ב״ה
Prendre
des médicaments à Shabboth
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- Source de l'interdiction
À
travers les Mishnoyôth rapportées dans Shabboth 109b et
111a, nous voyons qu'il existe une restriction concernant le fait
de prendre des médicaments ou avoir recourt à des remèdes à
Shabboth. La Gamoro`1
explique que HaZa''l nous ont interdit de prendre des
médicaments à Shabboth par crainte de les écraser à Shabboth. En
effet, טוֹחֵן
« Tôhén »
(moudre) est l'une des trente-neuf Malo`khôth interdites à Shabboth
et est donc une activité toraniquement interdite.
Mais
les médicaments d'aujourd'hui sont fabriqués et vendus
commercialement et les ingrédients mélangés en laboratoire. Nous
n'écrasons plus et ne fabriquons plus nous-mêmes nos médicaments,
mais prenons plutôt des liquides et pilules préparés
professionnellement à l'avance. S'il en est ainsi, l'interdiction
s'applique-t-elle encore ?
Dans
les communautés dîtes « froum », il semble aller de soi
que prendre des médicaments est encore interdit de nos jours (sauf
pour des cas exceptionnels), comme par exemple pour calmer un mal de
tête ou tout autre problème qui n'est pas nécessairement pressant.
Dans les temps anciens, vous auriez pu être amené à écraser
vous-mêmes quelques herbes pour soulager votre douleur. Mais
aujourd'hui où les médicaments sont préfabriqués et qu'il suffit
juste de sortir un comprimé d'une boîte en carton, devons-nous
encore nous tenir à cette interdiction dépassée ?
Il
ne fait aucun doute que pour certaines personnes rien que le fait de
poser la question est à la limite de l'hérésie et que cela révèle
une espèce de manque de foi dans le système halakhique. Mais c'est
tout le contraire ! C'est une excellente question qui mérite
d'être posée, et qui a agitée de nombreux Pôsqim passés et
contemporains.
- Pourquoi continuer à interdire ?
L'argument
le plus avancé par les Pôsqim qui interdisent encore de prendre des
médicaments à notre époque à Shabboth, bien que la raison de
l'interdiction ne s'applique plus, est l'enseignement suivant que
l'on retrouve dans la Gamoro`2 :
כל
דבר שבמנין צריך מנין אחר להתירו
« Kol
Dovor Shabbaminyon Sorikh
Minyon `ahér
Lahattirô – Toute chose qui [a été interdite] par un
rassemblement [rabbinique] nécessite un autre rassemblement pour
être permise ».
Et la Gamoro` cite des versets bibliques démontrant cette règle.
Puisque aujourd'hui il n'y a plus de rassemblement rabbinique d'une
stature équivalente à celle des rabbins du Talmoudh, ce décret de
HaZa''l
est donc toujours d'application même si les raisons de
l'interdiction ne sont plus pertinentes.
Cet
argument ne peut pas tenir bien longtemps, car il existe toute une
liste de décrets rabbiniques n'étant plus appliqués de nos jours,
car les raisons de leur émission ne sont plus d'application de nos
jours. En voici quelques-uns :
- le décret de Mayim `ahrônim (se laver les mains après avoir mangé) n'est pratiquement plus suivi de nos jours que par les Harédhim et les kabbalistes, parce que plus personne aujourd'hui n'utilise du sel de Sodome, qui est la raison pour laquelle ce lavage des mains fut institué ;
- le décret interdisant de prêter de l'argent avec intérêts aux Gôyim afin d'éviter d'être impliqué dans des affaires avec eux et ne pas trop être familier avec leur mode de vie n'est plus du tout suivi, car nous disons qu'aujourd'hui on peut le faire même lorsque cela n'est pas nécessaire à sa Parnosoh (l'exception offerte par HaZa''l) étant donné que nous faisons de toute façon toute une série d'affaires avec les Gôyim ;
- le décret interdisant de boire ou manger quelque chose qui était resté découvert durant la nuit ne s'applique plus pour bon nombre de Pôsqim, car nous n'avons plus de serpents et autres animaux venimeux pouvant entrer dans nos maisons et laisser du venin dans le liquide ou l'aliment ;
- le décret interdisant de danser, claquer des doigts ou taper des mains à Shabboth ne s'applique plus de nos jours, d'après les Tôsofôth3 ז״ל, car de nos jours la majorité des gens ne sont plus experts dans la fabrication ou réparation d'instruments de musique (ce qui était la raison du décret. Nous l'avions notamment mentionné dans l'article suivant), etc.
Tout
cela montre (nous aurions pu rapporter de nombreux autres exemples)
que ce n'est pas une règle absolue. En fait, plusieurs paramètres
doivent être pris en compte avant de déterminer si un décret de
HaZa''l
est encore ou plus du tout d'application à nos époques. Et nous
parlerons de ces paramètres dans un prochain article, Dieu voulant.
Mais personne ne peut affirmer sur base de cette règle talmudique
qu'il est strictement interdit d'annuler un décret de HaZa''l
même lorsque les raisons de ces décrets ne s'appliquent plus, car
c'est tout bonnement faux !
- Pourquoi permettre ?
Le
Rov `avrohom Hayim
Na`éh (1890-1954), qui fut un Hosidh
Loubavitch et un Pôséq de premier plan, écrivit qu'étant donné
que la raison du décret ne s'appliquait plus, puisque les gens
n'écrasaient plus eux-mêmes des herbes pour faire des médicaments,
peut-être que le décret ne s'appliquait plus.4
Il se base notamment sur le Ramo''`5
ז״ל
qui,
citant les Tôsofôth, permet de frapper des mains à Shabboth parce
qu'il n'y a plus d'inquiétude à avoir que cela pourrait amener à
fabriquer ou réparer un instrument de musique. Une fois que la
raison du décret n'a plus aucune pertinence, l'interdiction est
complètement annulée. Mais parce que certaines personnes encore à
certains endroits de la Planète écrasent encore elles-mêmes des
herbes médicinales pour se soigner, le Rov Na`éh n'osa pas trancher
vers l'indulgence. C'est une approche assez curieuse, car en quoi le
fait que des tribus africaines, par exemple, écrasent encore
elles-mêmes des herbes médicinales devrait-il avoir un impact sur
nous et faire perpétuer l'interdiction de prendre des médicaments à
Shabboth ? C'est complètement insensé ! Ce que les tribus
africaines font est leur problème. Nous, nous savons que dans nos
pays nous ne produisons plus nous-mêmes nos propres remèdes et
médicaments. Par conséquent, il n'y a pas lieu de continuer à
appliquer ce décret, puisque la raison de son institution n'est
d'aucune pertinence pour nous.
- Deux approches
Le
Rov `ali´azar Waldenberg (1915-2006) résume excellemment bien le
débat qui anime l'applicabilité ou pas de ce décret en disant
qu'il existe deux approches générales.6
Rash''i7
ז״ל
croit
que HaZa''l
ont émis une interdiction rabbinique générale contre tout type de
remède à Shabboth. Bien que la raison de ce décret était la
Malo`khoh de Tôhén,
le décret vient interdire tout remède de façon générale, même
lorsque cela n'implique pas la Malo`khoh de Tôhén.
De
l'autre côté, le Ramba''m ז״ל
permet
toute une série d'actes de guérison n'impliquant pas la Malo`khoh
de Tôhén8,
insinuant par-là que l'interdiction de prendre des médicaments ne
s'applique que dans le cas du traitement d'une maladie qui se soigne
généralement par des médicaments écrasés en privé.
D'après
Rash''i et ceux qui sont d'accord avec lui, les changements dans
l'industrie médical n'annulent en rien l'interdiction générale de
HaZa''l.
Mais d'après le Ramba''m et ceux qui le suivent (les Rambamistes,
les Talmidhé HaEamba''m, les Talmudistes et les Rationalistes), ce
décret de HaZa''l
n'est pas une interdiction générale de prendre des médicaments à
Shabboth, mais concerne spécifiquement le fait d'écraser des
médicaments à Shabboth que vous écrasez normalement vous-mêmes
également durant la semaine. Étant donné que nous n'écrasons plus
personnellement nos médicaments, l'interdiction de prendre des
médicaments ne doit plus s'appliquer. Et le Rov Waldenberg adhère à
l'approche du Ramba''m.
Il
est significatif de noter que Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל,
dans son Shoulhon
´oroukh9,
suit lui aussi l'approche du Ramba''m. En quoi est-ce significatif ?
C'est parce qu'une importante partie de la communauté juive
aujourd'hui prétend que les décisions du Shoulhon
´oroukh feraient autorité en matière de Halokhoh et que le peuple
juif aurait accepté sur lui de suivre les décisions halakhiques du
Shoulhon
´oroukh. Or, il a déjà été démontré à plusieurs reprises que
non seulement il n'y a pas de doctrine selon quoi on devrait suivre
le Shoulhon
´oroukh, mais en plus, ceux qui enseignent cette fausse doctrine
sont également les premiers à transgresser le Shoulhon
´oroukh lorsque certaines décisions halakhiques contenues dedans ne
leur plaisent pas ou ne sont pas en accord avec la « Qabboloh ».
Si nous suivons cette position, alors aujourd'hui il est totalement
permis de prendre des médicaments à Shabboth, étant donné que
nous n'écrasons plus nous-mêmes nos médicaments.
En
fait, il y a plusieurs Pôsqim contemporains qui trouvent
convaincants les arguments avancés pour permettre la prise de
médicaments à Shabboth à notre époque, mais adoptent une position
de compromis par « respect » pour les Pôsqim qui
l'interdisent : ils accordent toute une série de permissions
sans pour autant totalement lever l'interdiction. C'est une position
hypocrite ; ou bien on adhère à quelque chose ou bien on n'y
adhère pas, mais on ne peut pas manger à toutes les tables en même
temps. C'est comme dire « C'est permis mais interdit ! ».
Ces positions de « compromis » sont des non sens.
1Shabboth
53b
2Bésoh
5a
3Sur
Bésoh 30a
5`ôrah
Hayim 339:3
7Sur
Shabboth 53b
8Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Shabboth 21:31
9`ôrah
Hayim 328:1