ב״ה
Comment
coupe-t-on la Halloh ?
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Il
existe un débat concernant la façon appropriée de couper la Halloh
lorsqu'on doit en distribuer à un groupe de personnes lors des
repas. Doit-on d'abord couper des morceaux pour tout le monde, ou
doit-on d'abord couper un morceau pour soi-même, prendre une bouchée
de Halloh, puis seulement alors couper des morceaux pour les
autres ?
Il
existe différentes pratiques. Dans une lettre, le précédent
Bobover Rébbé, écrit que, sur base de sources kabbalistiques, on
peut d'abord couper un morceau pour sa femme. D'autres coupent
plusieurs morceaux et prennent le dernier, sous-entendant par-là
qu'ils ont coupé tous ces morceaux pour parvenir à celui qu'ils
voulaient. Etc., etc., avec de nombreuses variations.
Pour
éviter de s'embourber dans des débats inutiles et/ou sans fin, le
premier réflexe consiste à se demander ce qu'ont dit HaZa''l
sur la question.
La
Gamoro`1
déclare que lorsque quelqu'un récite la Barokhoh de « Hammôsi` »
pour tous les convives qui vont manger ensemble, les convives ne
peuvent pas manger du pain tant que celui qui a fait la bénédiction
n'a pas pris son morceau de pain. Cela peut se comprendre de deux
manières :
- soit les autres ne peuvent pas prendre leurs morceaux de pain avant que celui qui a fait la bénédiction n'ait pris le sien,
- soit que les autres ne peuvent pas manger tant que celui qui a fait la bénédiction n'a pas mangé en premier.
Les
Tôsofôth ז״ל
citent
Rabbénou Shimshôn de Coucy ז״ל,
qui a tranché en suivant l'option a, que les gens ne doivent pas
prendre leurs morceaux de pain avant celui qui a fait la bénédiction.
Mais si ce dernier leur tend les morceaux, ils peuvent manger avant
lui. Mais la majorité des Ri`shônim tranche suivant l'option b,
qu'ils ne peuvent pas manger avant celui qui a fait la bénédiction.
Le
Shoulhon ´oroukh2
recopie mot pour mot les propos de la Gamoro`, mais sans aucune
explication, tandis que le Ramo''` ז״ל
ajoute
que celui qui a fait la bénédiction peut distribuer des morceaux de
pain après avoir fait la bénédiction, mais les autres ne pourront
pas les manger tant que celui qui a fait la bénédiction n'aura pas
mangé en premier. Cette position suit clairement celle du Ramba''m
ז״ל
(comme
nous le verrons plus bas), et non celle de Rabbénou Shimshôn de
Coucy.
Le
Ta''z3
ז״ל
questionne
la validité de la position du Ramo''`. Il explique que ce n'est que
d'après Rabbénou Shimshôn de Coucy que l'on peut d'abord
distribuer des morceaux de pain, puisque, suivant la position de ce
dernier, les gens peuvent manger dès l'instant où ils ont reçu
leur morceau de pain. Mais d'après le Ramba''m, dit-il, les gens ne
peuvent pas manger tant que celui qui a fait la bénédiction n'aura
pas mangé en premier. Par conséquent, tranche-t-il, distribuer des
morceaux de pain après avoir fait la bénédiction est une perte de
temps entre la bénédiction et la consommation du pain. De ce fait,
distribuer des morceaux de pain que l'on ne pourra de toute façon
pas manger avant que celui qui a fait la bénédiction ait mangé en
premier, doit être interdit. Pour lui, quelqu'un doit faire la
bénédiction sur la Halloh, puis en manger une bouchée, et
seulement après distribuer un morceau de Halloh à tous les
convives. Et c'est la pratique majoritaire aujourd'hui. Cette
approche du Ta''z est en réalité la base de ceux qui affirment
qu'après que quelqu'un ait fait la bénédiction sur le pain, toute
interruption lui est interdite tant qu'il n'aura pas mangé d'abord
une bouchée de pain. Et de ce fait, même couper du pain pour les
autres sera interdit tant qu'il n'aura pas d'abord pris une bouchée
de pain, l'argument étant que couper du pain pour les autres
équivaut à le distribuer, ce qui serait était interdit selon
l'opinion du Ramba''m.
Ce
qui est remarquable avec l'explication du Ta''z, c'est qu'il est
complètement à côté de la plaque ! Il prétend s'appuyer sur
le Ramba''m, alors qu'en réalité, il s'oppose, à l'évidence sans
s'en être rendu compte, à la position même du Ramba''m. Qu'a
rapporté le Ramba''m ?
Voici
précisément ce que le Ramba''m a écrit dans son Mishnéh Tôroh4 :
Celui
qui rompt [le pain] place un morceau devant chacun, et chacun le
prend en main. Il ne doit pas le placer dans la main d'un convive,
à moins qu'il ne s'agisse d'un endeuillé. Celui qui rompt [le
pain] tend d'abord sa main [pour prendre le pain] et mange. Ceux
qui sont attablés n'ont pas le droit de goûter [le pain] tant
que celui qui a béni n'en aura pas goûté. Et celui qui rompt
[le pain] n'a le droit de goûter [le pain] qu'après que la
majorité de ceux qui sont attablés ait terminé [de dire]
« `omén ! ». Mais s'il désire accorder
de l'honneur à son maître ou à quelqu'un de plus grand que lui
en sagesse, et lui laisser étendre la main avant lui, c'est dans
son droit.
|
הַבּוֹצֵעַ
נוֹתֵן פְּרוּסָה לִפְנֵי כָּל אֶחָד
וְאֶחָד,
וְהָאֶחָד
נוֹטֵל בְּיָדוֹ;
וְאֵינוּ
נוֹתֵן בְּיַד הָאוֹכֵל,
אֵלָא
אִם כֵּן הָיָה אָבֵל.
וְהַבּוֹצֵעַ,
הוּא
שֶׁפּוֹשֵׁט יָדוֹ תְּחִלָּה וְאוֹכֵל,
וְאֵין
הַמְּסֻבִּין רַשָּׁאִין לִטְעֹם,
עַד
שֶׁיִּטְעֹם הַמְּבָרֵךְ;
וְאֵין
הַבּוֹצֵעַ רַשָּׁאי לִטְעֹם,
עַד
שֶׁיִּכְלֶה אָמֵן מִפִּי רֹב
הַמְּסֻבִּין.
וְאִם
רָצָה הַבּוֹצֵעַ לַחְלֹק כָּבוֹד
לְרִבּוֹ,
אוֹ
לְמִי שְׁהוּא גָּדוֹל מִמֶּנּוּ
בְּחָכְמָה,
וְיַנִּיחֶנּוּ
לִפְשֹׁט יָדוֹ קֹדֶם לוֹ--הָרְשׁוּת
בְּיָדוֹ
|
La
seule façon de comprendre ce que dit ici le Ramba''m, c'est prendre
en compte le fait qu'il décrit ici deux scénarios. Le premier est
celui-ci :
- quelqu'un a récité la bénédiction de « Hammôsi` », puis
- la majorité des convives a répondu « `omén » à sa bénédiction, puis
- il a rompu le pain en deux (si la majorité n'a pas répondu « `omén », il ne peut pas rompre le pain5), puis
- il a pris un morceau de pain pour lui et en a mangé une bouchée, puis
- il a coupé un morceau de pain par convive, en plaçant chaque fois le morceau devant chaque personne, et non en le leur donnant en main (la seule personne à qui il donnera le pain directement en main est un endeuillé), puis
- chaque convive prend en main son morceau et en consomme une bouchée.
Le
deuxième est celui-ci :
- quelqu'un a récité la bénédiction de « Hammôsi` », puis
- la majorité des convives a répondu « `omén » à sa bénédiction, puis
- il a rompu le pain en deux (si la majorité n'a pas répondu « `omén », il ne peut pas rompre le pain), mais sans manger. Puis,
- il a coupé un morceau de pain par convive, en plaçant chaque fois le morceau devant chaque personne, et non en le leur donnant en main (la seule personne à qui il donnera le pain directement en main est un endeuillé). Mais personne ne prendra en main son morceau, tant que celui qui a fait la bénédiction n'aura pas pris le sien en mangé au moins une bouché. Puis,
- il a coupé un morceau de pain pour lui, l'a pris en main et en a mangé une bouché, puis
- chacun des convives a pu alors prendre en main son morceau de pain et en consommer au moins une bouchée.
Et
dans les deux cas, si celui qui a fait la bénédiction désire
honorer son maître ou quelqu'un de plus sage que lui en Tôroh, en
le laissant prendre en main le pain avant lui et manger (lui évitant
ainsi de devoir attendre, il lui est permis de le faire.
Pourquoi
ces deux scénarios ? Tout simplement, parce que comme nous
l'avions mentionné plus haut, la Gamoro` elle-même emploie un
langage impliquant les deux possibilités. Grâce au Ramba''m, nous
comprenons qu'il ne s'agit pas d'une divergence d'opinion, et qu'il
n'y a pas du tout de débat sur ce qu'il conviendrait de faire. De ce
fait, non seulement il ne faut pas prendre en main son pain avant
celui qui a fait la bénédiction, mais il ne faut pas non plus
manger avant lui. Ce n'est pas l'option a contre l'option b, mais
deux éléments de la même Halokhoh, qui permettent ainsi deux
scénarios.
Il
est donc clair que, d'un côté, le Ramba''m permet à celui qui a
fait la bénédiction de d'abord distribuer des morceaux de pain
devant (et non en main) devant chaque personne, puis seulement de
prendre son propre morceau et en manger une bouchée. Et de l'autre
côté, il permet également de d'abord consommer son propre morceau
de pain après la bénédiction, et seulement ensuite de distribuer
un morceau à chaque convive. Ainsi, le Ramba''m, qui est utilisé à
tort comme étant la source de toute cette Houmroh infondée
que l'on connait aujourd'hui, permet explicitement, non seulement de
couper des morceaux de Halloh pour chaque personne, mais
également de les distribuer, même sans avoir d'abord consommé une
bouchée de pain ! En d'autres mots, la compréhension du
Ramo''` sur la position du Ramba''m est parfaitement exacte, et les
explications du Ta''z (et de Rabbénou Shim´ôn de Coucy)
complètement à côté de la plaque !
Et
il y a de nombreux autres cas de personnes qui utilisent des
Halokhôth du Mishnéh Tôroh et font dire au Ramba''m, par des
interprétions tordues et fallacieuses, ce qu'il n'a jamais dit.
Qu'il
n'y a pas de divergence d'opinion dans le Talmoudh Bavli sur cette
question, mais la mention de deux éléments d'une même Halokhoh,
nous est démontré également à travers le Talmoudh Yarousholmi.
Le Talmoudh Yarousholmi rapporte que Rov ז״ל
mangeait
et distribuait des morceaux de Halloh en même temps. Comment
doit-on comprendre ce passage ? Le Go`ôn de Wilno`6
ז״ל
l'explique
comme voulant dire que Rov savait que s'il distribuait d'abord les
morceaux, personne ne pourrait manger avant que lui n'ait mangé en
premier. En d'autres mots, Rov a agi de la sorte, non pas parce qu'il
ne pouvait pas distribuer les morceaux de pain avant de manger, mais
pour éviter de devoir trop faire attendre les autres qui ne
pourraient pas manger tant qu'il n'avait pas mangé en premier. D'où
le fait qu'il fit les deux actes en même temps. Cela confirme la
position du Ramba''m, et le fait que celui qui a fait la bénédiction
a parfaitement le droit de couper et distribuer des morceaux de pain
avant même d'en avoir lui-même consommé une bouchée ! Ce
n'est pas un problème, et ce n'est pas non plus considéré comme
une interruption.
Le
Ba''h ז״ל,
qui fut le beau-père du Ta''z, recommande à celui qui
a fait la bénédiction de ne pas distribuer des morceaux de pain à
chacun avant qu'il n'ait lui-même mangé, parce qu'il est probable
que par impatience ou faim les gens vont manger avant lui (ce qui est
interdit, comme nous l'avons expliqué, puisqu'on ne peut pas manger
avant celui qui a fait la bénédiction). Mais le Ta''z est en
désaccord avec son beau-père, arguant qu'il est interdit
de distribuer des morceaux de pain avant d'avoir soi-même mangé au
moins une bouché. Il ne dit pas que ce n'est pas recommandé, mais
va carrément jusqu'à dire que c'est interdit (ce que nous avons
démontré être faux). C'est le Ta''z, et non le Ba''h, qui
peut amener aux Houmrôth concernant le fait de couper et
distribuer des morceaux de pain après avoir fait la bénédiction.
Certains
rabbins n'ont aucun problème, non seulement avec le fait de couper,
mais également de distribuer des morceaux, avant même que celui qui
a fait la bénédiction n'ait consommé une bouchée de pain. Il
serait intéressant de poser la question à votre rabbin pour voir
quelle est sa position et son raisonnement !
Pour
notre part, les Talmidhé HaRamba''m, notre position est plus que
claire. En outre, il est parfaitement logique qu'il n'y ait aucun
problème pour celui qui a fait la bénédiction de couper et
distribuer des morceaux de pain avant même qu'il n'ait consommé au
moins une bouchée, pour la simple raison qu'il n'y a que les
interruptions qui ne sont pas du tout lié au pain ou au repas qui
sont interdites. Couper le pain et le distribuer sont des actes liés
au pain, et peuvent être réalisés, même si celui qui a fait la
bénédiction n'a pas encore mangé une bouchée de pain. Les deux
seules conditions à respecter sont :
- ne pas prendre en main son morceau de pain avant celui qui a fait la bénédiction, et
- ne pas manger avant celui qui a fait la bénédiction.
Tout
le reste (les Minhoghim cités en début d'article) n'est que
futilité !
1Barokhôth
47a
2`ôrah
Hayim 167:15
3167:15
4Hilkôth
Barokhôth 7:5
5Voir
la Gamoro` de Barokhôth 47a
6Bi`our
HaGra''`, Sé´if 17