ב״ה
Lire
la Maghillath `astér dans une langue autre que l'Hébreu
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Y
a-t-il une obligation de lire la Maghillath ´astér en Hébreu ?
Qu'en est-il si soi-même ou la communauté ne comprend pas
l'Hébreu ? La Miswoh sera-t-elle néanmoins accomplie si on
entend la Maghilloh lue en Hébreu ?
Voici
ce qui est rapporté dans la Mishnoh1 :
Si
on l'a lue dans une traduction de quelque langue que ce soit, on
n'est pas quitte. Mais on peut la lire pour ceux qui parlent une
langue étrangère dans leur langue étrangère. Et celui qui
parle une langue étrangère, s'il l'écoute en Hébreu il est
quitte.
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Lorsque
la Mishnoh déclare « Si on l'a lue dans une traduction de
quelque langue que ce soit, on n'est pas quitte », elle
parle du cas de quelqu'un qui lisait la Maghilloh écrite dans une
langue autre que l'Hébreu, mais qu'il ne comprend pas. Par exemple,
quelqu'un qui lit une Maghilloh rédigée en italien, alors qu'il ne
comprend pas du tout cette langue. Dans un tel cas, on n'est pas
quitte de son devoir. Par contre, la lire dans une langue étrangère
que l'on comprend est permis. De même, si quelqu'un doit lire la
Maghilloh pour des gens qui ne comprennent pas l'Hébreu, il pourrait
la lire dans la langue qu'ils comprennent. Mais dans tous les cas,
lorsque la Maghilloh est lue en Hébreu, peu importe qu'on comprenne
ou pas l'Hébreu, on est quitte de son devoir d'avoir écouté la
lecture. Ainsi, théoriquement parlant, on pourrait lire pour soi ou
les autres la Maghilloh dans une langue autre que l'Hébreu, dès
lors qu'on comprend la langue dans laquelle cette Maghilloh est lue.
Il y a toutefois deux points de divergence entre les Ri`shônim.
Le
premier point tourne autour de la question suivante : si
quelqu'un lit la Maghilloh dans une langue étrangère pour des
personnes qui ne comprennent pas l'Hébreu, mais que lui comprend
l'Hébreu, accomplit-il la Miswoh par cette lecture ? Le
Ramba''n2
ז״ל
tranche
que bien que le lecteur permette aux autres qui ne comprennent pas
l'Hébreu de s'acquitter de leur devoir par sa lecture, lui n'est pas
quitte de son devoir de lire la Maghilloh, car celui qui comprend
l'Hébreu doit s'acquitter en lisant le texte en Hébreu. Le Ramba''n
s'appuie sur le Talmoudh Yarousholmi3,
qui le dit explicitement. Mais le Ramba''m4
ז״ל
tranche
différemment, et déclare que le lecteur s'acquitte aussi de son
devoir de lire la Maghilloh dans une langue étrangère pour d'autres
personnes, s'il comprend à la fois l'Hébreu et cette langue
étrangère. Il se base en cela sur le fait que le Talmoudh Bavli ne
l'interdit pas. (Mais tous sont d'accord sur le fait que si le
lecteur et ceux pour qui il lit ne comprennent pas l'Hébreu, il n'y
a aucun problème à la lire dans la langue qu'ils comprennent.)
Le
deuxième point de divergence tourne autour de la question suivante :
puisqu'il est halakhiquement permis de lire la Maghilloh dans une
langue autre que l'Hébreu, dans quels caractères la Maghilloh
traduite doit-elle être rédigée ? Faut-il qu'on l'écrive sur
un parchemin en lettres hébraïques, ou peut-on l'écrire sur un
parchemin avec les lettres de la langue dans laquelle on la traduit ?
Disons que quelqu'un parle Français, et ne comprend pas l'Hébreu.
Il décide de traduire intégralement la Maghillath `astér en
Français sur du parchemin (ou d'acheter une Maghillath `astér
traduite en Français, et rédigée sur du parchemin) afin de pouvoir
la lire à Pourim en Français, et accomplir ainsi son devoir.
Pourra-t-il rédiger sa traduction en lettres latines, ou devra-t-il
la rédiger en Français mais avec les lettres hébraïques ? Le
Béth Yôséf, le Ramo''` ז״ל,
le Ramba''m, le Béth Dowidh, le Ritva''` ז״ל,
le Rashba''` ז״ל,
ou encore le Ritva''z ז״ל,
tranchent tous qu'une Maghilloh traduite doit se rédiger sur du
parchemin avec les caractères correspondant à cette langue. Ainsi,
on pourrait rédiger la Maghilloh intégralement en Français avec
des lettres latines. Mais le Ri`a''z ז״ל,
le Rashba''s ז״ל,
le Mé`iri ז״ל,
le Pari Hodhosh, ou encore le Go`ôn de Wilno` ז״ל,
tranchent, eux, que même lorsque la Maghilloh est rédigée sur du
parchemin dans une autre langue que l'Hébreu, il faut utiliser des
caractères hébraïques (ainsi, par exemple, s'il faudrait écrire
en caractères hébraïques « Assuérus », qui est la
traduction française de `ahashwérôsh, cela nous donnerait
quelque chose comme אַסוּאֵרוּס).
Au niveau pratique, la Halokhoh suit la première opinion, même si
la coutume la plus répandue consiste à suivre la deuxième. En
fait, le Talmoudh nous le dit explicitement que tous les livres du
TaNa''Kh, celui d'Esther y compris, peuvent être rédigés
intégralement dans une langue étrangère et avec les lettres de la
langue étrangère dans lesquels on les traduit.5
Ces
deux points de divergence peuvent avoir de nombreuses ramifications
ou conséquences pratiques. Par exemple, la communauté juive
algérienne avait une antique coutume d'originer une lecture de la
Maghilloh pour les femmes à partir d'une Maghilloh rédigée en
Espagnol avec des lettres espagnoles, car elles ne comprenaient pas
l'Hébreu, alors que l'Espagnol était leur langue vernaculaire.
Lorsque le Riva''sh ז״ל
émigra
d'Espagne vers l'Algérie après les massacres de 1391, il devint
rapidement un rabbin influent dans la communauté algérienne.
Troublé par cette pratique qui y avait cours à Pourim, il soumis
une question halakhique à son maître, le Ra''n ז״ל,
pour savoir si elle était correcte, ou s'il fallait plutôt y mettre
fin.6
Le Ra''n souleva deux « problèmes » pour interdire cette
pratique :
- une erreur dans la traduction espagnole du verset de `astér 8:10
- le fait que la personne qui lit pour les femmes connait généralement l'Hébreu ferait que le lecteur ne s'acquitte pas de son devoir d'après le Yarousholmi. Puisqu'elle connait l'Hébreu, elle ne peut s'acquitter qu'en lisant la Maghilloh en Hébreu.
Bien
que le Ramba''m permette cette pratique algérienne consistant à
lire la Maghilloh dans une traduction espagnole, et que le Ra''n
considérait que la position du Ramba''m n'était pas irréconciliable
avec celle du Yarousholmi, le Ra''n trancha qu'il était préférable
de choisir la voie la plus sûre : puisque la Halokhoh
talmudique est que même si on ne comprend pas l'Hébreu on est
quitte de son devoir en écoutant la Maghilloh lue en Hébreu, il est
préférable donc de la lire en Hébreu plutôt qu'à travers une
traduction.
À
l'inverse du Ra''n, Horov Qa`ppah ז״ל,
qui fut à la tête des Talmidhé HaRamba''m jusqu'à son décès en
l'an 2000, rapporte la pratique yéménite consistant à lire la
Maghilloh dans une traduction arabe pour les femmes. Dans son
commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m7,
il inclut même une photographie de cette Maghilloh traduite en
Arabe, mais en caractères hébraïques. Son grand-père, qui fut un
éminent rabbin yéménite, défendit cette pratique sur base de la
position du Ramba''m, en arguant notamment que même d'après le
Ra''n elle n'était pas forcément contradictoire avec la position du
Yarousholmi. On pourrait en effet considérer que le Yarousholmi
l'interdit que lorsque le lecteur ne comprend pas la langue étrangère
dans laquelle il lit pour les autres. Mais s'il comprend à la fois
l'Hébreu et cette langue étrangère dans laquelle il lit pour les
autres, il s'acquitte aussi de son devoir en lisant pour eux dans
cette langue-là.
Il
convient d'insister sur le fait que lorsque la Maghilloh est traduite
dans une langue étrangère, pour qu'elle soit valable à Pourim,
elle doit être rédigée sur du parchemin. (Et d'après le Ramba''m
et d'autres, on pourra utiliser les caractères de la langue dans
laquelle on la rédige.) Lorsqu'on fait la lecture avec un texte
imprimé (par exemple, à partir d'un livre, et non d'un parchemin),
on ne doit alors pas faire les bénédictions qui précèdent la
lecture, car elles ne doivent être faites que si on lit dans un
parchemin.
Concluons
en signalant qu'une Maghilloh rédigée en Hébreu avec les voyelles
et signes de cantillation est également valable pour la Miswoh.
1Maghilloh
2:1
2Sur
Ibid., 17a
3Ibid.,
2:1
4Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Maghilloh Wahanoukkoh 2:4
5Maghilloh
18a
6La
lettre du Riva''sh se trouve dans « Responsa HaRiva''sh
n°388 », tandis que la réponse du Ra''n se trouve dans
« Responsa HaRiva''sh n°390 »
7Hilkôth
Maghilloh 2:4