand le couple doit-il s'abstenir de relations
sexuelles ? Le Ramba''m répond à cette question en disant :
Et
il est interdit pour un homme d'avoir un rapport sexuel avec sa
femme proche de son cycle menstruel, par crainte que du sang
apparaisse pendant la relation, car il est dit4 :
« et vous ferez préserver les enfants d'Israël de leurs
impuretés ». Et [à partir de] combien [de temps
doit-il s'abstenir d'avoir un rapport sexuel avec sa femme] ?
Si elle expérimente généralement [ses premiers écoulements de
sang] en journée, il est interdit de coucher [avec elle] depuis
le commencement de la journée. Et si elle expérimente
généralement [ses premiers écoulements de sang] durant la nuit,
il est interdit de coucher [avec elle] depuis le commencement de
la nuit.
|
וְאָסוּר
לוֹ לָאָדָם שֶׁיָּבוֹא עַל אִשְׁתּוֹ
סָמוּךְ לְוֶסְתָּהּ,
שֶׁמֶּא
תִּרְאֶה דָּם בְּשָׁעַת תַּשְׁמִישׁ,
שֶׁנֶּאֱמָר
"וְהִזַּרְתֶּם
אֶת-בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל,
מִטֻּמְאָתָם".
וְכַמָּה--אִם
הָיָה דַּרְכָּהּ לִרְאוֹת בַּיּוֹם,
אָסוּר
לְשַׁמַּשׁ מִתְּחִלַּת הַיּוֹם;
וְאִם
הָיָה דַּרְכָּהּ לִרְאוֹת בַּלָּיְלָה,
אָסוּר
לְשַׁמַּשׁ מִתְּחִלַּת הַלַּיְלָה
|
En
d'autres mots, afin de s'assurer qu'une femme ne commence pas son
cycle menstruel en plein milieu d'un rapport sexuel, nos Sages ont
exhorté de s'abstenir de tout rapport sexuel aux environs du moment
où la femme s'attend à commencer son cycle menstruel. Ainsi, si le
cycle d'une femme commence généralement en journée, étant donné
qu'à n'importe quel moment dans la journée elle pourrait devenir
Niddoh, les relations sexuelles deviennent interdites depuis l'aube
de ce jour-là. Par contre, si son cycle commence généralement
durant la nuit et pas en journée, les rapports sexuels seront permis
en journée, mais deviendront interdites à partir de la tombée de
la nuit, car à tout moment de la nuit elle pourrait devenir Niddoh.
Mais attention, car comme le rappelle à juste titre Rabbi Yôséf
Qa`rô ז״ל
dans
son commentaire sur le Mishnéh Tôroh, ainsi que dans son propre
Shoulhon ´oroukh5,
cette mesure de prévention (s'abstenir de relations sexuelles aux
environs du début du cycle menstruel et pas lorsque la femme
commence vraiment à saigner) rapportée ici par le Ramba''m, et qui
émane de HaZa''l, ne s'applique qu'aux relations sexuelles,
mais toutes les autres expressions de proximité sont permises. C'est
ainsi que le Sifthé Kôhén6
précise à son tour que prendre sa femme dans ses bras, l'enlacer et
l'embrasser restent permis, dès lors que les premiers saignements
n'ont pas encore commencé. Cela est la Halokhoh ! Ceux qui
imposent de ne plus s'enlacer ou s'embrasser avant même que la femme
ne saigne réellement reconnaissent que ce n'est qu'une Houmroh,
mais pas la Halokhoh.7
Et
que se passe-t-il si une femme s'attendait à commencer son cycle
menstruel, mais qu'il n'a pas commencé ? Le Ramba''m rapporte
ceci :
Si
[le temps pour commencer] son cycle est passé et qu'elle n'a pas
expérimenté [d'écoulement de sang], il est permis de coucher
avec elle après que soit passé le temps [où elle s'attendait à
ce que commence] son cycle. Comment ça ? Si elle
expérimentait généralement [ses premiers écoulements de sang]
dans les six [premières] heures de la journée, il est interdit
de coucher [avec elle] à partir du commencement de la journée.
Mais si six heures sont passées dans la journée et qu'elle n'a
pas expérimenté [d'écoulement de sang], il est interdit de
coucher [avec elle] jusqu'à la tombée de la nuit. De même, si
elle expérimentait généralement [ses premiers écoulements de
sang] dans les six [premières] heures de la nuit mais qu'elles
sont passées et elle n'a pas expérimenté [de saignements], il
est interdit de coucher [avec elle] jusqu'à ce que le soleil se
soit levé.
|
עָבַר
וֶסְתָּהּ וְלֹא רָאֲתָה,
מֻתֶּרֶת
לְשַׁמַּשׁ אַחַר שֶׁתַּעֲבֹר עוֹנַת
הַוֶּסֶת.
כֵּיצַד:
הָיָה
דַּרְכָּהּ לִרְאוֹת בְּשֵׁשׁ שָׁעוֹת
בַּיּוֹם,
אֲסוּרָה
לְשַׁמַּשׁ מִתְּחִלַּת הַיּוֹם;
עָבְרוּ
שֵׁשׁ שָׁעוֹת בַּיּוֹם וְלֹא רָאֲתָה,
אֲסוּרָה
לְשַׁמַּשׁ עַד לָעֶרֶב.
וְכֵן
אִם הָיָה דַּרְכָּהּ לִרְאוֹת בְּשֵׁשׁ
שָׁעוֹת בַּלַּיְלָה,
וְעָבְרוּ
וְלֹא רָאֲתָה--אֲסוּרָה
לְשַׁמַּשׁ עַד שֶׁתִּזְרַח הַשֶּׁמֶשׁ
|
Ainsi,
si une femme s'attend généralement à commencer son cycle menstruel
en journée et à une heure plus ou moins précise, c'est depuis le
commencement de la journée qu'elle est interdite à son mari en ce
qui concerne les relations sexuelles. Et quand bien même l'heure où
elle commence généralement son cycle serait passée et que son
cycle n'a pas commencé, elle reste interdite pour toute la période
de la journée, jusqu'à la tombée de la nuit. Par contre, une fois
que la nuit sera tombée, son mari pourra avoir des relations
sexuelles avec elle, car la période durant laquelle elle s'attendait
à commencer son cycle est intégralement passée. De même, si elle
commence généralement son cycle durant la nuit, c'est durant
l'intégralité de la nuit qu'elle sera interdite. Et si la nuit est
passée, que le soleil s'est levé, et qu'elle n'a toujours pas
commencé son cycle, elle est permise à son mari toute la journée,
jusqu'à ce que son cycle commence réellement. C'est également ce
qui est rapporté par le Tour ז״ל
et
le Ramo''` ז״ל.8
C'est
tout au niveau de la Tôroh, et le Ramba''m ne rapporte aucune autre
interdiction biblique lorsqu'une femme est dans un état de Niddoh.
À
présent, tournons-nous vers ce que HaZa''l ont réellement
interdit durant la période de Niddoh.
Dans
la Gamoro` de Kathoubbôth 61a nous lisons ceci :
Rov
Yishoq bar Hananyo` a dit au nom de Rov Houno` :
« Toutes les tâches que la femme accomplit pour son mari
la Niddoh peut les accomplir pour son mari, à l'exception de
verser la coupe, faire le lit et laver son visage, ses mains et
ses pieds ». Concernant le fait de faire le lit, Ravo` a
dit qu'on ne l'applique qu'en sa présence, mais si ce n'est pas
en sa présence ce n'est d'aucune importance. Concernant le fait
de verser la coupe, l'épouse de Shamou`él faisait un changement
[en le servant] avec la main gauche, [l'épouse de] `abbayé la
plaçait au bord du tonneau à vin, [l'épouse de] Ravo` [la
plaçait] à la tête de sa couche, et [l'épouse de] Rov Pappo`
[la plaçait] sur son tabouret.
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אמר
רב יצחק בר חנניא אמר רב הונא כל מלאכות
שהאשה עושה לבעלה נדה עושה לבעלה חוץ
ממזיגת הכוס והצעת המטה והרחצת פניו
ידיו ורגליו והצעת המטה אמר רבא לא אמרן
אלא בפניו אבל שלא בפניו לית לן בה:
ומזיגת
הכוס שמואל מחלפא ליה דביתהו בידא דשמאלא
אביי מנחא ליה אפומא דכובא רבא אבי סדיא
רב פפא אשרשיפא
|
Ici,
nous voyons qu'une femme Niddoh a le droit de continuer à accomplir
durant sa période menstruelle toutes les tâches qu'elle fait
généralement pour son mari, à l'exception de trois tâches :
- servir du vin à son mari,
- laver ses pieds, ses mains et son visage, et
- faire le lit.
Nous
pouvons clairement voir que rien de tout cela n'a à voir avec son
« impureté », car autrement on ne lui aurait permis
d'accomplir aucune tâche pour son mari durant cette période-là.
Même lui faire à manger comme d'habitude est permis, lui repasser
ses vêtements, etc. Bref, tout ce qu'elle a l'habitude de faire pour
lui, elle peut continuer à les faire durant sa Niddoh, excepté les
trois tâches susmentionnées. Néanmoins, la Gamoro` est claire sur
le fait qu'il ne s'agit pas là d'interdictions absolues. Ainsi,
servir du vin à son mari est permis, dès lors que cela se fait
légèrement différemment de la façon ordinaire qu'elle a de lui
servir du vin, et on comprend que là encore ce n'est pas lié en
tant que tel à son état ; elle ne va pas souiller son mari en
lui servant du vin ; si c'était le cas, on ne lui aurait pas
permis de lui en servir d'une manière différente. Le fait de le
faire avec un changement est tout simplement un moyen visuel de se
rappeler qu'elle n'est pas permise à son mari, tout comme lorsque
deux personnes proches mangent ensemble, l'une de la viande et
l'autre du lait, on exige, par exemple, qu'elles mangent sur des
plateaux différents, car cette « séparation » leur
rappellera qu'elles ne doivent pas se servir dans l'assiette de
l'autre (dans les temps passés, les gens mangeaient souvent dans les
mêmes bols, etc. Un grand récipient était placé au milieu et tout
le monde mangeait dedans. Le fait, par exemple, de manger dans des
bols différents ou à des petites tables différentes, était donc
un moyen de rappeler à celui qui mangeait de la viande de ne pas
manger l'aliment lacté dans le bol ou la petite table de l'autre
personne). Le fait de tout faire suivant la même routine ordinaire
pourrait amener à être négligeant. Par conséquent, on demande une
petite déviation de la routine pour que le couple n'oublie pas que
l'épouse est actuellement Niddoh. Et voyez que la Gamoro` n'impose
aucun changement précis. En d'autres mots, cela dépendra de chaque
couple, car effectivement, chaque couple doit déterminer
lui-même qu'est-ce qui sera un changement suffisamment significatif
pour rappeler que la femme est Niddoh. Mais HaZa''l
n'ont rien déterminé de particulier et on laissé le soin à chaque
couple de le faire. Ainsi, une servait du vin à son mari avec la
main gauche plutôt que la main droite, une autre déposait la coupe
de vin sur le bord du tonneau de vin et son mari la prenait, une
autre déposait la coupe à la tête de la couche de son mari alors
que d'ordinaire elle la déposait devant la couche (une couche est
une espèce de bas divan sur lequel les gens se couchaient pour
manger, car on mangeait effectivement couché en ces temps-là), une
autre encore déposait la coupe de vin sur le tabouret de son mari.
Notez également que la Gamoro` ne parle que de lui servir une coupe
de vin. Lui servir à manger ou toute autre chose est permis de la
manière ordinaire. En outre, nous voyons que cela n'a rien à voir
avec le fait d'interdire un contact physique entre l'homme et sa
femme, car si tel était le cas on n'aurait pas permis à une femme
d'apporter une coupe de vin à son mari avec la main gauche plutôt
que la droite. De même, concernant l'interdiction de faire le lit,
la Gamoro` nous précise que cela ne s'applique qu'en présence du
mari, mais si son mari n'est pas dans la chambre à coucher à ce
moment-là, elle pourra faire le lit sans aucun problème. Précisons
que la Gamoro` parle de faire le lit lorsque elle ou son mari
s'apprête à aller dormir. En d'autres mots, elle peut tout à fait
faire le lit après que le mari se soit réveillé, et ce, même en
sa présence. La raison pour laquelle il est demandé à la femme de
ne pas préparer le lit en sa présence lorsqu'il ou elle s'apprête
à aller dormir, c'est parce qu'en la voyant faire, alors qu'il
s'apprête à se coucher, il pourrait avoir envie d'elle, et c'est
aussi un geste qui peut être compris comme une invitation.
Pourquoi
précisément ces trois activités et pas d'autres ? Pour la
simple raison que d'après la Halokhoh un homme ne peut se faire
servir du vin, faire préparer le lit ou se faire laver que par sa
propre épouse. N'importe quelle autre tâche peut être réalisée
pour lui par une femme avec laquelle il n'est pas marié, mais ces
trois tâches-là sont de l'exclusivité de l'épouse envers son
mari. Puisque ce sont trois tâches qui ne peuvent être réalisées
par une épouse, et sont donc des activités qui marquent le lien
particulier que partage le couple, il était plus approprié d'exiger
un changement dans ces trois activités-là plus que les autres.
Voilà pourquoi ce décret rabbinique ne s'applique et ne concerne
que ces trois tâches-là, et pas d'autres. Toutes les autres tâches,
une femme Niddoh peut les faire de la façon habituelle.
Le
Ramba''m cite ces trois tâches qu'une femme Niddoh ne doit pas faire
pour son mari dans les Hilkôth
`ishouth 21:8
et Hilkôth
`issouré Bi`oh 11:19.
Et il ajoute que puisque la raison de ces décrets est de limiter
quelque peu l'intimité du couple, il mentionne deux autres mesures
de prévention : une femme Niddoh ne doit pas manger avec son
mari dans le même plat (voir ce que nous avions expliqué plus haut.
De ce fait, s'ils mangent dans des assiettes différentes, ce n'est
pas un problème) et l'homme ne doit pas toucher la chair de son
épouse מִפְּנֵי
הֶרְגֵּל עֲבֵרָה
« parce
que cela mène à la faute ».
Certains ont interprété cette phrase comme voulant dire qu'aucun
contact physique n'était permis entre un homme et sa femme durant la
période de Niddoh, Mais le Ramba''m ne parle que d'un toucher à
connotation sexuelle ou, si vous préférez, un toucher érotique ou
érotisant. C'est pour cela qu'il ajoute les mots « parce que
cela mène à la faute ». En outre, ce n'est pas qu'il ne doit
pas la toucher, mais qu'il ne doit pas toucher sa chair, indiquant
bien qu'il parle d'un contact charnel (par exemple, ce qui pourrait
être considéré comme des préliminaires), et pas d'autre chose. Ce
genre de contact est interdit, tout bonnement parce que cela risque
de susciter le désir et les amener à transgresser l'interdiction
d'avoir des rapports sexuels. Et pour bien nous faire comprendre
qu'il ne faut pas croire que c'est une période où tout est
interdit, il conclut par la Halokhoh suivante : וּמֻתָּר
לָאִשָּׁה לְהִתְקַשַּׁט בִּימֵי
נִדָּתָהּ,
כְּדֵי
שֶׁלֹּא תִתְגַּנֶּה עַל בַּעְלָהּ
« et
il est permis qu'elle se fasse belle durant la période de sa Niddoh,
afin de ne pas se rendre peu attrayante pour son mari ».9
De même, il rapporte qu'il n'y a aucune interdiction pour un homme
d'admirer la beauté de sa femme.
Ailleurs,
la Gamoro`10
traite d'un débat qui n'est pas tranché : un couple peut-il
dormir dans le même lit ensemble durant la période de Niddoh si les
deux sont habillés ? Les couples (et les gens en général)
dormaient nus (c'est d'ailleurs pour cela que dans les bénédictions
du matin nous remercions notamment HaShem pour le fait qu'Il habille
ceux qui étaient nus, une bénédiction à ne réciter au moment où
l'on s'habille que si l'on a dormi nu la nuit ou presque entièrement
dévêtu). La question tourne autour du fait de savoir si, puisque le
couple dort normalement nu, le fait de dormir habillé peut être
considéré comme un changement significatif pouvant permettre de
rappeler que la femme est Niddoh. La question n'est pas tranchée et
la Gamoro` offre des arguments dans les deux sens. D'un côté, on
peut dire que le fait qu'ils dorment dans le même lit, même
habillé, doit être interdit car cela pourrait les amener à avoir
du désir et commettre une faute. Mais de l'autre côté, on peut
aussi dire que le fait qu'ils soient habillés et évitent tout
contact charnel est suffisant pour permettre qu'ils dorment dans le
même lit. En ne tranchant pas la question, la Gamoro` veut là
encore nous dire que c'est à chaque couple de se connaître et
prendre les mesures adéquates pour éviter d'en arriver à des
rapports sexuels. Si le fait de dormir habillé dans le même lit
peut être source de tentation, ils doivent dormir dans des lits
séparés. Si, par contre, le fait qu'ils soient habillés et évitent
dans le lit tout contact charnel (et nous voyons bien que par
« contact charnel », on parle d'un contact pouvant mener
à des préliminaires, comme par exemple des caresses, et pas à un
simple contact) leur suffit pour ne pas être tentés, ils peuvent
alors dormir habillé dans le même lit. Mais une chose est claire et
évidente à la lecture de cette Gamoro` : dormir nu dans le
même lit est interdit lorsqu'une femme est Niddoh. Le Ramba''m ne
dit rien explicitement sur le fait de dormir dans le même lit que sa
femme Niddoh lorsque les deux sont habillés. Notons au passage que
contrairement à aujourd'hui, la majorité des Israélites ne
possédaient pas deux lits. En fait, très souvent, toute la famille
dormait dans le même lit (le Ramba''m mentionne aussi le cas d'un
couple dormant dans le même lit que leurs enfants).
Ce
sont là les seules restrictions mentionnées dans le Talmoudh :
- ne pas faire le lit du mari en sa présence lorsqu'il s'apprête à se coucher (mais quand il n'est pas dans la chambre à coucher, c'est permis)
- ne pas servir du vin à son mari (mais avec un changement, c'est permis),
- ne pas laver le visage, les mains et les pieds de son mari, et
- il y a une question non tranchée quant à savoir si dormir habillé dans le même lit est permis.
Il
convient de noter également que le Talmoudh traite des lois et
interdictions de Niddoh d'une manière très rationnelle et pas du
tout superstitieuse. C'est très important à signaler, car les
« interdictions » d'aujourd'hui sont principalement
basées sur des raisonnements superstitieux.
Il
aura fallu attendre la publication du Shoulhon
´oroukh pour que de nombreuses pratiques non mentionnées dans le
Talmoudh soient élevées au rang de « Halokhoh ». En
effet, Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל
ajoute
de nombreuses interdictions, dont plusieurs sont basées sur la
Baraytho` DaNiddoh. La liste de ces « interdictions » est
à lire dans le Shoulhon
´oroukh, Yôréh Dé´oh Chapitre 195.
En voici quelques-unes :
- le mari ne doit pas toucher sa femme, même son auriculaire ;
- il ne doit rien lui donner directement de main en main, et il ne peut pas prendre directement quelque chose de sa main, par crainte qu'il ne touche sa chair (le Ramo''` ajoute dans son commentaire : « même jeter quelque chose de sa main vers la main de sa femme, ou vice-versa, est interdit ») ;
- il ne doit pas manger à la même table qu'elle, à moins qu'il y ait une espèce de distinction, comme un objet qui sépare l'assiette du mari de celle de la femme, du pain ou une cruche, ou s'ils mangent sur des nappes différentes (le Ramo''` écrit que la coutume consiste à simplement exiger qu'ils mangent dans des assiettes différentes si leur habitude est de normalement manger dans la même assiette, et qu'il n'y a donc pas besoin de mettre sur la table quelque chose qui leur rappellera qu'elle est Niddoh) ;
- il ne doit pas boire les restes de la coupe dans laquelle elle a bu. Il est rapporté que d'autres sont d'avis que si la femme ne veut tout simplement plus boire, le mari a alors le droit de boire ce qu'elle a laissé dans sa coupe, car il n'y a alors pas de « désir » dans ce cas ;
- il ne doit pas s'asseoir sur le lit de sa femme, même en son absence ;
- il ne doit pas s'asseoir sur un long banc qui bouge et n'est pas attaché au mur lorsque sa femme Niddoh est assise dessus. Et il st rapporté que certains le permettent lorsque quelqu'un d'autre est assis entre eux deux ;
- il ne doit pas se déplacer avec sa femme Niddoh dans la même voiture ou sur le même bateau s'ils se déplacent pour prendre du bon temps, comme par exemple pour aller se promener dans un jardin ou un parc. Mais s'ils se déplacent d'une ville à une autre pour les nécessités du mari, ils ont la permission d'être dans la même voiture ou le même bateau, même s'il n'y a personne d'autre qu'eux deux, tant qu'ils prennent soin de s'asseoir de façon à ne pas se toucher ;
- il ne doit pas dormir avec elle dans le même lit, même s'ils sont tous les deux habillés et ne se touchent pas. Et même s'ils ont chacun un matelas distinct ou qu'ils dorment dans deux lits mais qui se touchent, c'est interdit ;
- il lui est interdit d'envoyer à sa femme Niddoh une coupe de vin, et même si c'est une coupe de bénédiction (Qiddoush ou Havdoloh), ou n'importe quelle autre coupe, si c'est une coupe spécifiquement réservée à sa femme. Mais si les deux boivent généralement de la même coupe, et qu'elle boit après lui, il n'y a pas de problème (si elle boit avant lui, il ne peut alors plus boire de cette coupe) ;
- s'il est malade et qu'il n'y a personne d'autre que sa femme Niddoh pour s'occuper de lui, elle peut s'en occuper tout en prenant soin de ne pas laver son visage, ses mains et ses pieds, et ne pas faire son lit en sa présence ;
- par contre, si c'est sa femme Niddoh qui est malade, il a l'interdiction de s'en occuper en faisant des choses comme la soulever, la coucher, ou la couvrir. Le Ramo''` commente en rapportant que certains disent que s'il n'y a personne d'autre que le mari pour s'occuper de sa femme malade, tout cela est permis. Il conclut en disant que telle est la coutume dans une situation de grande nécessité ;
- si le mari est médecin, il lui est interdit de prendre le pouls de sa femme. Le Ramo''` commente en disant que la coutume est de le permettre s'il doit s'occuper de sa femme. Il lui est par conséquent permis de prendre son pouls s'il n'y a pas d'autre médecin, que c'est nécessaire, ou qu'elle est en danger. Il rapporte également un débat quant à savoir si une femme peut ou pas entrer dans une Synagogue quand elle est Niddoh : d'un côté, il cite ceux qui disent qu'une femme Niddoh ne doit pas entrer dans une Synagogue, prier, mentionner le nom d'HaShem ou toucher un Séfar Tôroh tout le temps qu'elle est Niddoh, et de l'autre côté, il cite ceux qui le permettent. (Ceci dit au passage, c'est un faux débat, car tout cela est explicitement autorisé dans le Talmoudh, et également rapporté comme Halokhoh par le Ramba''m dans son Mishnéh Tôroh qu'une femme peut prier, réciter une bénédiction, aller à la Synagogue ou toucher un Séfar Tôroh lorsqu'elle est Niddoh.)
Comme
cela a été dit plus haut, la majorité de ces restrictions sont
nées, d'un côté, par une envie d'être aussi strict que les
Musulmans (la femme Musulmane qui est dans sa période menstruelle ne
peut pas faire les prières quotidiennes, ni toucher le Qouran, ni
aller à la mosquée, etc.), et, de l'autre côté, sont basées sur
les superstitions très populaires qui circulaient au Moyen-âge.
Nous y reviendrons, Dieu voulant, dans un autre article, car c'est un
sujet très intéressant et important à creuser, et nous citerons
également des extraits du fameux Baraytho` DaNiddoh, qui est la
source principale de ces restrictions.
Pour
l'heure, ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que les
restrictions concernant les contacts physiques et l'interaction dans
le couple sont beaucoup moins strictes et insensées que les gens le
pensent, si on se tient uniquement à ce que demandent la Tôroh et
HaZa''l. Mais évidemment, lorsqu'on dévie et qu'on intègre en plus
de la superstition, il est évident que la période de Niddoh peut
vite tourner au n'importe quoi et donner lieu à des restrictions
infondées telles que cela existe de nos jours. N'oubliez pas non
plus que ces restrictions post-talmudiques furent le produit d'une
évolution successive, et que plusieurs d'entre elles ont carrément
été abandonnées avec le temps. De ce fait, ne croyez pas qu'elles
sont gravées dans le béton. Dès lors qu'il s'agit de coutumes
erronées et insensées, non seulement rien n'interdit de les abolir,
mais il est en fait une obligation de ne pas les suivre. Les gens se
comportent avec leurs femmes pendant la période de Niddoh comme si
elle avait la peste ou attrapé la lèpre !
1Commentaire
du Ramba''n sur Baré`shith 31:35, Wayyiqro` 12:4 et
18:19
2Hilkôth
`issouré Bi`oh 4:1
3Wayyiqro`
Chapitres 18 et 20 ;
voir aussi le Ramba''m, dans son Séfar Hammiswôth,
Miswoh Lô` Tha´asah 346
4Wayyiqro`
15:31
5Yôréh
Dé´oh 184:2
6184:6
7Par
exemple le Touré Zohov 184:3
8Yôréh
Dé´oh 184:9
9Hilkôth
`isouré Bi`oh 11:19
10Shabboth
13a