samedi 31 décembre 2016

Faut-il ou pas dire chaque jour les trois bénédictions « Shallô` ´osoni... » ?

ב״ה

Faut-il ou pas dire chaque jour les trois bénédictions « Shallô` ´osoni... » ?


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Nous lisons ceci dans le Talmoudh1 :

Il a été enseigné : Ribbi Mé`ir disait : « Un homme a l'obligation de faire cent bénédictions chaque jour, ainsi qu'il est dit2 : ''Et à présent, ô Yisro`él, qu'est-ce qu'HaShem, ton Dieu, attend de toi ?'' »3 Le Shabboth et à Yôm Tôv4, Rov Hiyo`, le fils de Rov `Awiyo`, tentait d'atteindre ce nombre par des épices et des gourmandises5. Il a été enseigné : Ribbi Mé`ir disait : « Un homme a l'obligation de faire trois bénédictions chaque jour. Les voici : ''Sha´osoni Yisro`él''6 (dans certaines versions ''Shallô` ´osoni Gôy''), ''Shallô` ´osoni `ishoh'', ''Shallô` ´osoni Bour'' » Rov `aho` bar Ya´aqôv entendit [une fois] son fils dire « Shallô` ´osoni Bour. » Il lui dit : « Et celui-ci aussi ! »7 L'autre lui dit : « Quelle bénédiction dois-je alors faire à la place ? ». [Il lui répondit] : « Shallô` ´osoni´avadh. » « Mais n'est-ce pas la même chose qu'une femme ? »8 « Un esclave lui est inférieur ! »9
תניא היה רבי מאיר אומר חייב אדם לברך מאה ברכות בכל יום שנאמר ועתה ישראל מה ה' אלהיך שואל מעמך רב חייא בריה דרב אויא בשבתא וביומי טבי טרח וממלי להו באיספרמקי ומגדי תניא היה ר"מ אומר חייב אדם לברך שלש ברכות בכל יום אלו הן <שעשאני ישראל> {שלא עשאני גוי} שלא עשאני אשה שלא עשאני בור רב אחא בר יעקב שמעיה לבריה דהוה קא מברך שלא עשאני בור אמר ליה כולי האי נמי אמר ליה ואלא מאי מברך שלא עשאני עבד היינו אשה עבד זיל טפי

S'appuyant sur ce passage talmudique, le Ramba''m ז״ל tranche ceci dans son Mishnéh Tôroh10 :

Chaque jour, un homme bénit : « Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni Gôy », « Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni ´avadh », « Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni `ishoh ».
וּמְבָרֵךְ אָדָם בְּכָל יוֹם--בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי גּוֹי; בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי עֶבֶד; בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי אִשָּׁה

Ainsi, contrairement aux autres bénédictions du matin qui, d'après le Ramba''m, ne doivent être faites que lorsqu'on accomplit les actes pour lesquels ces bénédictions furent instituées (par exemple, si on a entendu le coq chanter, on fait la bénédiction de « Hannôthén Lasakhwi Vinoh », mais si on ne l'a pas entendu chanter on ne la fait pas), ces trois bénédictions devraient être faites quotidiennement. Rabbénou Manôah ז״ל commente ce passage du Mishnéh Tôroh en expliquant qu'un homme rencontrera probablement durant la journée une de ces trois personnes, une femme, un esclave ou un Gôy ; par conséquent, ces trois bénédictions doivent être faites quotidiennement, contrairement aux autres bénédictions du matin qui ne sont faites que lorsqu'on s'est retrouvé dans une situation où on doit les faire.

Rabbénou `avrohom ז״ל, le fils du Ramba''m, cite dans son Séphar Hammaspiq, ce passage du Mishnéh Tôroh, répète la règle concernant les autres bénédictions du matin, puis commente ceci :

Mon père ז״ל a déjà lancé des avertissements contre ce Minhogh erroné11 dans les Hilkôth Taphilloh. Cependant, à partir de ses mots, il semble clair que trois de ces bénédictions, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי גּוֹי, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי עֶבֶד et שֶׁלֹּא עָשָׂנִי אִשָּׁה sont faites en toutes circonstances, que l'on ait rencontré ou pas un Gôy, un esclave ou une femme. Il semble en être également ainsi à partir de l'édition populaire du Piroush de Rabbénou Yishoq l'auteur des Halokhôth.12 Néanmoins, quelqu'un qui a vu une copie d'une édition ancienne du Talmoudh qui est rapportée dans ce Piroush lit : « lorsqu'un homme voit un Gôy il dit שֶׁלֹּא עָשָׂנִי גּוֹי », et il en est de même concernant une femme et un esclave. Cette édition est correcte, car elle est logique ! On peut trouver la même chose dans le Siddour de Rabbénou ´amrom ban Shôshonoh13.

Rabbénou `avrohom s'oppose ici à la décision de son père concernant ces trois bénédictions et dit qu'elle fut causée par une mauvaise édition du Ri''ph. Ayant entendu parler d'une édition du Ri''ph différente de celle que l'on connaît généralement et qui est plus logique à ses yeux, Rabbénou `avrohom s'appuie sur elle pour trancher différemment de son père. Ce n'est pas nouveau, puisque de nombreux Ri`shônim avaient à leur disposition différentes versions du Talmoudh et du Ri''ph.

L'édition du Ri''ph que nous possédons aujourd'hui n'est pas fiable. D'ailleurs, nous trouvons de nombreux Ri`shônim qui citent le Ri''ph d'une manière différente de ce que nous lisons dans l'édition actuelle !

Ce qui est fascinant est que Rabbénou `avrohom nous montre que nous n'avons pas une obligation de suivre quelque chose rapporté dans le Talmoudh (ou même le Ramba''m) qui n'a pas de sens. Et sachant qu'il existe différentes versions du Talmoudh, peut-être que les passages illogiques peuvent être causées par des éditions qui ne sont pas fiables et qu'ils ne se retrouvaient pas dans d'autres éditions. Et effectivement, la version que cite Rabbénou `avrohom est beaucoup plus logique ; si les bénédictions du matin ne se font que lorsqu'on accomplit les actes pour lesquels elles furent instituées, pourquoi cela serait-il différent avec les trois autres bénédictions ? Cela a du sens d'affirmer que l'on ne devrait les dire également que si l'on rencontre durant la journée un Gôy, un esclave ou une femme. Le seul « problème » avec la version différente que cite Rabbénou `avrohom est qu'elle ne colle pas avec le texte du Talmoudh que nous possédons ; pour se faire le texte du Talmoudh nécessiterait quelques lignes supplémentaires. Mais peu importe, cela nous permet de voir à quel point les textes du Talmoudh pouvaient être variés même en ces temps-là, à peine quelques siècles après la finalisation du Talmoudh. Remarquez d'ailleurs une autre variation de texte : dans certaines éditions du Talmoudh, il est rapporté qu'il faudrait dire « Shallô ´osoni Gôy » (et c'est généralement ce que l'on retrouve dans l'écrasante majorité des versions actuelles), tandis que dans d'autres éditions il est indiqué qu'il faudrait plutôt dire « Sha´osoni Yisro`él. »

Ces variations de textes talmudiques du temps des Ri`shônim ont un impact réel sur la Halokhoh. Ce n'est pas la même chose de dire qu'il faudrait faire ces bénédictions coûte que coûte chaque jour ou de dire qu'il ne faudrait les faire qu'en voyant une femme, un Gôy ou un esclave ! Mais bien que dans ce cas-ci il s'agisse d'un détail sans grande portée, certaines variations d'autres passages talmudiques peuvent avoir des ramifications plus sérieuses. Il n'est donc pas étonnant de devoir tant dépendre des Ri`shônim qui, avant toutes les autodafés catholiques contre le Talmoudh au Moyen-âge, avaient accès à de nombreuses versions différentes et étaient capables de les analyser de façon critique, alors que de nos jours le fait de n'avoir qu'une version populaire du Talmoudh et d'autres écrits empêche de faire ce travail critique ou de voir qu'il pourrait y avoir des problèmes et une absence de logique avec certains passages.


1Manohôth 43b
2Davorim 10:12
3Le mot hébreu, מה « Moh » (qu'est-ce que) est lu comme s'il s'écrivait מאה « Mé`oh », qui signifie « cent ». C'est par ce jeu de mots que Ribbi Mé`ir déduit l'obligation de faire cent bénédictions par jour !
4Où au lieu de faire une ´amidhoh de 18 bénédictions, on fait une ´amidhoh de 7 bénédictions, ce qui réduit la possibilité d'atteindre les 100 bénédictions ces jours-là
5Qui nécessitent une bénédictions au préalable. Ainsi, il faisait exprès de respirer des épices et de manger en-dehors des repas pour s'obliger à faire des bénédictions ces jours-là et atteindre le nombre de 100 bénédictions
6Qui m'a fait Israélite
7C'est-à-dire, il n'y a aucune raison de prononcer cette bénédiction, étant donné que même un sot est lui aussi lié à l'accomplissement des Miswôth.
8Puisque au niveau de l'accomplissement des Miswôth, une femme et un esclave sont sur le même pied d'égalité, étant donné qu'ils sont exemptés des mêmes Miswôth. De ce fait, si une femme et un esclave sont sur le même pied d'égalité au niveau des Miswôth, si l'on a déjà dit « Shallô` ´osoni `ishoh », pourquoi devrait-on alors aussi dire « Shallô` ´osoni ´avadh » ?
9Puisqu'elle est soumise à plus de Miswôth qu'un esclave, une femme Israélite a un statut supérieur à un esclave. Voilà pourquoi ce n'est pas la même chose de dire « Shallô` ´osoni `ishoh » et « Shallô` ´osoni ´avadh » ?
10Hilkôth Taphilloh Ouvirakhath Kôhanim 7:6
11Consistant à faire toutes les bénédictions du matin, même lorsqu'on n'accomplit pas les actes pour lesquels elles furent instituées
12Il parle ici de Rabbénou Yishoq `alphasi (le Ri''ph)

13Décédé en 575 de l'E.C.