mardi 14 avril 2020

Le Rambo''m sur le Moshiah et les hommes politiques Juifs


בס״ד

La Saphirath Ho´ômar : Le Rambo''m sur le Moshiah et les hommes politiques Juifs


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Le Minhogh s'est développé d'observer certaines pratiques de deuil durant la période de la Saphirath Ho´ômar, comme ne pas jouer ou écouter de la musique, ne pas se marier ou ne pas se couper les cheveux. (Mais nous ne suivons pas ces pratiques pour les raisons évoquées dans l'article intitulé « Il n'y a pas de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar ».) Ces pratiques sont liées à la mort des 24 000 (ou 48 000 selon une autre source) Talmidhim de Ribbi ´aqivoh ז״ל, qui, d'après le Talmoudh, ne se sont pas traités les uns les autres avec respect.1

Il a été avancé par certains chercheurs que ces Talmidhim de Ribbi ´aqivoh n'étaient pas simplement des Talmidhé Hakhomim. Plutôt, Ribbi ´aqivoh était connu pour soutenir les campagnes militaires de Bar Kôkhavo` durant la seconde révolte judéenne contre Rome, et considéra la courte période d'indépendance juive sous Bar Kôkhavo` comme étant potentiellement messianique.2 Bar Kôkhavo` et ses troupes, massacrés par les romains à la ville de Béth Tôr, sont en réalité ceux pour qui beaucoup prennent le deuil encore aujourd'hui, et non pour les Talmidhim à proprement parler de Ribbi ´aqivoh.

Dans son Mishnéh Tôroh, le Rambo''m ז״ל ne fait pas mention des pratiques de deuil à observer durant la Saphirath Ho´ômar (une raison supplémentaire pour laquelle en tant que Talmidhé HaRambo''m nous n'adhérons pas à ces pratiques), et par conséquent il n'a rien à dire, dans ce contexte, sur les Talmidhim de Ribbi ´aqivoh ou de Bar Kôkhavo`. Mais le Rambo''m fait mention de Bar Kôkhavo` dans d'autres contextes, ce qui nous permettra d'offrir une interprétation différente du personnage et de la période de la Saphirath Ho´ômar. Le Talmoudh enseigne que les Talmidhim de Ribbi ´aqivoh sont morts « parce qu'ils ne se traitaient pas avec respect ». Il semblerait, donc, que la leçon à tirer durant cette période de Saphirath Ho´ômar serait de faire une introspection personnelle sur le fait de traiter les autres respectueusement. Sans rejeter cette interprétation, nous pourrions suggérer que la façon dont le Rambo''m traite le sujet de Bar Kôkhavo` demande de notre part que nous réfléchissions sur les thèmes de la perfection politique et militaire, et les échecs inévitables des hommes politiques dans le ´ôlom Hazzah.

Afin de comprendre cette suggestion, il nous faut d'abord faire un détour dans la théorie du Rambo''m sur l'ère messianique, et le lien avec sa vision de l'autorité politique juive et la monarchie. Comme cela est bien connu, l'approche du Rambo''m sur le Moshiah est en opposition avec la position du Mahara''l ז״ל et d'autres, qui sont d'avis que l'ère messianique transformera radicalement la nature des choses, altérant l'intégralité du monde physique et la condition humaine.3 Au lieu de cela, le Rambo''m croit que עוֹלָם כְּמִנהָגוֹ נוֹהֵג « le monde continuera à fonction suivant son cours normal ». Il continuera d'y avoir la mort, de la pauvreté relative, des luttes et des tentations, quoiqu'à une échelle plus petite. Les nécessités de la vie seront plus facilement accessibles ; la paix régnera ; et Yisro`él sera libéré de l'assujettissement des nations persécutrices. L'aisance relative avec laquelle la sécurité matérielle et politique sera accessible permettra aux individus et à la communauté dans son ensemble de maximiser leur potentiel dans le Limoudh Tôroh, le respect des Miswôth, et dans l'apprentissage de ce qui est humainement connaissable sur Hashshém ית׳.4

Ce réalisme se reflète dans le portrait que le Rambo''m fait du Moshiah même. Il n'a pas besoin d'accomplir des miracles, n'a pas besoin de ressusciter les morts, n'a pas besoin de faire des merveilles surnaturelles.5 Plutôt, la tâche du Moshiah est d'étudier la Tôroh et accomplir les Miswôth, d'encourager les autres à en faire de même, remporter des guerres, bâtir le Béth Hammiqdosh, et rassembler les exilés.6 C'est-à-dire que le Rambo''m considère l'ère messianique comme une utopie, mais une utopie modeste, une dans laquelle nous aurons beaucoup^plus facile à accomplir ce que nous tentons déjà actuellement, mais avec grandes difficultés, à accomplir dans ce monde, avant l'arrivée du Moshiah.

La modestie présente dans la suggestion du Rambo''m soulève une question intéressante. Comment pourrais-je savoir que le monde a réalisé sa transition entre le monde réel d'aujourd'hui et le monde utopique du Moshiah ? Si les problèmes et les défis continueront d'exister dans le futur messianique, où exactement se situe la frontière entre aujourd'hui et demain, entre la réalité et l'utopie ? Si le naturalisme et réalisme du Rambo''m ont pour effet que l'ère messianique se rapprochera de ce que je vois actuellement autour de moi, quelle est alors précisément la différence entre le réel et l'idéal ?

Pour le Mahara''l, ces questions ne se posent presque pas. Je saurai que le Moshiah est arrivé à cause des miracles extraordinaires, de la résurrection des morts, et de la transformation de la constitution même du monde physique. Le changement sera cataclysmique, et il sera donc facile à identifier d'après l'opinion du Mahara''l. Mais le messianisme modeste du Rambo''m exige que ce soit les humains qui vivent à travers l'histoire et qui vivront à travers les temps messianiques qui identifient pour eux-mêmes le moment où la transition de l'idéal au réel aura eu lieu. C'est la raison pour laquelle le Rambo''m fournit des critères identifiables pour déterminer si quelqu'un est ou n'est pas le Moshiah :7

8. Et s'il se lèvera un roi de la maison de Dowidh, versé dans la Tôroh et impliqué dans les Miswôth comme Dowidh son père, conformément à la Tôroh Écrite et Orale, et qu'il contraindra tout Yisro`él à marcher en elle et à se renforcer dans sa minutie, et qu'il livrera les guerres de Hashshém, voici, celui-ci a la présomption d'être Moshiah. S'il a fait et réussi, et vaincu toutes les nations qui sont autour de lui, et a bâti le Miqdosh à sa place, et a rassemblé les dispersés de Yisro`él, voici, celui-ci est Moshiah avec certitude.
ח  וְאִם יַעֲמֹד מֶלֶךְ מִבֵּית דָּוִיד הוֹגֶה בַּתּוֹרָה וְעוֹסֵק בַּמִּצְווֹת כְּדָוִיד אָבִיו, כְּפִי תּוֹרָה שֶׁבִּכְתָב וְשֶׁבְּעַל פֶּה, וְיָכֹף כָּל יִשְׂרָאֵל לֵילֵךְ בָּהּ וּלְחַזַּק בִּדְקָהּ, וְיִלָּחֵם מִלְחָמוֹת ה'--הֲרֵי זֶה בְּחֶזְקַת שְׁהוּא מָשִׁיחַאִם עָשָׂה וְהִצְלִיחַ, וְנִצַּח כָּל הָאֻמּוֹת שֶׁסְּבִיבָיו, וּבָנָה מִקְדָּשׁ בִּמְקוֹמוֹ, וְקִבַּץ נִדְחֵי יִשְׂרָאֵל--הֲרֵי זֶה מָשִׁיחַ בַּוַּדַּאי.
9. Et s'il n'a pas réussi jusqu'à ce point, ou a été tué, il est bien connu que celui-ci n'est pas celui que la Tôroh avait promis, et voici, il est comme tous les rois de la maison de Dowidh intègres et valides qui sont morts. Et le Saint, béni soit-Il, ne l'a suscité que pour mettre à l'épreuve par lui le public, ainsi qu'il est dit : « Et certains des intelligents trébucheront, pour les éprouver, pour raffiner et clarifier, jusqu'au temps de la fin, car ce n'est pas encore le temps fixé ». (Voir Doniyé`l 11:35.)
ט  וְאִם לֹא הִצְלִיחַ עַד כֹּה, אוֹ נֶהְרַג--בַּיָּדוּעַ שְׁאֵינוּ זֶה שֶׁהִבְטִיחָה עָלָיו תּוֹרָה, וַהֲרֵי הוּא כְּכָל מַלְכֵי בֵּית דָּוִיד הַשְּׁלֵמִים הַכְּשֵׁרִים שֶׁמֵּתוּוְלֹא הִעְמִידוֹ הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא אֵלָא לְנַסּוֹת בּוֹ רַבִּים, שֶׁנֶּאֱמָר "וּמִן-הַמַּשְׂכִּילִים יִכָּשְׁלוּ, לִצְרוֹף בָּהֶן וּלְבָרֵר וְלַלְבֵּן--עַד-עֵת קֵץכִּי-עוֹד, לַמּוֹעֵד" (ראה דנייאל יא,לה).
10. Même Yéshoua´ le Nôsari qui s'est imaginé être Moshiah et fut exécuté par un Béth Din, Doniyé`l avait déjà prophétisé le concernant, ainsi qu'il est dit : « Et les fils pervers de ton peuple s'élèveront pour réaliser la vision, mais ils trébucheront » (Doniyé`l 11:14). Peut-il y avoir un trébuchement plus grand que celui-ci ? Car tous les Prophètes ont parlé que le Moshiah est le rédempteur de Yisro`él et leur sauveur, et le rassembleur de leur dispersés, et l'affermisseur de leurs Miswôth, alors que celui-ci a amené Yisro`él à être détruit par l'épée, leurs restes à être exilés et à être humiliés, la Tôroh à être altérée, et la majorité du monde à adorer une divinité autre que HaShem.
י  אַף יֵשׁוּעַ הַנּוֹצְרִי שֶׁדִּמָּה שֶׁיִּהְיֶה מָשִׁיחַ, וְנֶהְרַג בְּבֵית דִּין--כְּבָר נִתְנַבֵּא בּוֹ דָּנִיֵּאל, שֶׁנֶּאֱמָר "וּבְנֵי פָּרִיצֵי עַמְּךָ, יִנַּשְּׂאוּ לְהַעֲמִיד חָזוֹן--וְנִכְשָׁלוּ" (דנייאל יא,יד).  וְכִי יֵשׁ מִכְשׁוֹל גָּדוֹל מִזֶּהשֶׁכָּל הַנְּבִיאִים דִּבְּרוּ שֶׁהַמָּשִׁיחַ גּוֹאֵל יִשְׂרָאֵל וּמוֹשִׁיעָם, וּמְקַבֵּץ נִדְחֵיהֶם וּמְחַזֵּק מִצְווֹתָן; וְזֶה גָּרַם לְאַבַּד יִשְׂרָאֵל בַּחֶרֶב, וּלְפַזַּר שְׁאֵרִיתָם וּלְהַשְׁפִּילָם, וּלְהַחְלִיף הַתּוֹרָה, וּלְהַטְעוֹת רֹב הָעוֹלָם לַעֲבֹד אֱלוֹהַּ מִבַּלְעָדֵי ה'.

Les êtres humains devront analyser attentivement la réalité politique, militaire et spirituelle autour d'eux, et tenter de déterminer si le roi de ce moment-là a le potentiel messianique, est supposé être Moshiah, ou est Moshiah avec certitude.

Cette question sur la difficulté de déterminer quand les critères messianiques standards ont été exactement remplis est rendue plus grave encore lorsque nous nous rendons compte que le Rambo''m prend grandement soin dans ses écrits à ne pas faire de distinctions noires et blanches entre de bons et mauvais rois ou leaders politiques. Son réalisme politique se reflète pas seulement dans sa vision du Moshiah, mais également dans sa description des rois et dirigeants politiques Juifs à travers les époques.

Il y a, d'après le Rambo''m, une série de rois et dirigeants politiques légitimes, allant du moins idéal au plus idéal. Tous ces dirigeants politiques Juifs existent sur une continuité entre l'idéal et le réel. Mais lorsqu'ils échouent à vivre selon l'idéal, ils ne deviennent pas illégitimes.

Selon le Rambo''m, la monarchie juive n'a pas commencé ni ne s'est terminée avec les rois bibliques. La fonction a commencé plus tôt et s'est achevée plus tard. D'un côté, le Rambo''m tranche que la Miswoh de désigner un roi commence dès l'entrée en `aras Yisro`él.8 Pourtant, le Rambo''m explique aussi que Môshah Rabbénou ע״ה, qui n'est jamais entré en `aras Yisro`él, fut un roi.9 Le roi Juif idéal est un fils de la maison de Dowidh, mais des rois non davidiques peuvent, d'après le Rambo''m, être temporairement légitimes, en fonction de la circonstance, même si ce n'est pas l'idéal.10 En dépit de leurs nombreux défauts, et leur absence d'ascendance davidique, le Rambo''m considère les Hashmounna`im sacerdotaux comme des rois légitimes. Les Hashmounna`im, après avoir vaincu les syro-grecs, וְהִעְמִידוּ מֶלֶךְ מִן הַכּוֹהֲנִים, וְחָזְרָה מַלְכוּת לְיִשְׂרָאֵל יָתֵר עַל מָאתַיִם שָׁנָה--עַד הֶחָרְבָּן הַשֵּׁנִי « établirent un roi parmi les Kôhanim, et la royauté retourna vers Yisro`él plus de deux cents ans, jusqu'au deuxième Hôrbon ».11 La chose particulièrement remarquable sur ce passage est que le Rambo''m affirme que même les gouverneurs désignés par les romains qui dominaient sur la Terre d'Israël jusqu'à la destruction du Béth Hammiqdosh, comme par exemple Hérode (qui était loin d'être un héro religieux et politique), sont qualifiés de rois Juifs légitimes, même s'ils n'étaient pas idéaux.

Le Rambo''m déclare également très clairement que les dirigeants Juifs se trouvant en-dehors de la Terre d'Israël, même si on ne peut pas se référer à eux comme des rois, doivent être traités comme des rois :12

Les chefs des exilés qui sont à Boval se tiennent à la place du roi. Et ils ont l’autorité de soumettre les Israélites en tout lieu et de les juger, que ce soit avec consentement ou sans consentement, ainsi qu'il est dit : « Un bâton ne s'éloignera pas de Yahoudhoh » (Baré`shith 49:10) ; ceux-là sont les chefs des exilés qui sont à Boval ! Et tout Dayyon qui est apte à juger et à qui a été donné le droit d'être le chef de l'exil, il a l'autorité de juger dans le monde entier, quand bien même ce ne serait pas avec le consentement des Ba´alé Dinin, que ce soit en `aras Yisro`él ou en Housoh Lo`oras, quand bien même il ne jugerait pas des affaires de sanctions financières.
רָאשֵׁי גָלִיּוֹת שֶׁבְּבָבֶל--בִּמְקוֹם מֶלֶךְ הֶן עוֹמְדִים, וְיֵשׁ לָהֶן לִרְדּוֹת אֶת יִשְׂרָאֵל בְּכָל מָקוֹם, וְלָדוּן עֲלֵיהֶן, בֵּין רָצוּ בֵּין לֹא רָצוּשֶׁנֶּאֱמָר "לֹא-יָסוּר שֵׁבֶט מִיהוּדָה" (בראשית מט,י), אֵלּוּ רָאשֵׁי גָלִיּוֹת שֶׁבְּבָבֶלוְכָל דַּיָּן הָרָאוּי לָדוּן, שֶׁנָּתַן לוֹ רֹאשׁ גָּלוּת רְשׁוּת--יֵשׁ לוֹ לָדוּן בְּכָל הָעוֹלָם כֻּלּוֹ, אַף עַל פִּי שֶׁלֹּא רָצוּ בַּעֲלֵי דִּינִין, בֵּין בָּאָרֶץ בֵּין בְּחוּצָה לָאָרֶץ, אַף עַל פִּי שְׁאֵינוּ דָּן דִּינֵי קְנָסוֹת.

En citant le Posouq de Baré`shith 49:10, le Rambo''m met en avant la continuité entre les Exilarques de la Golouth et les rois idéaux de la maison de Yahoudhoh et Dowidh. La légitimité des dirigeants Juifs en-dehors de la Terre d'Israël provient de leur approximation aux rois.

C'est-à-dire que les dirigeants politiques Juifs n'ont pas besoin d'être idéaux et parfaits pour être légitimes. La perfection n'est pas le prérequis pour la monarchie. Seul le Moshiah est un roi idéal. Pour le dire en d'autres mots, un roi ordinaire et le roi messianique partagent les mêmes objectifs et aspirations idéaux. Les choses que le Rambo''m énumère comme critères pour devenir Moshiah doivent se retrouver sur le programme de n'importe quel roi Juif, et par extension de n’importe quel dirigeant politique Juif. Chaque dirigeant Juif devrait guider le peuple juif à correctement étudier la Tôroh et mettre en pratique les Miswôth. Se battre et remporter des guerres fait également partie de la tâche à remplir par des rois non davidiques et non messianiques ; après tout, le titre de la partie du Mishnéh Tôroh qui se rapporte aux rois est « Hilkôth Malokhim Oumilhomôth – Lois des rois et des guerres ». Quel roi ne voudrait pas atteindre une stabilité économique et militaire ? La reconstruction du Béth Hammiqdosh est, d'après le Rambo''m, une Miswath ´aséh qui s'applique en toute génération. Cela veut dire que la seule différence entre un roi et le Moshiah est que ce dernier réussit alors qu'un roi ordinaire peut se trouver n'importe où le long de la continuité entre le réel et l'idéal.

Et c'est là qu'on en revient au personnage de Bar Kôkhavo`. Le Rambo''m le décrit comme un roi Juif, alors qu'il n'est connu que pour sa rébellion courte et catastrophique contre Rome. Parmi les tragédies qui se sont abattues sur le peuple juif à Tish´oh Ba`ov se retrouve l'échec de la récolte de Béth Tôr, conduite par Bar Kôkhavo`, que le Rambo''m qualifie de מֶלֶךְ גָּדוֹל « grand roi ».13 Le Rambo''m mentionne également Bar Kôkhavo` dans le contexte de sa discussion sur le Moshiah, et plus particulièrement lorsqu'il traite de la question de savoir comment pouvons nous déterminer si un roi réel, mais pas idéal, remplit les critères du Moshiah. Bar Kôkhavo` est une preuve historique que le Moshiah n'a pas besoin d'accomplir des miracles ou de radicalement transformer le monde, puisque Ribbi ´aqivoh l'a reconnu comme un probable roi messianique en dépit de l'absence générale d'actes miraculeux de sa part, mais seulement sur base de ses victoires sur le champ de bataille. Ribbi ´aqivoh, d'après la lecture du Rambo''m, recherche des signes de royauté juive partout où ils pourraient être trouvés, même provisoirement, et demande toujours à quel point ce chef historique réaliste et mondain est proche du chef idéal, messianique et utopique.

Néanmoins, Ribbi ´aqivoh était condamné à être déçu, en ce que Bar Kôkhavo` a échoué. Bar Kôkhavo` a commencé à dégringoler du sentier messianique, mais sa révolte et sa gestion ont échoué avec des résultats historiques catastrophiques, et Bar Kôkhavo` fut tué.14

Qu'il ne monte à ton esprit que le Roi-Messie a besoin de faire des signes et des prodiges, d'innover des choses dans le monde, ou de ressusciter des morts, ou des choses semblables à celles-ci, contrairement à ce que disent les idiots. La chose n'est pas ainsi ! Car, voici, Ribbi ´aqivoh fut un grand Hokhom parmi les Hakhomim de la Mishnoh, mais compta parmi les partisans de Ban Kôzévo` le roi, et disait sur lui qu'il était le Roi-Messie. Lui, ainsi que tous les Hakhomim de sa génération, considéra qu'il était le Roi-Messie, jusqu'à ce qu'il fut tué à cause des iniquités. Étant donné qu'il fut tué, nous reconnaissâmes qu'il n'était pas Moshiah. Et les Hakhomim n'avaient pas demandé de lui ni signe ni prodige.
אַל יַעֲלֶה עַל דַּעְתָּךְ שֶׁהַמֶּלֶךְ הַמָּשִׁיחַ, צָרִיךְ לַעֲשׂוֹת אוֹתוֹת וּמוֹפְתִים, וּמְחַדֵּשׁ דְּבָרִים בָּעוֹלָם, אוֹ מְחַיֶּה מֵתִים, וְכַיּוֹצֶא בִּדְבָרִים אֵלּוּ שֶׁהַטִּפְּשִׁים אוֹמְרִים; אֵין הַדָּבָר כֵּן--שֶׁהֲרֵי רִבִּי עֲקִיבָה חָכָם גָּדוֹל מֵחַכְמֵי מִשְׁנָה הָיָה, וְהוּא הָיָה נוֹשֵׂא כֵּלָיו שֶׁלְּבֶן כּוֹזֵבָא הַמֶּלֶךְ, וְהוּא הָיָה אוֹמֵר עָלָיו, שְׁהוּא הַמֶּלֶךְ הַמָּשִׁיחַוְדִמָּה הוּא וְכָל חַכְמֵי דּוֹרוֹ שְׁהוּא הַמֶּלֶךְ הַמָּשִׁיחַ, עַד שֶׁנֶּהְרַג בָּעֲווֹנוֹת; כֵּיוָן שֶׁנֶּהְרַג, נוֹדַע שְׁאֵינוּ מָשִׁיחַ, וְלֹא שָׁאֲלוּ מִמֶּנּוּ חֲכָמִים, לֹא אוֹת וְלֹא מוֹפֵת.

L'échec réel et historique de Bar Kôkhavo` est la preuve qu'il n'est pas le Moshiah. Et si vous regardez de près, c''est également ce qu'il s'est passé avec `ôthô Ho`ish ימש״ו : il s'est cru le Moshiah, et ses disciples aussi ont cru en lui, alors qu'il n'avait pas accompli tout ce que devait accomplir le Moshiah (mais se sont focalisés, comme Ribbi ´aqivoh, que sur quelques points qui, d'après eux, le qualifiaient pour être Moshiah), mais il s'est cassé la figure et a échoué. La seule différence est que nous avons eu l'humilité d'admettre notre erreur d'avoir cru en Bar Kôkhavo` aussitôt qu'il fut tué, parce que Moshiah ne peut pas être tué sans avoir accompli toute sa mission. Plutôt que d'admettre leur erreur d'avoir cru en lui, les croyants en `ôthô Ho`ish ont inventé la doctrine de la « deuxième venue », selon quoi ce serait à son prétendu retour qu'il finirait ce qu'il n'avait pas pu faire à sa première venue (notez d'ailleurs un fait que peu de chrétiens, messianiques et nazaréens ne veulent pas admettre, c'est que même le « Nouveau Testament », à d'innombrables reprises, parle du prétendu retour de `ôthô Ho`ish comme devant se produire peu de temps après sa mort, de manière imminente. Or, presque 2 000 ans sont passés).

Tout cela nous permet de donner un sens alternatif à l'événement ayant eu lieu durant la période de la Saphirath Ho´ômar. Si nous identifions les 24 000 Talmidhim de Ribbi ´aqivoh comme étant en réalité Bar Kôkhavo` et ses soldats, leur mort symbolise alors pas un manque de bonne relation interpersonnelle, mais les manquements inhérents dans la politique pré-messianique. Si la seule différence entre le roi messianique et les rois historiques et dirigeants politiques est que le roi messianique réussit à coup sûr, alors nous sommes condamnés, avant la venue du véritable Moshiah, à connaître et supporter un monde d'hommes politiques complexes et imparfaits.

Nous n'avons ni le droit de gratuitement délégitimer nos dirigeants politiques actuels, aussi imparfaits soient-ils, pour leurs manquements. Tout comme nous n'avons pas non plus le droit de fermer les yeux face à leurs manquements humains. De l'autre côté, nous comprenons que dans un temps historique, les hommes politiques restent légitimes en dépit de leurs échecs et insuffisances. De l'autre côté, comme les espoirs que Ribbi ´aqivoh plaça en Bar Kôkhavo` (avant d'être confronté à la dure réalité que Bar Kôkhavo` n'était pas le Moshiah attendu), nous devons toujours rechercher et œuvrer à l'amélioration de cette politique, aspirer à la possibilité que derrière elle se cachera la réussite, la domination sur les manquements de l'histoire, et qu'on atteindra la perfection. Mais tout comme Ribbi ´aqivoh, lorsqu'il est évident que c'est un échec, nous devons avoir la lucidité et honnêteté de l'admettre et passer à autre chose, dans l'espoir que le prochain leader sera le bon, pas comme les suiveurs de `ôthô Ho`ish qui n'arrivent pas à admettre l'évidence et passer à autre chose, au point de se déconnecter de la réalité et s'inventer leurs propres « réalités » qui ne sont que des illusions.

Durant cette période de Saphirath Ho´ômar, souvenons-nous du nombre de fois où nos espoirs politiques et militaires se sont approchés de l'idéal, et faisons-en une force pour œuvrer à ne pas seulement s'y approcher mais à carrément l'atteindre ! Durant la Saphirath Ho´ômar, n'aspirons pas seulement à améliorer le monde de la politique et du pouvoir, mais aspirons à le perfectionner !

C'est durant cette période de Saphirath Ho´ômar nous vivons le paradoxe mishnaïque selon quoi :15

Il disait : « Il ne t'incombe pas de compléter l'ouvrage, mais tu n'es pas non plus un fils de gens libres pour renoncer ».
הוּא הָיָה אוֹמֵר, לֹא עָלֶיךָ הַמְּלָאכָה לִגְמֹר, וְלֹא אַתָּה בֶן חוֹרִין לִבָּטֵל.

1Voir Yavomôth 62b ; Shoulhon ´oroukh, `ôrah Hayyim 193.
2Yaroushlami, Ta´nith 4:8 ; Midhrosh `ékhoh Rabboh 2
3Voir plus particulièrement la seconde moitié du Séphar Nésah Yisro`él.
4Mishnéh Tôroh, Hilkôth Malokhim Oumilhomôth 12:1-5
5Ibid., 11:6
6Ibid., 11:8
7Ibid., 11:8-10
8Ibid., 1:1 ; Séphar Hammiswôth, Miswath ´aséh n°173
9Mishnéh Tôroh, Hilkôth Béth Habbahiroh 6:10
10Mishnéh Tôroh, Hilkôth Malokhim Oumilhomôth 1:12
11Mishnéh Tôroh, Hilkôth Hanoukkoh 3:1
12Mishnéh Tôroh, Hilkôth Sanhédhrin 4:14
13Mishnéh Tôroh, Hilkôth Ta´niyôth 5:3
14Mishnéh Tôroh, Hilkôth Malokhim Oumilhomôth 11:6
15`ovôth 2:19