ב״ה
Talmoudh
Tôroh pour les Gôyim
Cet
article peut être téléchargé ici.
Il
existe une distinction qualitative entre la Tôroh écrite et la
Tôroh orale, en ce que seule cette dernière reflète la relation
d'alliance unique liant HaShem et le peuple Juif. Nous allons donc
explorer une interdiction très claire dans la tradition Juive, qui
est celle de l'étude de la Tôroh par les Gôyim. À cette fin, nous
passerons en revue les deux écoles de pensée qui existent
concernant la base de cette interdiction et sa portée.
Le
Talmoudh Bavli cite deux textes du TaNa''Kh pour établir le lien
unique du peuple Juif avec la Tôroh :
Davorim
33:4
Môshah
nous a ordonné la Tôroh ; un héritage de l'Assemblée de
Ya´aqôv.
|
תּוֹרָה
צִוָּה-לָנוּ,
מֹשֶׁה:
מוֹרָשָׁה,
קְהִלַּת
יַעֲקֹב
|
Tahillim
147:19-20
Il
a raconté Ses paroles à Ya´aqôv, Ses décrets et Ses jugements
à Yisro`él. Il n'a pas agi de la sorte envers aucune [autre]
nation ; elles ne connaissent pas [Ses] jugements. Louez
Yoh !
|
מַגִּיד
דְּבָרָו לְיַעֲקֹב;
חֻקָּיו
וּמִשְׁפָּטָיו,
לְיִשְׂרָאֵל.
לֹא
עָשָׂה כֵן,
לְכָל-גּוֹי--
וּמִשְׁפָּטִים
בַּל-יְדָעוּם:
הַלְלוּ-יָהּ
|
Le
premier passage est cité dans Sanhédhrin 59a, et la Gamoro`
explore deux façons de le comprendre, soit littéralement, auquel
cas la Tôroh n'est l'héritage ( מוֹרָשָׁה
« Môroshoh »)
exclusif que du peuple Juif, soit homilétiquement, auquel cas il ne
faudrait pas lire « Môroshoh » mais plutôt מְאֹרָשָׂה
« Ma`ôrosoh »
(fiancée), ce qui signifie que la Tôroh est la fiancée exclusive
du peuple Juif.
La
Gamoro` se demande alors pourquoi l'interdiction
d'étudier la Tôroh pour les Gôyim ne fut pas incluse dans les Lois
Noahides, et offre deux réponses :
- si le verset susmentionné est lu comme décrivant la Tôroh comme un héritage (Môroshoh) exclusif du peuple Juif, cela voudrait dire que le Gôy qui l'étudie se rendrait coupable de l'interdiction du vol (puisqu'il se serait emparé de ce qui ne lui appartenait pas), qui fait partie des Lois Noahides ;
- si le verset susmentionné est lu comme décrivant la Tôroh comme la fiancée (Ma`ôrosoh) exclusive du peuple Juif, cela voudrait dire que le Gôy qui l'étudie se rendrait coupable de l'interdiction de l'adultère (puisqu'il aurait eu une « relation » avec une « jeune femme » fiancée à autrui), ce qui fait également partie des Lois Noahides, et qui rend passible de la lapidation.
La
Gamoro` cite alors une Barayatho`
qui semble contredire cette interdiction pour les Gôyim d'étudier
la Tôroh puisqu'elle enseigne que le Gôy qui étudie la Tôroh est
aussi élevé que le Kôhén Godhôl. Mais il n'y a pas de
contradiction, car, comme l'explique la Gamoro`
elle-même, cette Barayatho` ne se référait
qu'à un Gôy qui n'étudie que les parties de la Tôroh se
rapportant aux Sept Lois Noahides. Nous apprenons donc qu'il
est une Miswoh pour un Gôy de n'étudier que les Halokhôth
qui se rapportent aux Sept Lois Noahides, et que tout Gôy qui
agirait de la sorte doit être traité avec le plus grand respect.
Cette
référence talmudique est importante, et ce, pour de nombreuses
raisons :
- La Gamoro` souligne la gravité de l'interdiction pour les Gôyim d'étudier la Tôroh en stipulant que ceux qui le font mériteraient la mort ;
- comme nous le verrons un peu plus tard, le fait que la Gamoro` compare ce problème à un vol ou à un adultère nous permettra de comprendre la logique de cette interdiction ;
- bien qu'il y ait une interdiction stricte pour les Gôyim d'étudier la Tôroh, ils sont néanmoins encouragés et félicités s'ils s'adonnent à l'étude des lois qui ne se rapportent qu'à eux, à savoir les Lois Noahides.
Quant
au deuxième passage biblique, il est cité dans Haghighoh
13a, qui l'utilise pour enseigner que les enseignements de la
Tôroh ne peuvent pas être transmis à un Gôy.
Les
Tôsophôth disent que le premier verset biblique aurait suffit pour
nous convaincre qu'enseigner la Tôroh aux Gôyim était interdit,
puisqu'il déclare qu'elle n'appartient qu'à l'Assemblée de
Ya´aqôv. Pourquoi était-il donc nécessaire que le Talmoudh
rapporte un deuxième verset ? Les Tôsophôth concluent que le
deuxième passage talmudique vient nous apprendre qu'un Juif ne
pourrait pas enseigner la Tôroh à un Gôy, même lorsque
l'interdiction de « Liphné ´iwwér Lô` Thittén
Mikhshol » ne s'applique pas. En principe, on aurait pu
penser qu'étant donné que les Gôyim ont l'interdiction d'étudier
la Tôroh, il aurait mieux valu qu'ils se fassent enseigner par un
Juif, car si un Juif ne les instruit pas peut-être que cela pourrait
les pousser à transgresser l'interdiction pour eux d'étudier la
Tôroh, notre refus de les instruire pourrait alors être considéré
comme une pierre d'achoppement que nous aurions placée sur leur
chemin. Et bien, même si cela pourrait les pousser à étudier par
eux-mêmes, ou que cela les amènerait à se tourner vers un autre
Gôy pour se faire enseigner (avec le risque d'erreurs que cela
comprend), il restera interdit à un Juif de leur enseigner la
Tôroh ! Étant donné que de toute façon le Gôy qui désire
étudier la Tôroh finira par trouver un moyen de parvenir à ses
fins (par Internet, par exemple, ou par d'autres moyens alternatifs),
notre refus de lui enseigner la Tôroh n'équivaudra pas au fait de
placer une pierre d'achoppement, car la source tirée du Séphar
Tahillim nous interdirait catégoriquement de
leur enseigner quoique ce soit ! D'après les Tôsophôth, il y
aurait donc deux interdictions distinctes et indépendantes par
rapport à ce sujet : celle pour les Gôyim d'étudier la Tôroh,
et celle pour les Juifs d'enseigner la Tôroh aux Gôyim ! Le
Rambo''m mentionne lui aussi ces deux interdictions, en expliquant
que le Gôy qui étudie des domaines de la Tôroh qui ne le
concernent pas mériterait d'être exécuté (Mishnéh Tôroh,
Hilkôth Malokhim Chapitre 10), et en rapportant
qu'il était défendu à un Juif d'enseigner la Tôroh à un esclave
Gôy (Mishnéh Tôroh, Hilkôth ´avodhim Chapitre 8).
Quelle
est la raison de l'interdiction pour un Gôy d'étudier la Tôroh ?
Il existe deux écoles de pensée à ce propos. Le Mé`iri suggère
que la raison de cette interdiction est que la communauté Juive
pourrait être trompée et croire à tort que ce Gôy est en fait
Juif, « et [la communauté] en viendrait à s'égarer en
suivant les propres voies de cet individu ». En d'autres
mots, avec sa connaissance supposée, le Gôy pourrait en arriver à
déformer certaines pratiques, et la communauté Juive finirait par
être trompée sur d'importantes questions halakhiques à cause du
fait qu'elle aura supposé à tort que cet individu érudit est un
Juif pratiquant.
Dans
le même ordre d'idée, Ribbénou Yahi`él
Weinberg comprend cette interdiction d'étude de la Tôroh pour les
Gôyim comme faisant partie de l'interdiction plus large de donner
aux Gôyim les moyens d'établir une religion nouvelle et
indépendante, mélangeant le judaïsme et d'autres croyances, ce qui
ajouterait de la confusion dans le monde.
Mais
si l'on se base sur le langage de la Gamoro`
elle-même, une compréhension plus profonde de cette interdiction
émerge. Souvenez des propos de la Gamoro` qui
décrit l'étude de la Tôroh d'un Gôy comme un vol de l'héritage
des Juifs et de l'adultère avec la fiancée des Juifs. Les deux
condamnations ont pour but de souligner que l'interdiction découle
de la relation unique entre HaShem et le peuple Juif, et que la Tôroh
sert de contrat ou de signe de cette relation d'alliance entre les
deux.
L'écrasante
majorité des Ri`shônim souscrivent à cette deuxième école de
pensée. Si nous retournons vers les Tôsophôth (qui étaient les
disciples et gendres de Rash''i), leur lecture de Haghighoh
13a est significative. En particulier le verset tiré des
Tahillim, qui met clairement en avant qu'HaShem
donne Ses lois uniquement aux Juifs, ce qui soutient sans ambiguïté
cette compréhension de l'interdiction.
En
outre, le Mé`iri lui-même, ainsi que le Maharsha, renvoient au
contexte du deuxième chapitre du traité Haghighoh, qui
discute des parties secrètes de la Tôroh qui sont sujets à des
restrictions importantes. Ils concluent donc que ce traité vient
interdire aux Gôyim l'étude des secrets profonds de la Tôroh.
Cela
concorde parfaitement avec l'approche de la deuxième école,
majoritaire, à savoir que les parties ésotériques de la Tôroh ne
sont uniquement réservées qu'aux Juifs, et ne doivent pas être
rendues accessibles aux autres ! C'est dans ce même ordre
d'idée que le ´iyoun Ya´aqôv attire notre attention sur les
termes employés par le Talmoudh lui-même, à savoir que « Les
enseignements de la Tôroh ne peuvent pas être transmises
à un Gôy ». L'emploi du verbe « transmettre »
renvoie au domaine de la Tôroh Orale. Et le ´iyoun Ya´aqôv
poursuit en déclarant qu'il est donc défendu de remettre à des
Gôyim des livres de Tôroh (des commentaires sur la Tôroh, des
écrits des Rabbonim, etc.), car ces livres contiennent toujours des
secrets Divins et enseignements tirés de la Tôroh Orale !
Cette
approche, qui voit le `issour (interdiction) d'enseigner la Tôroh
aux Gôyim comme tirant son origine dans le concept selon lequel la
Tôroh est le don exclusif donné par HaShem au peuple Juif,
symbolisant par-là leur relation d'alliance, nous permet de
comprendre un certain nombre d'autres sources. Premièrement, le
Mahara''s Hayyôth, le Yahoudhoh
Ya´alah et le Nésiv, affirment que l'interdiction est
limitée à la Tôroh Orale ; la Tôroh Écrite pourrait être
enseignée sans aucune retenue. Bien que cette affirmation fasse
l'objet d'une grande divergence, elle s'accorde parfaitement avec la
notion rabbinique selon laquelle l'alliance tourne principalement
autour de la Tôroh Orale.
Cela
nous permet également de comprendre l'enseignement talmudique selon
lequel un Gôy qui s'abstient d'accomplir des Malo`khôth
à Shabboth est passible de la mort, comme Résh Laqqish le déclare
dans Sanhédhrin 58b. Le dénominateur commun entre le
Shabboth et l'étude de la Tôroh est que les deux sont emblématiques
de l'alliance entre HaShem et Son peuple ; il s'en suit donc
tout logiquement que c'est pour cela que la Gamoro`
exclut les Gôyim de ces deux préceptes essentiels de l'identité
Juive.
Enfin,
un certain nombre de `aharônim font la suggestion frappante
qu'un Gôy n'est pas exclus de toute forme de Limoudh Tôroh. Ainsi,
le Tiph`arath Yisro`él et le Maharsha affirment qu'un Gôy qui
étudie sans analyses profondes n'entre pas dans la catégorie visée
par cette interdiction. C'est également la position du Yahoudhoh
Ya´alah.
Cette
suggestion frappante s'accorde également très bien avec l'approche
de la deuxième école que nous avons précédemment expliquée.
Comme le Midhrosh Tanhoumo` (Nôah 3)
l'enseigne, ce n'est pas seulement le contenu de la Tôroh, mais
également son étude intensive, qui forme la colonne vertébrale de
notre relation d'alliance avec HaShem.
Nous
avons donc vu que la notion selon laquelle la Tôroh est le signe
essentiel de notre Barith (alliance) avec HaShem
est transmise dans cette section du Talmoudh parlant du Talmoudh
Tôroh pour les Gôyim. Non seulement cette approche découle tout
droit du langage du Talmoudh dans les deux traités (Sanhédhrin et
Haghighoh), mais elle est également enracinée dans les
commentaires des Ri`shônim et `aharônim. Et cette approche
fait également la distinction entre les Juifs et les Gôyim, ainsi
qu'entre la Tôroh Écrite et la Tôroh Orale.