dimanche 7 juin 2015

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Zôhar ? - Les incohérences du Zôhar I

בס״ד

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Zôhar ?


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Les incohérences du Zôhar I

  1. Introduction

Comme nous le savons, le Zôhar prétend être le récit d'événements et la transcription d'enseignements mystiques remontant à la première ou deuxième génération des disciples de Rébbi Shim´ôn ban Yôho`y (dont l'acronyme est « Rashb''i »), et contient ainsi des phrases attribuées au Rashb''i. On y retrouve également des enseignements attribués à d'autres Tanno`im ainsi qu'à certains `Ammôro`im, teintés de récits les plus fantaisistes et fantastiques les uns des autres.

Mais comment cela se fait-il que si le Zôhar est l’œuvre du Rashb''i, certains `Ammôro`im ayant vécu bien après lui s'y retrouvent cités ? Le Rov Ya´aqôv Emden ne fut pas le premier à remarquer que des personnages ayant vécu après l'époque du Rashb''i sont mentionnés dans le Zôhar. Même Rabbi Hayyim Vital le signale dans son introduction au Haqdomôth, et résout cette incohérence en disant que bien que le Rashb''i soit l'auteur du Zôhar, des rabbins venus après lui ont complété le texte.

Mais la première chose qui a poussé le Rov Ya´aqôv a sérieusement remettre en question le contenu du Zôhar fut un discours qui se trouve dans le רעיא נאמנא « Ra´yo` Na`amno` » (Berger Fidèle), la partie du Zôhar qui aurait été dictée par l'âme de Môshah Rabbénou descendue sur l'assemblée du Rashb''i et qu'on affirme avoir été écrite par le Rashb''i lui-même quand il était caché dans la grotte. En d'autres mots, le Ra´yo` Na`amno` est considéré comme la partie la plus authentique de tout le Zôhar. Voici le texte troublant en question (Zôhar, Parashath Ki Thésé`, Simon 119) :


Traduction :

La fille du Roi est ligotée par des cordes, en prison dans son exil. Elle sert de nid à Somo`él au milieu des étoiles, et le Saint, béni soit-Il, jure1 : « Bien que tu voles aussi haut que l'aigle et aies établi ton nid au milieu des étoiles, de là Je te ramènerai, dit HaShem ». Et la Shakhinoh est [appelée] Vénus (en hébreu, « Nôghah »), [car il est écrit2 :] « et leu feu éclairait » (en hébreu « Nôghah »). Ainsi, ils appellent la Synagogue « un fleu clair » (« `Ésh Nôghah »).

Le Zôhar déclare que la Shakhinoh est appelée נגהּ « Nôghah », et qu'ils appellaient la Synagogue par le nom de אש נגהּ « `Ésh Nôghah » (et cela est répété à nouveau au Simon 121).

Nous savons qu'en Europe de l'Ouest, au Moyen-âge, la prononciation ordinaire de la lettre Shin était « s ». Nous pouvons notamment le voir chez Rash''i qui, dans ses La´azim, translittère systématiquement le « s » Français par un Shin, et nous le voyons aussi dans les noms de famille, comme Sasportes ou encore Benveniste (qui s'écrivent tous les deux en Hébreu avec un Shin), ainsi que par le fait que Manashah ban Yisro`él écrivait son nom « Manasseh », avec deux « s ». Ainsi, le mot « `Ésh Nôghah » se lisait « `És Nôghah », ou plus précisément « `Ésnoga » en un mot.

Or, qui appellait une Synagogue par le terme « `Ésnoga » ? La réponse est qu'en Ladino (le judéo-espagnol), la langue qui était parlé à l'époque et à l'endroit où vivait Môshah de Lé`ôn (celui qui a publié le Zôhar), une Synagogue était effectivement appelée « `Ésnoga ». Une Synagogue ne fut jamais appelée ainsi du temps du Rashb''i. En outre, l'Espagnol est une langue qui n'est apparue qu'aux alentours des 8ème et 9ème siècles, et il est impossible qu'il ait été utilisé du temps du Rashb''i ! Ce n'est là qu'un des très nombreux anachronismes contenus dans le Zôhar.

Et bien que nous savons que le Talmoudh cite des mots provenant d'autres langues, néanmoins chaque fois qu'il s'agit de mots n'étant ni grecs ni latin, le Talmoudh nous informe systématiquement de quelles langues ils furent empruntés, et il s'agit à chaque fois de langues en vigueur dans les temps talmudiques, ou qui existaient avant les temps talmudiques. Or, le mot « `Ésnoga » est une corruption propre à la région ibérienne du mot grec « synagoga », et ni l'Espagnol, ni le Ladino, n'existaient du temps du Rashb''i !

Il existe d'autres mots d'origine espagnole disséminés tout au long du Zôhar. Prenons par exemple le mot גרדיני « Gardini », qui est employé plus de quarante fois dans le Zôhar en référence aux anges. Ce mot est d'origine espagnole, et signifie « gardien » ou « ange-gardien ».

Le Rov Ya´aqôv Emden écrit qu'il avait déjà commencé à rassembler quarante ans avant la publication de son Mitpahath Saforim une liste de toutes les anomalies se trouvant dans le Zôhar, mais qu'il avait craint de les publier à cause de la possibilités que certaines personnes se retourneraient contre lui, et à cause des effets négatifs qui pourraient advenir si les gens cessaient de croire en l'authenticité de l'ensemble de la Qabboloh ; voyant que les Maqqoubbolim aient accepté avec enthousiasme un livre rempli de nouvelles doctrines kabbalistiques d'origines douteuses sans même en contredire la moindre, et sans même contredire le moindre grand Maqqoubol d'une génération précédente ayant accepté le Zôhar, certains pourraient en arriver à la conclusion, en lisant cette liste d'anomalie, qu'au final l'étude de la Qabboloh ne serait rien d'autre qu'une grosse farce. Par conséquent, il hésita, dans un premier temps, à publier ses découvertes.

Mais la raison pour laquelle il se décida finalement à le faire, comme il l'écrit lui-même, c'était afin de couper l'herbe sous les pieds des disciples de Shabbathaï Sévi, qui utilisaient le Zôhar pour prouver leurs doctrines. Cela démontre clairement la fausseté de l'argument du Hydho''`, qui avance comme thèse, dans son Shém Haggadhôlim, que le Rov Ya´aqôv Emden ne composa son livre que comme une ruse afin de contrer les Sabbatéens, tout en ne croyant pas lui-même ce qu'il écrivait dedans, à savoir, que le Rashb''i n'avait pas composé le Zôhar.

C'est complètement faux ! Le Rov Ya´aqôv Emden composa son livre au nom de la vérité, mais il s'était refusé à le publier jusqu'à ce qu'il sente la nécessité urgente de le faire. Il est également surprenant que le Hydho'' ait pu croire que le Rov Ya´aqôv se serait amusé à rassembler plus de 300 arguments fatals au Zôhar, qui réduisent totalement en fumée l'image d'inviolabilité dont jouissait ce livre considéré comme le plus saint de toute la littéraure juive, et tout cela rien que dans un esprit de ruse !

Dans son livre, le Rov Ya´aqôv Emden présente les deux anomalies susmentionnées, puis il se lance dans une analyse systématique et minutieuse de l'entièreté du Zôhar. Voyons voir quelques-uns des commentaires les plus remarquables que lui et d'autres ont pu faire :

Tout au long de son Mitpahath Saforim, il rapporte de nombreuses citations faites dans le Zôhar qu'il démontre provenir d'autres livres tels que le Kouzari (dont l'auteur est décédé 150 ans avant la « découverte » du Zôhar par Môshah de Lé`ôn) et les écrits originaux du Ramba''m (décédé une centaine d'années avant la « découverte » du Zôhar).

Mais le meilleur est une phrase poétique citée dans le Tiqqouné Zôhar qui est empruntée directement du poème כתר מלכות « Kathar Malkhouth », composé par Shalômôh ban Yahoudhoh `Ibn Gabbirôl (11ème siècle, donc deux siècle avant la « découverte » du Zôhar).

Voici ce que dit le Zôhar :

בלקותא דסיהרא ושמשא דאסתלק נהורייהו ואשתארו כגופא בלא נשמתא דאית אדון עליהם מחשיך מאוריהם

Et ici, voici l'original, dans le Kathar Malkhouth :

ובהדבקו בסוף החדש עם החמה. אם יהיה תלי ביניהם. ועל קו אחד יעמדו שניהם
אז יעמד הירח לפני השמש כעב שחורה. ויסתיר מעין כל רואיה מאורה
למען ידעו כל רואיה כי אין המלכות לצבא השמים וחיליהם. אבל יש אדון עליהם. מחשיך מאוריהם

Et nous avions déjà vu plus haut que les nombreuses citations de `Ammôro`im ayant vécu bien plus tard que le Rashb''i indiquent que le Zôhar est une pure fabrication.

Des Maqqoubbolim vinrent et contrèrent cela en disant que si de tels arguments sont utilisés contre le Zôhar, on devrait en faire de même contre le Talmoudh. Il est en effet fait mention, dans le Talmoudh, de la mort de Rov `Ashi, bien qu'on dise de lui qu'il serait l'auteur du Talmoudh. Les Maqqoubbolim disent donc que tout comme l'auteur d'origine de la Gamoro` est Rov `Ashi, bien que des autorités venues après lui ont également contribué à donner au Talmoudh la forme finale qu'il a, de même, l'orateur principal du Zôhar est le Rashb''i, bien que le livre en lui-même fut édité et développée davantage par des rabbins venus après lui.

Bien qu'ils aient raison sur le fait que la Gamoro` ne fut pas entièrement rédigée par Rov `Ashi et que des autorités venues après lui ont continué à ajouter à la Gamoro`, il existe une réponse qui montre l'absurdité de cette comparaison entre le Talmoudh et le Zôhar, et qui est évidente pour l’œil de tout observateur s'étant déjà penché sur le Zôhar : la chronologie du Zôhar est TOTALEMENT fausse ! Nous allons le démontrer par des exemples classiques qui sont des cas d'école. Mais ce sera pour la prochaine fois !

1´Ôvadhyoh 1:4
2Yahazqé`l 1:13