samedi 24 octobre 2015

Pourquoi allumons-nous les bougies de Shabboth ?

ב״ה

Pourquoi allumons-nous les bougies de Shabboth ?


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  1. Introduction

À la lumière de ce qui a été dit dans l'article intitulé « Quand commence et se termine le Shabboth ? », à savoir, que le Shabboth commence indépendamment du fait qu'on ait désiré ou pas l'accepter sur soi, car il entre dès l'instant où le soleil amorce son coucher (l'heure que l'on appelle « Shaqi´oh »), et que ce n'est donc même pas l'allumage des bougies qui indique notre acceptation du Shabboth, la question suivante peut être posée : pourquoi donc allumons-nous les bougies de Shabboth ?

Une chose m'a toujours frappée : lorsqu'on ouvre des livres de Halokhoh contemporaine ou qu'on parcourt quelques sites Internet religieux, on retrouve de nombreuses explications sur l'importance et les bienfaits spirituels présumés de l'allumage des bougies de Shabboth (dont plusieurs sont fantaisistes et superstitieuses), mais très peu d'entre eux ne donnent les raisons réelles pour lesquelles nous les allumons. Découvrons-les donc ensemble !

  1. Les raisons réelles de l'allumage des bougies

Voici ce que nous lisons dans la Gamoro`1 :

Rabbo` a dit : « Il est évident pour moi [que si quelqu'un doit choisir entre] la lampe de sa maison et la lampe de Hanoukkoh2, la lampe de sa maison a priorité en raison de la paix de son foyer ; [s'il doit choisir entre] la lampe de sa maison et le Qiddoush Hayyôm3, la lampe de sa maison a priorité en raison de la paix de son foyer ».
אמר רבא פשיטא לי נר ביתו ונר חנוכה נר ביתו עדיף משום שלום ביתו נר ביתו וקידוש היום נר ביתו עדיף משום שלום ביתו

Ce passage est incontesté dans la Gamoro` et constitue donc la Halokhoh. Il indique que la raison sous-jacente à l'obligation rabbinique d'allumer les bougies de Shabboth est le שלום בית « Sholôm Bayith » (paix domestique). Ce facteur a priorité sur toute autre obligation halakhique, et de ce fait les bougies de Shabboth sont prioritaires sur celles de Hanoukkoh, ainsi que sur le vin du Qiddoush. À quoi fait exactement référence la Gamoro` en parlant de Sholôm Bayith ?

Rash''i ז״ל explique : שבני ביתו מצטערין לישב בחשך « parce que les membres de sa maison sont gênés de rester dans le noir ». Il ajoute plus loin que dans le noir, les gens ont plus de chance de se cogner et tomber, ce qui est une situation et condition qui compromettent la paix dans la maison, que nous sommes censés avoir à Shabboth. En d'autres mots, les bougies de Shabboth sont nécessaires pour permettre de permettre de vaquer normalement à ses activités dans la maison, et plus particulièrement durant les heures de la nuit.

Mais voici ce qu'écrit le Ramba''m ז״ל dans son Mishnéh Tôroh4 : אַפִלּוּ אֵין לוֹ מַה יֹאכַל--שׁוֹאֵל עַל הַפְּתָחִים, וְלוֹקֵחַ שֶׁמֶן וּמַדְלִיק אֶת הַנֵּרשֶׁזֶּה בִּכְלַל עֹנֶג שַׁבָּת הוּא « Même s'il n'a pas de quoi manger, il doit demander aux portes et emprunter de l'huile, et allumer la lampe, car ceci est inclus dans le ´ônagh Shabboth ». Pourtant, plus tard, il écrit ceci5 : וְצָרִיךְ לְתַקַּן בֵּיתוֹ מִבְּעוֹד יוֹם, לִכְבוֹד הַשַּׁבָּת; וְיִהְיֶה נֵר דָּלוּק, וְשֻׁלְחָן עָרוּךְ, וּמִטָּה מֻצַּעַת--שֶׁכָּל אֵלּוּ לִכְבוֹד שַׁבָּת הֶן « Et il doit préparer sa maison tandis qu'il fait encore jour pour l'honneur du Shabboth : une lampe doit être allumée, la table doit être dressée, et le lit doit être fait, car tout cela est pour l'honneur du Shabboth ». Dans le premier passage, le Ramba''m semble attribuer l'obligation de l'allumage des bougies de Shabboth à la Miswoh de ´ônagh Shabboth (se faire plaisir à Shabboth), alors que dans le deuxième passage il la considère comme faisant partie de l'obligation de Kavôdh Shabboth (honorer le Shabboth). N'est-ce pas contradictoire ?

Il n'y a pas de contradiction, car du point de vue du Ramba''m, il existe deux obligations distinctes d'allumage des bougies de Shabboth. Une obligation a à voir avec le Shabboth lui-même, tandis que l'autre se rapporte à la préparation pour Shabboth. L'obligation de ´ônagh Shabboth s'applique au Shabboth lui-même, tandis que celle de Kavôdh Shabboth se rapporte aux préparations pour Shabboth. L'allumage des bougies est composé des deux éléments. Premièrement, l'obligation de ´ônagh Shabboth nécessite que l'on s'assure de la présence de suffisamment de lumière dans la maison pour Shabboth (et c'est de cela que parle la Gamoro` lorsqu'elle dit que cela contribue au Sholôm Bayith). Étant donné que nous ne pouvons pas allumer un feu à Shabboth même, par nécessité nous devons le faire avant le Shabboth. Mais en plus de cela, il existe une obligation distincte d'allumage des bougies découlant de la Miswoh de Kavôdh Shabboth. Et parmi les activités inclues pour le Kavôdh Shabboth, il y a le fait d'inclure également l'allumage de bougies.

L'allumage des bougies de Shabboth fait partie de la joie, du plaisir, que nous sommes censés expérimenter à Shabboth. Aujourd'hui, avec les lampes électriques en abondance, nous ne pouvons plus vraiment apprécier la fonction d'une simple bougie allumée à la veille du Shabboth, raison pour laquelle peu de gens citent encore les raisons raisons de l'institution de cette obligation rabbinique, et préfèrent inventer des raisons très « spirituelles ». Dans les temps mishnaïques et talmudiques, ainsi qu'au Moyen-Âge, la plupart des nuits les gens allaient dormir dès la tombée de la nuit, car il ne pouvait se permettre de gaspiller leur huile, ou d'en acheter constamment pour allumer leurs lampes à huile. C'était trop coûteux de gaspiller de l'huile pour des occasions ordinaires. Mais le Vendredi, ils allumaient leurs lampes, restaient éveillés plus tard, consommaient leur repas de Shabboth, et étudiaient la Tôroh. Rien que cela apportait de la joie et créait une atmosphère particulière à Shabboth.

  1. À qui incombe l'obligation ?

On entend généralement dire que l'obligation de l'allumage des bougies incombe aux femmes, que cela fait partie des trois Miswôth spécifiques des femmes, avec la Taharath Hammishpohoh (pureté familiale) et la séparation de la Halloh lorsqu'on fait du pain. Mais ce n'est que partiellement vrai.

En effet, voici ce que rapporte le Ramba''m6 : וְאֶחָד אֲנָשִׁים וְאֶחָד נָשִׁים, חַיָּבִין לִהְיוֹת בְּבָתֵּיהֶן נֵר דָּלוּק בַּשַּׁבָּת « Aussi bien les hommes que les femmes ont l'obligation de faire en sorte qu'il y ait dans leurs maisons une lampe allumée à Shabboth ». Ainsi, il n'est pas exact de dire que c'est une Miswoh qui incombe aux femmes. En fait, il est logique que les hommes y soient également astreints, puisque toutes les lois de Shabboth s'appliquent de la même manière pour les hommes que pour les femmes. C'est un domaine dans lequel ils ont les mêmes obligations en tous points. (C'est parce qu'ils sont égaux vis-à-vis des obligations du Shabboth que les femmes peuvent, par exemple, exempter des hommes en récitant le Qiddoush.) Toutefois, il ajoute ceci7 : וְנָשִׁים מְצֻוּוֹת עַל דָּבָר זֶה, יוֹתֵר מִן הָאֲנָשִׁים, לְפִי שְׁהֶן מְצוּיוֹת בַּבָּתִּים, וְהֶן הָעֲסֵקוֹת בִּמְלֶאכֶת הַבַּיִת; וְאַף עַל פִּי כֵן, צָרִיךְ הָאִישׁ לְהַזְהִירָן וְלִבְדֹּק אוֹתָן עַל כָּךְ, וְלוֹמַר לְאַנְשֵׁי בֵּיתוֹ עֶרֶב שַׁבָּת קֹדֶם שֶׁתֶּחְשַׁךְ, הַדְלִיקוּ אֶת הַנֵּר « Mais les femmes ont une plus grande obligation que les hommes à ce sujet, parce qu'elles restent à la maison et s'occupent des taches domestiques. Malgré cela, un homme doit les avertir et s'assurer [qu'elles le font]. C'est pourquoi, il dira aux femmes de sa maison, à ´arav Shabboth, avant qu'il ne fasse sombre : ''Allumez la lampe !'' ».

Lorsque le Ramba''m dit que les femmes ont une plus grande obligation que les hommes dans l'allumage des bougies de Shabboth, il veut simplement dire, comme le montre clairement le contexte, que ce sont généralement elles qui le font. Pourquoi ? Non pas parce que la Halokhoh dit que les bougies doivent être allumées par des femmes, mais simplement pour des raisons pratiques : les femmes restent généralement à la maison, tandis que les hommes se rendent à la Synagogue ou au Béth Midhrosh pour prier et étudier. Ils ne sont donc généralement pas à la maison au moment où l'allumage des bougies se fait. (Cela dit en passant, le fait que les femmes se rendent aussi fréquemment à la Synagogue, comme on peut le voir de nos jours, est une innovation plus ou moins récente qui s'est accentuée avec la propagation d'un certain « féminisme Orthodoxe ».) C'est uniquement cela la raison pour laquelle ce sont généralement les femmes qui allument, et non pas parce que ce serait une Miswoh féminine de le faire. Le Ramba''m conclut en citant la Mishnoh de Shabboth 34a, qui stipule qu'avant que l'obscurité n'arrive, c'est-à-dire avant que le soleil ne se couche, l'homme doit rappeler aux femmes de sa maison d'allumer les bougies de Shabboth si cela n'avait pas encore été fait. Par contre, la Gamoro` précise que si on est déjà entré dans la période où il y a un doute quant à savoir si on est la nuit ou pas, c'est-à-dire la période de Bén Hashamoshôth, il est interdit d'allumer les bougies. Le Ramba''m le rappelle aussi dans son Mishnéh Tôroh.8

Nous avons donc vu que les hommes et les femmes sont tous les deux astreints à la Miswoh d'allumer les bougies de Shabboth, mais que pour des raisons pratiques ce sont généralement les femmes qui s'en occupent. Comme sur beaucoup de sujets, Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל copie presque mot pour mot les propos du Ramba''m dans son Shoulhon ´oroukh.9 Et telle est la Halokhoh.

  1. La Barokhoh avant ou après l'allumage des bougies ?

Un débat existe quant à savoir s'il faudrait d'abord allumer les bougies de Shabboth et ensuite réciter la Barokhoh, ou d'abord réciter la Barokhoh et ensuite allumer les bougies de Shabboth. Quel est le problème qui cause ce débat ?

La divergence semble dépendre de la question suivante : les femmes acceptent-elles sur elles le Shabboth par la récitation de la Barokhoh faite sur les bougies ? D'après la position selon laquelle les femmes acceptent effectivement de façon automatique sur elles le Shabboth lorsqu'elles récitent la Barokhoh, elles doivent d'abord allumer les bougies avant de réciter la Barokhoh. Étant donné qu'elles acceptent Shabboth par la récitation de la Barokhoh, il serait interdit pour elles d'allumer après la Barokhoh, puisque allumer un feu est interdit à Shabboth et qu'elles ont accepté Shabboth. Mais d'après la position selon laquelle les femmes n'acceptent pas du tout sur elles le Shabboth en récitant la Barokhoh, elles doivent donc réciter la Barokhoh avant l'allumage, tout comme toutes les Barokhôth récitées pour l'accomplissement des Miswôth doivent êtres faites avant l'acte associé à la Miswoh en question. Quelle est la Halokhoh ?

La Halokhoh suit la deuxième opinion, et voilà pourquoi le Ramba''m rapporte ceci dans son Mishnéh Tôroh10 :

On a l'obligation de réciter avant l'allumage « ... Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d'allumer la lampe de Shabboth », de la même façon que l'on bénit pour toutes les choses dont on est astreint par les paroles des Scribes.
וְחַיָּב לְבָרַךְ קֹדֶם הַדְלָקָה, אֲשֶׁר קִדְּשָׁנוּ בְּמִצְווֹתָיו וְצִוָּנוּ לְהַדְלִיק נֵר שֶׁלַּשַּׁבָּת--כְּדֶרֶךְ שֶׁמְּבָרֵךְ עַל כָּל הַדְּבָרִים שְׁהוּא חַיָּב בָּהֶם מִדִּבְרֵי סוֹפְרִים

En fait, il n'y a même aucun débat à avoir sur le sujet, étant donné que le Talmoudh dit clairement que toutes les bénédictions récitées pour l'accomplissement des Miswôth doivent être faites avant l'accomplissement de l'acte associé à la Miswoh en question. Le Talmoudh ne note qu'une seule exception à cette règle, dans le cas d'une immersion rituelle à des fins de conversion. Étant donné qu'avant de s'être immergée et être sortie du Miqwah la personne est Gôy et n'est donc pas astreinte aux Miswôth, elle n'a pas le droit de dire « ... Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné ». Par conséquent, elle doit d'abord s'immerger et seulement alors réciter la bénédiction. C'est le seul cas d'exception ! Et il convient de signaler qu'il n'y a aucun débat à ce sujet dans le Talmoudh, car c'est une règle incontestée. De ce fait, on doit d'abord réciter la bénédiction sur l'allumage et seulement alors allumer les bougies de Shabboth. (Et cela dit en passant, la pratique consistant à réciter la bénédiction après s'être lavé les mains est également erronée. On récite d'abord la bénédiction, et seulement après on se lave les mains.) En outre, nous avions expliqué dans l'article précédent que ce n'était pas l'allumage des bougies qui faisait que l'on a accepté sur soi le Shabboth, mais le fait que le soleil commence à se coucher. De ce fait, puisque ce n'est pas la bénédiction qui fait que l'on a accepté le Shabboth, il n'y a aucun problème à faire la bénédiction avant l'allumage.

L'opinion selon laquelle on doit d'abord allumer puis réciter la bénédiction est donc une violation pure et simple de la Halokhoh. (Je le rappelle, il n'y a aucune contestation dans le Talmoudh sur le fait que dans tous les cas, sauf un, la bénédiction doit être récitée avant.) Comment justifie-t-on alors cette pratique qui est pourtant répandue dans la majorité des communautés ? Rabbi Môshah `issarlès de Cracovie ז״ל (dit le « Ramo''` ») cite, dans son commentaire sur le Shoulhon ´oroukh, le Mahari''l ז״ל (Rabbi Ya´aqôv ban Môshah Halléwi Môlin, 1365-1427), et écrit ceci :

Il y a une opinion qui dit que l'on bénit avant l'allumage et une [autre] opinion qui dit que l'on bénit après l'allumage, et afin que [la bénédiction] soit [considérée comme] ayant été faite après l'acte qui lui est associé, on ne doit pas en tirer profit jusqu'à après la bénédiction. On place la main devant la lampe après l'avoir allumée, et on bénit. Ensuite, on retire la main et cela peut être qualifié [d'une bénédiction ayant été récitée] avant l'acte. Et telle est la coutume.
יש מי שאומר שמברכים קודם ההדלקה ויש מי שאומר שמברך אחר ההדלקה וכדי שיהא עובר לעשייתו לא יהנה ממנה עד לאחר הברכה. ומשימין היד לפני הנר אחר ההדלקה ומברכין , ואחר כך מסלקין היד וזה מקרי עובר לעשיה וכן המנהג

C'est de là que provient le Minhogh très répandu des femmes d'allumer les bougies de Shabboth, puis placer leurs mains devant les yeux, ensuite réciter la bénédiction, et enfin retirer leurs mains de devant leurs yeux et observer les bougies. Mais c'est stupide ! Comment peut-on réellement croire qu'en agissant ainsi cela peut être qualifié d'une bénédiction ayant été récitée avant l'acte ? Une fois que la bénédiction a été récitée et qu'elles ont retiré leurs mains de devant leurs yeux, peut-on considérer qu'elles ont ensuite allumer les bougies, alors qu'elles ont été allumées avant la bénédiction ? Bien sûr que non ! Qui oserait dire qu'il est permis de secouer le Lôlov sans faire de bénédiction, puis se cacher les yeux pour ne pas voir le Lôlov, réciter la bénédiction, retirer ses mains de devant les yeux, et regarder le Lôlov sans plus le secouer ? Personne ! Donc, pourquoi faire de telles pirouettes concernant l'allumage des bougies ?

  1. Acceptation du Shabboth par l'allumage des bougies

Mais puisque bon nombre de Pôsqim aiment se rendre et nous rendre la vie difficile en inventant des questions halakhiques qui n’étaient même pas des questions du temps du Talmoudh, ils ont suscité des zones d'ombre qui font que les gens ne savent plus vraiment quoi faire et comment le faire. Les Ri`shônim débattent quant à savoir à quel moment est-ce qu'on accepte sur soi le Shabboth : au moment de l'allumage ou au moment de l'office du Vendredi soir ? Le Shoulhon ´oroukh cite les deux opinions11, mais il ressort clairement de sa conclusion qu'il s'aligne derrière l'opinion selon laquelle ce n'est pas par l'allumage des bougies de Shabboth que l'on accepte sur soi le Shabboth, mais au moment où le Hozzon récite le Borakhou à la Synagogue. Le Ramo''` commente alors en disant que pour lui, les femmes acceptent Shabboth quand elles allument les bougies, tandis que les autres membres de la famille l'acceptent au début de l'office du Vendredi soir (par le « Borakhou »).

L'un des problèmes que cause ce faux débat est ce qu'il convient de faire avec l'allumette utilisée pour allumer les bougies. En effet, si les femmes acceptent sur elles le Shabboth lorsqu'elles allument les bougies, comment peuvent-elles éteindre l'allumette après l'allumage, puisque éteindre fait partie des Malo`khôth interdites à Shabboth ? Le Shoulhon ´oroukh rapporte que certaines des femmes qui suivent l'opinion selon laquelle elles acceptent sur elles le Shabboth par l'allumage des bougies (une opinion à laquelle il s'oppose) ont la coutume, après l'allumage, de simplement déposer à terre l'allumette qui a servi à l'allumage et la laisser s'éteindre d'elle-même. Mais il va de soi que dès lors que l'on sait que ce n'est pas l'allumage qui marque l'acceptation du Shabboth, non seulement éteindre l'allumette n'est pas un problème, mais accomplir n'importe quelle autre Malo`khoh après l'allumage n'est pas un problème non plus (tant que l'on n'aura pas déjà prié `arvith, évidemment12, ou que le soleil n'aura pas commencé à se coucher).

Autre problème suscité par ce faux débat : certains estiment que ce ne sont que les femmes qui acceptent le Shabboth par l'allumage des bougies, mais qu'un homme qui a allumé les bougies n'est pas considéré comme ayant accepté sur lui le Shabboth et pourra accomplir des Malo`khôth après l'allumage.13 Pourquoi cette distinction, alors que d'un point de vue halakhique les hommes sont autant astreints à l'obligation de l'allumage des bougies que les femmes ? De ce fait, si on dit que les femmes acceptent le Shabboth par l'allumage, pourquoi cela serait-il différent pour les hommes ? Mais dès lors que l'allumage n'est pas lié à l'acceptation, un homme comme une femme qui allume les bougies peut accomplir après des Malo`khôth, dès lors qu'il/elle n'a pas encore prié ´arvith, et que le soleil n'a pas commencé à se coucher.

Autre problème : une femme peut-elle émettre une condition selon laquelle elle n'acceptera sur elle le Shabboth qu'au moment où le Hozzon aura commencé l'office de ´arvith et pas lorsqu'elle allumera les bougies ? Le Shoulhon ´oroukh cite les deux opinions, sans se prononcer, tandis que le Hofés Hayim ז״ל écrit dans son Mishnoh Barouroh qu'une femme ne peut pas émettre une telle condition (d'autres disent qu'elle peut). Il ajoute cependant que si une femme allume tôt les bougies de Shabboth, sans accepter sur elle le Shabboth, elle a néanmoins accompli la Miswoh. Il écrit aussi que le Minhogh selon lequel l'acceptation du Shabboth se fait par l'allumage des bougies ne s'applique qu'aux femmes, et par conséquent, les hommes qui allument peuvent encore accomplir des Malo`khôth après l'allumage. Toutefois, il recommande quand même aux hommes qui allument d'émettre la condition qu'ils n'acceptent pas sur eux le Shabboth par cet allumage. Pourquoi cette différence entre hommes et femmes si la Halokhoh est qu'ils sont soumis de la même manière à la Miswoh de l'allumage des bougies de Shabboth ? Et si le Minhogh ne s'applique qu'aux femmes, pourquoi néanmoins recommander aux hommes d'émettre cette condition ? Et s'il considère que les femmes acceptent sur elles le Shabboth dès lors qu'elles ont allumé les bougies, pourquoi dit-il que si elles ont allumé sans accepter sur elles le Shabboth elles sont néanmoins quittes de la Miswoh ? N'est-ce donc pas la preuve qu'au fond, allumer les bougies n'est pas l'acte par lequel on accepte sur soi le Shabboth, même lorsqu'on est une femme, mais que c'est juste un Minhogh et non la Halokhoh qui stipule cela ? Là encore, dès lors qu'il est clair que l'allumage n'est pas lié à l'acceptation du Shabboth, un homme comme une femme qui allume les bougies peut accomplir après des Malo`khôth, et il n'y a aucune nécessité d'émettre une condition selon laquelle on n'accepterait pas sur soi le Shabboth par cet allumage.

Ce n'est là qu'un échantillon des faux problèmes et des doutes « halakhiques » que l'on crée en déviant de la Halokhoh elle-même. Quand les hommes inventent des préceptes de toutes pièces, ou inventent des problèmes là où il n'y en a pas, il y a toujours quelque chose de tordu dans le raisonnement, et les incertitudes « halakhiques » n'en sont que plus grandes et nombreuses ! Contentons-nous des Halokhôth très simples qui sont qu'une bénédiction doit toujours (sauf dans un cas) être récitée avant l'accomplissement d'une Miswoh, et que ce n'est pas l'allumage des bougies, ni même la bénédiction récitée pour l'allumage, qui nous fait accepter le Shabboth. Comme nous l'avons vu tout au début, l'allumage n'est pas lié à l'acceptation du Shabboth, mais sert de préparation à accueillir le Shabboth (comme le fait de faire le ménage, faire son lit, préparer à manger pour les repas de Shabboth, dresser la table, etc., comme on le ferait en accueillant chez soi une reine, et nous savons que le Shabboth est une reine) et aussi pour qu'il y ait de la lumière dans la maison afin de ne pas être dans le noir. Si on se tient à ça, il n'y a aucune difficulté, aucune contradiction, et il n'y a pas à avoir de débat quant à savoir si la bénédiction est faite avant ou après, ou si c'est la bénédiction qui fait qu'on accepte sur soi le Shabboth ou pas.

  1. Quelle sorte de bougies doit-on utiliser ?

Le Talmoudh permet d'utiliser pratiquement toutes sortes de bougies pour la Miswoh de l'allumage. Il n'y a que deux critères à respecter dans le choix des bougies que l'on utilise :

  1. les bougies que l'on choisit doivent donner une belle lumière (produire une flamme claire), et
  2. elles ne doivent pas émettre une mauvaise odeur.

  1. Allumer des lumières électriques

Étant donné que l'écrasante majorité des Pôsqim considèrent l'électricité comme du feu, ils permettent également d'utiliser des lampes électriques à incandescence pour accomplir la Miswoh de l'allumage, et permettent également de réciter la bénédiction dans ce cas-là.14

Certains, comme le Rov Môshah Feinstein (1895-1986) ou encore le Rogatchover Go`ôn (Rabbi Yôséf Rozin, 1858-1936), ne le permettent qu'en cas de grande nécessité, c'est-à-dire si on a rien d'autre pour accomplir la Miswoh.

Ce qui est étonnant, illogique et incompréhensible, c'est que la plupart de ceux qui permettent d'accomplir la Miswoh de l'allumage des bougies de Shabboth avec de l'électricité sont les mêmes qui ne permettent pas l'accomplissement de la Miswoh de l'allumage des bougies de Hanoukkoh avec un candélabre électrique ! Certains d'entre eux aussi interdisent de faire la Havdoloh avec une lampe électrique. Pourquoi ? Parce qu'ils disent qu'étant donné que le mot « feu » est mentionné dans la bénédiction que l'on fait durant la Havdoloh, il leur semble qu'on parle d'un vrai feu, et pas simplement d'une lumière. De ce fait, une ampoule électrique ne serait pas valable. Il faudrait savoir : l'électricité est-elle du feu ou de la lumière ? Si c'est du feu, il faut alors permettre de l'utiliser dans tous les cas où une Miswoh doit être accomplie avec du feu (Shabboth, Havdoloh, Hanoukkoh, etc.). Si ce n'est pas du feu, mais de la lumière (et la Halokhoh n'a jamais interdit la lumière), alors cela doit être considéré dans tous les cas comme de la lumière. Mais on ne peut pas dire tantôt que c'est du feu, et tantôt que c'est de la lumière et non du feu ! Et ce ne sont là que deux des nombreuses contradictions des Pôsqim qui considèrent l'électricité comme du feu !

  1. Quand allumer ?

Étant donné que toutes les Miswôth de la nuit (excepté le Shama´, qui doit obligatoirement être récité après la tombée de la nuit) peuvent être accomplies à partir de la deuxième moitié de Palagh Hamminhoh, c'est également l'heure minimum à partir duquel on peut allumer les bougies de Shabboth (et si on compte prier Minhoh, dont l'heure limite est la première moitié de Palagh Hamminhoh, l'allumage pourra se faire après avoir prié Minhoh, mais pas avant). Et on a jusqu'à l'heure de la Shaqi´oh (le moment où le soleil commence à se coucher) pour le faire (mais il est préférable de le faire légèrement avant, pour ne pas prendre de risque, car une fois qu'arrive la Shaqi´oh on entre dans la période de Bén Hashamoshôth où plus aucune Malo`khoh ne peut être réalisée jusqu'à la fin du Shabboth).

  1. Allumer dans une pièce déjà éclairée

Étant donné que nous nous éclairons de nos jours au moyen de l'électricité et non plus de bougies, de nombreux Pôsqim contemporains s'interrogent sur la validité de la Miswoh de l'allumage lorsqu'elle se fait dans une pièce déjà éclairée par l’électricité, au point que les bougies de Shabboth n'ajoute aucune lumière significative ou appréciable dans la pièce.

Afin de satisfaire à toutes les opinions, et puisque les lumières électriques déjà allumées ne l'ont pas été spécialement en l'honneur du Shabboth mais pour la routine quotidienne, certains proposent d'éteindre les lumières électriques, puis de les rallumer spécialement en l'honneur du Shabboth, ensuite d'allumer les bougies et réciter la bénédiction en ayant à l'esprit toutes les lumières allumées (les lampes électriques et les bougies, puisque nous avons vu plus haut que la majorité des Pôsqim permettent d'accomplir son devoir avec des lampes électriques).15 C'était notamment le Minhogh qui était suivi dans la maison du Rov Môshah Feinstein.

D'autres sont d'avis que l'on doit éteindre les lumières électriques, puis allumer les bougies de Shabboth, ensuite rallumer les lumières électriques, et seulement alors réciter la bénédiction sur toutes les lumières allumées.16

Signalons que pour celui qui veut vraiment respecter la Halokhoh telle qu'elle est stipulée dans le Talmoudh et le Mishnéh Tôroh (ainsi que dans de nombreux autres livres des Ri`shônim), aucune de ces deux méthodes n'est valable, puisque la bénédiction doit être récitée avant l'accomplissement de la Miswoh, et non pas après. (J'en profite pour rappeler que jusqu'à récemment, le Minhogh des Safaradhim était de réciter la bénédiction de l'allumage des bougies avant l'allumage, et non après, contrairement à la pratique des `ashkanazim.) De ce fait, on devrait d'abord éteindre les lumières électriques, réciter la bénédiction, et seulement alors allumer les bougies et les lampes électriques (et puisque ce n'est pas l'allumage qui détermine l'acceptation du Shabboth, le fait d'allumer les bougies et les lumières électriques après la bénédiction ne cause aucun soucis, tant que l'on n'est pas encore au moment de la Shaqi´oh).

Une troisième « solution » est proposée par le Rov Yahôshoua´ Neuwirth (1927-2013), à savoir, éteindre les lumières électriques, puis allumer les bougies, ensuite demander à quelqu'un d'autre (un mineur, un Gôy ou un autre Juif n'ayant pas encore accepté sur lui le Shabboth) de rallumer les lumières électriques, et seulement alors réciter la bénédiction en ayant à l'esprit toutes les lumières allumées.17

Et d'autres sont d'avis que le fait d'allumer les bougies dans une pièce déjà éclairée à la lumière électrique n'est pas un problème, car on peut aussi dire que les lumières électriques sont suffisantes pour accomplir son devoir d'avoir de la lumière dans la maison et n'allumer les bougies que pour le Kavôdh Shabboth.

Mais là encore, c'est un débat inutile. Dès lors que l'on sait que la Miswoh fut instituée afin que l'on ait de la lumière dans la maison afin de ne pas rester dans le noir, ainsi que pour l'honneur du Shabboth, il s'en suit très logiquement que pour que la bénédiction ne soit pas prononcée en vain, il faudra avoir profité concrètement de la lumière des bougies de Shabboth au moins une fois entre le moment où elles ont été allumées et le moment où elles se sont éteintes, autrement l'allumage n'aura pas servi à grand chose. De ce fait, qu'on les ait allumées lorsque les lumières électriques étaient déjà allumées ou pas, ne change rien si on profite au moins une fois de leur lumière durant la nuit.

  1. Combien de bougies allume-t-on ?

Le minimum consiste à n'allumer qu'une bougie, et c'est la raison pour laquelle nous disons dans la bénédiction וְצִוָּנוּ לְהַדְלִיק נֵר שֶׁלַּשַּׁבָּת « et nous ordonné d'allumer la lampe de Shabboth », la lampe au singulier. Et il n'y a pas de nombre maximum. Certains en allument deux, d'autres cinq, d'autres dix, d'autres douze, et d'autres en allument une pour chaque personne qui compose le foyer (ainsi, si un couple a deux enfants, ils allument quatre bougies). Chacun fera comme il le désire, en sachant que le minimum n'est que d'une bougie.

  1. Où allume-t-on ?

Puisque le but de l'allumage des bougies de Shabboth est d'honorer le Shabboth, créer une atmosphère joyeuse et ne pas rester dans le noir, les bougies doivent être allumées dans la pièce dans laquelle on passe généralement le plus de temps le Vendredi soir, à savoir la salle à manger. Et si ce n'est pas pratique de les allumer là où l'on va prendre son repas, on pourra les allumer à un endroit où on profitera certainement de leur lumière au moins une fois durant la nuit.

1Shabboth 23b
2C'est-à-dire qu'il ne peut pas acheter des lampes ou bougies à la fois pour Shabboth et Hanoukkoh, mais n'a les moyens que pour les bougies de Shabboth ou celles de Hanoukkoh
3C'est-à-dire qu'il n'a les moyens que pour soit acheter les bougies de Shabboth ou Yôm Tôv, soit le vin pour le Qiddoush, mais ne peut pas se permettre d'acheter les deux
4Hilkôth Shabboth 5:1
5Ibid., 30:5
6Ibid., 5:1
7Ibid., 5:3
8Ibid., 5:3-4
9`ôrah Hayim 263:2-3
10Hilkôth Shabboth 5:1
11`ôrah Hayim 263:10
12Puisque si on a prié ´arvith, qui contient la ´amidhoh spéciale de Shabboth, on est considéré comme étant entré dans le Shabboth, m^me s'il fait encore jour
13Voir notamment le Mishnoh Barouroh 263:42
14Voir notamment le Séfar Hahashmal La`ôr Hahalokhoh 3:6, par le Rov Yahoudhoh Youdel Rosenberg (1859-1935), le ´édhouth Layisro`él, page 122, par le Rov Yôséf `éliyohou Henkin, le Har Savi, `ôrah Hayim 143, par le Rov Savi Pésah Frank (1873-1960), le Sis `ali´azar, Volume 1, Simon 20, Chapitre 11, par le Rov `ali´azar Waldenberg (1915-2006), ou encore le Rov Hayim ´ôzér Grodzinski (1863-1940) cité dans Nafash Horov, pages 155-156, pour ne citer que quelques exemples seulement
15Voir `oz Nidhbarou, Volume 5, n°3
16Voir Nafash Horov, page 156

17Shamirath Shabboth Kahilkhothoh, Volume 2, 43:34