samedi 18 juillet 2015

Que sont les Midhroshim ?

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Que sont les Midhroshim ?


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Pratiquement chaque traité du Talmoudh contient des parties appelées אֲגָּדוֹת « `aggodhôth » ou מִדְרָשִׁים « Midhroshim. » Certains incluent diverses déclarations faites par nos Sages, ainsi que des histoires au sujet de différents individus et événements. D'autres contiennent des principes moraux. D'autres encore de l'exégèse biblique. Tous les Midhroshim ne furent pas consignés dans le Talmoudh. Certains furent rassemblés dans des livres à part entière composés par divers Sages, comme par exemple le Midhrosh Rabboh ou encore les Pirqé Darébbi `ali´azar.

Lorsqu'on examine de très près les divers Midhroshim, un problème commun se pose très souvent : ils sont insensés, illogiques et souvent complètement énigmatiques. Certains Midhroshim contiennent des passages qui, à première vue, semblent avoir du sens, mais une analyse plus poussée exposera certaines difficultés à les prendre littéralement. Par contre, d'autres Midhroshim n'ont aucun sens, même à première vue ; ils semblent être carrément absurdes et irrationnels. D'autres, enfin, contredisent totalement des versets de la Tôroh. Comment pouvons-nous comprendre ces Midhroshim ? Nos Sages voulaient-ils que l'on comprenne les Midhroshim littéralement, nous amenant ainsi à accepter des phrases fausses comme étant vraies ? Se pourrait-il que nos Sages avaient un tout autre but en compilant ces Midhroshim ? Nous nous devons de comprendre ce que nos Sages tentaient de nous communiquer à travers ces textes et quelle méthode employer lorsqu'on est confronté à eux.

Le Ramba''m ז״ל écrit dans son introduction au Môréh Navoukhim (Guide des Égarés) qu'il y a des passages dans le Midhrosh « qui, s'ils sont pris littéralement, semblent ne pas être cohérents avec la vérité et le bon sens, et doivent par conséquent être pris allégoriquement. » Il répète cela également dans son Commentaire sur la Mishnoh.1 Malheureusement, beaucoup de gens sont attirés par le sens littéral des Midhroshim. Ils se disent qu'étant donné que nos Sages les ont rédigés sous cette forme, c'est que nous devons les accepter sous cette forme. Ils ne comprennent pas qu'il y a une sagesse profonde cachée derrière les propos de nos Sages. La cause de cette erreur est l'ignorance, comme le dit le Ramba''m : « Nous avons, en outre, remarqué que lorsqu'un théologien peu instruit lit ces Midhroshim, il n'y verra aucune difficulté ; car ne possédant aucune connaissance de la propriété des choses, il ne rejettera pas des déclarations qui impliquent des impossibilités. » Quelqu'un qui accepte des impossibilités comme étant possibles ne peut posséder une vraie connaissance et une intelligence saine. En fait, c'est la raison principale pour laquelle les Harédhim aiment se tenir au sens littéral des Midhroshim : le niveau d'éducation parmi eux est tellement faible qu'ils ne savent pas que les histoires qu'ils lisent sont tout bonnement impossibles. Ils ne savent pas comment fonctionne le monde (ils ne s'intéressent d'ailleurs pas du tout à la « science », c'est-à-dire à l'observation des créations de Dieu) et quelles sont les propriétés des choses mentionnées dans ces Midhroshim. Par conséquent, ils ne détectent aucun problème dans ces Midhroshim et les prennent comme étant de vraies histoires, acceptant par-là des impossibilités comme étant possibles.

Le Ramba''m poursuit en traitant de la méthode que quelqu'un d'intelligent doit utiliser lorsqu'il fait face à un Midhrosh difficile : « Mais quand quelqu'un qui est à la fois religieux et bien instruit les lit, il ne peut échapper au dilemme suivant : soit il les prend littéralement, et remet alors en question les compétences de l'auteur et ses facultés intellectuelles, soit il consent à dire que les passages en question possèdent un certain sens caché, et il continuera alors à tenir l'auteur en grande estime qu'il comprenne ou ps l'allégorie. » Chaque individu a le droit d'accepter une seule de ces deux possibilités. Mais il serait irrationnel d'accepter les passages littéralement tout en tenant l'auteur en grande estime, car un individu ne peut être respecté lorsqu'il fait des déclarations qui ne sont pas cohérentes avec la vérité. Si un scientifique de renom proclamait publiquement que la terre est plate, il serait ridiculisé et on le considérerait comme un fou. Il perdrait tout l'honneur dont il jouissait jusque là. Il en est de même de nos Sages : si ce qu'ils ont enseigné n'a aucune cohérence avec la vérité mais qu'on accepte leurs propos littéralement, alors on ne peut garder le respect qu'on avait à leur égard.

Illustrons tout cela par un exemple classique. La Tôroh raconte le sauvetage de Môshah Rabbénou ע״ה, lorsqu'il était bébé et placé dans un panier sur le Nil, de la façon suivante2 :

La file de Pharaon descendit pour se baigner dans le fleuve, et ses jeunes filles3 marchaient au bord du fleuve ; elle vit un coffret au milieu des joncs, et envoya son esclave pour qu'elle le prenne.
וַתֵּרֶד בַּת-פַּרְעֹה לִרְחֹץ עַל-הַיְאֹר, וְנַעֲרֹתֶיהָ הֹלְכֹת עַל-יַד הַיְאֹר; וַתֵּרֶא אֶת-הַתֵּבָה בְּתוֹךְ הַסּוּף, וַתִּשְׁלַח אֶת-אֲמָתָהּ וַתִּקָּחֶהָ

Citant un très célèbre Midhrosh4, Rash''i ז״ל commente ainsi ce verset :

Mais ils5 ont interprété « `amothoh » (son esclave) [comme voulant dire] « Yodhoh » (sa main), car sa main s'est allongée démesurément de plusieurs `ammôth (coudées).
וְהֵם דָּרְשׁוּ אֶת אֲמָתָהּ אֶת יָדָהּ וְנִשְׁתַּרְבְּבָה אֲמָתָהּ אַמּוֹת הַרְבֵּה

Faisant un jeu de mots entre אֲמָתָהּ « `amothoh » (son esclave) et אֲמּוֹת « `ammôth » (coudées), nos Sages disent que la main de la fille de Pharaon s'est allongée de plusieurs coudées pour pouvoir se saisir du panier dans lequel se trouvait Môshah Rabbénou. Cela contredit clairement le sens simple (Pashat) de la Tôroh, qui dit que l'esclave de Pharaon est allée chercher le panier, et non pas que la fille de Pharaon est restée sur la berge et que son bras s'est étendue miraculeusement pour prendre le panier d'où elle était !

Un certain rabbin de la mouvance des Talmidhé HaRamba''m a souvent l'habitude de confronter ses nouveaux élèves en leur montrant les divergences et impossibilités entre le Pashat des versets de la Tôroh et les Midhroshim cités par Rash''i dans son commentaire sur la Tôroh. Et la réaction est toujours la même : les élèves le regardent bouche bée en raison de ce qu'ils entendent de sa part. Une fois, il a posé la question suivante à une jeune fille de 15 ans appelée Lé`oh : « Si tu pouvais remonter le temps et revenir au moment où la fille de Pharaon a vu bébé Môshah dans on panier, que verrais-tu ? Verrais-tu la fille de Pharaon demander à son esclave d'aller chercher le panier dans l'eau comme le dit la Tôroh, ou verrais-tu la main de la fille de Pharaon s'agrandir de 8 mètres comme Monsieur Fantastique et s'enrouler autour du panier comme le raconte le Midhrosh ? »

La jeune Lé`oh, en entendant cette question, s'est sentie comme si on venait de lui demander de choisir entre son père et sa mère au cours d'un procès de divorce. Elle savait que la Tôroh faisait autorité et était correcte et que le Midhrosh faisait autorité et était correct. C'est pourquoi, son esprit lui disait que les deux versions ne pouvaient pas être simultanément vraies ! Par conséquent, elle est restée paralysée et incapable de répondre.

Lé`oh avait été instruite dans une école religieuse privée. L'écrasante majorité des enfants qui suivent le système actuel des Yashivôth pour garçons et écoles privées pour filles croient que tous les Midhroshim font partie du cours littéral des événements rapportés dans la Tôroh.

Ce rabbin a alors expliqué à Lé`oh que le récit de la Tôroh est ce qui s'est vraiment produit dans l'espace et le temps tandis que le Midhrosh est là pour nous faire comprendre un message. Nos Sages ont parlé de la prétendue extension miraculeuse du bras de la fille de Pharaon pour nous transmettre l'idée suivante : l'énorme difficulté à laquelle elle était confrontée en voulant sauver un bébé Hébreu. Imaginez, si vous le pouvez, un Pharaon des temps modernes, ou peut-être un Staline יש״ו, voire même un Calife de l’État Islamique. Quelle serait la probabilité que la fille d'un homme si singulièrement mauvais défit les plans meurtriers de son père ? Ses actes exigeraient de sa part d'aller contre son éducation haineuse et les ordres de son père. Cela créerait sans aucun doute un conflit terrible dans le cœur de toute jeune femme, et encore plus dans celui d'une jeune femme jouissant d'une telle position dans l'Égypte antique. La Tôroh, qui se veut concise et va droit au but, ne prend pas la peine de mentionner ce conflit intérieur. Mais le Midhrosh le fait, et lorsqu'il est utilisé et compris correctement, il nous permet d'examiner les motivations de la fille de Pharaon. La métaphore de l'extension de son bras nous indique que c'est en fait HaShem Lui-même ית׳ qui a dirigé les actes de la fille de Pharaon. Les Sages nous enseignent que le fait d'avoir eu la force morale d'aller à l'encontre de l'éducation reçue par son père et ressentir des sentiments de compassion envers ce bébé Hébreu, alors que son père désirait tous les exterminer, est un miracle aussi grand que si HaShem avait agrandi son bras de huit mètres.

Lé`oh s'est sentie comme si un lourd fardeau venait d'être retiré de ses épaules. À 15 ans, on venait de lui apprendre pour la première fois le lien entre la Tôroh et les Midhroshim !

Tous les enseignants ne devraient enseigner un Midhrosh que s'ils aident leurs élèves à découvrir son message caché. Mais si eux-mêmes ne connaissent pas le message profond caché dans un certain Midhrosh ou qu'eux-mêmes croient littéralement dans l'histoire racontée par un certain Midhrosh, ils ne doivent pas du tout apprendre ce Midhrosh à leurs élèves, car ils font plus de tort qu'autre chose et éduquent des élèves qui croiront en des absurdités et des impossibilités ! En outre, cela apprend aux gens à accepter des récits qui contredisent ouvertement le Pashat de la Tôroh, ce qui est une aberration !

Prenons un autre exemple bien connu. Dans la Tôroh, nous lisons ceci6 :

`aharôn étendit sa main sur les eaux de l'Égypte, la grenouille monta et couvrit le pays d'Égypte.
וַיֵּט אַהֲרֹן אֶת-יָדוֹ, עַל מֵימֵי מִצְרָיִם; וַתַּעַל, הַצְּפַרְדֵּעַ, וַתְּכַס, אֶת-אֶרֶץ מִצְרָיִם

Rash''i, citant un Midhrosh rapporté dans le Talmoudh7, commente ce verset de la façon suivante :

Il y avait eu une seule grenouille. Ils l'avaient frappée et elle s'était alors transformée en une abondante multitude. Voilà pour le Midhrosh. Quant au sens simple, il exprime l'idée d'un singulier collectif venant désigner une multitude de grenouilles, comme dans : Kinnom [« la vermine », au singulier8), à savoir un fourmillement d'insectes. En français médiéval : « pedulier » (« une multitude de poux »). De même ici : « la grenouille », en français médiéval : « grenouillerie ».
צְפַרֵדַּע אַחַת הָיְתָה וְהָיוּ מַכִּין אוֹתָהּ וְהִיא מַתֶּזֶת נְחִילִים נְחִילִים זֶהוּ מִדְרָשׁוֹ. וּפְשׁוּטוֹ יֵשׁ לוֹמָר שֵׁרוּץ הַצְּפַרְדְּעִים קוֹרֵא לָשׁוֹן יְחִידוּת. וְכֵן וַתְּהִי הַכִּנָּם הָרְחִישָׁה פדוליר"א בּלע"ז וְאַף וַתַּעַל הַצְּפַרְדֵּעַ גּרינוליי"רא בּלע"ז

Le texte de la Tôroh utilise le singulier pour désigner les grenouilles. Évidemment, comme le fait remarquer Rash''i, le sens simple de notre verset est qu'en Loshôn Haqqôdhash et dans d'autres langues, un groupe entier ou des animaux d'une même espèce peuvent être désignés collectivement au singulier. Et c'est une chose que fait fréquemment la Tôroh. Ainsi, bien que la Tôroh parle d'une grenouille au singulier, elle désigne à l'évidence un groupe de grenouilles. Mais le Midhrosh saisit l'opportunité de l'emploie du mot « grenouille » au singulier pour enseigner qu'il n'y avait qu'une seule grenouille qui sortie du Nil. Et chaque fois que les Égyptiens frappaient cette grenouille, au lieu qu'elle soit écrasée sous les coups et meurt, elle se divisait en de nombreuses nouvelles grenouilles. Et c'est ainsi que les grenouilles se multiplièrent et couvrirent toute l’Égypte, car les Égyptiens continuaient de les frapper encore et encore, et chaque fois la grenouille qui se faisait frapper se multipliait en de nouvelles grenouilles. La plaie ne faisait donc qu'empirer. Évidemment, ce n'est pas ce qui s'est passé ! La leçon de ce Midhrosh est très simple et puissante : Quand les gens font face à des problèmes et tentent de les résoudre sans réfléchir (car comment se fait-il que les Égyptiens n'ont pas compris rapidement qu'à chaque fois qu'ils frappaient les grenouilles, elles se multipliaient ? C'est qu'ils agissaient par colère, sans plus réfléchir), avec entêtement et colère, comme l'ont fait les Égyptiens, au lieu de se demander ce qui a mal été et comment corriger le problème (les plaies avaient pour but d'amener les Égyptiens à se repentir et accepter la toute puissance d'HaShem, et que les dieux d’Égypte étaient fausses et impuissantes face à Lui), le problème ne peut qu'empirer. Plus les Égyptiens combattaient les grenouilles, plus les choses empiraient pour eux. C'est la leçon du Midhrosh, et nos Sages ne l'ont pas raconté pour qu'on le prenne au sens littéral !

L'approche du Ramba''m face aux Midhroshim n'est pas unique. En fait, c'est l'approche même de notre Masôroh (Tradition Orale). Des Ri`shônim tels que le Mé`iri ז״ל, le Ritva''`ז״ל, le Ramba''n ז״ל, ou encore le Rashba''` ז״ל, offraient des interprétations non littérales à de nombreux Midhroshim. (Voir par exemple l'article intitulé « Rivqoh avait-elle trois ans quand elle a épousé Yishoq ? », dans lequel nous avons montré que le Ramba''n, le `ibn ´azro` ז״ל et d'autres s'opposent catégoriquement à l'idée rapportée par Rash''i selon quoi Rivqoh `imménou ע״ה avait trois ans quand elle a épousé Yishoq `ovinou ע״ה, car c'est complètement absurde et incohérent par rapport au Pashat du récit rapporté par la Tôroh.) Les Midhroshim renferment des concepts profonds qui furent écrits au moyen de l'allégorie, et seuls des Talmidhé Hakhomim pourront comprendre leur signification. Rabbénou Yishoq `abbôhav ז״ל (fin du 14ème siècle) écrit dans son fameux מנורת המאור « Manôrath Hammé`ôr »9 : « Mais quelqu'un qui n'a pas la capacité de comprendre leur sens profond et pense qu'ils sont littérales, il n'existe rien de plus éloigné de l'intelligence et de la connaissance [qu'un tel homme.] » Le Ra`ava''d ז״ל (Rabbénou `avrohom ban Dowidh, 1125-1198), dans son commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m10, déclare que prendre littéralement les Midhroshim « fausse les principes de la foi. » C'est malheureux à dire, mais c'est le cas avec les enfants de notre génération. On leur a appris les Midhroshim comme de vraies histoires, et les conséquences sont désastreuses !

Il n'y a pas que les Ri`shônim qui adhéraient à cette approche. Les `aharônim aussi considéraient que les Midhroshim cachaient un sens profond et ne furent pas rapportés pour être pris littéralement. Le Go`ôn de Wilno` ז״ל (Rabbi `éliyohou ban Shalômôh Zalman, 1720-1797) analysa divers Midhroshim d'une manière non littérale dans un petit ouvrage intitulé « Un commentaire sur de nombreuses `aggodhôth ». Le Ramha''l ז״ל (Rabbi Môshah Hayim Louzzatô, 1707-1746), qui était un kabbaliste, traite de la nature des Midhroshim dans sa « Rédaction sur les `aggodhôth ». Il écrit ceci : « Ils (les Sages) leur demandaient de les écrire afin qu'ils ne soient pas perdus pour les générations futures, mais [ils le faisaient] sous une forme obscure ou par diverses énigmes. » Il précise qu'ils ne doivent donc pas être compris littéralement. Dans son « Commentaire sur les `aggodhôth », le Maharsha''` ז״ל (Rabbi Shamou`él `ali´azar `aydels, 1555-1631) écrit que les enseignements de nos Sages qui contiennent des histoires folles et des déclarations qui n'ont pas de sens doivent être expliqués comme des paraboles et des métaphores.

Prenons garde à n'instruire nos enfants qu'avec des vérités et en insistant sur le fait que les Midhroshim ne sont pas de vraies histoires. Mais si nous ne sommes pas capables de leur expliquer le sens profond des Midhroshim, abstenons-nous d'en faire mention !

1Péraq Halaq (Sanhédhrin Chapitre 10)
2Shamôth 2:5
3C'est-à-dire, ses servantes
4Talmoudh, Sôtoh 12b ; Midhrosh Shamôth Rabboh 1:23
5Les Sages
6Shamôth 8:2
7Sanhédhrin 67b
8Dans Shamôth 8:14
9Quatrième Nér, 3ème Partie, Chapitre 2

10Hilkôth Tashouvoh Chapitre 3