ב״ה
Quelle
version du Talmoudh utilisez-vous ?
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Alors
que des milliers de Juifs à travers le globe ont commencé cette
semaine un nouveau cycle d'étude quotidienne du Talmoudh (« Daf
Yomi »), il vaut la peine de se poser cette question très
simple : quelle version du Talmoudh lisez-vous ?
Au
fil des siècles, les éditions du Talmoudh qui ont échappé à la
destruction physique (autodafé) ont été confrontées à un autre
défi : la censure. Le texte qui a survécu et qui se trouve
dans presque toutes les éditions aujourd'hui est basé sur l'édition
dite « le Shas de Vilna », publié pour la
première fois par The Widow and Brothers Romm en 1886. Il est
également la base du texte utilisé dans le Talmoudh de
Schottenstien. Mais c'est un texte qui a été à certains endroits
fortement censuré par les autorités chrétiennes, et l'utilisation
de ce texte censuré peut conduire à des résultats désobligeants.
Un exemple se trouve dans l'une des premières pages du Talmoudh qui
décrit Hashshém assis toute la nuit, Se lamentant de la perte de
Son Béth Hammiqdosh. Le texte original non censuré se lit comme
suit1 :
Malheur
à Moi, car J'ai détruit Ma maison, J'ai brûlé Mon palais, et
Je les ai exilés au milieu des nations du monde.
|
אוי
לי שהחרבתי את ביתי ושרפתי את היכלי
והגליתים לבין אומות העולם
|
Toutefois,
le texte de la version standard utilisée de nos jours déclare
plutôt ceci :
Malheur
aux fils car par leurs iniquités
J'ai détruit Ma maison, J'ai brûlé Mon palais et Je les ai
exilés au milieu des nations du monde.
|
אוי
לבנים שבעונותיהם
החרבתי את ביתי ושרפתי את היכלי והגליתים
לבין אומות העולם
|
La
différence est flagrante. Alors que dans le premier cas Hashshém Se
lamente sur Lui-même, dans le deuxième le blâme est mis sur le
peuple juif. Les mots supplémentaires לבנים
שבעונותיהם ont
été ajoutés par les censeurs chrétiens pour faire une déclaration
théologique sur l'état déchu des Juifs. Le texte corrompu a été
relevé dans le Diqdouqé Sôpharim, mais rien de
tout cela ne semble avoir été évident pour les rédacteurs du
Talmoudh de Schottenstein en anglais, qui ont aggravé l'erreur en
ajoutant la note homilétique suivante au texte corrompu :
Dans
ses efforts pour commenter (presque) tout, l'édition Schottenstein a
ajouté une explication homilétique d'un texte corrompu écrit
(presque certainement) par un apostat Juif servant de censeur
chrétien. Heureusement, les éditions hébraïque et anglaise du
Koren, ainsi que l'édition hébraïque du Talmoudh de Schottenstein
(ArtScroll) ont redonné au texte sa forme originale et non censurée.
Aucune gymnastique homilétique n'est alors nécessaire.
Prenons
pour autre exemple le traité ´avôdhoh Zoroh, qui traite
principalement des types d’interactions et relations que les Juifs
pourraient ou pas avoir avec leurs voisins idolâtres. Bien que la
plupart de ces voisins soient décrits par les termes de עוֹבְדֵי
עֲבוֹדָה זָרָה « ´ôvadhé
´avôdhoh Zoroh » (adorateurs
d'un culte idolâtre) ou מִינִים
« Minim »
(sectaires / hérétiques), à au moins trois reprises le texte se
réfère à eux en les appelant נוֹצְרִים
« Nôsrim »,
terme qui désigne communément les disciples de Yéshou.
Le
problème est que vous pourriez ne jamais le savoir si vous utilisez
la version censurée du Talmoudh. Les siècles passant, cette version
est devenu le texte hébreu standard. On la retrouve dans
pratiquement toutes les éditions basées sur le « Shas de
Vilna ».
Prenez
ce passage de ´avôdhoh Zoroh 6a,
qui discute des règles des affaires commerciales. Si vous regardez
dans la version standard, vous n'y verrez aucune mention des gens
avec lesquels nous avons l'interdiction de commercer un dimanche.
Dans l'édition Schottenstein (ArtScroll) la traduction ajoute
l'explication selon laquelle ce passage talmudique ferait référence
aux idolâtres Babyloniens qui respectent une fête d'adoration du
soleil chaque dimanche :
Sauf
que ce n'est absolument pas ce que le texte dit réellement !
Dans un manuscrit datant du 14ème siècle, de la Bibliothèque
Nationale de Paris (Suppl.
Heb 1337), voici ce que nous pouvons lire :
Shamou`él
a dit : « D'après les paroles de Ribbi Yishmo´é`l,
il est toujours interdit [de commercer avec un] Nôsri »
|
אמ[ר]
שמואל
נוצרי לדברי ר[בי]
ישמע[אל]
לעולם
אסור
|
La
version du Rambo''m dit pratiquement la même chose, en précisant
que l'on parle du dimanche :
Shamou`él
a dit : « D'après les paroles de Ribbi Yishmo´é`l,
il est toujours interdit [de commercer avec un] Nôsri
le dimanche »
|
אמר
שמואל יום א'
{נוצרי}
לדברי
ר'
ישמעאל
לעולם אסור
|
Ainsi,
dans le texte talmudique originel d'avant la censure chrétienne, il
est explicitement mentionné que les Juifs ont une interdiction
stricte de commercer avec les Nôsrim le dimanche, qui est
leur jour d'adoration. Le texte ne mentionne absolument pas les
idolâtres Babyloniens. Le Talmoudh Koren, qui est plus récent,
restaure le texte sous sa forme originelle :
Il
y a deux autres endroits de ce traité (6a et 7b) où
le mot « Nôsri » a été effacé par la censure,
mais préservé dans l'édition Koren. En outre, un peu plus tard
(17a), un passage entier faisant référence à יֵשׁוּ
הַנּוֹצְרִי « Yéshou
le Nôsri » a été effacé du Talmoudh censuré, mais
là encore préservé dans l'édition Koren (il se retrouve aussi
dans le manuscrit du Rambo''m) :
Utiliser
la version standard censurée empêche donc de savoir réellement ce
que le Talmoudh enseigne sur l'idolâtrie en général, et les
disciples de Yéshou Hannôsri en particulier.
Alors,
à présent que beaucoup ont entamé un nouveau cycle d'étude du
Talmoudh Bavli, quelle édition utilisez-vous ? Et quelle
édition devriez-vous utiliser ?
1Barokhôth
3b