בס״ד
La raison des Qôrbonôth : L’école rationaliste
VS l’école mystique
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Il existe une Maḥlôqath bien connue entre le Rambo’’m ז״ל et le Rambo’’n ז״ל. Elle est
extrêmement intense et montre la différence entre un grand Rov qui utilise son
propre raisonnement pour élucider des questions compliquées et un grand Rov qui
croit qu'il doit y avoir un sens plus profond (c’est-à-dire mystique, non
compréhensible par l'homme). IL s’agit évidemment de la Maḥlôqath soulevée par
le Rambo’’n dans son commentaire sur Wayyiqro` 1: 9 où il part dans une contestation
de l’opinion que le Rambo’’m a au sujet des Qôrbonôth.
Les
Écritures nous disent, selon la version de `ounqalôs,
que les Égyptiens adoraient le Bélier, et donc s’abstenaient de tuer des
moutons, et méprisaient les bergers. כִּי תּוֹעֲבַת מִצְרַיִם, נִזְבַּח « Car
c’est l’abomination des Égyptiens que nous victimiserons, etc. »[2] ;
כִּי-תוֹעֲבַת מִצְרַיִם, כָּל-רֹעֵה
צֹאן « Car
tout berger de troupeau est une abomination des Égyptiens »[3].
Certaines sectes parmi les Sabéens adoraient les démons et imaginaient que
ceux-ci prenaient la forme de chèvres ; c’est pourquoi ils appelaient les
démons par le terme de « chèvres » [Sa´irim].
Ce culte était répandu. וְלֹא-יִזְבְּחוּ
עוֹד, אֶת-זִבְחֵיהֶם, לַשְּׂעִירִם, אֲשֶׁר הֵם זֹנִים אַחֲרֵיהֶם « Et
ils n'offriront plus leurs victimes aux Sa´irim,
derrrière lesquels ils se prostituent »[4].
Pour cette raison, ces sectes s’abstenaient de manger de la viande de chèvre.
La plupart des idolâtres s’opposaient au fait de tuer du bétail, tenant cette
espèce d'animaux en grande estime. Par conséquent, les gens de Hôddou [Inde]
jusqu'à ce jour n’égorgent pas du bétail même dans les pays où d'autres animaux
sont égorgés. C’est en raison de ces faux principes que la Ṭôroh nous ordonne
de n'offrir des Qôrbonôth que de ces trois sortes : אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן,
לַיהוָה--מִן-הַבְּהֵמָה,
מִן-הַבָּקָר וּמִן-הַצֹּאן, תַּקְרִיבוּ, אֶת-קָרְבַּנְכֶם « Un humain qui apporterait parmi vous
un Qôrbon à `adhônoy, c’est d’entre l’animal
domestique, d’entre le gros bétail, et d’entre le menu bétail que vous apporterez votre Qôrbon ».[5]
Ainsi l'acte même qui est considéré par les idolâtres comme le plus grand
crime, est le moyen d'approcher Hashshém et d'obtenir Son pardon pour nos
péchés. De cette manière, les mauvais principes, les maladies de l'âme humaine,
sont guéris par d'autres principes diamétralement opposés.
En substance, le Rambo’’m dit que la raison pour laquelle nous, Juifs,
sommes tenus de sacrifier à Hashshém ית׳ est simplement afin de contrer l'idolâtrie. Il n'y a pas
d'importance inhérente aux Qôrbonôth. (De la même manière, la seule raison pour
laquelle Hashshém demanda d’offrir le Qôrban Pasaḥ était pour tuer en nos
esprits la fausse croyance selon laquelle le mouton, vénéré par les Égyptiens, était
une vraie divinité.) S'il n'y avait jamais eu d'adorateurs d'idoles, il n'y
aurait jamais eu besoin de Qôrbonôth. Cependant, dès l’instant où il y a des
gens qui sacrifient des animaux à un faux dieu ou s’abstiennent de le faire par
adoration de ces animaux, alors nous recevons notre Miṣwoh de sacrifier à Hashshém.
Le Rambo’’n attaque à boulets rouges le Rambo’’m sur cette question.[6]
Il dit que les mots du Rambo’’m sont complètement faux. L'une des preuves qu'il
apporte est que Nôaḥ ע״ה a
apporté des Qôrbonôth après le Mabboul, même s'il n'y avait pas d'adorateurs
d'idoles.[7]
De plus, la Ṭôroh dit sur le Qôrbon apporté par Nôaḥ וַיָּרַח יְהוָה, אֶת-רֵיחַ הַנִּיחֹחַ « Et
`adhônoy respira l’odeur agréable ». Cela implique
qu'il y a une raison plus profonde pour laquelle les Qôrbonôth sont importants
et cela n'est pas lié à la négation de l’idolâtrie, mais concerne plutôt la
signification spirituelle et la qualité des Qôrbonôth, d’après le Rambo’’n.
Cette Maḥlôqath est le paradigme de tout ce qui sépare une approche
rationnelle d'un sujet et une approche mystique. Le Rambo’’n dit qu'il est
impossible que Hashshém nous dise de faire quelque chose juste pour nier un de
nos désirs ou effacer une mauvaise tendance. Il doit y avoir, d’après lui, une
signification spirituelle plus profonde qui est un Sôdh (secret) qui est extrêmement
important. Cette idée est centrale pour l'école de pensée mystique, qui
soutient que tout a un aspect spirituel et que les humains sont incapables de
comprendre le but de Hashshém pour ce monde.
Le Rambo’’m est d'une école de pensée différente. Celle des
rationalistes. (Il convient de signaler que contrairement à ce qu’affirment
souvent les gens, l’école rationaliste ne rejette pas le mysticisme, mais
soutient que même le mysticisme a des aspects rationnels qu’il est possible de
comprendre et d’expliquer rationnellement, notamment, mais pas que, grâce au
savoir scientifique.) Il observe le judaïsme dans tous ses détails et affirme
qu'il doit y avoir un aspect logique à tout. Hashshém n'instituerait pas une loi,
en particulier une qui engloberait en elle de nombreuses autres lois, sans un
besoin très pressant. Le Rambo’’m nous dit que le peuple juif vivait dans une
société où le culte des animaux et le sacrifice d'animaux étaient des aspects
centraux de la vie. Par conséquent, Hashshém a réalisé qu'il était nécessaire
d'intégrer cela dans la vie quotidienne et de réguler ces activités afin de
nous éloigner des dérives. (C’est exactement comme le fait que c’est après que
le peuple eut commis le péché du veau d’or que Hashshém énonça la Miṣwoh de Lui
bâtir un Sanctuaire. Avant ce péché, cela n’était pas nécessaire. Mais quand
Hashshém vit que le peuple avait péché car ils croyaient que Môshah Rabbénou ע״ה ne reviendrait pas et qu’il était mort, Hashshém comprit que le
peuple avait, dans sa faiblesse, constamment besoin d’une présence rassurante
au milieu d’eux. Par conséquent, Il donna l’ordre : וְעָשׂוּ לִי, מִקְדָּשׁ; וְשָׁכַנְתִּי,
בְּתוֹכָם « Et
ils Me feront un Sanctuaire, et Moi Je résiderai en eux ».[8]
De la même manière, en raison notamment de la faiblesse de la nature humaine,
nous voyons que Hashshém toléra la polygamie. Il comprenait que l’interdire ne
ferait qu’augmenter le taux d’infidélité dans les couples, et que ce serait une
loi insupportable pour de nombreux hommes. De même avec les Qôrbonôth :
cela faisait tellement partie du quotidien des gens d’antan qu’il n’aurait pas
été réaliste d’abolir ces pratiques. Par conséquent, Hashshém Se contenta d’éloigner
de l’idolâtrie cette pratique et de lui donner une orientation exclusivement
tournée vers Lui.) Si nous regardons l'histoire du peuple juif, nous pouvons
voir qu'il y avait une grande attraction pour le culte des idoles. Le ṬaNa’’Kh
est rempli d’actes d’idolâtrie accomplis par nos ancêtres. Hashshém, dans Son
infinie sagesse, nous a alors permis de réaliser notre désir mais d’une manière
appropriée, régulée et sainte.
Ces deux Ri`shônim, que sont le Rambo’’m et le Rambo’’n, représentent
les deux grandes écoles de pensée différentes qui existent à l'intérieur du
judaïsme. Il y a les Juifs « mystiques » qui croient que tout ce
qu'ils font a un certain sens spirituel, et a des conséquences même invisibles
sur le cosmos. Ensuite, il y a les Juifs « rationalistes » qui
croient que le judaïsme est plein d'idées qui ont un sens dans la vie concrète
et pratique. Il y a certaines Miṣwôth qui ne sont pas toujours comprises, mais de
manière générale toutes les Miṣwôth nous aident à expérimenter la vie aussi bien
dans ce monde que dans le monde futur.
Telle est donc la question : est-ce que les Qôrbonôth, et par
extension toutes les Miṣwôth, ont un sens dans ce monde ou est-ce que tout est
spirituel ? C’est autour de cette question essentielle que sont divisées
ces deux écoles de pensée.