בס״ד
L’origine des voyelles : L’histoire VS le
Zôhar
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Les voyelles hébraïques, ou נְקוּדּוֹת « Naqouddôth »,
sont les points en bas, au centre et en haut des lettres de l’alphabet
hébraïques.
Étonnamment, les origines des Naqouddôth font
l'objet d'un débat très émotionné, qui est parfois devenu assez passionné. Il
s’est aussi transformé en un débat symbolique qui fait la séparation entre les
« rationalistes » et les « kabbalistes ».
Voyons voir ensemble l’évolution historique du système des voyelles.
§
Les Ba´alé
Hammosôroh
Les Masoretes ou Ba´alé Hammosôroh ont été actifs entre le 6ème
et le 10ème siècle de notre ère. Ils étaient un groupe de scribes
(dont beaucoup étaient des karaïtes) qui ont été impliqués dans
l'identification et l'établissement des textes les plus précis, et des lectures
de ceux-ci, pour la future transmission de la Ṭôroh.
Cependant, ce n'est qu'à partir du 7ème siècle environ que le
système des Naqouddôth semble avoir été fermement
établi.
A partir du 9ème siècle environ, les Ba´alé
Hammosôroh ont développé des écoles officielles de grammaire et de vocalisation
hébraïques. Trois écoles principales existaient à cette époque : l'école
babylonienne, ou Niqoudh Bavli ; l'école de Jérusalem, ou Niqoudh `araṣ
Yisro`él ; et l'école tibèrienne, ou Niqoudh Tavériyoni.
L'école babylonienne a développé six voyelles, l'école de Jérusalem en a
développé cinq et l'école tibèrienne en avait sept.
Dans les écoles de Babylone et de Jérusalem, les Naqouddôth
étaient placés au-dessus des lettres, appelées vocalisation superlinéaire. Les
Juifs yéménites ont conservé de nombreux manuscrits utilisant ces types de
vocalisation. Avec le temps, l'école de Tibèriade est devenue plus dominante et
reste le système encore en usage aujourd'hui. L'école de Tibèriade a également
utilisé des marques de cantillation qui indiquent la mélodie avec laquelle
laquelle le texte doit être lu, ce qu’on appelle les « Ta´amé
Hammiqro` » ou « Ta´omim ».
§
Ban `oshér (décédé en 960)
`aharôn ban Môshah ban `oshér était une figure clé de l'école
de Tibèriade, et le texte de la Ṭôroh que nous suivons aujourd'hui, ainsi que la
prononciation générale de la plupart des Juifs, sont largement conformes à sa
version. Sa Ṭôroh, plus connue sous le nom de « Codex d’Alep », a
ensuite été approuvée par le Rambo’’m ז״ל.
Ironiquement, il est tout à fait possible que la famille Ban `oshér soit
karaïte.
§ Ban Naphṭoli (décédé en 940)
Une famille concurrente des Ba´alé Hammosôroh de la même
période était la famille Ban Naphṭoli. Ya´aqôv ban Naphṭoli a
également écrit sa propre version de la Ṭôroh qui fournissait différentes Naqouddôth
et prononciations. Le Rov Sa´adhyoh Go`ôn
ז״ל a préféré la version Ban Naphṭoli.
Il y a environ 875 différences entre les écoles Ban `oshér et Ban Naphṭoli.
§ Ribbénou `éliyohou Habboḥour (1468-1549)
Au cours du 16ème siècle, Ribbénou `éliyohou Boḥour ז״ל a fait scandale quand il a suggéré - bien que confirmé par les
archives historiques - que les Naqouddôth n'étaient
pas aussi anciennes que beaucoup le maintenaient. Beaucoup croyaient, sur la
base du Zôhar (dont nous parlerons plus bas) qui était apparu 200 ans plus tôt,
que la tradition des Naqouddôth remontait
directement au Sinaï. Ribbénou `éliyohou Boḥour, cependant, a suggéré que les
origines des Naqouddôth étaient relativement récentes
- remontant à la fin de la période talmudique vers le 5ème siècle de
l’ère courante- et ne remontant pas au Sinaï.
Ribbénou `éliyohou Boḥour a avancé quelques arguments solides pour défendre
sa position. Le plus convaincant était le fait que les Naqouddôth
ne sont mentionnés ni dans la Mishnoh (0-200 E.C) ni dans le Ṭalmoudh (200-500
E.C), ni dans les `aggodhôth ni dans les Midhroshim, alors que toutes ces
sources prennent le temps d’expliquer symboliquement le sens des lettres et
même parfois leurs prononciations. Mais concernant les voyelles, aucune source
de la littérature de nos Sages n’en fait mention avant l’apparition du
Zôhar !
De plus, Ribbénou `éliyohou Boḥour écrit que « la plupart des
noms des Naqouddôth ne sont pas hébreux,
mais ils sont araméens ». C’est un argument solide soutenant
l'idée qu’elles sont relativement récentes et ne peuvent pas être considérées
comme étant anciennes, car sinon elles auraient reçu des noms hébreux. De la
même manière, puisque les Ta´omim furent
inventés par les Ba´alé Hammosôroh, vous aurez remarqué que la
quasi-totalité des noms des Ta´omim sont
araméens et non hébreux. Aucune personne sensée ne peut prétendre qu’ils
remontent au Sinaï.
§ Rov Natrôna`y bar Hila`y (décédé en 858)
Ribbénou `éliyohou Boḥour n'était pas le premier rabbin de premier plan à
suggérer cela, car d'autres savants, comme le Rov Natrôna`y II bar Hila`y ז״ל (le Go`ôn de Souro`), avaient déjà fait des
suggestions similaires au 9ème siècle.
Le Rov Natrôna`y II bar Hila`y a répondu à une question pour savoir s'il
était permis de mettre des points de voyelles dans un Séphar Ṭôroh :
Il a répondu ceci :
...
puisque la Ṭôroh, telle qu'elle a été donnée à Möshah sur le Sinaï, n'avait
aucun point, et ... ayant été inventés par les Sages, et placés pour servir de
signes pour le lecteur; et de plus, comme il nous est interdit de faire des
ajouts à partir de nos propres cogitations, de peur que nous ne transgressions
la Miṣwoh « Vous n'ajouterez pas » ...; il ne faut donc pas mettre
des points dans les Siphré Thôroh.
On ne peut être plus clair !
§ Le Maḥzôr Witri (décédé en 1105)
De la même manière, le Maḥzôr Witri - écrit par Ribbénou Simḥoh ban Shamou`él
ז״ל de Witri qui était un élève de Rash’’i
ז״ל, rapporte ceci :[1]
Dans
les Ṭashouvôth Hagga`ônim
… la Ṭôroh qui a été donnée à Möshah au Sinaï ne contenait pas de Naqouddôth,
et en fait, les Naqouddôth n'ont même pas été donnés au
Sinaï. . . c'est pourquoi nous ne plaçons pas les Naqouddôth
dans le Séphar Ṭôroh.
§ Le `ibn ´azro` (1089-1167)
À peu près à la même époque, le `ibn ´azro` ז״ל a fait une observation similaire.
Se référant aux points sur le Shin et le Sin, le `ibn ´azro`
écrit :
...
c'était la coutume des Sages de Tibèriade de noter ces points ... c’est d’eux que
nous avons obtenu tout le système de ponctuation.
§ Le Codex Hilali (600 E.C.)
Historiquement, tous ces faits que nous avons rapporté jusqu’à présent sont
corroborés par le Codex Hilali :[2]
Il
est maintenant généralement reconnu parmi les érudits que le Codex Hilali tire
son nom du fait qu'il a été écrit à Hilla, une ville près des ruines de
l'ancienne Babel.
Ce
Codex, qui a été achevé vers 600 après J.-C., avait non seulement les points des
voyelles et les accents nouvellement inventés à l'époque, mais il était garni
de commentaires massorétiques.
Il
a été apporté à Tolède vers 1100 après J.-C, où le grammairien Jacob b. Eléazar
l'a utilisé pour ses ouvrages, et une partie a été achetée par la communauté
juive en Afrique, vers 1500 après J.-C.
§ Le Zôhar (publié en 1558)
Jusqu'à présent, toutes nos sources indiquent unanimement que les Naqouddôth
ont été introduites au cours de la période des Ba´alé Hammosôroh
entre 500 et 1000 de l’E.C.
Cependant, à l'autre extrémité du spectre se trouvait le Zôhar qui fut
la première (et seule) source à considérer les Naqouddôth
comme anciennes et données par Hashshém :[3]
Les
points-voyelles procèdent du même Saint-Esprit qui a indiqué les Écritures
sacrées, et Ḥos Washolôm la pensée de dire que les scribes
ont créé les points.
En raison de la position de prééminence du Zôhar parmi de nombreux (la
plupart ?) Juifs, cette opinion est naturellement devenue la position
dominante au mépris des preuves historiques que nous avons rapportées.
Il convient de souligner, cependant, qu'il existe des opinions
divergentes concernant la datation et l'autorité du Zôhar, et cela avait été
exposé dans divers articles sur ce blog.
Ce qui est incroyable avec cette position du Zôhar est que si les Naqouddôth
avaient été données par Hashshém en même temps que les lettres hébraïques, on
les aurait retrouvées dans un Séphar Ṭôroh ainsi que dans des textes anciens
des époques antérieures et contemporaines à Ribbi Shim´ôn ban Yôḥa`y, le
supposé auteur du Zôhar. Or, non seulement il n’existe aucun Séphar Ṭôroh avec
des Naqouddôth, mais en outre aucun texte
datant des temps bibliques, mishnaïques et talmudiques n’a jamais affiché la
moindre voyelle avant qu’elles ne soient inventées à partir du 6ème
siècle. Cette position du Zôhar n’a absolument rien sur quoi s’appuyer !
§ Ribbénou ´azaryoh Di Rossi (1512-1577)
Ribbénou ´azaryoh Di Rossi, dans son Ma`ôr ´énayim, attaque Ribbénou
`éliyohou Boḥour pour sa vision de la datation des origines des Naqouddôth
comme remontant aux alentours du 5ème siècle.
Ribbénou ´azaryoh Di Rossi souscrit avec ferveur à la position
du Zôhar qui prétend que les Naqouddôth sont
originaires du Sinaï.
Ribbénou ´azaryoh Di Rossi a cité Ribbénou `éliyohou Boḥour qui
avait proclamé avec confiance : « Je succomberai à la volonté de
toute personne qui pourrait réfuter mon argument contre nos rabbins ».
Ribbénou ´azaryoh Di Rossi déclara avec tout autant de
confiance qu’il était parvenu à réfuter Ribbénou `éliyohou Boḥour parce que -
très simplement - le Zôhar avait réglé le débat et que les Naqouddôth
provenaient du Sinaï ! Drôle d’argument !
Mais il donne à Ribbénou `éliyohou Boḥour une petite marge de manœuvre
parce qu'il reconnaît que :[4]
...
les œuvres kabbalistiques auxquelles nous nous référerons n'étaient pas encore imprimées
de son vivant ...
Mais
aujourd'hui ... le Bahir, le Zôhar, les Tiqqounim ... ont été publiés. . . et
ils discutent tous des Naqouddôth par
leurs noms et leurs descriptions ...
Ainsi,
la vision de Boḥour est manifestement minée car nous avons des indications pour
prouver que les différents types de voyelles et d'accents existaient non
seulement avant la fin de la Gamaro`, mais
avant même la composition de la Mishnoh.
Et
s'il était avec nous aujourd'hui, il se soumettrait certainement à notre point
de vue.
Ribbénou `éliyohou Boḥour est mort en 1549, le Zôhar a été imprimé pour
la première fois à Mantoue en 1558 [bien qu'il ait fait surface 300 ans plus
tôt, écrit par Möshah de León (1240-1305)], et le Ma`ôr
´énayim a été publié en 1573.
Le soutien de Ribbénou ´azaryoh Di Rossi au Zôhar et le point
de vue selon quoi les Naqouddôth ont
été données au Sinaï est assez surprenant car il n’a
à l’évidence pas été accepté dans le camp traditionnel. En fait, des
rabbins comme le Mahara’’l ז״ל
et même Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל (auteur du Shoulḥon ´oroukh) avaient voulu interdire ses
écrits, y compris son Ma`ôr ´énayim.
§ Le Ḥida’’` (1724-1806)
Malgré l’absence de preuves recevables, le Rov Ḥayyim Yôséph Dowidh `azoula`y
ז״ל, le kabbaliste connu sous le nom
de Ḥida’’`, défend également le point de vue du Zôhar :
Dans
ma jeunesse, j'ai vu. . . dans Masôrath Hammasôrath
[par Ribbénou `éliyohou Boḥour] que les Ta´omim
et Naqouddôth ont été institués après la fin
de l'ère talmudique par les Sages de Tibèriade.
Ribbénou
`éliyohou est incorrect et doit demander pardon, car ces [Naqouddôth]
sont une Halokhoh Lamôshah Missinay.
De
plus, il est déjà connu que Ribbi Shim´ôn ban Yôḥa`y, le maître de Ribbi Yahoudhoh
Hannosi`, le compilateur de la Mishnoh, dans le Tiqqouné Zôhar dit des
merveilles concernant les Ta´omim et les Naqouddôth.
Là encore, le seul argument avancé est que puisque les Naqouddôth apparaissent
dans le Zôhar, qui aurait été écrit par Ribbi Shim´ôn ban Yôḥa`y, c’est que forcément
les Naqouddôth remontent au Mont Sinaï !
Qui peut recevoir un tel argument ? Mais pire encore, le Ḥida’’` affirme
que les Naqouddôth seraient une Halokhoh
Lamôshah Missinay (autrement dit, une loi que Môshah Rabbénou
aurait reçu au Sinaï), alors que, là encore, AUCUNE source traditionnelle
de nos Sages n’en fait la moindre mention. Même le Rambo’’m, pour qui il existerait
au total 31 Halokhôth pouvant être décrites comme une « Halokhoh
Lamôshah Missinay »,
ne mentionne pas les Naqouddôth comme
en faisant partie. Aucune source, je le répète, ne déclare cela, que ce soit dans
les temps bibliques, mishnaïques, talmudiques, ga`ôniques
ou mêmes du temps des Ri`shônim !
§ Rov Ya´aqôv d’Emden (1697-1776)
Rov Ya´aqôv d’Emden, qui était un grand partisan du Zôhar, tout
en rejetant l’affirmation selon laquelle ce livre aurait été écrit par Ribbi Shim´ôn
ban Yôḥa`y, a rédigé le commentaire suivant lorsqu’il est tombé sur une référence
à la voyelle Qomaṣ dans le Tiqqouné Zôhar :
Ce
langage est une preuve claire que ceci n’est pas écrit par Ribbi Shim´ôn ban Yôḥa`y,
car on sait que les Ba´alé Haddiqdouq sont venus bien plus tard.
Ils
[les signes voyelles] ne datent pas des Tanno`im,
ni même des périodes des `amôro`im ou des Ga`ônim,
car il n'y est pas fait mention d'eux, ils sont plutôt venus après la période des
Ga`ônim, dans les pays de l'Est, c'est là que l'on
trouve le premier Ba´al Diqdouq, Ribbénou Yahoudhoh
`ibn Hayyouj.
Rov Ya´aqôv d’Emden situe les origines des Naqouddôth
bien plus tard que quiconque dans ce débat - à la fin de la période des Ga`ônim,
c’est-à-dire aux alentours du 11ème siècle, ce qui est même 500 ans
plus tard que l'estimation de Ribbénou `éliyohou Boḥour !
§
Conclusion
Ce sujet est typique dans le débat concernant la véracité du Zôhar et
son authenticité, car ceux qui soutiennent le Zôhar vont accepter la théorie selon
laquelle les Naqouddôth auraient été données au Sinaï,
malgré le fait incontestable que le Zôhar soit la seule source à soutenir cette
position, mais que toutes les sources historiques et traditionnelles, unanimement,
sont claires sur les origines tardives des Naqouddôth,
qui ne peuvent, raisonnablement pas, avoir existé dans les temps bibliques, mishnaïques
et talmudiques.