dimanche 10 mars 2019

Talmoudh Tôroh pour les Gôyim


ב״ה

Talmoudh Tôroh pour les Gôyim



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Il existe une distinction qualitative entre la Tôroh écrite et la Tôroh orale, en ce que seule cette dernière reflète la relation d'alliance unique liant HaShem et le peuple Juif. Nous allons donc explorer une interdiction très claire dans la tradition Juive, qui est celle de l'étude de la Tôroh par les Gôyim. À cette fin, nous passerons en revue les deux écoles de pensée qui existent concernant la base de cette interdiction et sa portée.

Le Talmoudh Bavli cite deux textes du TaNa''Kh pour établir le lien unique du peuple Juif avec la Tôroh :

Davorim 33:4

Môshah nous a ordonné la Tôroh ; un héritage de l'Assemblée de Ya´aqôv.
תּוֹרָה צִוָּה-לָנוּ, מֹשֶׁהמוֹרָשָׁה, קְהִלַּת יַעֲקֹב

Tahillim 147:19-20

Il a raconté Ses paroles à Ya´aqôv, Ses décrets et Ses jugements à Yisro`él. Il n'a pas agi de la sorte envers aucune [autre] nation ; elles ne connaissent pas [Ses] jugements. Louez Yoh !
מַגִּיד דְּבָרָו לְיַעֲקֹב;    חֻקָּיו וּמִשְׁפָּטָיו, לְיִשְׂרָאֵל. לֹא עָשָׂה כֵן, לְכָל-גּוֹי--    וּמִשְׁפָּטִים בַּל-יְדָעוּם: הַלְלוּ-יָהּ

Le premier passage est cité dans Sanhédhrin 59a, et la Gamoro` explore deux façons de le comprendre, soit littéralement, auquel cas la Tôroh n'est l'héritage ( מוֹרָשָׁה « Môroshoh ») exclusif que du peuple Juif, soit homilétiquement, auquel cas il ne faudrait pas lire « Môroshoh » mais plutôt מְאֹרָשָׂה « Ma`ôrosoh » (fiancée), ce qui signifie que la Tôroh est la fiancée exclusive du peuple Juif.

La Gamoro` se demande alors pourquoi l'interdiction d'étudier la Tôroh pour les Gôyim ne fut pas incluse dans les Lois Noahides, et offre deux réponses :

  1. si le verset susmentionné est lu comme décrivant la Tôroh comme un héritage (Môroshoh) exclusif du peuple Juif, cela voudrait dire que le Gôy qui l'étudie se rendrait coupable de l'interdiction du vol (puisqu'il se serait emparé de ce qui ne lui appartenait pas), qui fait partie des Lois Noahides ;
  2. si le verset susmentionné est lu comme décrivant la Tôroh comme la fiancée (Ma`ôrosoh) exclusive du peuple Juif, cela voudrait dire que le Gôy qui l'étudie se rendrait coupable de l'interdiction de l'adultère (puisqu'il aurait eu une « relation » avec une « jeune femme » fiancée à autrui), ce qui fait également partie des Lois Noahides, et qui rend passible de la lapidation.

La Gamoro` cite alors une Barayatho` qui semble contredire cette interdiction pour les Gôyim d'étudier la Tôroh puisqu'elle enseigne que le Gôy qui étudie la Tôroh est aussi élevé que le Kôhén Godhôl. Mais il n'y a pas de contradiction, car, comme l'explique la Gamoro` elle-même, cette Barayatho` ne se référait qu'à un Gôy qui n'étudie que les parties de la Tôroh se rapportant aux Sept Lois Noahides. Nous apprenons donc qu'il est une Miswoh pour un Gôy de n'étudier que les Halokhôth qui se rapportent aux Sept Lois Noahides, et que tout Gôy qui agirait de la sorte doit être traité avec le plus grand respect.

Cette référence talmudique est importante, et ce, pour de nombreuses raisons :

  1. La Gamoro` souligne la gravité de l'interdiction pour les Gôyim d'étudier la Tôroh en stipulant que ceux qui le font mériteraient la mort ;
  2. comme nous le verrons un peu plus tard, le fait que la Gamoro` compare ce problème à un vol ou à un adultère nous permettra de comprendre la logique de cette interdiction ;
  3. bien qu'il y ait une interdiction stricte pour les Gôyim d'étudier la Tôroh, ils sont néanmoins encouragés et félicités s'ils s'adonnent à l'étude des lois qui ne se rapportent qu'à eux, à savoir les Lois Noahides.

Quant au deuxième passage biblique, il est cité dans Haghighoh 13a, qui l'utilise pour enseigner que les enseignements de la Tôroh ne peuvent pas être transmis à un Gôy.

Les Tôsophôth disent que le premier verset biblique aurait suffit pour nous convaincre qu'enseigner la Tôroh aux Gôyim était interdit, puisqu'il déclare qu'elle n'appartient qu'à l'Assemblée de Ya´aqôv. Pourquoi était-il donc nécessaire que le Talmoudh rapporte un deuxième verset ? Les Tôsophôth concluent que le deuxième passage talmudique vient nous apprendre qu'un Juif ne pourrait pas enseigner la Tôroh à un Gôy, même lorsque l'interdiction de « Liphné ´iwwér Lô` Thittén Mikhshol » ne s'applique pas. En principe, on aurait pu penser qu'étant donné que les Gôyim ont l'interdiction d'étudier la Tôroh, il aurait mieux valu qu'ils se fassent enseigner par un Juif, car si un Juif ne les instruit pas peut-être que cela pourrait les pousser à transgresser l'interdiction pour eux d'étudier la Tôroh, notre refus de les instruire pourrait alors être considéré comme une pierre d'achoppement que nous aurions placée sur leur chemin. Et bien, même si cela pourrait les pousser à étudier par eux-mêmes, ou que cela les amènerait à se tourner vers un autre Gôy pour se faire enseigner (avec le risque d'erreurs que cela comprend), il restera interdit à un Juif de leur enseigner la Tôroh ! Étant donné que de toute façon le Gôy qui désire étudier la Tôroh finira par trouver un moyen de parvenir à ses fins (par Internet, par exemple, ou par d'autres moyens alternatifs), notre refus de lui enseigner la Tôroh n'équivaudra pas au fait de placer une pierre d'achoppement, car la source tirée du Séphar Tahillim nous interdirait catégoriquement de leur enseigner quoique ce soit ! D'après les Tôsophôth, il y aurait donc deux interdictions distinctes et indépendantes par rapport à ce sujet : celle pour les Gôyim d'étudier la Tôroh, et celle pour les Juifs d'enseigner la Tôroh aux Gôyim ! Le Rambo''m mentionne lui aussi ces deux interdictions, en expliquant que le Gôy qui étudie des domaines de la Tôroh qui ne le concernent pas mériterait d'être exécuté (Mishnéh Tôroh, Hilkôth Malokhim Chapitre 10), et en rapportant qu'il était défendu à un Juif d'enseigner la Tôroh à un esclave Gôy (Mishnéh Tôroh, Hilkôth ´avodhim Chapitre 8).

Quelle est la raison de l'interdiction pour un Gôy d'étudier la Tôroh ? Il existe deux écoles de pensée à ce propos. Le Mé`iri suggère que la raison de cette interdiction est que la communauté Juive pourrait être trompée et croire à tort que ce Gôy est en fait Juif, « et [la communauté] en viendrait à s'égarer en suivant les propres voies de cet individu ». En d'autres mots, avec sa connaissance supposée, le Gôy pourrait en arriver à déformer certaines pratiques, et la communauté Juive finirait par être trompée sur d'importantes questions halakhiques à cause du fait qu'elle aura supposé à tort que cet individu érudit est un Juif pratiquant.

Dans le même ordre d'idée, Ribbénou Yahi`él Weinberg comprend cette interdiction d'étude de la Tôroh pour les Gôyim comme faisant partie de l'interdiction plus large de donner aux Gôyim les moyens d'établir une religion nouvelle et indépendante, mélangeant le judaïsme et d'autres croyances, ce qui ajouterait de la confusion dans le monde.

Mais si l'on se base sur le langage de la Gamoro` elle-même, une compréhension plus profonde de cette interdiction émerge. Souvenez des propos de la Gamoro` qui décrit l'étude de la Tôroh d'un Gôy comme un vol de l'héritage des Juifs et de l'adultère avec la fiancée des Juifs. Les deux condamnations ont pour but de souligner que l'interdiction découle de la relation unique entre HaShem et le peuple Juif, et que la Tôroh sert de contrat ou de signe de cette relation d'alliance entre les deux.

L'écrasante majorité des Ri`shônim souscrivent à cette deuxième école de pensée. Si nous retournons vers les Tôsophôth (qui étaient les disciples et gendres de Rash''i), leur lecture de Haghighoh 13a est significative. En particulier le verset tiré des Tahillim, qui met clairement en avant qu'HaShem donne Ses lois uniquement aux Juifs, ce qui soutient sans ambiguïté cette compréhension de l'interdiction.

En outre, le Mé`iri lui-même, ainsi que le Maharsha, renvoient au contexte du deuxième chapitre du traité Haghighoh, qui discute des parties secrètes de la Tôroh qui sont sujets à des restrictions importantes. Ils concluent donc que ce traité vient interdire aux Gôyim l'étude des secrets profonds de la Tôroh.

Cela concorde parfaitement avec l'approche de la deuxième école, majoritaire, à savoir que les parties ésotériques de la Tôroh ne sont uniquement réservées qu'aux Juifs, et ne doivent pas être rendues accessibles aux autres ! C'est dans ce même ordre d'idée que le ´iyoun Ya´aqôv attire notre attention sur les termes employés par le Talmoudh lui-même, à savoir que « Les enseignements de la Tôroh ne peuvent pas être transmises à un Gôy ». L'emploi du verbe « transmettre » renvoie au domaine de la Tôroh Orale. Et le ´iyoun Ya´aqôv poursuit en déclarant qu'il est donc défendu de remettre à des Gôyim des livres de Tôroh (des commentaires sur la Tôroh, des écrits des Rabbonim, etc.), car ces livres contiennent toujours des secrets Divins et enseignements tirés de la Tôroh Orale !

Cette approche, qui voit le `issour (interdiction) d'enseigner la Tôroh aux Gôyim comme tirant son origine dans le concept selon lequel la Tôroh est le don exclusif donné par HaShem au peuple Juif, symbolisant par-là leur relation d'alliance, nous permet de comprendre un certain nombre d'autres sources. Premièrement, le Mahara''s Hayyôth, le Yahoudhoh Ya´alah et le Nésiv, affirment que l'interdiction est limitée à la Tôroh Orale ; la Tôroh Écrite pourrait être enseignée sans aucune retenue. Bien que cette affirmation fasse l'objet d'une grande divergence, elle s'accorde parfaitement avec la notion rabbinique selon laquelle l'alliance tourne principalement autour de la Tôroh Orale.

Cela nous permet également de comprendre l'enseignement talmudique selon lequel un Gôy qui s'abstient d'accomplir des Malo`khôth à Shabboth est passible de la mort, comme Résh Laqqish le déclare dans Sanhédhrin 58b. Le dénominateur commun entre le Shabboth et l'étude de la Tôroh est que les deux sont emblématiques de l'alliance entre HaShem et Son peuple ; il s'en suit donc tout logiquement que c'est pour cela que la Gamoro` exclut les Gôyim de ces deux préceptes essentiels de l'identité Juive.

Enfin, un certain nombre de `aharônim font la suggestion frappante qu'un Gôy n'est pas exclus de toute forme de Limoudh Tôroh. Ainsi, le Tiph`arath Yisro`él et le Maharsha affirment qu'un Gôy qui étudie sans analyses profondes n'entre pas dans la catégorie visée par cette interdiction. C'est également la position du Yahoudhoh Ya´alah.

Cette suggestion frappante s'accorde également très bien avec l'approche de la deuxième école que nous avons précédemment expliquée. Comme le Midhrosh Tanhoumo` (Nôah 3) l'enseigne, ce n'est pas seulement le contenu de la Tôroh, mais également son étude intensive, qui forme la colonne vertébrale de notre relation d'alliance avec HaShem.

Nous avons donc vu que la notion selon laquelle la Tôroh est le signe essentiel de notre Barith (alliance) avec HaShem est transmise dans cette section du Talmoudh parlant du Talmoudh Tôroh pour les Gôyim. Non seulement cette approche découle tout droit du langage du Talmoudh dans les deux traités (Sanhédhrin et Haghighoh), mais elle est également enracinée dans les commentaires des Ri`shônim et `aharônim. Et cette approche fait également la distinction entre les Juifs et les Gôyim, ainsi qu'entre la Tôroh Écrite et la Tôroh Orale.