dimanche 28 septembre 2014

Prier sur les tombes des Saddiqim - Troisième Partie

ב״ה

Prier sur les tombes des Saddiqim

Troisième Partie


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  1. Même lorsque cela honore le défunt

Dans la première partie de cette série d'articles, nous avions cité le passage talmudique suivant1 :

Et il a été enseigné : « Un homme ne doit pas marcher dans un cimetière avec sa Tafillin sur la tête, ou un Séfar Tôroh à la main, et réciter le Shama´.2 Et s'il le fait, il entre dans la catégorie de ''Celui qui moque le pauvre blasphème Celui qui l'a fait''3»4
והתניא לא יהלך אדם בבית הקברות ותפילין בראשו וספר תורה בזרועו וקורא ואם עושה כן עובר משום (משלי יז) לועג לרש חרף עושהו

D'après ce passage, l'une des raisons pour lesquelles il n'est pas permis d'avoir Sa Tafillin Shal Rô`sh ou un Séfar Tôroh dans un cimetière, ainsi que d'y réciter le Shama´ ou la ´amidhoh, est que cela est une moquerie à l'égard des morts qui, eux, ne peuvent plus accomplir ces Miswôth. Certains s'appuient sur ce passage pour affirmer que dans le cas des Saddiqim et d'éminents rabbins, les choses seraient différentes, car il est évident d'accomplir ces Miswôth sur leurs tombes ne leur fera pas honte, mais qu'au contraire, cela les honorera. D'où la raison pour laquelle ils le permettent dans les cas de défunts Saddiqim ou qui furent d'éminents rabbins.

Mais le Talmoudh Yarousholmi n'accepte de toute façon pas ce passage du Talmoudh Bavli, et dit que la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accomplir ces Miswôth dans un cimetière, ce n'est pas pour ne pas faire honte aux morts, mais tout simplement parce que les cimetières sont des lieux impurs5 :

Celui qui est occupé à enterrer le défunt dans sa tombe et que l'heure de la récitation du Shama´ est arrivée, doit se déplacer vers un autre lieu pur, mettre ses Tafillin, réciter le Shama´ et faire la Tafilloh.
הֲרֵי שֶׁהָיָה עָסוּק עִם הַמֵּת בַּקֶּבֶר, וְהִגִּיעָה עוֹנַת קִרְיַת שְׁמַע, הֲרֵי זֶה פּוֹרֵשׁ לִמְקוֹם טָהֳרָה, וְלוֹבֵשׁ תְּפִלִּין וְקוֹרֵא אֶת שְׁמַע וּמִתְפַּלֵּל

Dans le contexte, le Yarousholmi parle de la récitation du Shama´ dans un lieu impur. Sous le sol d'un cimetière se trouvent de la chair décomposée, du sang et des restes d'ossements. C'est par conséquent considéré comme un lieu d'impureté. D'ailleurs, ce qui est paradoxal est que dans tous les cimetières israélites, il y a un robinet et un Kéli à la sortie du cimetière, afin de faire ses ablutions en sortant, précisément parce que le cimetière est un lieu d'impureté. Cela est reconnu par tout le monde, même ceux qui, étrangement, organisent des Minyonim en plein cimetière ! Cela est également exprimé par HHorov Yôséf Qappa`h ז״ל, dans son pamphlet « Qiryath Shama´ et Tafilloh dans un lieu d'impureté », qu'il répéta dans son commentaire sur le Mishnéh Tôroh du Ramba''m ז״ל.6 Le Ramba''m mentionne aussi le fait que ces Miswôth sont interdites dans un cimetière, non pas pour ne pas insulter les morts, mais en raison du fait que le cimetière est un lieu d'impureté.7

Le Rov Qappa`h explique qu'il est possible que les rabbins aient employé l'expression « ne pas se moquer des morts » comme une figure de style qui avait pour but de s'assurer que même les ´amé Ho`oras (ignorants et gens peu instruits) adhéreraient correctement à cette loi. En effet, il arrive très souvent que les rabbins du Talmoudh emploient un langage imagé extrême pour éloigner au maximum les gens d'une transgression, comme lorsqu'ils disent que si la main sert à verser la semence en vain il faut la couper sur son ventre, ou encore lorsqu'ils disent que le Loshôn Hora´ est comparable au meurtre, à l'inceste et à l’idolâtrie. Toutes ces choses ne sont que des figures de style des rabbins pour s'assurer que les gens, même les plus simples, comprennent la gravité de l'acte qu'ils ont interdit.

Cette attitude du Ramba''m, qui consiste à s'appuyer sur le raisonnement du Yarousholmi plutôt que sur celui du Bavli, fut également adoptée par le Sama''g ז״ל.8 De même, Rov Ya´aqôv ban ´oshér ז״ל, l'auteur des « `arbo´oh Tourim » (qui deviendront la base de la structure du Shoulhon ´oroukh de Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל) a interdit de prier ou d'étudier dans les quatre `ammôth d'un mort, sans mentionner l'explication selon laquelle ce serait pour ne pas « insulter les morts ».9

D'après cette compréhension, cette règle s'applique à tous les défunts, qu'ils soient de grands enseignants ou de simples Israélites, étant donné qu'ils sont tous rituellement impurs une fois qu'ils ne sont plus en vie. Par conséquent, il n'existe aucune exception à la règle pour permettre de faire des Barokhôth, des prières ou encore des Divré Thôroh en l'honneur d'un défunt près de son corps ou de sa tombe. Arguer que cela est acceptable parce que ce n'est pas une insulte faite au mort, n'est pas soutenable étant donné que cette raison n'est pas acceptée par le Yarousholmi, le Ramba''m, etc.

Le Shoulhon ´oroukh, comme nous l'avons vu dans la deuxième partie de ce cette série d'articles, semble trancher vers une permission concernant certaines activités religieuses dans un cimetière. Mais sa position n'est pas très claire, et il est très courant de trouver des contradictions au sein du Shoulhon ´oroukh, pour la simple raison qu'en même temps qu'il essayait de rester fidèle aux Trois Grands Ri`shônim, il n'était pas désireux non plus de se mettre à dos toute une partie de la communauté ayant adoptée des pratiques contraires à ce qui devrait être fait.

Nous allons voir ici un bon exemple de l'ambivalence du Mahabbér. Nous sommes tous familiers avec la pratique contemporaine inventée par les `ashkanazim qui consiste à réciter le Qaddish tout en étant debout près du cercueil durant la Lawwayath Hamméth (l'escorte du mort jusqu'à sa tombe), et une seconde fois après l'enterrement dans le cimetière. Mais peu de gens savent que bien que le Mahabbér ait permis de réciter quelques versets et de faire des Daroshôth de Tôroh dans un cimetière, il a interdit cette pratique de la récitation du Qaddish dans un cimetière ou en présence du mort10 :

On doit s'éloigner du cimetière et dire le Qaddish.
ומרחיקין מעט מבית הקברות ואומרים קדיש

Cette interdiction de réciter le Qaddish dans un cimetière est réitérée par le Sha''h11 ז״ל, qui cite à cet effet le Maharsha''l ז״ל. Clairement, ces Pôsqim sont ambivalents et très souvent incohérents sur la permissivité ou pas de réciter des Divré Thôroh dans un cimetière.12

Concluons cette troisième partie par le témoignage de Horov Môshah Sternbuch, l'actuel vice-président et ancien dirigeant de la ´édhoh HaHarédhith, qui rapporte que lorsque le Hozzôn `ish ז״ל accompagnait un cercueil dans une escorte funèbre, il gardait toujours le silence et ne récitait pas avec la foule יֹשֵׁב, בְּסֵתֶר עֶלְיוֹן « Yôshév Baséthar ´alyôn »13, ni aucun des autres versets bibliques qui sont généralement récités lors de funérailles, car la Halokhoh interdit de réciter des paroles de sainteté dans un cimetière.

L'être humain a toujours le choix soit de s'aligner avec la majorité même lorsqu'il sait qu'elle se trompe, soit de faire ce que HaZa''l ont dit même s'il se trouve à cause de cela dans le camp de la minorité. La balle est dans le camp de chacun. Mais quand on se présentera devant HaShem, l'argument de la majorité ne sera pas pris en compte, car vous avez vu et entendu ce qu'ont dit HaZa''l, mais avez fait sciemment le choix de faire l'opposé.

1Barokhôth 18a
2Et il en est ainsi, quand bien même il n'aurait pas sa Tafillin de la tête, ni de Séfar Tôroh dans ses mains
3Mishlé 17:5
4Le Talmoudhh explique que le terme רָשׁ « Rosh » (employé ici pour désigne un pauvre, alors que le mot le plus courant est עָנִי « ´oni ») désigne également un mort et déduit de ce verset de nombreuses Halokhôth concernant le comportement à avoir en présence d'un cadavre, comme l'interdiction de porter des Tafillin ou de tenir un Séfar Tôroh dans un cimetière, étant donné que, d'une certaine manière, on se moque ainsi du défunt, qui n'est plus capable d'accomplir les Miswôth. C'est également le cas pour la récitation du Shama´.
5Talmoudh Yarousholmi, Barokhôth 2:3
6Hilkôth `éval 14:14, page 218
7Môréh Navoukhim 3:43. Page 389, dans la traduction du Rov Qappa`h
8Miswôth ´Aséh n° 18 et 22
9`arbo´oh Tourim Chapitre 45
10Yôréh Dé´oh 376:4
11367:3
12Cette permission est basé sur de nombreux passages du Zôhar.. Les contemporains de Rabbi Yôséf Qa`rô avaient décidé de baser leurs pratiques religieuses et quotidiennes sur le Zôhar, lui donnant même la priorité sur le Talmoudh. C'est également le cas dans le mouvement Hassidique, où les pratiques « mystiques » priment sur la Halokhoh

13Tahillim 91