vendredi 6 mai 2016

Kisouy Horô`sh : une obligation ou une option ?

ב״ה

Kisouy Horô`sh : une obligation ou une option ?


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Dans la plupart des communautés juives de notre époque, les femmes ne commencent à se couvrir la tête qu'après le mariage. Cette pratique prend diverses formes : chapeaux, foulards (qu'on appelle « tikhel » en yiddish), filets pour cheveux (qu'on appelle « snood »), bérets, bandanas ou encore perruques (qu'on appelle « sheytl » en yiddish). Certaines couvrent leurs cheveux intégralement, d'autres partiellement. Certaines laissent pousser long leurs cheveux, d'autres les coupent pour qu'ils ne soient pas trop longs, et d'autres encore les rasent (voir l'article intitulé « Les femmes qui se rasent la tête »). De nombreuses femmes ne se couvrent les cheveux que lorsqu'elles entrent à la Synagogue, alors que de nombreuses autres ont complètement abandonné la tradition du Kisouy Horô`sh (couvrir la tête).

L'origine biblique du Kisouy Horô`sh se trouve dans le rituel de la Sôtoh, une cérémonie décrite dans la Tôroh qui servait à tester la fidélité d'une femme accusée d'adultère. Selon la Tôroh, le Kôhén officiant à la cérémonie découvrait publiquement les cheveux de la femme accusée en signe d'humiliation, avant de procéder au rituel.1 De là, le Talmoudh conclut que cela nous apprend que sous des circonstances normales, se couvrir les cheveux est une obligation biblique, et non rabbinique, qui incombe aux femmes.

Le Prophète Yasha´yohou ע״ה confirme que bibliquement parlant, ne pas se couvrir la tête est une honte pour une femme Israélite et fait partie des sanctions qu'HaShem ית׳ réserve aux Israélites pour leur rébellion et « adultère » à Son égard.2 Shalômôh Hammalakh ע״ה mentionne plusieurs fois le principe de Kisouy Horô`sh dans le Shir Hashirim, comme par exemple dans le passage suivant3 :

Les gardes qui font des rondes dans la ville me rencontrent, ils me frappent, me maltraitent; les gardiens des remparts m'enlèvent ma mantille. Je vous en conjure, ô filles de Jérusalem: Si vous rencontrez mon bien-aimé, que lui direz-vous? Que je suis malade d'amour!
מְצָאֻנִי הַשֹּׁמְרִים הַסֹּבְבִים בָּעִיר, הִכּוּנִי פְצָעוּנִי; נָשְׂאוּ אֶת-רְדִידִימֵעָלַי, שֹׁמְרֵי הַחֹמוֹת הִשְׁבַּעְתִּי אֶתְכֶם, בְּנוֹת יְרוּשָׁלִָם: אִם-תִּמְצְאוּ, אֶת-דּוֹדִי--מַה-תַּגִּידוּ לוֹ, שֶׁחוֹלַת אַהֲבָה אָנִי

Une mantille est un espèce de long voile avec lequel les femmes se couvrent et qui non seulement la tête mais aussi le haut du corps. Là encore, nous voyons que le fait de le retirer en public est un signe d'humiliation.

La mantille est également mentionnée par le Prophète Yasha´yohou dans Yasha´yohou 3:23, et également dans le contexte de l'humiliation. Il est intéressant de voir que le Prophète Yasha´yohou, dans le Chapitre 3 de son livre, mentionne différentes sortes de voiles et foulards que les femmes Israélites pouvaient utiliser pour se couvrir.

Un autre voile, appelé צַמָּה « Sammoh », est également mentionné par Shalômôh Hammalakh dans Shir Hashirim 4:1, 4:3 et 6:7. C'est un voile qui couvrait non seulement les cheveux mais également le visage.

Kisouy Horô`sh en public est par conséquent une pratique classée dans la catégorie de ce qu'on appelle דַּת מֹשֶׁה « Dath Môshah », littéralement « la coutume de Môshah », une catégorie de pratiques et de coutumes qui, bien qu'elles ne soient pas énoncées sous la forme d'un commandement explicite dans la Tôroh, remontent à Môshah Rabbénou ע״ה lui-même et ont le même statut qu'une Miswoh Da`ôrayatho`. En d'autres mots, quiconque nie ces coutumes et pratiques est comparable à quelqu'un qui nie la Tôroh. C'est pour cela qu'une femme qui refuserait de se couvrir la tête peut être divorcée sans versement de la Kathoubboh d'après la Halokhoh.4

En outre, il y a une différence entre « Dath Môshah » et דַּת יְהוּדִית « Dath Yahoudhith », comme nous le verrons plus bas. Mais en résumé, une Dath Môshah n'est pas sujet à des changements, alors qu'une Dath Yahoudhith dépend des époques et des coutumes locales et peut donc changer.

Nous avons donc établi que le Kisouy Horô`sh est une Dath Môshah. Voici pourtant ce qui est écrit dans la Mishnoh5 :

Celles-ci sont celles qui peuvent être répudiées sans leur Kathoubboh : une femme qui transgresse une Dath Môshah et [une Dath] Yahoudhith... Quel [comportement va à l'encontre de] la Dath Yahoudhith ? Si elle sort avec sa tête sauvage, qu'elle tisse sur la place du marché, ou qu'elle parle avec tout homme.
וְאֵלּוּ יוֹצְאוֹת שֶׁלֹּא בִכְתֻבָּה, הָעוֹבֶרֶת עַל דַּת מֹשֶׁה וִיהוּדִית... וְאֵיזוֹהִי דַת יְהוּדִית, יוֹצְאָה וְרֹאשָׁה פָרוּעַ, וְטווָֹה בַשּׁוּק, וּמְדַבֶּרֶת עִם כָּל אָדָם

Certaines personnes emploient ce passage de la Mishnoh pour « prouver » que se couvrir la tête en public n'est donc pas de la Dath Môshah, mais simplement une coutume juive (Dath Yahoudhith) qui peut être sujet à interprétation et dépend de la coutume locale de chacun. Mais il n'en est pas ainsi ! Ce texte de la Mishnoh ne parle pas de sortir la tête découverte, mais emploie l'expression de sortir avec רֹאשָׁה פָרוּעַ « Rô`shoh Foroua´ », qui signifie littéralement « sa tête sauvage », et désigne le fait de sortir avec les cheveux défaits.

Nous avons en effet une ancienne tradition qui veut que les femmes attachent leurs cheveux de derrière sous leurs foulards plutôt que de les laisser pendre. La plupart des femmes avaient des tresses ou attachaient leurs cheveux en chignon. Cette ancienne tradition est mentionnée dans le TaNa''Kh. Dans la liste des malédictions mentionnées par le Prophète Yasha´yohou pour punir la femme adultère (l'image de l’infidélité du peuple d’Israël envers Dieu), il est fait mention de ceci6 :

Au lieu de parfums il y aura de la pourriture; au lieu de ceinture, une corde; au lieu de nattes bien tressées, de la calvitie; au lieu d'un large manteau, un cilice; des stigmates de brûlure remplaceront la beauté.
וְהָיָה תַחַת בֹּשֶׂם מַק יִהְיֶה, וְתַחַת חֲגוֹרָה נִקְפָּה וְתַחַת מַעֲשֶׂה מִקְשֶׁה קָרְחָה, וְתַחַת פְּתִיגִיל, מַחֲגֹרֶת שָׂק: כִּי-תַחַת, יֹפִי

Shalômôh Hammalakh en fait également mention dans plusieurs passages, dont celui-ci7 :

Ta tête est posée sur toi, pareille au Karmal, les boucles de tes cheveux ressemblent à l'écarlate: un roi se retrouve prisonnier de ces tresses!
רֹאשֵׁךְ עָלַיִךְ כַּכַּרְמֶל, וְדַלַּת רֹאשֵׁךְ כָּאַרְגָּמָן: מֶלֶךְ, אָסוּר בָּרְהָטִים

Dans les temps bibliques et talmudiques les femmes liaient leurs tresses avec des rubans de pourpre.

Le sujet traité dans la Mishnoh rapportée plus haut n'est pas le fait de sortir les cheveux découverts mais de savoir s'il est permis ou pas de défaire ses tresses ou son chignon de façon à laisser quelques cheveux de l'arrière de la tête dépasser du foulard, et sortir ainsi en public. La Mishnoh dit que cela dépend de la coutume locale (Dath Yahoudhith). Si dans une communauté il est strictement interdit de laisser paraître les cheveux à l'arrière de la tête en public mais que la femme transgresse et contrevient à cette norme locale, le mari peut la répudier sans lui verser de Kathoubboh. Si la communauté locale n'a pas cette rigueur, il ne faut alors pas en vouloir aux femmes qui laissent pendre à l'arrière de leurs têtes sous leur foulard un peu de leurs cheveux.

Ainsi, le fait de laisser un peu paraître ses cheveux sous le foulard à l'arrière de la tête est donc déconseillé, quoi que pas interdit, car Môshah Rabbénou n'a rien dit à ce sujet, ni par écrit, ni oralement. Voilà pourquoi c'est classifié dans la catégorie de Dath Yahoudhith et non dans celle de Dath Môshah.

Le Talmoudh au traité Kathoubbôth 72 présente donc une position de compromis : l'obligation biblique (Dath Môshah) consiste à se couvrir les cheveux, alors que les normes plus strictes, comme par exemple interdire que même un peu de cheveux pende du voile à l'arrière, doivent être déterminées sur bases de la pratique locale des femmes Juives (Dath Yahoudhith).

C'est ainsi que le maître de la Halokhoh, le Ramba''m ז״ל, fait, dans son Mishnéh Tôroh, une différence entre deux sortes de Kisouy Horô`sh : se couvrir entièrement et se couvrir partiellement. Il écrit8 :

Voici les actes pour lesquels elle est considérée comme ayant violé la Dath Môshah : elle sort au marché avec les cheveux de sa tête découverts, etc.
וְאֵלּוּ הֶן הַדְּבָרִים שְׁאִם עָשָׂת אֶחָד מֵהֶן עָבְרָה עַל דָּת מֹשֶׁה--יוֹצְאָה בַּשּׁוּק וּשְׂעַר רֹאשָׁהּ גָּלוּי
Et qu'est-ce que la Dath Yahoudhith ? La coutume de pudeur dont sont accoutumées les filles [du peuple] d'Israël. Si une femme accomplit l’un des actes suivants, elle viole la Dath Yahoudhith : elle se rend au marché ou dans une ruelle et sa tête est sauvage car elle n'a pas sur elle de mantille comme toutes les autres femmes, bien que ses cheveux soient recouverts d’un voile.
וְאֵיזוֹ הִיא דָּת יְהוּדִית, הוּא מִנְהַג הַצְּנִיעוּת שֶׁנָּהֲגוּ בְּנוֹת יִשְׂרָאֵל; וְאֵלּוּ הֶן הַדְּבָרִים שְׁאִם עָשָׂת אֶחָד מֵהֶן, עָבְרָה עַל דָּת יְהוּדִית: יוֹצְאָה לַשּׁוּק אוֹ לְמָבוֹי מְפֻלָּשׁ, וְרֹאשָׁהּ פָּרוּעַ וְאֵין עָלֶיהָ רָדִיד כִּשְׁאָר הַנָּשִׁים, אַף עַל פִּי שֶׁשְּׂעָרָהּ מְכֻסֶּה בְּמִטְפַּחַת

En d'autres mots, ce qu’exige la Tôroh c'est que la femme couvre ses cheveux. C'est la Dath Môshah ! Mais dans certains endroits et certaines communautés, même lorsque la femme porte effectivement un foulard, il pourrait ne pas être approprié que même quelques cheveux pendent de son foulard, tandis que dans d'autres localités il pourrait arriver que porter uniquement un foulard ne soit pas suffisant, mais qu'il faille également porter une mantille au dessus du foulard. Tout cela dépendra de la coutume locale, c'est-à-dire la Dath Yahoudhith !

Dans le Talmoudh Bavli9, il est précisé que bien qu'avoir la tête sauvage (c'est-à-dire, porter un foulard, mais laisser ses cheveux pendre un peu du foulard) ou porter simplement un foulard sans mantille ne soit pas acceptable en public, dans le cas d'une femme qui va d'une cour à une autre en passant par une ruelle, rien qu'avoir un foulard mais pas de mantille n'est pas un problème, tout comme le fait de laisser un peu pendre ses cheveux sous le foulard, car peu de gens la verront ainsi. Cette position du Talmoudh Bavli est également exprimée dans le Talmoudh Yarousholmi10 et est codifiée également par le Ramba''m, qui l'exprime de la façon suivante11 :

Et de même, si elle sort avec sa tête sauvage d’une cour à une autre en passant par une ruelle, étant donné que ses cheveux sont recouverts d’un foulard, elle ne viole pas la Dath [Yahoudhith].
וְכֵן אִם יָצְתָה בְּרֹאשָׁהּ פָּרוּעַ ,מֵחָצֵר לְחָצֵר בְּתוֹךְ הַמָּבוֹי--הוֹאִיל וּשְׂעָרָהּ מְכֻסֶּה בַּמִּטְפַּחַת, אֵינָהּ עוֹבֶרֶת עַל דָּת

Ainsi, une femme pourrait quitter une cour pour se rendre dans une autre cour en passant par une ruelle (un lieu peu fréquenté) en ne portant qu'un foulard mais pas de mantille, ou en laissant un peu de ses cheveux pendre du foulard, sans que cela soit considéré comme une transgression de la Dath Yahoudhith, car il est fort probable qu'elle ne rencontre pas grand monde dans cette ruelle. Et comme vous pouvez à nouveau le remarquer ici, il est impossible que l'expression « tête sauvage » signifie « tête découverte », puisqu'on parle là encore d'une femme qui porte bien un foulard ! (Je me répète, car c'est très important. Beaucoup de gens sont allés jusqu'à traduire l'expression « Rô`shoh Faroua´ » par « sa tête découverte », alors qu'il ne s'agit pas de cela, d'où le fait qu'on pense que ne pas se couvrir les cheveux ne serait qu'une Dath Yahoudhith, alors que la Mishnoh dit clairement que ne pas se couvrir la tête est une transgression d'une Dath Môshah et avoir la « tête sauvage » peut être une transgression d'une Dath Yahoudhith, indiquant par-là qu'il est impossible que « tête sauvage » soit synonyme de « tête découverte ».).

Le fait de découvrir ses cheveux en public était considéré si grave que le Talmoudh rapporte un incident dans lequel une femme porta plainte devant le Beth Din contre un homme qui lui avait découvert les cheveux en public.12 Le juge13 donna raison à la femme et condamna l'homme à un dédommagement financier pour la honte occasionnée. Cela nous montre qu'il était effectivement honteux pour une femme de paraître en public la tête découverte.

En outre, en dépit de la fantaisie inventée par certains rabbins, même les femmes non-mariées qui ont atteint l'âge de la puberté doivent aussi se couvrir les cheveux. Le Ramba''m rapporte d'ailleurs ceci14 :

Et les filles [du peuple] d'Israël ne se rendent pas sur la place du marché la tête sauvage, qu’il s’agisse d’une célibataire ou d’une femme mariée.
לֹא יְהַלְּכוּ בְּנוֹת יִשְׂרָאֵל פְּרוּעֵי רֹאשׁ בַּשּׁוּק, אַחַת פְּנוּיָה וְאַחַת אֵשֶׁת אִישׁ

Et cette Halokhoh est également reprise par Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל dans son Shoulhon ´oroukh, où il écrit ceci15 :

Les filles [du peuple] d'Israël ne marchent pas la tête sauvage dans le marché, qu'il s'agisse d'une célibataire ou d'une femme mariée.
לא תלכנה בנות ישראל פרועות ראש בשוק, אחד פנויה ואחד אשת איש

Ainsi, même le Shoulhon ´oroukh (qui copie mot pour mot le Ramba''m), qui constitue pourtant le livre halakhique de référence pour de nombreuses communautés aussi bien séfarades, qu'ashkénazes et même hassidiques, stipule qu'il n'y a pas de différence entre femmes mariées et célibataires concernant le fait de montrer ses cheveux en public. Toutes les femmes Juives, qu'elles soient mariées ou pas, doivent couvrir leurs cheveux en public. Même les autorités qui disent que les femmes non mariées ne devraient pas se couvrir la tête reconnaissent qu'il n'en fut pas toujours ainsi et admettent qu'ils ne savent pas depuis quand cela a précisément changé, alors que jusqu'à la période d'avant-guerre même les jeunes filles ashkénazes portaient un foulard en public !

À partir de quel âge faut-il couvrir les cheveux d'une jeune fille ? Les Safaradhim disent dès le moment où elle commence à avoir des formes ! Néanmoins, comme pour toutes les Miswôth, au plus tôt les parents habituent leurs enfants au mieux ce sera ! C'est ainsi que nous voyons que chez les Témonim les files commencent dès l'âge de six ans à couvrir leurs têtes.

En tous les cas, un ou deux ans avant qu'une fille ne devienne majeure (minimum douze ans et six mois ainsi que les signes de maturité physique), elle devrait normalement, selon le Din, tout faire comme les autres femmes. En effet, c'est une obligation d'après le Talmoudh d'habituer les mineurs un ou deux ans avant leur maturité à respecter les Miswôth comme les adultes.

1Bamidhbor 5:18
2Yasha´yohou 3:16-24. Notez que dans les traductions françaises, le mot hébreu הַמִּטְפָּחוֹת « Hammitpohôth », qui apparaît au verset 22, est souvent traduit par « les manteaux », alors qu'il désigne « les châles », qui sont de longs voiles que les femmes Israélites sont censées porter au dessus de leurs foulards
3Shir Hashirim 5:7-8
4Mishnoh, Kathoubbôth 7:6
5Ibid.
6Yasha´yohou 3:24
7Shir Hashirim 7:6
8Hilkôth `ishouth 24:11-12
9Kathoubbôth 72a-b
10Ibid. 7:6
11Hilkôth `ishouth 24:13
12Bavo` Qammo` 90a
13Car ce genre d'affaires peut être tranché par un juge unique. Il n'est pas nécessaire de réunir trois juges
14Hilkôth `issouré Bi`oh 21:17

15`avan Ho´azar 21:2