ב״ה
La
Miswoh de Mishlôah Monôth
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article peut être téléchargé ici.
Quatre
Miswôth se réalisent durant la journée de Pourim :
- lire la Maghillath `astér
- prendre un repas de fête
- envoyer des portions alimentaires à des amis, et
- faire des dons aux pauvres.
Dans
cet article, nous nous focaliserons sur l'envoie des présents
alimentaires à des amis, Miswoh que l'on appelle communément
מִשְׁלֹחַ
מָנוֹת « Mishlôah
Monôth ». La source de cette Miswoh provient de la Maghilloh
elle-même, où nous lisons ceci1 :
C'est
pourquoi les Juifs des campagnes, qui habitent des villes
ouvertes, font du quatorzième jour du mois de `adhor un jour de
joie, de festin, un jour de fête, et
d’envoi de portions alimentaires de chaque homme envers son
prochain.
Mordokhay
mit par écrit ces événements et expédia des lettres à tous
les Juifs, proches ou éloignés, dans toutes les provinces du roi
`ahashwérôsh,
leur
enjoignant de s'engager à observer, année par année, le
quatorzième jour du mois de `adhor et le quinzième jour,
c'est-à-dire
les jours où les Juifs avaient obtenu rémission de leurs
ennemis, et le mois où leur tristesse s'était changée en joie
et leur deuil en fête à en faire des jours de festin et de
réjouissances et une occasion d'envoyer
des portions alimentaires l'un à l'autre
et des dons aux pauvres. Les
Juifs acceptèrent [comme loi] ce qu'ils avaient commencé de
faire et ce que Mordokhay leur avait écrit.
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עַל-כֵּן
הַיְּהוּדִים הפרוזים (הַפְּרָזִים),
הַיֹּשְׁבִים
בְּעָרֵי הַפְּרָזוֹת--עֹשִׂים
אֵת יוֹם אַרְבָּעָה עָשָׂר לְחֹדֶשׁ
אֲדָר,
שִׂמְחָה
וּמִשְׁתֶּה וְיוֹם טוֹב;
וּמִשְׁלֹחַ
מָנוֹת,
אִישׁ
לְרֵעֵהוּ.
וַיִּכְתֹּב
מָרְדֳּכַי,
אֶת-הַדְּבָרִים
הָאֵלֶּה;
וַיִּשְׁלַח
סְפָרִים אֶל-כָּל-הַיְּהוּדִים,
אֲשֶׁר
בְּכָל-מְדִינוֹת
הַמֶּלֶךְ אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ--הַקְּרוֹבִים,
וְהָרְחוֹקִים.
לְקַיֵּם,
עֲלֵיהֶם--לִהְיוֹת
עֹשִׂים אֵת יוֹם אַרְבָּעָה עָשָׂר
לְחֹדֶשׁ אֲדָר,
וְאֵת
יוֹם-חֲמִשָּׁה
עָשָׂר בּוֹ:
בְּכָל-שָׁנָה,
וְשָׁנָה.
כַּיָּמִים,
אֲשֶׁר-נָחוּ
בָהֶם הַיְּהוּדִים מֵאֹיְבֵיהֶם,
וְהַחֹדֶשׁ
אֲשֶׁר נֶהְפַּךְ לָהֶם מִיָּגוֹן
לְשִׂמְחָה,
וּמֵאֵבֶל
לְיוֹם טוֹב;
לַעֲשׂוֹת
אוֹתָם,
יְמֵי
מִשְׁתֶּה וְשִׂמְחָה,
וּמִשְׁלֹחַ
מָנוֹת אִישׁ לְרֵעֵהוּ,
וּמַתָּנוֹת
לָאֶבְיֹנִים.
וְקִבֵּל,
הַיְּהוּדִים,
אֵת
אֲשֶׁר-הֵחֵלּוּ,
לַעֲשׂוֹת;
וְאֵת
אֲשֶׁר-כָּתַב
מָרְדֳּכַי,
אֲלֵיהֶם
|
Et
de même, on a l'obligation d'envoyer deux portions de viande ou
d'autres plats cuits, ou deux autres aliments, à son ami, car il
est dit3 :
« et d’envoi de portions alimentaires, chaque homme à
son prochain », [c'est-à-dire] deux portions
alimentaires à une personne. Et tout celui qui multiplie les
envois à ses prochains est digne de louange. Et s'il n'a pas [de
quoi envoyer à son prochain], il fait un échange avec son ami :
celui-ci envoie à celui-là son repas, et celui-là envoie à
celui-ci son repas, afin d'accomplir « et d'envoi de
portions alimentaires, chaque homme à son prochain »
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וְכֵן
חַיָּב לִשְׁלֹחַ שְׁתֵּי מָנוֹת
שֶׁלְּבָשָׂר,
אוֹ
שֶׁלְּמִינֵי תַּבְשִׁיל,
אוֹ
שְׁנֵי מִינֵי אֹכָלִין--לַחֲבֵרוֹ:
שֶׁנֶּאֱמָר
"וּמִשְׁלֹחַ
מָנוֹת,
אִישׁ
לְרֵעֵהוּ"--שְׁתֵּי
מָנוֹת,
לְאָדָם
אֶחָד.
וְכָל
הַמַּרְבֶּה לִשְׁלֹחַ לָרֵעִים,
מְשֻׁבָּח.
וְאִם
אֵין לוֹ,
מַחְלִיף
עִם חֲבֵרוֹ--זֶה
שׁוֹלֵחַ לְזֶה סְעוֹדָתוֹ וְזֶה
שׁוֹלֵחַ לְזֶה סְעוֹדָתוֹ,
כְּדֵי
לְקַיַּם "וּמִשְׁלֹחַ
מָנוֹת,
אִישׁ
לְרֵעֵהוּ
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Tout
ce qui est rapporté ici par le Ramba''m se retrouve dans la Gamoro`
de Maghilloh 7a-b.
Premièrement,
il est à noter que la Miswoh est appelée dans la Maghilloh מִשְׁלֹחַ
מָנוֹת « Mishlôah
Monôth », littéralement « envoi de portions
alimentaires », ce qui implique que ces aliments doivent être
envoyés par un intermédiaire et non pas directement. Par exemple,
si quelqu'un désire offrir des aliments à son voisin, plutôt que
de le faire directement, il peut envoyer un de ses enfants qui se
chargera de remettre de sa part les aliments. Une autre méthode très
populaire parmi les communautés juives consiste à ce que tout le
monde remette ses présents alimentaires à un organisme
communautaire (en prenant soin, évidemment, de noter le nom du
destinataire) qui se chargera de les distribuer. Il existe une
divergence d'opinion entre les Pôsqim moderne quant à savoir si on
peut envoyer ses colis alimentaires par la poste, mais c'est
techniquement permis d'après la majorité d'entre eux.
Deuxièmement,
puisque la Maghilloh emploie le terme de מָנוֹת
« Monôth »
(portions alimentaires), au pluriel, nos Sages déduisent que cela
signifie que chacun doit envoyer au moins deux portions alimentaires
à une personne.
Troisièmement,
il doit s'agir d'aliments déjà « cuits », c'est-à-dire
qui ne nécessitent plus de préparation, mais peuvent être
consommés tels quels lorsqu'on les a reçus.
Quatrièmement,
il doit s'agir de deux aliments différents.4
Le Talmoudh (dans la Gamoro` susmentionnée) rapporte que Rébbi
Yahoudhoh Nasi`oh ז״ל
envoya
à Rébbi `ôsha´yo` ז״ל
la
cuisse d'un veau de trois ans (qui est particulièrement succulente)
et un tonneau de vin. Rabboh ז״ל
envoya
à Mari bar Mor ז״ל,
par l'intermédiaire de `abbayé ז״ל,
un sac rempli de dattes et une coupe pleine de germes de blé
grillés. Mari lui envoya en contrepartie un sac rempli de gingembres
et une couple pleine de poivriers longs. Quant à `abbayé bar `avin
ז״ל
et
Rébbi Hanino` bar `avin ז״ל,
étant donné qu'ils n'avaient pas les facilités financières de
préparer ou acheter des aliments à envoyer à un ami, ils
s’échangeaient leur repas. C'est-à-dire que ce que `abbayé avait
acheté ou préparé normalement pour lui, il l'envoyait à Rébbi
Hanino`, et vice-versa.
Cinquièmement,
la Miswoh de « Mishlôah Monôth » est
l'une des rares pour lesquelles le Ramba''m encourage à faire plus
que le minimum halakhique requis. La question qui se pose est
pourquoi ? La réponse repose dans la raison même de
l'instauration de cette Miswoh. S'envoyer des portions
alimentaires le jour de Pourim a pour but de développer une
camaraderie festive entre les Juifs. Il nous est, par conséquent,
recommandé d'offrir plus de portions que ce que la Halokhoh exige,
afin d'augmenter davantage cet esprit d'amitié et d'affection.
Ce
thème de la camaraderie sociale dans le cadre des célébrations de
Pourim se retrouve aussi vers la fin de l'énumération des 613
Miswôth de la Tôroh que fait le Ramba''m juste après son
Introduction au Mishnéh Tôroh. Il écrit :
Nous
disons plutôt ceci : les prophètes avec le Béth Din ont
décrété et ordonné de lire la Maghilloh en son temps afin de
se remémorer les louanges du Saint, bénit soit-Il, les actes de
délivrance qu'Il a opérés pour nous, et le fait qu'Il fut
proche de nos cris de détresse, afin que nous le bénissions et
Le louions, et afin de faire connaître aux générations futures
la vérité de ce qu'Il nous a promis dans la Tôroh5 :
« et qui est une grande nation qui possède des dieux
proche d'elle ? »
|
אֵלָא
כָּךְ אָנוּ אוֹמְרִין,
שֶׁהַנְּבִיאִים
עִם בֵּית דִּין תִּקְּנוּ וְצִוּוּ
לִקְרוֹת הַמְּגִלָּה בְּעוֹנָתָהּ
כְּדֵי לְהַזְכִּיר שְׁבָחוֹ
שֶׁלְּהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא
וּתְשׁוּעוֹת שֶׁעָשָׂה לָנוּ,
וְהָיָה
קָרוֹב לְשַׁוְעֵנוּ כְּדֵי לְבָרְכוֹ
וּלְהַלְּלוֹ,
וּכְדֵי
לְהוֹדִיעַ לְדוֹרוֹת הַבָּאִים
שֶׁאֱמֶת מַה שֶׁהִבְטִיחָנוּ בַּתּוֹרָה,
וּמִי-גוֹי
גָּדוֹל,
אֲשֶׁר-לוֹ
אֱלֹהִים קְרֹבִים אֵלָיו
|
Le
Ramba''m décrit là le miracle de Pourim comme une manifestation
claire de la « proximité » de Dieu aux prières des
Juifs, comme le décrit Môshah Rabbénou ע״ה
dans
la Tôroh : כִּי
מִי-גוֹי
גָּדוֹל,
אֲשֶׁר-לוֹ
אֱלֹהִים קְרֹבִים אֵלָיו,
כַּיהוה
אֱלֹהֵינוּ,
בְּכָל-קָרְאֵנוּ
אֵלָיו « Car
qui est grande nation qui possède des dieux proche d'elle comme
`adhônoy, notre Dieu, toutes les fois où nous L'invoquons ? ».
Ailleurs dans son Mishnéh Tôroh6,
le Ramba''m, sur la base de la Gamoro`7,
cite à nouveau ce passage biblique, et explique que c'est sur lui
que repose l'enseignement de nos Sages selon quoi la Tashouvoh
communautaire est toujours acceptée par HaShem ית׳.
Quand Môshah Rabbénou décrit le Tout-Puissant comme étant
« proche de nous chaque fois que nous L'invoquons », il
se réfère spécifiquement aux situations où une communauté s'unit
dans une Tashouvoh sincère.
Il
s'en suit donc que la réaction des Juifs face au décret de Homon
ימש״ו,
telle qu'elle est décrite dans la Maghilloh, sert de paradigme de ce
que doit être une Tashouvoh communautaire : les Israélites ne
constituèrent plus un groupe d'individus. Plutôt, tous les
Israélites de l'empire perse s'unirent en une seule entité pour
invoquer HaShem pour qu'Il ait pitié d'eux. Lorsque `astér ע״ה
donna
l'instruction suivante à Mordokhay ע״ה,
son oncle, לֵךְ
כְּנוֹס אֶת-כָּל-הַיְּהוּדִים
הַנִּמְצְאִים בְּשׁוּשָׁן
« Va,
rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Shoushon »8,
elle lui demandait en fait de faire en sorte que les Juifs ne forment
plus qu'un seul ensemble organique, et les inspire de retourner
collectivement vers Dieu et Le supplier.
Par
conséquent, le thème de l'amitié et de la bonne disposition
mutuelle, tel qu'il se reflète dans la Miswoh
de « Mishlôah
Monôth », joue un rôle essentiel dans l'observance appropriée
de Pourim, car nous aspirons à commémorer, voire même revivre
« l'assemblée » des Juifs du temps de `astér, afin que
nous aussi, par l'intérêt que nous portons à nos frères et sœurs
Juifs (en leur envoyant de la nourriture) et aux pauvres (en leur
faisant des dons), nous puissions nous aussi afficher notre unité et
amour pour notre prochain, et par-là être dignes des miséricordes
Divines.
Ainsi,
au plus on envoie des présents alimentaires à plusieurs personnes
différentes (dans les limites de ses possibilités, évidemment), au
plus cela indique l'attention que nous portons aux autres, et c'est
pour cela qu'il est une bonne chose (pas une obligation) d'offrir
plus que deux aliments à une seule personne.
1`astér
9:19-23
2Hilkôth
Maghilloh Wahanoukkoh 2:17
3`astér
9:19, 22
4Quand
le Ramba''m écrit que l'on peut envoyer deux viandes, c'est
évidemment deux types de viandes différentes. Par exemple, de la
viande d'agneau et de la viande de veau
5Davorim
4:7
6Hilkôth
Tashouvoh 2:8
7Rô`sh
Hashonoh 18a
8`astér
4:16