jeudi 25 février 2016

Faire du bruit à la mention du nom de Homon

ב״ה

Faire du bruit à la mention du nom de Homon


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  • Introduction

Si vous jetez un coup d’œil dans le Talmoudh, le Midhrosh et les écrits des Ga`ônim, vous ne trouverez aucune trace de la coutume consistant à faire du bruit lorsque le nom de Homon ימש״ו est cité dans la Maghilloh. Et pourtant, les enfants de tous âges attendent avec impatience le moment où, à Pourim, le Ba´al Qôré` mentionnera le nom de Homon. Ils frappent sur le sol et les tables, appuient sur la gâchette de pistolets à bouchon, et s'adonnent à toute sorte d'activités bruyantes. Quelle est la source de cette coutume ? Est-elle universelle ? Existe-t-il des avis selon lesquels on ne doit pas agir ainsi ? Est-ce pour les enfants uniquement ou également pour les adultes ? Toutes ces questions et de nombreuses autres seront traitées ici.

  • L'origine

Nous avons une obligation d'effacer le souvenir de ´amoléq, comme il est écrit1 :

Et `adhônoy dit à Môshah : « Consigne ceci en souvenir dans le Livre et place-le dans les oreilles de Yahôshoua´, car effacer J'effacerai le souvenir de ´amoléq de dessous les cieux ».
וַיֹּאמֶר יהוה אֶל-מֹשֶׁה, כְּתֹב זֹאת זִכָּרוֹן בַּסֵּפֶר, וְשִׂים, בְּאָזְנֵי יְהוֹשֻׁעַ: כִּי-מָחֹה אֶמְחֶה אֶת-זֵכֶר עֲמָלֵק, מִתַּחַת הַשָּׁמָיִם

En outre, Shalômôh Hammalakh ע״ה a déclaré2 :

Le souvenir du juste est pour la bénédiction ; et le nom des impies pourrira.
זֵכֶר צַדִּיק, לִבְרָכָה; וְשֵׁם רְשָׁעִים יִרְקָב

Se basant sur le fait que Homon fut un descendant de ´amoléq ימש״ו, et que le nom des impies doit pourrir et ne pas être mentionné, le `éliyohou Rabboh3 mentionne la coutume suivante : les enfants avaient la coutume, avant Pourim, de rassembler des pierres et d'écrire « Homon » dessus. Chaque enfant choisissait deux pierres et les cognait l'une contre l'autre chaque fois que le nom de Homon était mentionné durant la lecture de la Maghilloh, afin d'accomplir la Miswoh d'effacer le souvenir des impies et des descendants de ´amoléq. Cette coutume est rapportée pour la toute première fois dans le Séfar Hammanhigh4, aux Halokhôth de Pourim, et se serait donc tout d'abord développée en France. C'est l'origine de cette pratique !

  • Le but et les raisons

Certains Pôsqim expliquent que le but de cette coutume consistant à cogner ensemble deux pierres sur lesquelles est écrit le nom de Homon est afin de maudire Homon le Rosho´. Puisqu'il était également un descendant de ´amoléq, nous accomplissons dans le même temps la Miswoh de détruire ´amoléq en effaçant le nom de Homon lorsqu'on cogne les pierres l'une contre l'autre.

D'autres disent que c'est une expression de joie et de remerciement à HaShem ית׳ pour nous avoir permis de vaincre ce Rosho´ et sa famille. Il est, en effet, permis de se réjouir de la mort des gens qui ont tenté de nuire au peuple d'Israël, comme il est écrit5 :

Quand cela va bien pour les justes, la ville célèbre ; et quand les impies périssent, il y a de la jubilation.
בְּטוּב צַדִּיקִים, תַּעֲלֹץ קִרְיָה; וּבַאֲבֹד רְשָׁעִים רִנָּה

Quant aux adultes, ils frappaient sur les tables avec leurs mains, ou par terre avec leurs pieds, quand le nom de Homon était mentionné durant la lecture de la Maghilloh.

Aucun de ces deux Minhoghim n'est mentionné dans le Talmoudh, le Midhrosh, les écrits des Ga`ônim, ni même dans le Mishnéh Tôroh, ni encore dans le Shoulhon ´oroukh, et sont pourtant approuvés par bon nombre de Pôsqim (ce qui est assez ironique de la part de personnes qui prétendent qu'il faudrait suivre le Shoulhon ´oroukh), qui ont bataillé d'imagination afin de les légitimer. Quelles sont les justifications avancées ? Voici des raisons supplémentaires invoquées par les Pôsqim pour expliquer les coutumes de cogner deux pierres ensemble (pour les enfants) et frapper sur la table ou des pieds (pour les adultes) :

Comme cela a été mentionné plus haut, Shalômôh Hammalakh a écrit : זֵכֶר צַדִּיק, לִבְרָכָה; וְשֵׁם רְשָׁעִים יִרְקָב « Zékhar Saddiq Livrokhoh Washém Rasho´im Yirqov – Le souvenir du juste est pour la bénédiction ; et le nom des impies pourrira ». Le Midhrosh6 rapporte que si l'on ne dit pas « Zékhar Saddiq Livrokhoh » quand on mentionne le nom d'un Saddiq, on a transgressé une Miswoh Positive de la Tôroh. Il ajoute que si on ne dit pas « Shém Rasho´im Yirqov » ou une phrase similaire, comme par exemple « Maudit soit ce Rosho´ », quand on mentionne le nom d'un Rosho´, on a également transgressé une Miswoh Positive. Se basant sur ce passage du Midhrosh, certains Pôsqim7 ont tranché qu'on doit dire « Shém Rasho´im Yirqov » lorsqu'on fait du bruit après avoir entendu le nom de Homon durant de la lecture de la Maghilloh. De ce fait, pendant qu'ils tapent sur la table ou du pied par terre, les adultes devraient dire « Shém Rasho´im Yirqov ». Mais étant donné que les jeunes enfants ne savent pas prononcer cette phrase, ils cognent plutôt des pierres quand le nom de Homon est mentionné. Néanmoins, la coutume qui prévaut aujourd'hui est de ne pas dire « Shém Rasho´im Yirqov » lorsque le nom de Homon est mentionné durant la lecture de la Maghilloh, car le faire constituerait une interruption par des paroles. C'est comme si on avait parlé en plein milieu de la lecture. Par conséquent, ces Pôsqim qui l'interdisent préconisent de simplement taper sur la table, taper du pied ou cogner les pierres ensemble, sans rien dire. Dans le même temps, on peut considérer que la phrase « Shém Rasho´im Yirqov » n'est absolument pas une interruption inutile, puisque si on ne le dit pas, c'est comme si on avait transgressé une obligation toranique.

Le Hatho''m Sôfér8 ז״ל est d'avis que la raison pour laquelle les enfants cognent ensemble des pierres ou que les adultes font du bruit en tapant sur la table ou des pieds par terre quand le nom de Homon est prononcé, c'est afin de montrer que nous ne voulons pas entendre son nom. Puisqu'il faut écouter chacun des mots de la Maghilloh pour se rendre quitte de la Miswoh de la lecture de la Maghilloh, nous n'avons pas d'autres choix que d'écouter le lecteur prononcer le nom de Homon. C'est pourquoi, selon lui, nous montrons notre déplaisir en faisant du bruit ou en cognant des pierres après que son nom ait été prononcé.

Une autre raison a été avancée : nous avons une Miswoh d'éradiquer ´amoléq dans chaque génération. Nous sommes dans une guerre constante et perpétuelle contre lui et ses représentants. En guise de signe de guerre, nous faisons du bruit et cognant des pierres quand son nom a été mentionné. Cela nous rappelle notre obligation et permet de rester focalisé sur les Kawwonôth appropriées à avoir pour l'accomplissement de la Miswoh d'éradiquer ´amoléq.

  • Quand le bruit doit-il être fait ?

Contrairement à ce que l'on croit généralement, différentes coutumes existent, et l'on ne fait pas forcément du bruit à chaque fois que le nom de Homon est mentionné. Voici les diverses coutumes à ce sujet :

  • certains ont la coutume de ne faire du bruit que lorsque la phrase אָרוּר הָמָן « `orour Homon – maudit soit Homon » est prononcée dans la prière de אֲשֶׁר הֵנִיא « `ashar Héni` » qui suit la lecture de la Maghilloh ;
  • d'autres ont la coutume de ne faire du bruit que lorsque le nom de Homon était mentionné dans un verset de la Maghilloh aux côtés d'adjectifs négatifs, comme par exemple הָמָן הָאֲגָגִי « Homon Ho`aghoghi – Homon l'Agagite », הָמָן הָרָע « Homon Horo´ – Homon le mauvais », etc., mais pas quand il apparaît seul. C'est notamment la coutume que suivent les Loubavitch ;
  • certaines communautés ne font pas du tout du bruit durant la lecture de la Maghilloh, mais en font lorsque le nom de Homon est mentionné dans la prière de עַל הַנִּסִּים « ´Al Hannissim » de la ´amidhoh de Pourim. (Cette coutume est assez curieuse.) ;
  • le Ban `ish Hay ז״ל avait la coutume de ne faire du bruit que la toute première et dernière fois que le nom de Homon était mentionné dans la Maghilloh ;
  • le Minhogh majoritaire d'aujourd'hui consiste à faire du bruit chaque fois que son nom est mentionné dans la Maghilloh.

Ainsi, contrairement à ce qu'on pense, il n'y a pas de coutume universelle sur cette question.

  • Combien de fois doit-on frapper sur la table ou des pieds, ou cogner les pierres ?

Ceux qui ont déjà assisté à la lecture de la Maghilloh dans une synagogue savent que le bruit qui est fait lorsque le nom de Homon est mentionné peut durer plusieurs longues secondes, tellement les gens sont déchaînés et contents de pouvoir se défouler. Mais est-ce une attitude appropriée ?

Les Pôsqim9 disent qu'on ne doit frapper sur la table ou des pieds, qu'à trois reprises lorsque le nom de Homon est mentionné, pas plus ; mais que ne le faire qu'une seule fois est suffisant. Cela ne s'applique qu'aux adultes. Les enfants peuvent frapper les pierres un peu plus. En réalité, la plupart des Pôsqim qui traitent de la coutume de faire du bruit à la mention du nom de Homon ne parlent que des enfants, et pas des adultes !

C'est très loin de l'ambiance de foire qui prévaut dans de nombreuses communautés !

  • Ceux qui n'ont pas cette coutume

Comme cela a été mentionné plus haut, il y a des communautés qui n'ont pas du tout la coutume de faire du bruit quand le nom de Homon est mentionné dans la Maghilloh. Et telle est également notre pratique. Plusieurs raisons ont été avancées. Voici les principales : premièrement, tout ce bruit n'honore pas du tout la synagogue, qui est un lieu saint et de prière. Cela crée une atmosphère de désacralisation du lieu. Deuxièmement, il arrive souvent que le lecteur poursuive la lecture alors que le bruit n'a pas cessé, ce qui rend non valable toute la lecture de la Maghilloh, puisque ceux qui écoutent le lecteur doivent avoir entendu chaque mot de la Maghilloh. Troisièmement, le bruit que les gens font dure trop longtemps et peut être considéré comme une interruption inutile. En effet, selon certains Pôsqim, on ne doit pas s'interrompre plus que le temps qu'il faut pour prendre une respiration !

Je connais une communauté qui avait la coutume de permettre de faire du bruit durant la lecture de la Maghilloh quand le nom de Homon était cité, mais qui a annulé cette coutume car les gens devenaient incontrôlables et que la lecture était tirée en longueur.

  • Le bruit d'aujourd'hui

Comme nous l'avons dit, la coutume d'origine consistait simplement pour les adultes à taper sur la table avec leurs mains ou par terre avec leurs pieds, et pour les enfants de cogner deux pierres ensemble, lorsque le nom de Homon était mentionné durant la lecture de la Maghilloh.

Mais de nos jours, nous sommes témoins de nouvelles sources de bruit durant la lecture de la Maghilloh. Alors qu'à l'origine on n'utilisait que ses mains et ses pieds, ainsi que des pierres, aujourd'hui les gens assistent à la lecture de la Maghilloh avec des sifflets, des tambours, des tourniquets, et toute sorte d'objets avec lesquels faire du bruit. Dans la plupart des cas, des adultes matures font plus de bruit que les enfants !

Les Pôsqim mentionnent que les gens sont si occupés à faire toute sorte de bruits, voire même à pousser des cris, qu'ils ne se concentrent plus du tout sur la Maghilloh et ne s'acquittent en réalité pas du tout de leur obligation. En effet, ils n'écoutent pas le lecteur lire la Maghilloh, mais guettent plutôt le moment où il prononcera le nom de Homon ! Puisqu'ils n'écoutent pas vraiment le lecteur, ils ne sont en fait pas du tout quitte de leur obligation !

Le bruit qui devient incontrôlable durant la lecture de la Maghilloh doit être stoppé.10 Il convient de limiter la durée des bruits11, et on doit désigner quelqu'un qui sera chargé de s'assurer que les fidèles adhèrent à ces règles12.

En outre, étant donné que le but de la coutume de faire du bruit est de faire honte à Homon, faire trop de bruits consiste en réalité à l'honorer ! C'est comme si on composait pour lui une longue mélodie13.

  • Les enfants et les sources de bruits dangereuses

On voit beaucoup de synagogues où les enfants jouent avec des pétards et de fausses armes avant et durant la lecture de la Maghilloh. C'est dangereux et un manque de respect pour une synagogue d'y introduire de tels objets, et cette pratique doit cesser14. Les parents ne doivent, de toute façon, pas laisser leurs enfants jouer avec de telles choses15. Ils développent chez l'enfant de très mauvaises Middôth.

  • Le Ba´al Qôré`

Le Ba´al Qôré` doit garder le silence jusqu'à ce que le bruit ait cessé, car s'il lit pendant qu'il y a du bruit, l'assemblée n'entendra pas et n'écoutera pas ce qu'il lit, et ils ne seront alors pas du tout quitte par sa lecture.

S'il y a beaucoup de bruit et que le Ba´al Qôré` a quand même continué sa lecture, il doit revenir en arrière et répéter les mots afin que tous ceux qui sont présents s'acquittent de leur obligation d'écouter la Maghilloh en entier, sans n'avoir rien manqué.

Il convient de lire la Maghilloh en même temps (à voix basse) que le Ba´al Qôré` au cas où vous manquerez un mot ou une phrase de la lecture du Ba´al Qôré`.

  • Conclusion

Il est impératif de ne pas faire de la coutume consistant à faire du bruit lors de la mention du nom de Homon le point de focalisation principal, reléguant ainsi la lecture de la Maghilloh à une position secondaire. Il n'y a aucune Halokhoh de faire du bruit quand le nom de Homon est lu, par contre il y a une Halokhoh de lire la Maghilloh dans son intégralité, sans manquer le moindre mot ! Les gens devraient donc se focaliser davantage sur la Halokhoh plutôt que sur un Minhogh qui, malheureusement, crée une ambiance de foire et de Hilloul HaShem dans la plupart des cas, exactement comme cette coutume païenne consistant à se déguiser à Pourim. En quoi est-ce honorant pour la Tôroh, le Judaïsme et la synagogue de voir des gens déguisés en super héros, en policiers, en militaires, voire carrément en sorcières ? Vous avez même des communautés où les garçons se déguisent en filles et vice-versa, en dépit de l'interdiction stricte du travestissement ! Le Mishnéh Tôroh et d'autres sources encore tranchent que porter les vêtements du sexe opposé est interdit en toutes circonstances !

Quelques jours avant Pourim, on ne doit pas réfléchir au costume qu'on portera, à l'objet original qu'on utilisera pour faire du bruit, ou encore à la quantité de bruit qu'on compte produire. L'essentiel se trouve ailleurs : on doit s'asseoir quelques jours avant Pourim avec la Maghilloh et s'entraîner à la lire correctement, et étudier les Halokhôth relatives à cette fête16. C'est beaucoup plus honorant que ces coutumes futiles !

1Shamôth 17:14
2Mishlé 10:7
3Un commentaire de Rabbi `éliyohou Shapira (1660-1712) sur la partie « `ôrah Hayim » du Shoulhon ´oroukh
4Un ouvrage halakhique composé par Rabbi `avrohom ban Nothon Hayyarhi, un rabbin français de la deuxième moitié du 12ème siècle
5Mishlé 11:10
6Baré`shith Rabboh 49:1
7Le Lévoush, le Moghén `avrohom, le Ba`ér Hétév, ou encore le Sha´ar Hassiyôn.
8Dans son commentaire sur le Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayim 690
9Le Mô´édh Lakhol Hay 31:91 ; le Shoulhon ´oroukh Horov 3:1456 ; le Séfar Hamminhoghim (Habad-Loubavitch) page 73 ; et le Mishnoh Barouroh 60 (il dit « quelques fois seulement »)
10`ôrhôth Rabbénou 3, page 43:34.
11Sha´aré Yamé Happourim, page 142. Voir aussi le Sadhé Hémédh Masékhéth Pourim 10, page 728
12Pari Hassodéh 3:42
13Sha´aré Yamé Happourim page 59:8
14Qadhoushath Béth Hakkanasath WaBéth Midhrosh, pages 207-208. Certains Pôsqim permettent de confisquer à l'entrée les pétards, etc. (Pisqéi Shamou`ôth Pourim, page 175.)
15Sha´aré Yamé Happourim pages 79-80. Voir aussi Mô´édh Lakhol Hay, page 25, ainsi que Touvakho Yabi´ou 2, pages 370-372
16Mô´adhim Lasimhoh 3, page 305, note de bas de page 4.