mercredi 14 septembre 2016

Les prières de Rô`sh Hashonoh & Yôm Hakkippourim d'après le Go`ôn de Wilno`

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Les prières de Rô`sh Hashonoh & Yôm Hakkippourim d'après le Go`ôn de Wilno`

Illustration : un portrait du Go`ôn de Wilno` ז״ל

Cet article peut être téléchargé ici.

Poursuivons notre analyse des lois, pratiques et coutumes relatives aux fêtes de Tishri.

Chaque année, à l'approche de Rô`sh Hashonoh, de nombreuses personnes se demandent pourquoi les prières de Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim sont si longues, et si cela est vraiment nécessaire.

La réponse est que les Mahzôrim standards sont constitués de prières supplémentaires composées par les kabbalistes ainsi que d'un large rassemblement de Piyoutim (poème liturgiques). Comme pour toutes les pratiques n'ayant pas été instituées par HaZa''l, ces prières et Piyoutim vont du méritoire et désirable au carrément interdit d'après les enseignements de HaZa''l, mais ne sont jamais, par définition, obligatoires.

Un autre problème causé par l'ajout de toutes ces prières et Piyoutim est que l'écrasante majorité des gens sont incapables de prier avec concentration tout au long des offices, et à un moment donné ils fatiguent, perdent leur concentration et ne suivent plus du tout les offices. Quant à ceux qui font l'intégralité des offices, la vérité est que la majorité d'entre eux ne font que de la récitation, mais n'ont pas même le temps de penser à ce qu'ils disent, ce qui rend leur prière פָּסוּל « Posoul » (invalide). C'est Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל qui écrivait dans son Shoulhon ´oroukh que טוב מעט תחנונים בכוונה, מהרבות בלא כוונה « mieux vaut peu de supplications avec concentration que beaucoup [de supplications] sans concentration. »1

En outre, ces prières et Piyoutim ont, pour la plupart d'entre eux, été composés sur base de la Qabboloh et autres enseignements profonds et cryptiques, et leur sens est tout bonnement incompréhensible à la majorité des gens. Les gens récitent donc des choses sans même vraiment comprendre ce que veut dire ce qu'ils ont récité. Or, savoir ce que l'on dit fait partie du minimum requis pour qu'une bénédiction ou prière soit valable !

Mentionnons également le fait que tous les Piyoutim imprimés dans les Mahzôrim ne l'avaient pas été dans le but d'être tous récités. En fait, cela servait de support pour que le Hozzon ou la communauté puisse sélectionner quelques Piyoutim à réciter durant l'office. On en choisissait deux ou trois parmi ceux qui étaient imprimés et on les chantait. Mais il ne fut jamais question, à l'origine, de réciter la centaine de prière et Piyoutim contenue dans le Mahzôr.

Un dernier problème à prendre en compte est celui de ceux qui n'ont l'habitude de ne se rendre à la synagogue que pour Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim. C'est donc très souvent la seule expérience qu'ils ont avec la prière juive. Croyez-vous que la longueur de ces offices et le fait qu'ils ne comprennent pas le sens de ce qui est récité vont leur donner envie de fréquenter la synagogue plus souvent ? Absolument pas, et bien au contraire ! Il est gravé dans leur esprit que la prière est ennuyante, et que c'est trop dur d'être un bon Juif. Plutôt que de leur donner envie de pleinement se connecter avec le Judaïsme et d'être régulier à la synagogue, on les fait fuir.

Certains pourraient alors se demander comment est-ce qu'un Minhogh suivi presque universellement pourrait ne pas être considéré obligatoire ?

Le fait qu'un Minhogh soit largement répandu, voire même pratiqué par tous, n'est pas suffisant pour le faire tomber dans la catégorie de מִנְהַג יִשְׂרָאֵל תּוֹרָה הִיא « Minhagh Yisro`él Tôroh Hi` - la coutume d'Israël est la Tôroh » de la façon dont HaZa''l comprenaient ce concept. Par exemple, une coutume basée sur une erreur, une mauvaise compréhension d'un Din, ou encore sur de la superstition, etc., n'a jamais de valeur contraignante. De plus, j'ai souvent remarqué que ceux qui invoquent le concept de « Minhagh Yisro`él Tôroh Hi` » pour s'opposer à toute forme de changement sont également ceux qui parviennent toujours à justifier, par des explications souvent à dormir debout, tout changement opéré par leur rabbin ou leur Rebbe. Ceux qui suivent les nouveaux Minhoghim institués par la Qabboloh parviennent toujours à justifier de faire différemment des autres ; les Sapharadhim qui auraient accepté sur eux de suivre le Shoulhon ´oroukh parviennent toujours à se justifier dans les cas où ils suivent le `ari plutôt que le Shoulhon ´oroukh ; les Hasidhim n'ont pas eu de scrupule à abandonner le Nousah `ashkanaz de leurs ancêtres pour inventer un nouveau Nousah (le Nousah Saphardh). Donc, jusqu'à quelle mesure un Minhogh est-il contraignant ?

Nous allons ici passer en revue les positions du Go`ôn de Wilno` ז״ל (Rabbi `éliyohou ban Shalômôh Zalman, 1720-1797) concernant les prières de Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim. Pourquoi particulièrement les positions du Go`ôn de Wilno` ? Ce n'est pas parce qu'il a toujours raison. Mais il s'avère qu'il a raison dans la majorité des cas. Et même le Ramba''m ז״ל n'a pas toujours raison. Mais comme le Ramba''m, le Go`ôn de Wilno` était profondément convaincu que la lettre exacte de la Halokhoh devait n'être déterminée que sur base du TaNa''Kh, du Talmoudh, du Sifré et du Sifro`, et de ce fait, ses décisions nous renvoient très souvent aux avis déjà exprimés par le Ramba''m et d'autres Ri`shônim, mais qui furent plus tard rejetés sur base de motifs erronés.

Prenez ceci en considération : si quelqu'un devait étudier la Halokhoh maïmonidienne ou vilnienne, il en arriverait à voir comment chaque décision peut tirer sa source du Talmoudh. Mais de l'autre côté, si quelqu'un devait étudier, par exemple, le Shoulhon ´oroukh de Rabbi Yôséph Qa`rô et les gloses faites par Rabbi Môshah `Issarlès ז״ל sur le Shoulhon ´oroukh, il aurait une grande difficulté à déterminer et expliquer pourquoi les décisions prises par ces autorités rabbiniques dévient de celles que l'on peut lire dans le Talmoudh ! Par conséquent, si quelqu'un cherche à déterminer une question de Halokhoh d'un point de vue critique, objectif et apolitique, c'est-à-dire en étudiant la Halokhoh comme une forme d'interprétation du Talmoudh, il ferait mieux de suivre les méthodes du Ramba''m et du Go`ôn de Wilno`. Cela aura pour effet de créer en lui une satisfaction intellectuelle et une compréhension honnête de la Halokhoh.

Passons donc à présent au sujet de cet article !

  1. La prière du soir

  1. « ´ôsah Hasholôm » en conclusion de la dernière bénédiction de la ´amidhoh à la place de l'habituel « Hammavorékh `éth ´ammô Yisro`él Basholôm »

Bien que le Go`ôn de Wilno` fut opposé à ce changement, car il pensait que cela équivalait à dévier de la formulation instituée par nos Sages, de nombreux chercheurs ont découvert après son époque de plus en plus de preuves dans les Ganizôth et des manuscrits retrouvés que les anciens rites Israélites (ashkénazes y compris) utilisaient cette formule quotidiennement.

Grâce aux documents découverts dans la Ganizoh du Caire, nous savons même que cette formule remonte justement au moins jusqu'au dernier Sanhédhrin en `aras Yisro`él. C'est la formule que j'utilise également.

Lui qui était profondément talmudique et pro-HaZa''l, il ne fait aucun doute que s'il avait vécu assez longtemps que pour être au courant de ces découvertes, il aurait accepté sans réserve d'opérer un tel changement, tout comme il accepta d'autres changements lorsqu'il voyait qu'ils pouvaient être soutenus par ce qui se faisait du temps de HaZa''l.

  1. Les Salihôth la nuit de Yôm Hakkippourim

La Halokhoh suivante du Mishnéh Tôroh du Ramba''m a une résonance importante sur de nombreuses pratiques de Rô`sh Hashonoh que le Go`ôn de Wilno` rejetait. Dans cette Halokhoh, le Ramba''m traite des Tahanounim (les supplications ajoutées après les Shamônah ´asréh des jours de semaine)2 :

15. Lorsqu'on fait la Naphilath Ponim après la prière, il y en a qui font une Qidhoh et d'autres qui font une Hishtahawoyoh. Mais il est défendu de faire une Hishtahawoyoh sur des pierres, si ce n'est dans le Sanctuaire, comme nous l'avons expliqué dans les Hilkôth ´avôdhoh Zoroh. Un homme important n'a pas le droit de tomber sur sa face, à moins qu'il sache en lui-même qu'il est intègre comme Yahôshoua´. Mais il doit tourner son visage légèrement et ne pas le presser contre le sol. Il est permis à quelqu'un de prier à un endroit et tomber sur sa face à un autre endroit.
טו  כִּשְׁהוּא עוֹשֶׂה נְפִילַת פָּנִים אַחַר תְּפִלָּה, יֵשׁ מִי שְׁהוּא עוֹשֶׂה קִדָּה, וְיֵשׁ מִי שְׁהוּא עוֹשֶׂה הִשְׁתַּחֲוָיָה; וְאָסוּר לַעֲשׂוֹת הִשְׁתַּחֲוָיָה עַל הָאֲבָנִים אֵלָא בַּמִּקְדָּשׁ, כְּמוֹ שֶׁבֵּאַרְנוּ בְּהִלְכּוֹת עֲבוֹדָה זָרָה. וְאֵין אָדָם חָשׁוּב רַשָּׁאי לִפֹּל עַל פָּנָיו, אֵלָא אִם כֵּן הוּא יוֹדֵעַ בְּעַצְמוֹ שְׁהוּא צַדִּיק כִּיהוֹשׁוּעַ; אֲבָל מַטֶּה הוּא פָּנָיו מְעַט, וְאֵינוּ כּוֹבֵשׁ אוֹתוֹ בַּקַּרְקָע. וּמֻתָּר לָאָדָם לְהִתְפַּלַּל בְּמָקוֹם זֶה, וְלִנְפֹּל עַל פָּנָיו בְּמָקוֹם אַחֵר
16. Il est un Minhogh communément accepté par tous les Israélites qu'il n'y a pas de Naphilath Ponim les Shabbothôth et les fêtes, ni à Rô`sh Hashonoh, ni aux Ro`shé Hôdhoshim, à Hanoukkoh et à Pourim, ni à Minhoh des veilles des Shabbothôth et Yomim Tôvim, ni durant le ´arbith de chaque jour. Mais certains individus tombent sur leurs faces à ´arbith. Il n'y a qu'à Yôm Hakkippourim que l'on tombe sur sa face dans chaque [office de] prière, parce que c'est un jour de supplication, de requête et de jeûne.
טז  מִנְהָג פָּשׁוּט בְּכָל יִשְׂרָאֵל, שְׁאֵין נְפִילַת פָּנִים בְּשַׁבָּתוֹת וּבְמוֹעֲדוֹת, וְלֹא בְּרֹאשׁ הַשָּׁנָה, וְלֹא בְּרָאשֵׁי חֳדָשִׁים וּבַחֲנֻכָּה וּפוּרִים, וְלֹא בַּמִּנְחָה שֶׁלְּעַרְבֵּי שַׁבָּתוֹת וְיָמִים טוֹבִים, וְלֹא בָּעַרְבִּית שֶׁבְּכָל יוֹם. וְיֵשׁ יְחִידִים שֶׁנּוֹפְלִין עַל פְּנֵיהֶם, בָּעַרְבִּית. וּבְיוֹם הַכִּפּוּרִים בִּלְבָד, נוֹפְלִין עַל פְּנֵיהֶם בְּכָל תְּפִלָּה וּתְפִלָּה, מִפְּנֵי שְׁהוּא יוֹם תְּחִנָּה וּבַקָּשָׁה וְתַעְנִית

C'est sur base de ce passage du Mishnéh Tôroh que le Go`ôn de Wilno` s'est opposé aux supplications faites la nuit de Rô`sh Hashonoh (et même durant la journée de Rô`sh Hashonoh), puisque Rô`sh Hashonoh est non seulement un Yôm Tôv, mais que l'on ne fait pas non plus de supplications durant la prière de ´arbith. Mais par contre, il a approuvé parfaitement la pratique consistant à faire des supplications à Yôm Hakkippourim après la ´amidhoh de chaque office, puisque Yôm Hakkippourim est un jour fait justement pour élever des supplications, bien que ce soit aussi un Yôm Tôv. (Voir l'article intitulé « Le Ramba''m sur la Tashouvoh durant la période des Dix Jours » concernant les confessions et supplications à Yôm Hakkippourim.)

Remarquez également qu'encore à l'époque du Ramba''m la pratique était de littéralement se prosterner face contre terre lorsqu'on faisait des supplications. Il est important de le signaler, car trop de gens croient faussement que la pratique consistant à se prosterner face contre terre en priant fut abandonnée parce que les musulmans le faisaient aussi. Premièrement, l'Islam a émergé au 7ème siècle, alors que le Ramba''m était du 12ème siècle. Par conséquent, l'émergence de l'islam n'a rien à voir là-dedans, puisque la pratique était encore suivie plus de cinq siècles après l'émergence de l'Islam. Deuxièmement, en quoi le fait que nos pratiques soient reprises ou existent également chez les musulmans, les chrétiens ou membres de toute autre religion, doit nous amener à y renoncer ? Cela n'a aucun sens ! Si ce raisonnement était vrai et fondé, il y aurait alors de très nombreuses pratiques que nous aurions dû abandonner, et il ne resterait plus rien du judaïsme. (Voir l'article intitulé « Origine et signification de la Nafillath Ponim » concernant la prosternation dans les prières de supplication qui suivent la ´amidhoh.) Il est incompréhensible que la Naphilath Ponim ne soit pratiquement plus du tout accomplie par le moindre Sépharade, et que les ashkénazes se contentent de simplement poser leur tête contre leur avant-bras, tout en s'asseyant !

  1. La récitation du Tahillim 24 après l'office de ´arbith, et la récitation du Tahillim 27 aussi bien à Shahrith qu'à ´arbith de Rô`sh Hôdhash `aloul jusqu'à Shamini ´asarath

Le Go`ôn de Wilno` s'oppose à ces deux pratiques.3 Ce rejet, qui fut d'abord exprimé par le Ramba''m, est tout à fait logique si le point de départ est que les prières doivent être limitées à ce qu'ont ordonné HaZa''l. Les ajouts comme ces deux pratiques sont :
  1. un fardeau sur la communauté, et
  2. ils renforcent la croyance erronée, voire même idolâtre, que la récitation de certaines parties du TaNa''Kh ont le « pouvoir » d'influencer HaShem ית׳ et Son monde. (Voir, par exemple, l'article intitulé « Lire des Tahillim pour un malade. »)

Plus spécifiquement, le Tahillim 24 fut choisi pour servir d'introduction à la prière pour la Parnosoh qui est imprimée immédiatement après dans les Mahzôrim, et il va sans dire que cette prière est également inappropriée pour les Shabbothôth et les Yomim Tôvim.

  1. « Shahahayonou » la deuxième nuit de Rô`sh Hashonoh

Contrairement à la pratique consistant à ne pas réciter שֶׁהֶחֱיָנוּ « Shahahayonou » la deuxième nuit de Rô`sh Hashonoh si l'on ne consomme pas un fruit nouveau ou que l'on ne porte pas un vêtement neuf, le Go`ôn de Wilno` est d'avis que « Shahahayonou » doit être récité par celui qui fait le Qiddoush, même si un fruit ou un vêtement nouveau n'est pas consommé ou porté. La raison à cela est très simple : la bénédiction de « Shahahayonou » est avant tout récitée pour remercier HaShem d'avoir permis que nous vivions jusqu'à ce jour de fête. De ce fait, que l'on porte ou pas un vêtement neuf, ou que l'on consomme ou pas un fruit nouveau, cela n'a aucune incidence sur la récitation du « Shahahayonou. »

  1. Shahrith et Mousoph

  1. La prière publique et le premier Qaddish

D'après le Ramba''m, la prière publique de chaque matin commence après que chaque individu ait récité chez lui les bénédictions du matin et les Pasouqé Dazimro`. Il rapporte ceci dans son Mishnéh Tôroh4 :

L'ordre de la prière publique est ainsi : Au matin, tous les gens s'asseyent et le Shaliah Sibbour descend devant l'arche et se tient debout au milieu des gens. Il commence en disant le « Qaddish », et tous les gens répondent « `omén ! Yahé` Shaméh Rabbo` Mavorakh » de toute leur force, et ils répondent « `omén » à la fin du Qaddish. Ensuite, il dit « Borakhou `éth HaShem Hammavôrokh », et ils répondent « Boroukh HaShem Hammavôrokh La´ôlom Wo´adh. » Il commence alors à s'étendre sur le Shama´ à voix haute, et ils répondent « `omén » après chacune des bénédictions. Celui qui sait bénir peut procéder à la récitation avec lui jusqu'à ce qu'il récite « Gô`al Yisro`él. »
סֵדֶר תְּפִלַּת הַצִּבּוּר, כָּךְ הוּא: בַּשַּׁחַר--כָּל הָעָם יוֹשְׁבִין, וּשְׁלִיחַ צִבּוּר יוֹרֵד לִפְנֵי הַתֵּבָה וְעוֹמֵד בְּאֶמְצַע הָעָם; וּמַתְחִיל וְאוֹמֵר קַדִּישׁ, וְכָל הָעָם עוֹנִין אָמֵן יְהֶא שְׁמֵיהּ רַבָּא מְבָרַךְ בְּכָל כּוֹחָן, וְעוֹנִין אָמֵן בְּסוֹף קַדִּישׁ; וְאַחַר כָּךְ אוֹמֵר בָּרְכוּ אֶת ה' הַמְּבֹרָךְ, וְהֶם עוֹנִים בָּרוּךְ ה' הַמְּבֹרָךְ, לְעוֹלָם וָעֶד. וּמַתְחִיל וּפוֹרֵס עַל שְׁמַע בְּקוֹל רָם, וְהֶן עוֹנִין אָמֵן אַחַר כָּל בְּרָכָה וּבְרָכָה, וְהַיּוֹדֵעַ לְבָרַךְ וְלִקְרוֹת קוֹרֶא עִמּוֹ, עַד שֶׁמְּבָרֵךְ גָּאַל יִשְׂרָאֵל

Le Go`ôn de Wilno` est tout à fait d'accord avec cette Halokhoh. Cela a donc pour conséquence que la récitation des sacrifices (qui est censée être une étude et non une récitation. Voir l'article intitulé « Y a-t-il une obligation de réciter trois fois par jour le Tahillim 145 ? ») qui précèdent généralement les Pasouqé Dazimro` est :
  1. inutile, et
  2. ne mérite pas la récitation du Qaddish qui vient juste après, à moins que cela n'ait été accompli par dix Juifs qui ont réellement étudié ensemble les lois relatives aux sacrifices.

Quant à la récitation du Tahillim 29 chaque matin avant les Pasouqé Dazimro`, cette pratique ne fut inventée que plusieurs siècles après l'époque du Ramba''m, et le Go`ôn de Wilno`, qui vécu à une époque où cette pratique était nouvelle dans sa communauté, s'y opposa. (Par contre, le Tahillim 29 doit bien être récité en guise de Cantique du Jour durant les huit jours de Hanoukkoh.) Le Ramba''m et le Go`ôn de Wilno` s'opposaient également tous deux à l'ajout d'un Qaddish inutile à réciter après le Tahillim 29.

Quant au reste des Pasouqé Dazimro`, puisqu'ils ne font pas partie de l'office de prière en tant que tel (HaZa''l n'ont jamais exigé comme une obligation de faire des Pasouqé Dazimro`, et ne l'ont jamais inclus dans les offices de prière), chacun doit les réciter lui-même, individuellement, jusqu'à ce que le Shaliah Sibbour se lève pour terminer sa récitation de יִשְׁתַּבַּח « Yishtabbah » ou juste avant.5

La pratique consistant à réciter le Tahillim 130 entre « Yishtabbah » et le Qaddish est également d'une origine plus tardive et fut rejetée par le Go`ôn de Wilno`.

  1. Les Piyoutim

Le Go`ôn de Wilno` soutenait qu'il est approprié de chanter aux Yomim Tôvim, mais plus particulièrement lorsqu'on sortait la Tôroh du `arôn Qôdhash et durant les Qaddishim finaux. Mais il n'exigeait pas la récitation de tous les Piyoutim imprimés dans le Mahzôr (voir plus haut, où nous avons expliqué que les Piyoutim furent imprimés dans les Mahzôrim pour servir de répertoire et permettre à chacun d'en sélectionner quelques-uns parmi tous ceux imprimés, et non pas pour qu'ils soient tous récités), et il estimait également que l'inclusion de Piyoutim à certains endroits de l'office était inappropriée, comme par exemple ceux qui sont insérés en plein milieu de la Qadhoushoh. (Voir l'article intitulé « Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´oroukh : La récitation du Shama´ III » où nous avions expliqué qu'insérer des Piyoutim en plein milieu des bénédictions du Shama´, par exemple, était strictement défendu.)

Quels Piyoutim réciter et à quel moment sont des questions nécessitant de prendre en considération plusieurs paramètres, comme par exemple les contraintes du temps, la patience de l'assemblée, ou encore la qualité de chant du Hozzon. Les Piyoutim perdent la plupart de leur beauté transcendantale s'ils ne sont pas chantés correctement, et les Piyoutim spécifiquement choisis peuvent varier d'une année à l'autre. Il n'est pas obligatoire de chanter chaque année les mêmes.

  1. « Boroukh Hou` Ouvoroukh Shamô » entre chaque bénédiction de la ´amidhoh

Le Go`ôn de Wilno` était opposé à cette pratique, tout comme le Ramba''m et tous les autres Ri`shônim. Le ´oroukh Hashoulhon explique notamment que cette pratique, dont l'origine est attribuée au Ro`''sh ז״ל, n'est pas en accord avec la compréhension simple de la source talmudique sur laquelle elle serait prétendument basée. En effet, le Talmoudh parlait de l'attitude appropriée à avoir lorsqu'on entendait la vraie prononciation du Shém Hammaphôrosh (י־ה־ו־ה) dans le Béth Hammiqdosh. En outre, comme l'ajoute le ´oroukh Hashoulhon, répondre בָּרוּךְ הוּא וּבָרוּךְ שְׁמוֹ « Boroukh Hou` Ouvoroukh Shamô » durant les bénédictions de la ´amidhoh crée d'autres difficultés halakhiques et incohérences, notamment le fait que ce ne soit pas fait systématiquement lorsqu'on entend בָּרוּךְ אַתָּה ה׳ « Boroukh `Attoh HaShem » dans des contextes autres que la ´amidhoh, comme par exemple dans la récitation du Qiddoush. (Voir l'article intitulé « Répondre ''Boroukh Hou` Ouvoroukh Shamô'' », où le sujet a longuement été traité.)

  1. Les autres additions à la ´amidhoh durant les dix jours entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim

Le Go`ôn de Wilno` n'y était( pas opposé, mais il note que la pratique la plus appropriée durant la répétition de la ´amidhoh consiste à ce que le Shaliah Sibbour les récite comme il le ferait pour le reste de la prière, sans que l'assemblée ne l'interrompe pour les dire à voix haute. (Voir l'article intitulé « Les ajouts dans les Shamônah ´asréh de la période des Dix Jours », où nous avions traité du sujet.)

  1. La récitation de la Birakhath Kôhanim durant la répétition de la ´amidhoh de chaque prière du matin et de Mousoph

Le Go`ôn de Wilno` était d'avis que la בִּרְכַת כֹּהֲנִים « Birakhath Kôhanim » devait être récitée quotidiennement lors de toutes les prières de Shahrith et de Mousoph lors de la répétition de la ´amidhoh, ainsi qu'aux offices de Na´iloh ou de Minhoh des jours de jeûne, conformément à la décision du Ramba''m et aux instructions du Talmoudh. C'est devenu la pratique standard de toutes les communautés non-ashkénazes à travers le monde, ainsi que des communautés ashkénazes en `aras Yisro`él. Beaucoup ont essayé de restaurer cette pratique dans les communautés ashkénazes en-dehors de `aras Yisro`él, mais ont échoué.

Le Go`ôn de Wilno` a exprimé le fait que lorsque les `ashkanazim annuleront l'interdiction de la polygamie (ce sont les seuls qui acceptent encore de façon erronée comme contraignant le décret de Rabbénou Gérshôm ז״ל. Voir les articles intitulés « La source de la moralité juive et du Pésaq Halokhoh » et « Discussion sur la polygamie et la polyandrie ») et qu'ils restaureront la pratique ancestrale de réciter la Birakhath Kôhanim tous les jours (et pas qu'à Shabboth et Yôm Tôv), ce sera un grand pas vers la rédemption finale.

  1. La récitation du « `ovinou Malkénou »

En raison de la pratique consistant à ne pas faire de supplications après la ´amidhoh à Rô`sh Hashonoh, pratique que nous avons rapportée plus haut, le Go`ôn de Wilno` était opposé à la récitation du אָבִינוּ מַלְכֵּנוּ « `ovinou Malkénou » à Rô`sh Hashonoh après la ´amidhoh, mais l’approuvait à Yôm Hakkippourim même si Yôm Hakkippourim tombe un Shabboth. Sa position est l'opposé total de la pratique standard d'aujourd'hui, qui consiste à dire « `ovinou Malkénou » à Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim, mais pas si l'un de ces jours tombe un Shabboth.

Il convient de signaler que ne pas faire de prière de supplication à Rô`sh Hashonoh fut très longtemps la norme, et cette pratique était basée sur le passage biblique suivant6 :

Et Nahamyoh, qui est le gouverneur, dit, ainsi que ´azro` le Kôhén Scribe et aux Lawiyim qui expliquaient à tout le peuple : « Ce jour est sanctifié à `adhônoy, votre Dieu ; ne vous affligez pas et ne pleurez pas », car tout le peuple pleurait en entendant les paroles de la Tôroh. Et il leur dit : « Allez ! Mangez des [viandes] grasses et buvez des [breuvages] doux, et envoyez des parts à celui pour qui rien n'a été préparé, car ce jour est consacré à notre Seigneur, et ne vous attristez point, car la joie de `adhônoy est votre force. »
וַיֹּאמֶר נְחֶמְיָה הוּא הַתִּרְשָׁתָא וְעֶזְרָא הַכֹּהֵן הַסֹּפֵר וְהַלְוִיִּם הַמְּבִינִים אֶת-הָעָם לְכָל-הָעָם, הַיּוֹם קָדֹשׁ-הוּא לַיהוָה אֱלֹהֵיכֶם--אַל-תִּתְאַבְּלוּ, וְאַל-תִּבְכּוּ: כִּי בוֹכִים כָּל-הָעָם, כְּשָׁמְעָם אֶת-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה. וַיֹּאמֶר לָהֶם לְכוּ אִכְלוּ מַשְׁמַנִּים וּשְׁתוּ מַמְתַקִּים, וְשִׁלְחוּ מָנוֹת לְאֵין נָכוֹן לוֹ--כִּי-קָדוֹשׁ הַיּוֹם, לַאֲדֹנֵינוּ; וְאַל-תֵּעָצֵבוּ, כִּי-חֶדְוַת יְהוָה הִיא מָעֻזְּכֶם

Comme l'indique le verset 2, cela s'est passé le jour de Rô`sh Hashonoh. De ces versets nous apprenons donc qu'il n'est pas approprié de faire des Tahanounim (supplications) à Rô`sh Hashonoh, mais également les autres jours de Yôm Tôv (excepté Yôm Hakkippourim) et Shabboth, qui sont des jours consacrés à HaShem.

  1. Les prières supplémentaires après avoir retiré le Séphar Tôroh du `arôn Qôdhash

Ces prières sont également des supplications, et sont par conséquent tout autant inappropriées à Yôm Tôv comme elles le sont à Shabboth. Le Go`ôn de Wilno` demande donc de les omettre à Rô`sh Hashonoh, mais peuvent être inclues à Yôm Hakkippourim, même s'il tombe un Shabboth.

  1. Soulever et montrer la Tôroh avant de la lire

Voici ce que nous lisons dans le TaNa''Kh7 :

´azro` ouvrit le rouleau aux yeux de tout le peuple, car il était élevé au-dessus de tout le peuple, et lorsqu'il l'ouvrit tout le peuple se tint debout.
וַיִּפְתַּח עֶזְרָא הַסֵּפֶר לְעֵינֵי כָל-הָעָם, כִּי-מֵעַל כָּל-הָעָם הָיָה; וּכְפִתְחוֹ, עָמְדוּ כָל-הָעָם

Nous avons donc une source biblique nous expliquant que le Séphar Tôroh doit d'abord être ouvert et soulevé de sorte que tous puissent voir. C'est également ce qu'indique le traité post-talmudique de Sôphrim. Et telle est la pratique de la quasi totalité des communautés non ashkénazes. Ce sujet avait été traité dans l'article intitulé « Comment faire la Haghbohoh d'une manière authentique ? »

  1. La prière du Hozzon avant Mousoph

Aucun autre office n'est précédé par une prière personnelle faite par le Hozzon. Pourquoi donc l'office de Mousoph devrait-il être différent ? En outre, la prière qui précède Mousoph inclut de nombreuses lignes problématiques, plus particulièrement à la fin. D'après le Go`ôn de Wilno`, cette prière n'aurait jamais dû se trouver dans le Mahzôr et il ne faut pas la réciter.

  1. Sonner du Shôphor durant la ´amidhoh silencieuse de Mousoph

D'après la compréhension classique du Talmoudh, le Shôphor ne doit pas être sonné durant la ´amidhoh silencieuse de Mousoph.

  1. Se prosterner durant le « ´olénou » et le récit de la ´avôdhoh qui se faisait dans le Béth Hammiqdosh

Le Go`ôn de Wilno` était catégoriquement opposé à toute forme de prosternation à des endroits non mandatés par HaZa''l. En d'autres mots, excepté au début et à la fin de la première bénédiction de la ´amidhoh, au début et à la fin de la bénédiction de « Môdhim », après la dernière bénédiction de la ´amidhoh, et durant les supplications qui suivent la ´amidhoh (les jours où faire des supplications est permis), on ne doit pas se prosterner. Par conséquent, le Go`ôn de Wilno` s'oppose au fait de se prosterner dans la prière de « ´olénou », pour deux raisons :
  1. cette prière est post-talmudique, et
  2. elle a été insérée en plein milieu de la répétition de la ´amidhoh de Mousoph, ce qui fait que l'on ne peut s'y prosterner, puisqu'on ne peut se prosterner dans la ´amidhoh qu'aux endroits prescrits par HaZa''l.

  1. Les prières qui suivent les « Malakhiyôth », « Zikhrônôth » et les « Shôphorôth »

Les Mahzôrim standards incluent une note selon laquelle la deuxième prière qui suit chacune des trois sections de la prière de Mousoph, אֲרֶשֶׁת שְׂפָתֵינוּ « `arashath Saphothénou », ne doit pas être récitée à Shabboth, et c'est en raison du fait qu'il s'agit d'une supplication. Or, comme nous l'avons expliqué plus haut, le Go`ôn de Wilno` soutient que si une supplication est inappropriée pour Shabboth, elle l'est alors tout autant pour Yôm Tôv. Par conséquent, on ne doit pas réciter « `arashath Saphothénou » durant la prière de Mousoph. Cependant, le Go`ôn de Wilno` approuve la récitation de הַיּוֹם הַרַת עוֹלָם « Hayyôm Harath ´ôlom », puisqu'il ne s'agit pas d'une supplication mais simplement de déclarations de fait sur ce qui se passe à Rô`sh Hashonoh (le monde passe en jugement devant HaShem ; c'est à Rô`sh Hashonoh qu'est décidé qui vivra et qui mourra, etc.).

  1. L'après-midi de Rô`sh Hashonoh et Minhoh

  1. Tashlikh

Le Go`ôn de Wilno` était opposé à la pratique du Tashlikh. (Voir l'article intitulé « Les origines superstitieuses du Tashlikh. »)

  1. Faire le Qiddoush Lavonoh le plus tôt possible

Plutôt que de perdre son temps avec la cérémonie stupide du Tashlikh et essayer d'apaiser les démons, le Go`ôn de Wilno` était d'avis qu'il valait mieux, en fin d'après-midi de Rô`sh Hashonoh, tenter d'apercevoir la nouvelle lune dans le ciel, de façon à réciter le קִידּוּשׁ לְבָנָה « Qiddoush Lavonoh » (sanctification de la lune) le plus tôt possible.

Tout cela permet d'éliminer bon nombre de prières inutiles et inappropriées et faire des prières de Rô`sh Hashonoh une expérience plus authentique et sincère, que de la simple récitation de longues et nombreuses prières dont le sens échappe à la plupart d'entre nous.

1`ôrah Hayim 1:4
2Hilkôth Taphilloh Ouvirakhath Kôhanim 5:15-16
3Voir Ma´asah Rov 43 et 66
4Hilkôth Taphilloh Ouvirakhath Kôhanim 9:1
5Voir Ma´asah Rov 126
6Nahamyoh 8:9-10

7Ibid.,   8:5