ב״ה
Les
origines superstitieuses du Tashlikh
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Poursuivons
notre analyse des lois, pratiques et coutumes relatives aux fêtes de
Tishri.
La
cérémonie du תַּשְׁלִיךְ
« Tashlikh »
fait partie de ces rites populaires entièrement développés par
pure superstition et n'ayant aucune origine rabbinique. Mais puisque
avec le temps de plus en plus de gens y adhéraient et la
pratiquaient, plutôt que de s'y opposer catégoriquement, plusieurs
rabbins commencèrent à lui donner de nouvelles significations,
espérant ainsi faire oublier ses origines superstitieuses et la
rendre ainsi plus acceptable.
Cette
cérémonie a généralement lieu l'après-midi du premier jour de
Rô`sh Hashonoh, et se déroule autour d'un plan d'eau dans lequel se
trouve, de préférence, des poissons. Plusieurs Tahillim et d'autres
passages de diverses sources sont récités au cours du rituel. Mais
les origines du Tashlikh sont loin d'être Koshér, et depuis la
toute première mention de cette coutume dans l'ouvrage du Mahari''l
ז״ל
(Rabbénou
Ya´aqôv ban Môshah Halléwi Môlin, Allemagne, 1365-1427), de
nombreuses autorités s'y sont opposées.
Personne
ne sait réellement quand la pratique est née, mais du fait qu'elle
était déjà très répandue dans le monde ashkénaze lorsque le
Mahari''l la mentionna pour la première fois, nous pouvons déduire
qu'elle était antérieure à son époque. Les Juifs qui ont inventé
ce rituel soutenaient que Dieu ne prenait pas de décisions sans
premièrement consulter des anges et des démons, et que ces derniers
pouvaient persuader Dieu d'agir contre les intérêts des hommes.
Cette notion fut soutenue par des mauvaises lectures et
compréhensions de nombreuses sources bibliques et talmudiques. À la
suite de cette croyance erronée (qui est même une insulte au
Créateur et de la pure hérésie), ces ignorants prirent l'habitude
de se rassembler devant un plan d'eau pour soudoyer le Soton et
l'empêcher de se présenter devant Dieu avec des accusations contre
les Juifs. Cette pratique était plus particulièrement importante le
premier jour de Rô`sh Hashonoh, qui est le jour de jugement de
l'humanité.
Pourquoi
se rassemblaient-ils devant des plans d'eau et non ailleurs ?
Parce qu'ils étaient convaincus que les créatures célestes, y
compris Dieu, les anges et les démons, pouvaient être trouvés aux
environs de plans d'eau. Ils tentaient d'user de pots-de-vin en
donnant au Soton des « présents » afin d'empêcher qu'il
n'aille les accuser. Jeter du pain aux poissons se trouvant dans le
plan d'eau était l'une des méthodes employées pour transmettre le
pot-de-vin. Les ignorants qui s'adonnaient à ce rite avaient
confiance dans le fait que les poissons prendraient la nourriture
offerte et la rapporteraient au Soton.
Le
Mahari''l, en rapportant le fait qu'il existait en Allemagne une
pratique consistant à se rendre près d'un plan d'eau à Rô`sh
Hashonoh, après le repas du matin, pour jeter ses péchés dans la
mer, ne s'oppose pas au rituel du Tashlikh en lui-même, mais
seulement à la pratique consistant à jeter de la nourriture pour
soudoyer le Soton. Il écrit : « Lorsque les gens se
rendent vers des rivières le jour de la fête, ils ne doivent pas
prendre avec eux de la nourriture pour les jeter aux poissons, afin
que les gens se réjouissent simplement de voir les poissons, car cet
acte est une profanation de la fête. »
L'argument
principal du Mahari''l est qu'il est halakhiquement interdit de
nourrir des animaux qui ne nous appartiennent pas (c'est-à-dire, des
animaux domestiques ou des animaux de ferme) un jour de Yôm Tôv.1
Une autre raison invoquée est qu'étant donné que les poissons se
trouvent dans les mers, lacs et rivières, ils ne sont pas dépendants
des êtres humains pour leur nourriture, et par conséquent, porter
de la nourriture dans le domaine public en-dehors du ´érouv n'est
pas nécessaire et est donc une profanation de Yôm Tôv. Malgré
cette réprimande du Mahari''l, la pratique consistant à soudoyer le
Soton par de la nourriture à Rô`sh Hashonoh persista, puisque
quelques centaines d'années plus tard le même avertissement
apparaît dans le commentaire du Mahasith Hashéqal sur le
Shoulhon ´oroukh, où il décrit cette pratique comme étant
un מִנְהַג
גֵּרוּעַ « Minhogh
Géroua´ » (une coutume terrible). Néanmoins, beaucoup
ont continué et continuent encore à suivre cet aspect du rituel de
Tashlikh.
Bien
que le Mahari''l ne s'opposait qu'à cette pratique particulière, de
nombreux autres rabbins rejetèrent catégoriquement l'intégralité
du rite du Tashlikh en raison de ses origines idolâtres et
superstitieuses rapportées plus haut. Le grand opposant au
Hassidisme, le Go`ôn de Wilno` ז״ל
(Rabbi
`éliyohou ban Shalômôh Zalman, 1720-1797), ainsi que ses
disciples, ne pratiquait pas le Tashlikh.2
Il le décrivait d'ailleurs comme une pratique païenne. Le Ramba''m
ז״ל
n'en
fait aucune mention, tout comme Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל
dans
son Shoulhon ´oroukh. En fait, les Sapharadhim n'avaient pas,
contrairement aux `ashkanazim, ce Minhogh du Tashlikh, et s'y
opposaient vigoureusement. Il aura fallu attendre que la pratique
soit approuvée par le `ari (Rabbi Yishoq `ashkanazi Louria`,
1534-1572) pour qu'elle soit embrassée également par les
Sapharadhim. Le ´oroukh Hashoulhon ז״ל
(Rabbi
Yahi`él Mikhél Halléwi Epstein, 1829-1908) était également
opposé à la cérémonie du Tashlikh.
Comme
cela a été dit plus haut, plusieurs rabbins reconnaissaient les
origines païennes et superstitieuses du Tashlikh, mais firent le
choix de permettre à ce Minhogh de ce poursuivre sous prétexte du
principe qui stipule que מִנְהַג
אֲבוֹתֵינוּ תוֹרָה הִיא « Minhagh
`avôthénou Thôroh Hi` - la coutume de nos ancêtres est la loi »
(cela dit en passant, cet argument est fallacieux, puisque des
coutumes peuvent être abolies par la Halokhoh. Et de nombreux cas
existent. En outre, dès lors qu'une coutume, aussi populaire soit
elle, a des origines païennes et idolâtres, ou qu'elle est basée
sur une erreur, la Halokhoh stipule explicitement qu'elle doit
être abolie). Cependant, ils entreprirent de déguiser ses origines
en lui donnant des explications plus rationnelles et en la
transformant en une cérémonie symbolique ayant une signification
religieuse.
Par
exemple, le Ramo''` ז״ל
(Rabbi
Môshah `issarlès de Cracovie, 1520-1572) écrit ceci dans son
Darakhé Môshah :
Traduction :
Le Mahari''l
écrit : il y a un Minhogh de se rendre vers une rivière et [y]
dire [le verset de] « Tu nous rependras en pitié,
etc. »3
La raison se trouve dans le Midhrosh (Yalqout Wayera` 99) :
[le Tashlikh] est en souvenir de l'épisode où `avrohom passa par
l'eau jusqu'à ce qu'elle monte jusqu'à son cou et qu'il a dit :
« Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux m'ont atteint,
menaçant [mon] âme » (Tahillim 69:2). Fin de
citation. Mais [le Séphar Ha]mminhoghim ajoute que nous devrions
voir des poissons vivants, et il est possible que ce soit un signe
afin que le Mauvais Œil ne nous domine pas et que nous fructifions
et nous multiplions comme des poissons.
En
d'autres mots, le Ramo''` argue que la cérémonie du Tashlikh est un
rappel du sacrifice de Yishoq `ovinou ע״ה,
un rite symbolique pour mériter une bonne vie, une protection du
Mauvais Œil et une bénédiction pour que les Juifs croissent et se
multiplient comme les poissons se trouvant dans l'eau. Et le
Mahari''l et lui usent d'un épisode midrashique pour la justifier !
Ce qui est une tactique habituelle. Dans un autre de ses ouvrages, le
Séphar Tôrath Ho´ôloh, le Ramo''` écrit ceci :
Traduction
de la partie pertinente :
L'ordre naturel
exige que l'eau couvre l’entièreté de la Planète, mais ce n'est
qu'en raison de la bonté de Dieu qu'Il nous a permis d'avoir des
portions de terre ferme sur lesquelles vivre. Par conséquent, nous
nous rendons vers les eaux pour observer nous-mêmes cette idée, et
par cela nous couronnons Dieu comme Roi de l'univers, et cela nous
amène à nous repentir. Nous ne jetons pas nos iniquités dans
l'eau ; ils sont symboliquement jetés dans la rivière dès que
nous sommes inspirés à nous repentir.
Le
Ramo''` ajoute donc deux raisons supplémentaires au rituel du
Tashlikh. La première serait que ce rite est une belle opportunité
d'admirer les merveilles de la création d'HaShem, qui a fait du
sable une frontière de la mer de sorte que les hommes puissent vivre
sur terre et que la mer ne couvre donc pas l'intégralité du monde.
Cela nous permettrait donc de penser aux bontés d'HaShem, ce qui,
par la même occasion, engendrerait des pensées de repentance !
La deuxième raison est que dans les temps bibliques, les rois se
faisaient couronner au bord des cours d'eau. De même, puisque le
thème central des prières de Rô`sh Hashonoh est le fait qu'HaShem
est le Roi de l'univers et que nous acceptons sur nous Sa
souveraineté, se rassembler aux bords de plans d'eau équivaut au
couronnement d'HaShem, comme on couronnait les rois d'Israël dans
les temps passés. En outre, il est vrai qu'à l'origine de ce
rituel, les gens disaient littéralement jeter leurs péchés dans
l'eau, et souvent leurs péchés étaient symbolisés par les miettes
de pain qu'ils jetaient aux poissons afin que ces derniers les
emportent loin. Le Ramo''` rejette cette partie du rituel du
Tashlikh, et la remplace par une explication selon laquelle les
péchés ne doivent pas être jetés littéralement, mais que dès
lors qu'on est pris de sentiments de repentance, les péchés sont
jetés symboliquement. Nous pouvons donc bien voir comment les
rabbins ont manœuvré pour garder la cérémonie du Tashlikh, tout
en mettant du vernis sur toutes les pratiques païennes et
superstitieuses qui en faisaient partie à ses origines.
Le
Lévoush ז״ל
(Rov
Mordokhay ban `avrohom Yoféh, 1530-1612) cite également ce
Midhrosh susmentionné comme étant la raison du rituel du Tashlikh.
Il écrit lui aussi que ce serait un rappel d'une des épreuves de
`avrohom `ovinou ע״ה
qui,
lorsqu'il se rendait au Mont Môriyoh pour sacrifier son fils Yishoq,
dû traverser une profonde rivière. Bien que l'eau lui monta
jusqu'au cou, grâce à sa foi il pu poursuivre sa route et accomplir
sa mission. Puis, il ajoute ceci :
Traduction :
Il était normal
de se rendre à un endroit où l'on pouvait y voir des poissons afin
de se rappeler que nous sommes semblables à ces poissons, qui sont
soudainement piégés dans un filet. De même, nous sommes piégés
dans les abysses de la mort et du jugement. Et en le faisant, nous
méditerons davantage sur la repentance.
D'après
l'opinion du Lévoush, les Juifs se rendent donc à un plan d'eau
dans lequel se trouvent des poissons afin de se rendre compte que,
comme les poissons, ils pourraient eux aussi être pris dans un
filet. De ce fait, la rivière et les poissons rappellent aux Juifs
d'éviter les obstacles, mais s'ils se faisaient prendre dans un
piège ils devraient faire tous les efforts pour s'en sortir, se
repentir et accomplir coûte que coûte la volonté de Dieu.
Rabbi
Yasha´yoh Horowitz (1555-1630) écrit dans son célèbre « Shané
Louhôth Habbarith » que les Juifs se
rendent au bord de l'eau pour voir les poissons. Cela les force à se
dire que tout comme les poissons n'ont pas de paupières et que leurs
yeux sont constamment ouverts, les Juifs doivent toujours garder les
yeux fixés sur HaShem.
C'est
ainsi que l'on donne de « belles explications » pour
cacher les origines païennes de cette cérémonie ! Et cela a
bien fonctionné, puisque pratiquement plus personne ne remet en
cause ce rituel. Remarquez d'ailleurs que toute référence au Soton
et aux péchés jetés dans l'eau ont été retirées de ces
explications apologétiques pour progressivement éloigner les gens
de la vraie nature de ce rituel. Et c'est aussi la raison pour
laquelle le moment auquel se rite était à l'origine effectué a été
changé avec le temps.
En
effet, comme le rapporte le Mahari''l, le Tashlikh était, à
l'origine, réalisé immédiatement après le repas de midi à Rô`sh
Hashonoh. Pourquoi ? Parce que les gens se disaient que le Soton
se sentirait insulté si de la nourriture lui était apportée plus
tard, après l'heure où les humains mangent habituellement. Mais
comme avec le temps le rituel du Tashlikh commençait à être
rationalisé et qu'il fallait retirer toute référence au Soton, le
moment du rituel fut déplacé à après la prière de Minhoh
de Rô`sh Hashonoh. Et pour que ce changement passe inaperçu et ait
l'impression d'être basée sur une raison rationnelle, on invoqua le
passage talmudique de Barokhôth 6b, qui explique que l'on
doit être minutieux concernant la prière de Minhoh car ce
n'est qu'à cette heure-là qu'HaShem accepta de répondre à
`éliyohou Hannovi` ע״ה
lorsqu'il
confrontait les faux prophètes de Ba´al. Les rabbins défenseurs du
Tashlikh enseignèrent donc que ce serait le moment idéal pour tenir
la cérémonie du Tashlikh !
Mais
tout cela n'est que de la poudre aux yeux des gens ignorants qui ne
prendront pas la peine de s'informer sur les origines et raisons
réelles de certains des rites les plus populaires.
Il
y aurait encore beaucoup à dire sur les origines et pratiques
entourant le rite du Tashlikh. Mais pour les personnes intelligentes
qui aspirent à se rapprocher d'HaShem et accomplir Sa Tôroh dans la
sincérité et la pureté, sans idolâtrie, superstition et
paganisme, cela devrait suffire !
Signalons
qu'il existe encore, par la grâce de Dieu, une poche de résistance
face à cette hérésie, puisque les Talmidhé HaRamba''m, les Dôr
Da´im, les Juifs de rite hispano-portugais, les Litta`im (fidèles
du Go`ôn de Wilno`), et certains autres Juifs orthodoxes sans
réelles affiliations, ne pratiquent pas ce rituel du Tashlikh.
1Voir
Rash''i sur Bésoh 23b
2Voir
dans le Ma´asah Rov, rédigé par son plus fidèle disciple,
Rabbi Hayim de Volozhin
3Mikhoh
7:19