בס״ד
Traitement
de la Dépression et Bases de la Relation Patient-Docteur, par
Ribbénou HaRambo''m (1138-1204) : Rabbin, Médecin, et
Philosophe
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article peut être téléchargé ici.
Ribbénou
Môshah ban Maymôn, une figure illustre dans l'histoire, la
médecine, et la philosophie Juive, a consacré la majorité des dix
dernières années de sa vie aux écrits médicaux, au cours desquels
il a aussi étudié les maladies mentales et a fourni ce qui peut
être considéré comme la toute première description de la médecine
psychosomatique. Dans sa lettre médicale envoyée au neveu gravement
malade de le Saladin le Grand au Caire, qui souffrait d'un trouble
maniaco-dépressif, Ribbénou discute de la consommation possible de
l'alcool par son patient Musulman – le seul traitement disponible à
l'époque pour la dépression. Ribbénou analyse le conflit entre
l'interdiction religieuse pour son patient de boire de l'alcool et sa
propre responsabilité professionnelle en tant que médecin vis-à-vis
de son patient. Cette lettre illustre l'attitude de Ribbénou
concernant la relation patient-docteur, forge une synthèse de la
religion et la médecine, et démontre un respect interculturel et
une sensibilité psychologique envers son patient Musulman. Ribbénou
incorpore avec brio des sources tirées de la culture Juive et
Islamique et laisse la décision finale à son patient.
Nous
offrons ici cette traduction Française de sa lettre médicale pour
laisser Ribbénou parler pour lui-même. Dans nos brefs commentaires
qui suivront, nous détaillerons les messages éthiques de Ribbénou
pour les lecteurs modernes.
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Lettre
Médicale de Ribbénou
Son
serviteur est bien conscient que notre Maître, par sa large
intelligence et compréhension profonde, sera capable de se conduire
de la manière appropriée, en accord avec le traité précédent et
ces chapitres. Combien plus lorsque se tient devant lui [un médecin]
auprès de qui il pourrait demander une guidance professionnelle ou
rechercher une instruction pratique.
Dieu,
puisse-t-Il être exalté, est un témoin, et Son témoignage suffit
(Qour`ân 4:79-81), que le grand désir de son humble serviteur est
de servir notre Maître par sa propre personne et conversation, et
non par papier et plume.
Cependant,
sa pauvre constitution et la faiblesse de ses facultés naturelles –
déjà dans sa jeunesse, et combien plus dans sa vieillesse –
constituent une barrière entre lui et de nombreux plaisirs. Je ne
parle pas de plaisirs, mais plutôt de bonnes œuvres, dont la plus
importante et élevée est de servir notre Maître de façon
pratique. Que Dieu soit remercié pour toutes les circonstances qui
nous arrivent, les générales et les particulières, dans la
totalité de l'existence et ses détails, en chaque individu, en
accord avec Sa volonté, qui concorde avec ce qui est dicté par Sa
sagesse, dont aucun homme ne peut imaginer les profondeurs. Et que
Dieu soit béni pour toute circonstance, peu importe la direction que
pourraient prendre les événements.
Notre
Maître ne devrait pas critiquer son humble serviteur pour avoir
mentionné dans ce traité l'usage du vin et des chants, qui sont
tous deux détestés par la religion. Car ce serviteur n'a pas
commandé d'agir de la sorte ; il a simplement déclaré ce qui
est dicté par sa profession. En effet, les législateurs religieux
savent, comme les médecins, que le vin a des bienfaits pour l'homme.
Un
médecin est lié, en ce qu'il est un médecin, de se présenter avec
un régime bénéfique, qu'il soit défendu ou autorisé ; le
patient est doté du libre-arbitre de choisir de le suivre ou pas. Si
[le médecin] échoue à mentionner tout ce qui pourrait être utile,
qu'il soit défendu ou autorisé, il est coupable d'avoir agi
malhonnêtement, car il n'a pas un conseil digne de confiance.
Il
est bien connu que la loi religieuse commande ce qui est bénéfique
et défend ce qui est nuisible par rapport au Monde-à-Venir. De
l'autre côté, le médecin instruit ce qui bénéficiera au corps et
avertit concernant ce qui lui nuira dans ce Monde-ci.
La
différence entre des commandements religieux et un conseil médical
est que la religion commande et contraint quelqu'un à faire ce qui
lui bénéficiera dans le futur, et défend ce qui lui nuira dans le
futur, et punit pour cela. De l'autre côté, le médecin conseille
[quelqu'un] concernant ce qui lui bénéficiera, et l'avertit
concernant ce qui lui causera du mal. Il n'utilise pas la coercition,
et ne punit pas ; il présente simplement l'information au
patient à la façon d'un conseil. Et c'est le choix [du patient de
suivre ou pas le conseil].
La
raison à cela est évidente. Le mal et le bienfait d'après une
perspective médicale sont immédiats et clairement évidents. Ainsi,
il n'y a pas lieu d'user de coercition ou de punition. Toutefois,
concernant les commandements religieux, le mal et le bienfait qu'ils
apportent ne sont pas évidents dans ce Monde-ci. De ce fait,
l'insensé pourrait imaginer en lui-même que tout ce qui est décrit
comme étant nuisible ne l'est pas, et que tout ce qui est décrit
comme bénéfique ne l'est pas, parce que ces choses ne sont pas
clairement évidentes pour lui. Pour cette raison la loi religieuse
contraint quelqu'un à pratiquer le bien et punit pour avoir commis
le mal, car le bien et le mal ne deviendront apparents que dans le
Monde-à-Venir. Tout cela est un acte de bonté à notre égard, une
faveur qui nous est faites à la lumière de notre folie, une
miséricorde sur nous due à la faiblesse de notre compréhension.
C'est la mesure de ce que le serviteur a considéré approprié de
stipuler devant son Maître et Dominateur, puisse Dieu lui accorder
de longues années. Je reste volontiers disponible pour servir notre
Maître. Remerciements et louanges à Dieu !
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Commentaires
- Introduction
Ribbénou
HaRambo''m souligne au début les capacités intellectuelles du
patient qu'il considère être la clef de la relation patient-docteur
et de la réussite du traitement. Ribbénou est le « serviteur »
pour le patient, son « maître » (le neveu du Sultan). En
citant le Qour`ân, Ribbénou présente le fondement religieux de sa
mission médicale d'après le système de croyance du patient. Pour
gagner la confiance de son patient, le médecin doit également être
familier avec son monde spirituel et religieux.
- La condition médicale de Ribbénou
Pour
Ribbénou, empêcher la souffrance et fournir un soutien médical et
spirituel à ceux qui en ont besoin est également un devoir
religieux. En partageant partiellement avec son patient sa propre
condition médicale, qui ne le détourne pas de ses doubles
activités, il encourage son patient à gérer de la même manière
ses problèmes médicaux. Ribbénou et son patient Musulman partagent
une profonde croyance en Le Créateur, enracinée dans leurs
religions respectives.
- L'obligation médicale du médecin Versus les commandements religieux
Boire
de l'alcool peut être médicalement justifié pour traiter la
dépression, mais Ribbénou est pleinement conscient de
l'interdiction religieuse pour son patient d'en boire (Qour`ân
2:219 ; 5:90-91). Suivant son obligation de médecin, Ribbénou
discute franchement des bienfaits de l'alcool avec son patient, qui
est le chef religieux d'un royaume Islamique.
- L'obligation médicale du médecin et l'autonomie du patient
Sur
la base de l'obligation professionnelle du médecin, qui est
également encrée dans les écrits religieux de Ribbénou, le
médecin est tenu de conseiller son patient conformément à ses
connaissances médicales, même si le conseil qu'il prodigue
contredit la tradition religieuse du patient. Ne pas communiquer des
informations médicales à son patient transgresserait l'obligation
du médecin d'informer ses patients. Ribbénou détaille la complexité
éthique d'un traitement remis en cause à cause des convictions
religieuses de son patient Musulman mais laisse la décision finale
entre les mains de son patient. Ce rôle clef de l'autonomie du
patient est en accord avec la philosophie religieuse de Ribbénou.
- Commandements religieux Versus instructions médicales
Ribbénou
fait la distinction entre la médecine et la religion :
l'objectif de la médecine est le bien-être dans ce monde physique.
La religion se focalise sur le futur spirituel dans le Monde-à-Venir,
où les bienfaits ne sont « pas évidents dans ce Monde-ci ».
Sauver des vies et promouvoir le bien-être humain dans ce Monde-ci
ne doit pas être négligé à cause de commandements religieux.
D'après la tradition Juive, sauver une vie doit recevoir la priorité
sur les commandements religieux. Par conséquent, Ribbénou permet de
jouir du vin dans certaines limites et encourage son patient Musulman
malade de considérer le bienfait de l'alcool dans le traitement de
sa maladie.
- Conclusions
D'importantes
valeurs éthiques sont présentées dans la lettre médicale de
Ribbénou. Les qualités personnelles du médecin incluent la
modestie, l'honnêteté, et un sens du devoir vis-à-vis de sa
profession. L'autonomie du patient à décider de suivre ou pas le
traitement doit être respectée, y compris avec des patients
psychiatriques, ce qui constitue une attitude remarquablement moderne
dans la médecine médiévale, qui est une époque où les attitudes
paternalistes prévalaient. Dans sa relation patient-docteur,
Ribbénou démontre une familiarité avec le monde religieux de son
patient en citant le Qour`ân. En traitant franchement aussi bien des
réticences religieuses de son dominateur Islamique et des devoirs
professionnels du médecin, Ribbénou compare ses valeurs
philosophiques et médicales avec celles de son patient. Il analyse
le conflit entre la médecine et la religion en définissant leurs
caractéristiques et objectifs différents. Pour Ribbénou, sauver
une vie est en soi un devoir religieux qui a priorité sur
pratiquement toutes les autres obligations religieuses. Étant donné
que Ribbénou respecte les nombreuses valeurs communes que le
Judaïsme partage avec les diverses religions, ces concepts que l'on
retrouve dans la loi Juive sont également pertinents pour son
patient Musulman, dont la religion affirme être une continuité du
Judaïsme. Ces ponts interculturels entre cet immense érudit de la
Tôroh et son patient Musulman sont remarquables pour le 12ème
siècle, une période où la persécution religieuse définissait
l’atmosphère politique et sociale dans les pays Chrétiens et
Musulmans. Dans cette œuvre éthique, Ribbénou combine avec succès
des talents médicaux, religieux, philosophiques, et psychologiques,
créant une discussion interculturelle respectueuse pour le bienfait
et bien-être de ses patients. Pour toutes ces réalisations
spéciales, Ribbénou HaRambo''m, surnommé Maïmonide, une autorité
rabbinique médiévale remarquable, un philosophe, et médecin, reste
un exemple bioéthique pour les médecins contemporains.
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