ב״ה
La
Paroshoh avec le Ramba''m
Baha´alôthakho
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Nous
lisons dans notre Paroshoh de la semaine le verset suivant1 :
Miryom
et `aharôn parlèrent de Môshah concernant la belle femme qu'il
avait prise, car il avait prise une belle femme.
|
וַתְּדַבֵּר
מִרְיָם וְאַהֲרֹן בְּמֹשֶׁה,
עַל-אֹדוֹת
הָאִשָּׁה הַכֻּשִׁית אֲשֶׁר לָקָח:
כִּי-אִשָּׁה
כֻשִׁית,
לָקָח
|
La
Tôroh ne nous donne pas davantage de détails sur le contenu des
propos tenus par Miryom ע״ה
et
`aharôn ע״ה
lorsqu'ils
parlèrent en cachette contre Môshah Rabbénou ע״ה,
mais nos Sages, de mémoire bénie, nous en fournissent. Ils
expliquent que c'est Miryom qui initia la discussion et que `aharôn
y participa en l'écoutant. (C'est pour cela que le verset ne dit pas
littéralement « ils parlèrent » mais
תְּדַבֵּר
« Tadhabbér
– elle parla ».) Miryom dit à `aharôn qu'elle
pensait avoir compris de l'épouse de Môshah Rabbénou, Sippôroh
ע״ה,
que Môshah Rabbénou n'avait plus d'intimité avec elle.2
Miryom et `aharôn trouvèrent cela très étonnant. Eux aussi
étaient des prophètes. Et pourtant, ils n'avaient pas pour autant
cessé d'être intimes avec leurs conjoints respectifs.3
En s'engageant dans cette discussion, Miryom et `aharôn
transgressèrent l'interdiction du לְשׁוֹן
הָרַע « Lashôn
Hora´ », parler d'une façon dénigrante sur quelqu'un
d'autre.
La
Tôroh explique qu'en raison de ce péché, Miryom fut frappée de
Sora´ath, qui est une affliction de la peau décrite dans le
Séfar Wayyiqro`. De ce que nous avions lu dans le Séfar Wayyiqro`
il était évident que la Sora´ath est une punition. Par
contre, il ne nous avait pas été dit pour prix de quel péché
pouvions-nous être sujet à cette punition. Sur la base de
l'incident rapporté dans notre Paroshoh, il ressort clairement que
le Lashôn Hora´ est l'un des péchés qui entraîne la Sora´ath.
Le
lien entre la Sora´ath et le Lashôn Hora´ est également
indiqué par d'autres passages. Par exemple, dans le Séfar Davorim
la Tôroh nous demande de soigneusement suivre les instructions du
Kôhén dans le diagnostique et traitement de la Sora´ath.
Puis, la Tôroh nous exhorte à nous rappeler de l'incident ayant
impliqué Miryom.4
D'après HaZa''l, le message est que pour éviter la Sora´ath
nous devons nous abstenir d'adopter le comportement de Miryom. En
d'autres mots, on doit s'abstenir de faire du Lashôn Hora´.5
Tous
les comportements qui sont interdits ou exigés par la Tôroh sont
inclus dans l'une des 613 Miswôth. Quelle Miswoh
interdit donc de faire du Lashôn Hora´ ? Afin de répondre à
cette question, nous devons définir les termes que nous employons.
Le Ramba''m ז״ל,
dans son Mishnéh Tôroh, aux Hilkôth Dé´ôth, explique que le
Lashôn Hora´ n'est qu'une sorte de langage prohibé. C'est-à-dire
qu'il y en a d'autres. Au total trois sortes de langage sont
défendues aux Israélites. La première est la רְכִילוּת
« Rakhilouth »,
c'est-à-dire le colportage. Il ne s'agit pas nécessairement d'une
parole négative. C'est simplement l'acte de discuter des affaires de
quelqu'un d'autre avec une tierce personne. Le Lashôn Hora´ est une
forme particulière de Rakhilouth. Il s'agit d'un colportage
négatif : parler d'une manière dénigrante de quelqu'un
d'autre. Cependant, il y a un critère spécifique à remplir pour
être considéré comme ayant transgressé cette interdiction :
le Lashôn Hora´ consiste à transmettre à une tierce personne
des informations dénigrantes qui sont vraies. Faire du Lashôn
Hora´, ce n'est pas raconter des mensonges sur autrui. Raconter un
mensonge sur autrui ou répandre de fausses rumeurs est ce que l'on
appelle du מוֹצִיא
שֵׁם רַע
« Môsi`
Shém Ra´ », qui constitue la troisième sorte de langage
interdit. En résumé, faire du colportage est de la Rakhilouth ;
le Lashôn Hora´ c'est parler de quelqu'un d'autre d'une manière
dénigrante en rapportant des informations qui sont vraies ; et
dire des mensonges sur autrui ou répandre des rumeurs dénigrantes à
son sujet c'est du Môsi` Shém Ra´.6
Nous pouvons à présent identifier la Miswoh qui est
transgressée lorsqu'on fait du Lashôn Hora´. D'après le Ramba''m
aucune Miswoh n'interdit en elle-même le Lashôn Hora´. La
Tôroh interdit plutôt la Rakhilouth, qui inclut en elle-même le
Lashôn Hora´ ! Et la source de cette interdiction est le
verset suivant7 :
לֹא-תֵלֵךְ
רָכִיל
בְּעַמֶּיךָ
« Lô`
Thélékh Rokhil
Ba´ammakho - Ne va pas [comme un] colporteur
parmi ton peuple ».
Nous
pouvons à présent nous poser une autre question : Pourquoi le
Ramba''m inclut-il le Lashôn Hora´ dans la Miswoh qui
interdit la Rakhilouth, plutôt que de le considérer comme une
interdiction à part entière ? Il est important de signaler que
le Ramba''m traite des lois relatives à la Rakhilouth dans la
section « Hilkôth Dé´ôth » de son Mishnéh Tôroh, et
cela n'est pas dû au hasard. Quel est le sujet traité dans les
Hilkôth Dé´ôth ? Dans cette section du Mishnéh Tôroh, le
Ramba''m expose les règles se rapportant à la santé, aussi bien au
niveau physique qu'émotionnelle. L'inclusion de la Miswoh qui
interdit la Rakhilouth dans cette section du Mishnéh Tôroh
sous-entend que s'adonner au colportage constitue un comportement
autodestructeur. La personne qui s'adonne au colportage compromet
son bien-être émotionnel. À partir de cette perspective, il est
approprié d'inclure le Lashôn Hora´ dans la Miswoh qui
interdit toute forme de colportage. Chacune d'elles nuit à son
propre bien-être émotionnel.
En
poussant plus loin, la position du Ramba''m nous éclaire sur le
fonctionnement du Lashôn Hora´. Nous pouvons remarquer qu'en dépit
du désir répandu de se débarrasser de la mauvaise tendance à
faire du Lashôn Hora´, cela se traduit très rarement en un
changement réel de comportement. Pourquoi ce comportement est-il si
difficile à modifier et à corriger ? Une partie de la réponse
réside dans la méthode généralement adoptée et conseillée pour
traiter le problème. Nous pouvons remarquer que la méthode la plus
répandue pour « régler » le problème du Lashôn Hora´
consiste à lire davantage sur la gravité de ce péché. Les livres
sur le Lashôn Hora´ pullulent à profusion dans les libraires
juives et font partie des classiques. Mais il ressort clairement
qu'étudier à long terme les lois relatives au Lashôn Hora´ et des
ouvrages sur la gravité du péché n'a qu'un impact très limité
sur le comportement des lecteurs.
En
fait, cela n'est pas du tout surprenant. Si quelqu'un désire
changer ses mauvaises habitudes alimentaires, peut-on sérieusement
croire que lire des livres sur l'alimentation saine renforcera ce
désir et permettra des changements solides ? Celui qui désire
perdre des kilos n'y parviendra certainement pas en lisant des
ouvrages sur l'exercice physique. Ce genre de lecture peut offrir une
inspiration temporaire. Mais dans le long terme cette approche ne
mène généralement pas à des résultats permanents. Il est plutôt
plus utile d'identifier et traiter la racine du comportement. Dans le
cas de la nourriture, on doit se demander pourquoi est-ce que l'on
mange excessivement. Où se situe l'attraction ? Quelle fonction
remplit la nourriture dans la vie de la personne ?
Il
va de soi que la même approche peut être efficace lorsqu'on veut
traiter le problème du Lashôn Hora´. Qu'est-ce qui nous amène à
nous adonner à un tel comportement ? Nos Sages, de mémoire
bénie, ont quelque chose de très intéressant à dire à ce sujet.
Ils nous enseignent que lorsqu'on dégrade les autres nous ne faisons
que refléter et exposer au grand jour nos propres insuffisances.8
En d'autres mots, nous parlons des autres afin de détourner notre
attention (ou celle des autres) de nos propres instabilités, défauts
et fautes.
Analysons
cela de plus près. Nous pouvons tous reconnaître que l'un des plus
grands défis auxquels nous faisons face lorsqu'on souhaite grandir
personnellement est le besoin d'évaluer de façon critique et
objective nos propres attitudes et comportements. Plus une attitude
ou un comportement est profondément enraciné, plus il est difficile
de l'identifier et de le reconnaître. Mais cela ne signifie pas que
nous ne sommes pas conscients de nos fautes personnelles. Nous sommes
frustrés par ces imperfections et pourtant, nous ne sommes pas
désireux de complètement les reconnaître et les confronter.
Comment gérons-nous cette frustration ? Nos Sages disent qu'en
général nous avons recours à l'automédication. Nous fuyons notre
frustration en transférant notre attention sur les manquements des
autres. Plutôt que de nous focaliser sur nous-mêmes, nous plaçons
notre point de focalisation sur l'autre personne. Nous évaluons
cette personne et disséquons son comportement et ses attitudes avec
la précision que nous devrions normalement utiliser pour la tache
d'introspection qui est plus dure et douloureuse.
C'est
pour cela que le Ramba''m considère que la Rakhilouth est un
comportement qui compromet la santé personnelle de l'individu qui
s'y adonne. Nous détournons notre attention de nous-mêmes et
l'attachons à quelqu'un d'autre. Le Lashôn Hora´ est une
manifestation extrême de ce mécanisme. Le colportage est une simple
diversion. En faisant du Lashôn Hora´ nous sommes en réalité
conscients (jusqu'à un certain point) d'une déficience personnelle.
Mais plutôt que de reconnaître nos manquements personnels, nous
nous focalisons sur ces mêmes points de la façon dont ils sont
manifestés chez quelqu'un d'autre. Par ce stratagème, nous faisons
du déni de nos propres fautes.
Cet
enseignement de nos Sages nous permet de proposer une façon de
traiter le problème du Lashôn Hora´ en particulier et de la
Rakhilouth en général. Le besoin d'en faire est apparemment motivé
par la présence d'un manquement personnel dont nous sommes quelque
peu conscients. Mais cette conscience suscite une réponse malsaine.
Nous transférons notre attention en la faisant passer de nous à
l'autre personne. Si cela est correct, alors chaque fois que nous
ressentons le besoin de faire du Lashôn Hora´ ou de la Rakhilouth,
nous devons répondre à une question : Qu'est-ce qui me dérange
sur moi-même ? Qu'est-ce que je tente de fuir sur moi-même en
parlant des autres ? Plutôt que de laisser notre attention être
détournée, nous devons renforcer notre attention sur nous-mêmes et
nous accorder un moment pour une introspection.
Ce
n'est pas une solution facile à appliquer. Mais elle semble répondre
de façon plus adéquate aux motifs fondamentaux cachés derrière le
Lashôn Hora´ et la Rakhilouth.
1Bamidhbor
12:1
2Voir
Rash''i sur Ibid.
3Voir
Rash''i sur Ibid., verset 2
4Davorim
24:8-9
5Voir
Rash''i sur Ibid., verset 9
6Mishnéh
Tôroh, Hilkôth Dé´ôth 7:1-8
7Wayyiqro`
19:16
8Talmoudh,
Qiddoushin 70b