mardi 19 avril 2016

Le sens du mot « `afiqômon »

ב״ה

Étymologie des mots dans la Langue Sainte

Le sens du mot « `afiqômon »


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Le אַפִיקוֹמָן « `afiqômon » est sans aucun doute la partie la plus mécomprise de tout le Sédhar de Pasah. La Mishnoh déclare1 : ואין מפטירין אחר הפסח אפיקומן « On ne termine pas après le Pasah (le sacrifice pascal) par un `afiqômon ». Cette Mishnoh soulève deux questions évidentes :

  1. Qu'est-ce qu'un `afiqômon ?
  2. Si on ne peut terminer par un `afiqômon après le repas, comment se fait-il qu'à notre époque nous terminions justement le Sédhar par la consommation d'un `afiqômon ?

Tout d'abord, découvrons ce qu'est un `afiqômon ! Bien qu'il existe de nombreuses explications farfelues et légendaires autour de ce mot, la vérité est qu'il provient du grec « épikomion », qui est la combinaison de deux mots : « épi », qui signifie « après » (comme dans « épilogue »), et « komos », qui signifie « banquet » ou « réjouissances » (komos est d'ailleurs la racine du mot « comédie »).
« Épikomion » désigne donc les festivités qui suivent un repas.

Dans la société gréco-romaine antique, les gens avaient l'habitude de se rendre dans la maison de quelqu'un d'autre, qu'il y ait ou pas été invité, pour prendre part à une autre fête. Ce que la Mishnoh nous dit ici est qu'en dépit des similitudes apparentes existant entre le Sédhar de Pasah et un banquet païen, on ne doit pas s'y comporter avec légèreté comme le faisaient les Grecs et les Romains lors de leurs festivités. C'est ainsi qu'était comprise cette expression par les Sages vivant en Palestine, sous domination gréco-romaine. Cela nous permet de mieux comprendre la suite de cette Mishnoh, qui déclare que si quelques-uns de ceux qui ont passé le Sédhar à un endroit s'en vont ailleurs, ils pourront manger dans le nouveau lieu où ils se trouvent. Mais si tous se rendent ailleurs après le Sédhar, ils ne pourront pas manger. Le lien avec la pratique gréco-romaine consistant à changer d'emplacement après un repas festif pour le poursuivre ailleurs est plus qu'évident.

À présent que nous avons élucidé la première question, nous pouvons passer à la seconde.

Les Sages de Babylone qui, eux, vivaient en-dehors de la société gréco-romaine, ne connaissaient pas du tout le sens réel du terme « `afiqômon », et ils en arrivèrent à l’interpréter comme voulant désigner un « dessert », d'où l'erreur qui est communément faite par la majorité des Juifs d'aujourd'hui, qui comprennent « `afiqômon » comme voulant dire « dessert », alors que cela n'a rien à voir ! Ainsi, les Sages de Babylone traduisirent la Mishnoh comme voulant dire : « On ne doit rien manger après le `afiqômon de Pasah ». En d'autres mots, une fois que l'on aura consommé son dessert de Pasah, plus rien d'autre ne pourra être consommé. Mais même là, il n'y avait aucun rapport la pratique moderne du `afiqômon.

La majorité des Pôsqim, qui suivent le Bavli au lieu du Yarousholmi (ce qui n'est pas notre approche, puisque nous donnons toujours priorité au Yarousholmi lorsqu'il y a contradiction avec le Bavli), conclurent qu'afin de respecter la Mishnoh susmentionnée telle qu'elle est comprise par le Bavli, la dernière chose à consommer à la fin du Sédhar devait être une certaine quantité de Massoh. Du temps des Ga`ônim, il n'existait aucune mention selon laquelle cette Massoh devait provenir de la deuxième moitié de la Massoh que l'on avait coupée en deux et cachée pendant le Sédhar. Cette coutume n'est née que plus tard et fut publiée par certains Ri`shônim, tels que Rash''i, le Rashba''m et d'autres. C'est l'origine de l'étape appelée צָפוּן « Sofoun », qui signifie « caché ». (Vous remarquerez d'ailleurs que dans notre Haggodhoh, qui est téléchargeable ici, nous n'avons repris aucun des noms des étapes du Sédhar tels que nous les connaissons aujourd'hui, car ni ces noms ni ces étapes ne sont mentionnés dans la littérature talmudique, et sont nés plus tard.) C'est là que le `afiqômon commença à se référer au morceau de Massoh qui avait été caché.

La conclusion est que le terme « `afiqômon » a changé de sens. À l'origine, ils se référait en Palestine à la pratique gréco-romaine consistant à se déplacer quelque part d'autre après un repas pour poursuivre ailleurs les festivités. Puis, à Babylone, il fut utilisé pour se référer au dessert que l'on consommait généralement après un repas. Et enfin, depuis le temps des Ri`shônim, il se réfère à un morceau de Massoh consommé à la fin du repas.


1Pasohim 10:8