mercredi 1 octobre 2014

Les Birakhôth « Shallô` ´osoni »

ב״ה

Les Birakhôth « Shallô` ´osoni »


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Dans notre discussion des Birakhôth Hashahar, basée sur la Gamoro` de Barokhôth 60b (voir l'article intitulé « Les Birakhôth Hashahar »), trois bénédictions furent omises. En effet, si vous jetez un coup d’œil dans les Siddourim d'aujourd'hui, vous remarquerez que trois bénédictions incluant les mots שֶׁלֹּא עָשָׂנִי « Shallô` ´osoni » (« qui n'a pas fait de moi... ») sont également récitées dans le cadre des Birakhôth Hashahar. Elles sont faites par les hommes, qui remercient HaShem ית׳ de ne pas avoir fait d'eux, ni un גּוֹי « Gôy », ni un עֶבֶד « ´avadh » (esclave), ni une אִשָּׁה « `ishoh » (femme).

La raison pour laquelle nous ne les avons pas mentionnées dans l'article susmentionné est assez simple : les Barokhôth mentionnées dans la Gamoro` de Barokhôth 60b représentaient des actes réalisés après s'être réveillé, au matin, tandis que ces trois bénédictions-ci définissent qui nous sommes en tant qu'Israélites. Ils n'ont donc rien à voir avec les Birakhôth Hashahar à proprement parler.

La récitation de ces trois bénédiction est mandatée autant par le Ramba''m ז״ל que par Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל. Le premier écrit1 :

Chaque jour, un homme bénit : « Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni Gôy »2, « Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni ´avadh »3, « Boroukh `attoh HaShem `alôhénou Malakh Ho´ôlom Shallô` ´osoni `ishoh »4.
וּמְבָרֵךְ אָדָם בְּכָל יוֹם--בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי גּוֹי; בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי עֶבֶד; בָּרוּךְ אַתָּה ה' אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, שֶׁלֹּא עָשָׂנִי אִשָּׁה

Quant au deuxième, il écrit5 :

On doit bénir chaque jour « Shallô` ´osoni ´ôvédh Kôkhovim »6, « Shallô` ´osoni ´avadh », « Shallô` ´osoni `ishoh ». Et les femmes bénissent « Sha´osoni Kirsônô »7.
צריך לברך בכל יום שלא עשני עובד כוכבים שלא עשני עבד שלא עשני אשה. והנשים מברכות שעשני כרצונו

Premièrement, nous pouvons remarquer que le Ramba''m et le Mahabbér parlent de ces trois bénédictions comme étant mandatées.

Deuxièmement, nous pouvons remarquer une différence de formulation de la première des trois bénédictions, puisque le Ramba''m parle de « Shallô` ´osoni Gôy », tandis que le Mahabbér parle de « Shallô` ´osoni ´ôvédh Kôkhovim ».

Quelle est la source de ces trois bénédictions ? La source est le passage suivant de la Gamoro`8 :

Il a été enseigné : Rébbi Mé`ir disait : « Un homme a l'obligation de bénir cent bénédictions chaque jour, car il est dit9 : ''Et à présent, ô Yisro`él, qu'est-ce qu'HaShem, ton Dieu, attend de toi ?'' ».10 Le Shabboth et à Yôm Tôv11, Rov Hiyo`, le fils de Rov `awiyo`, tentait d'atteindre ce nombre par des épices et des gourmandises12. Il a été enseigné : Rébbi Mé`ir disait : « Un homme a l'obligation de bénir trois bénédictions chaque jour. Les voici : ''Sha´osoni Yisro`él''13 (dans certaines versions ''Shallô` ´osoni Gôy''), ''Shallô` ´osoni `ishoh'', ''Shallô` ´osoni Bour''14 ». Rov `aho` bar Ya´aqôv entendit [une fois] son fils bénir « Shallô` ´osoni Bour ». Il lui dit : « Et celui-ci aussi ! ».15 L'autre lui dit : « Quelle bénédiction dois-je alors bénir à la place ? ». [Il lui répondit] : « Shallô` ´osoni ´avadh ». « Mais n'est-ce pas la même chose qu'une femme ? ».16 « Un esclave lui est inférieur ! ».17
תניא היה רבי מאיר אומר חייב אדם לברך מאה ברכות בכל יום שנאמר ועתה ישראל מה ה' אלהיך שואל מעמך רב חייא בריה דרב אויא בשבתא וביומי טבי טרח וממלי להו באיספרמקי ומגדי תניא היה ר"מ אומר חייב אדם לברך שלש ברכות בכל יום אלו הן <שעשאני ישראל> {שלא עשאני גוי} שלא עשאני אשה שלא עשאני בור רב אחא בר יעקב שמעיה לבריה דהוה קא מברך שלא עשאני בור אמר ליה כולי האי נמי אמר ליה ואלא מאי מברך שלא עשאני עבד היינו אשה עבד זיל טפי

Nous pouvons donc nous rendre compte que ce passage talmudique n'est pas tout à fait halakhique en soi, d'autant qu'il est évident que d'autres ne faisaient pas ces bénédictions, ou n'étaient pas d'accord sur la façon dont Rébbi Mé`ir ז״ל les avait formulées.

En outre, concernant la bénédiction de « Shallô` ´osoni Gôy », certains Rabbins des temps talmudiques préféraient dire « Sha´osoni Yisro`él' ». D'ailleurs de nombreux Pôsqim, comme par exemple le Go`ôn de Wilno` ז״ל, sont d'avis qu'il est préférable de dire cela plutôt que «« Shallô` ´osoni Gôy ». D'autres disent que cette bénédiction n'est pas appropriée, car Yisro`él est également décrit dans la Tôroh comme étant un « Gôy », c'est-à-dire, une nation (le terme « Gôy » ne signifie absolument pas « non Juif » en tant que tel. Même les Juifs sont, dans un certain sens, des Gôyim, puisqu'ils appartiennent à une nation). C'est la raison pour laquelle le Mahabbér ne dit pas «« Shallô` ´osoni Gôy », mais plutôt « Shallô` ´osoni ´ôvédh Kôkhovim ».

Dans certaines versions de la Gamoro` susmentionnée, il est écrit « Sha´osoni Yisro`él' » à la place de «« Shallô` ´osoni Gôy ». Certains Pôsqim18 décidèrent même de mettre dans leurs Siddourim ֶלֹּא עָשָׂנִי נָכְרִי « Shallô` ´osoni Nokhri » à la place de «« Shallô` ´osoni Gôy », Nokhri étant un terme plus approprié pour désigner les non Juifs, qui sont étrangers à la Tôroh.

Concernant la bénédiction « Shallô` ´osoni `ishoh », là encore nous savons qu'elle ne fit pas l'unanimité, et certains remplaçaient également cette bénédiction par « Sha´osoni Yisro`él' ». Dans la plupart des tous premiers Siddourim, « Shallô` ´osoni `ishoh » n'apparaît même pas !

Quant à la troisième bénédiction mentionnée par Rébbi Mé`ir, « Shallô` ´osoni Bour » , elle a également été rejetée par pratiquement tout le monde (je ne connais aucun Siddour dans lequel elle se trouve), puisque même un sot est soumis à la Tôroh avec le même degré qu'un homme Israélite libre, intelligent et sage, comme l'a fait remarquer Rov `aho` bar Ya´aqôv ז״ל dans notre Gamoro`. Par conséquent, cette bénédiction fut remplacée par « Shallô` ´osoni ´avadh », puisque les esclaves ne sont pas tenus d'accomplir toutes les Miswôth, contrairement à un homme Israélite libre. Ainsi, l'esclave a le même statut que la femme Israélite libre, en ce que, comme elle, il est exempt des Miswôth positives liées à un temps d'accomplissement spécifique. (Ces bénédictions ne sont donc pas des insultes à l'égard des femmes et des esclaves, mais indiquent simplement que par rapport aux femmes et aux esclaves, les hommes Israélites libres sont astreints à l'accomplissement de beaucoup plus de Miswôth qu'eux.)

Nous voyons donc que chacun est libre de faire ou pas ces bénédictions, et dans quelque formulation qu'il préfère. Mais puisqu'il n'y a pas de Halokhoh claire qui impose de faire ou dire comme Rébbi Mé`ir, il n'y a pas non plus d'obligation halakhique de faire ces trois bénédictions.

Commentant cette Gamoro`, Rash''i ז״ל explique, avec justesse, que la raison pour laquelle Rébbi Mé`ir préconisait la récitation de ces trois Barokhôth était afin de pouvoir arriver plus facilement au compte des cent bénédictions que nous sommes censés faire quotidiennement. Cette explication est également donnée par d'autres commentateurs, comme le Go`ôn de Wilno`. Cela marque davantage le fait qu'elles n'ont rien d'obligatoire.

Signalons que plusieurs Pôsqim ont fait remarquer que si l'on dit « Sha´osoni Yisro`él' », il n'est nul besoin d'également faire les deux autres bénédictions, car elles sont toutes inclues dans la phrase « Sha´osoni Yisro`él' ». Il est préférable d'employer cette formule.19

Néanmoins, si l'on décide de les réciter, il nous reste alors à traiter d'une dernière question : à quel moment devraient-elles être récitées ?

Certains sont d'avis que ces Barokhôth suivent le même schéma que les Birakhôth Hashahar. Ainsi, on ne devrait les récitera que lorsqu'on aura effectivement croisé un non Juif, un esclave ou une femme la première fois de sa journée.

Par contre, Rabbénou `avrohom ban HaRamba''m ז״ל écrit que son père était d'avis que ces trois Barokhôth devaient être récitées chaque jour, peu importe que l'on croise ou pas une de ces trois personnes durant la journée, car elles ont pour but de louer HaShem pour le fait qu'il a donné aux hommes l'obligation d'accomplir toutes les Miswôth de la Tôroh, contrairement aux non Juifs, aux esclaves et aux femmes.

D'autres enfin disent que ces trois Barokhôth étaient récitées dans les temps talmudiques même lorsqu'on n'avait pas encore croisé de non Juif, d'esclave et de femme, parce qu'à ces époques-là, il était quasiment certain qu'un homme allait croiser durant sa journée ces trois catégories de personnes. De ce fait, il n'était pas nécessaire de les avoir d'abord croisées pour réciter ces Barokhôth. Si nous suivons la logique de cet avis, cela voudrait dire qu'à notre époque, nous devrions donc réciter les Barokhôth relatives aux non Juifs et aux femmes, même sans avoir encore croisé un non Juif ou une femme de sa journée, puisqu'il est inévitable qu'au cours de la journée on croisera au moins une de ces personnes. Par contre, on ne devrait réciter la Barokhoh relative aux esclaves que si l'on croise effectivement un esclave au cours de sa journée, puisque ce n'est plus une chose courante de nos jours d'en croiser un !

Mais néanmoins, il est préférable de ne prononcer qu'une seule bénédiction, à savoir, celle de « Sha´osoni Yisro`él' ». Et telle est notre pratique !

1Mishnéh Tôroh, Hilkôth Tafilloh Ouvirakhath Kôhanim 7:6
2Béni Tu es HaShem, notre Dieu Roi de l'univers, Qui n'a pas fait de moi un membre des nations
3Béni Tu es HaShem, notre Dieu Roi de l'univers, Qui n'a pas fait de moi un esclave
4Béni Tu es HaShem, notre Dieu Roi de l'univers, Qui n'a pas fait de moi une femme
5Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayim 46:4
6« Qui n'a pas fait de moi un adorateur des étoiles »
7« Qui m'a faite selon Sa volonté »
8Manohôth 43b
9Davorim 10:12
10Le mot hébreu, מה « Moh » (qu'est-ce que) est lu comme s'il s'écrivait מאה « Mé`oh », qui signifie « cent ». C'est par ce jeu de mots que Rébbi Mé`ir déduit l'obligation de réciter cent bénédictions par jour ! C'est donc purement une `asmakhto` qu'une obligation en soi
11Où au lieu de faire une ´amidhoh de 18 bénédictions, on fait une ´amidhoh de 7 bénédictions, ce qui réduit la possibilité d'atteindre les 100 bénédictions ces jours-là
12Qui nécessitent une bénédictions au préalable. Ainsi, il faisait exprès de respirer des épices et de manger en-dehors des repas pour s'obliger à réciter des bénédictions ces jours-là et atteindre le nombre de 100 bénédictions
13Qui a fait de moi un Israélite
14Qui n'a pas fait de moi un sot
15C'est-à-dire, il n'y a aucune raison de prononcer cette bénédiction, étant donné que même un sot est lui aussi lié à l'accomplissement des Miswôth
16Puisque au niveau de l'accomplissement des Miswôth, une femme et un esclave sont sur le même pied d'égalité, étant donné qu'ils sont exempts des mêmes Miswôth. De ce fait, si une femme et un esclave sont sur le même pied d'égalité au niveau des Miswôth, si l'on a déjà dit « Shallô` ´osoni `ishoh », pourquoi devrait-on alors aussi dire « Shallô` ´osoni ´avadh » ?
17Puisqu'elle est soumise à plus de Miswôth qu'un esclave, une femme Israélite a un statut supérieur à un esclave. Voilà pourquoi ce n'est pas la même chose de dire « Shallô` ´osoni `ishoh » et « Shallô` ´osoni ´avadh » !
18Par exemple, le Rava''`, ou encore le Ri''s de Eklenberg. C'est également la formulation mentionnée dans le Siddour ´avôdhath Yisro`él.

19Opinion du Ri''f, du Rô`sh, ou encore du Go`ôn de Wilno`