ב״ה
Un
Juif peut-il se convertir à l'islam sans être considéré
hérétique ?
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article peut être téléchargé ici.
Certaines
personnes (généralement des islamophiles) utilisent la אִגֶּרֶת
הַשְּׁמָד « `iggarath
Hashamodh » (« épître sur l'apostasie »), une
lettre rédigée par le Ramba''m ז״ל
à
l'adresse des Juifs Espagnols sous domination musulmane, pour faire
croire qu'il aurait exprimé une opinion selon laquelle un Juif qui
se convertirait à l'Islam n'est pas considéré hérétique, car
l'islam n'est pas une religion idolâtre. Ceux qui interprètent
ainsi les propos du Ramba''m sont dans l'erreur. Pour bien comprendre
le contenu de cette lettre, nous devons remonter dans le temps et
expliquer l'arrière-plan historique qui a amené le Ramba''m à
publier une telle lettre, les questions qu'elle traite et les
réponses qu'il y a apporta.
Le
Ramba''m, Rabbénou Môshah ban Maymôn bar ´ôvadhyoh, vint au
monde la veille de Pésah de l'an 4995 de notre calendrier
(1135 dans le calendrier grégorien) à Cordoue (Espagne), vers la
fin des cinq cent ans de l'âge d'or du Judaïsme espagnol.
L'âge
d'or sous domination musulmane offrit aux Juifs l'égalité et une
liberté de culte totale. Cela permit aux Juifs d'Espagne de
prospérer et de produire quelques-uns des rabbins les plus éminents
de l'histoire de notre peuple, dont les ouvrages sont étudiés
jusqu'à nos jours, parmi lesquels Rabbénou
Yahoudhoh Halléwi ban Shamou`él `ibn Alhassan ז״ל,
Rabbénou
Bahayé
`ibn Paqoudhoh ז״ל,
Rabbénou Léwi ban Gérshôm ז״ל
(surnommé
Gersonide),
Rabbénou Môshah ban Nahmon ז״ל
(surnommé
Nahmanide),
et beaucoup d'autres.
Cette
ère glorieuse s'acheva lorsque le mouvement radical musulman des
Almohades
prit le pouvoir au Maroc en 1146. Le gouvernement donna aux Juifs et
aux Chrétiens un ultimatum : se convertir à l'islam ou mourir.
Le roi, Abd
al-Mumin,
croyait en l'existence d'une tradition selon laquelle le Messie
viendrait apporter la rédemption aux Juifs cinq ans après la pseudo
révélation de Mouhammad en 622. Mais en 1146, il était
évident que le Messie n'arriverait pas et d'après son opinion
c'était un signe que les Juifs devaient se convertir à l'islam.
La
communauté juive plaida sa cause auprès du gouvernement afin de se
voir épargner ce décret d'apostasie (גְּזֵירַת
הַשְּׁמָד « Gazérath
Hashamodh »), et un compromis fut trouvé : la communauté
juive reçut une troisième option ; la possibilité de fuir le
pays.
En
1148, deux ans après la prise du pouvoir des Almohades au Maroc, ils
conquirent également le sud de l'Espagne. Ils imposèrent par la
suite l'édit de la Gazérath Hashamodh aux Juifs Espagnols. Des
communautés juives entières furent exterminées par ces vermines.
Comme au Maroc, les Juifs Espagnols furent contraints de fuir le pays
ou de se convertir à l'islam. Beaucoup d'entre eux furent vendus
comme esclaves à des Chrétiens ou s'enfuir.
Puisque
l'Italie et certaines parties de l'Espagne étaient chrétiennes, les
Chrétiens vivant dans les territoires conquis par les Almohades
purent facilement émigrer en Italie ou dans l'Espagne chrétienne.
Mais
les Juifs, qui n'avaient aucune terre à eux, furent désemparés.
Bien que certains d'entre eux se relocalisèrent en Italie, dans
l'Espagne chrétienne et d'autres pays encore, la plupart des Juifs
ne voulurent pas quitter leurs patries et firent le choix de rester.
Certains parvinrent à éviter la conversion, mais l'écrasante
majorité fut contrainte d'accepter l'islam.
La
communauté juive espagnole justifia son acceptation de l'islam de la
façon suivante : l'islam ne contrevient pas en tant que tel à
la foi israélite, puisque les Juifs et les Musulmans croient en
l'Unicité et l'Unité de Dieu. En outre, les Juifs supposaient que,
tout comme pour tout mouvement politique radical, cette situation
dans laquelle ils se trouvaient ne serait que temporaire.
Un
autre facteur important fut que la conversion à l'islam ne
nécessitait que la récitation verbale d'une seule phrase :
« J'atteste qu'il n'y a de Dieu qu'Allah et Mouhammad
est Son messager ». Cette déclaration n'avait aucune
portée sur leurs vies pratiques. En effet, bien que les Juifs
fussent forcés d'assister aux prières à la mosquée et d'étudier
le Qouran, le gouvernement permettait la pratique du Judaïsme à la
maison ; de nombreux Juifs, après s'être rendus à la mosquée,
priaient une seconde fois à la maison et étudiaient la Tôroh comme
avant.
C'était
totalement différent de toutes les autres périodes de persécution
qu'a connu notre peuple dans son histoire. Par exemple, durant la
période de domination syro-grecque, les Juifs étaient contraints
d'abandonner l'intégralité du Judaïsme et reçurent l'interdiction
de fermer les portes de leurs maisons par crainte qu'ils ne
pratiquent le Judaïsme clandestinement. De même, durant
l'Inquisition espagnole en 1492, les Juifs furent brûlés vifs sur
le bûcher parce qu'ils pratiquaient clandestinement leur religion.
Le
Ramba''m était âgé de treize ans lorsque les Almohades prirent le
pouvoir. Sa famille s'enfuit durant onze ans de ville en ville dans
toute l'Espagne, et ils arrivèrent finalement à Fez (au Maroc) en
1160, où ils vécurent durant quatre ans. (Les historiens se sont
demandé pourquoi s'étaient-ils installés au Maroc, alors que ce
fut le premier pays conquis par les Almohades. Plusieurs réponses
furent apportées, mais ce n'est pas l'objet de notre article).
Le
Ramba''m quitta Fez à 24 ans parce que sa vie y était menacée. En
plein milieu de la nuit, il embarqua sur un bateau à destination
d'Acre (en Palestine). Les historiens rapportent que le Ramba''m
marchait dans les rues de Fez un jour de Hôl Hammô´édh
Soukkôth avec son Lôlov et son `athrôgh en main lorsqu'un membre
du gouvernement se moqua de lui et de la tradition juive. Le Ramba''m
lui rétorqua que la tradition des quatre espèces était un
commandement Divin contenu dans la sainte Tôroh et que s'il y avait
bien une tradition ridicule c'était certainement celle consistant à
jeter des pierres contre un rocher (il se référait évidemment à
la pratique des Musulmans lors de leur pèlerinage à la Macque,
qu'ils appellent « Lapidation
de Satan »).
Ce
fonctionnaire se sentit profondément insulté par cette remarque et
la prit comme une grande offense contre l'islam. (Jusqu'à nos jours,
de nombreux Musulmans pensent qu'ils peuvent impunément blasphémer
notre foi et affirmer que notre Tôroh est falsifiée, mais ne
supportent pas qu'on leur réplique en leur exposant les sottises de
leur religion. Ils prétendent « corriger » les erreurs
et manipulations des Juifs et des Chrétiens, alors que l'islam et le
Qouran sont venus bien après le Judaïsme et le Christianisme, et
que les récits sont les mêmes aussi bien dans la Tôroh que dans le
« Nouveau Testament » chrétien. Les Musulmans peuvent
mépriser les autres, mais ne supportent pas qu'on leur rende la
pareille.) Comprenant la menace qui planait sur lui, le Ramba''m
quitta Fez immédiatement avec sa famille.
Le
temps passant, la vie en Espagne devint plus difficile encore et
l'identité et le moral des Juifs s’effritaient. Des doutes
commencèrent à naître dans la communauté juive concernant
l'authenticité du Judaïsme et certains commencèrent à penser que
Dieu avait peut-être réellement remplacé le Judaïsme par l'islam.
Un
certain rabbin ne vivant pas en Espagne rédigea une lettre dans
laquelle il condamnait la communauté juive espagnole pour s'être
convertie à l'islam. Cette lettre fut rédigée en réponse à une
question posée par un Juif Espagnol sur le statut des convertis de
force à l'islam. Le rabbin ne fit preuve d'aucune sensibilité face
à la situation désastreuse dans laquelle se trouvait l'Espagne, ni
d'aucune empathie envers la communauté juive, tout comme il
n'exprima aucun encouragement.
Ce
rabbin écrivit que croire en l'islam et en ses enseignements était
de l’idolâtrie. De ce fait, un Juif qui est contraint de se
convertir à cette religion a l'obligation de sacrifier sa vie plutôt
que de se convertir. Ne pas agir ainsi fait de ce Juif un apostat, un
excommunié de la communauté juive, quelqu'un d'inapte à témoigner
devant un Béth Din et d'invalide pour servir de témoin à un
mariage ou un divorce. Et c'est le cas même si ce Juif continue de
pratiquer secrètement le Judaïsme.
En
outre, il écrit que si un Juif entre dans une mosquée, même sans y
prier, il devient un apostat. Si après avoir y avoir prié il rentre
chez lui et prie à nouveau suivant le rite israélite, sa prière
est de l'hypocrisie et même un péché. En conclusion, on peut lire
que chaque Juif a l'obligation de sacrifier sa vie plutôt que
d'accepter l'islam.
Cette
lettre porta un coup quasiment fatal à ces Juifs qui tentaient de
préserver leur identité en dépit de leur conversion musulmane.
Elle eut des effets dévastateurs sur des milliers de Juifs Espagnols
et amena beaucoup à conclure que s'ils étaient de toute façon
condamnés « mieux valait complètement renoncer au Judaïsme
plutôt que de mener une double vie ».
C'est
afin de contrer cette lettre destructrice que le Ramba''m rédigea en
1163 une lettre très sévère contre ce rabbin en judéo-arabe,
appelée « `iggarath Hashamodh – Épître sur l’apostasie ».
Son but était de réfuter les opinions de ce rabbin et remonter le
moral des Juifs Espagnols.
Sa
réponse traite de cinq thèmes :
- Les Halokhôth relatives aux conversions forcées
- Les définitions du Hilloul HaShem et les sanctions qui s'y rapportent
- Les rangs de ceux qui meurent en martyr et de ceux qui sont contraints de se convertir durant une période de persécution
- En quoi cette persécution que vivaient les Juifs Espagnols différait de toutes les persécutions antérieures (et ce qu'il convient de faire)
- Des conseils à la prudence durant cette période de persécution
Concernant
les deux premiers thèmes, le Ramba''m tente de répondre à deux
questions. La première est celle-ci : « Un Juif
doit-il sacrifier sa vie lorsqu'il est forcé de se convertir à
l'islam ? ». Cette question a de nombreuses
implications. Le Ramba''m explique qu'en sacrifiant leurs vies, les
parents laissent alors orphelins leurs enfants qui seront alors
complètement abandonnés à l'islam. (En effet, les Musulmans
allaient tuer les parents, mais laisser en vie les enfants afin de
leur inculquer l'islam.) À l'inverse, en feignant publiquement de
s'être soumis à l'islam, ils permettaient à l'identité juive des
enfants d'être préservée pour les générations à venir. Il était
donc préférable que les parents ne se sacrifient pas.
La
deuxième question qu'il traite est : « Si un Juif
s'est converti à l'islam mais continue d'observer certaines Miswôth
et à prier selon le rite israélite, est-ce de l'hypocrisie ? ».
Comme dans son Mishnéh Tôroh, le Ramba''m expliqua aux Juifs
Espagnols les Halokhôth relatives au renoncement des pratiques
juives sous la contrainte. Voici ce qu'il rapporta dans son Mishnéh
Tôroh1 :
1.
Tous [ceux de] la Maison
d'Israël ont reçu un commandement concernant la sanctification
de ce grand Nom, car il est dit2 :
« et Je serai sanctifié au sein des Enfants
d'Israël », et ont
reçu l'avertissement de ne pas le profaner, car il est dit3 :
« et ils ne profaneront pas Mon saint Nom ».
Comment cela ? Lorsqu'un Gôy se lève et force un Israélite
à transgresser une [Miswoh]
parmi toutes les Miswôth
mentionnées dans la Tôroh ou il nous tuera, on doit transgresser
[plutôt que choisir d']être tué, car il est dit concernant les
Miswôth4 :
« qu'un homme accomplira et vivra par elles »,
et non pas qu'il mourra à cause d'elles. Et s'il meurt et ne
transgresse pas, voici, celui-là est coupable pour son âme.
|
א כָּל
בֵּית יִשְׂרָאֵל מְצֻוִּין עַל קִדּוּשׁ
הַשֵּׁם הַגָּדוֹל הַזֶּה,
שֶׁנֶּאֱמָר
"וְנִקְדַּשְׁתִּי,
בְּתוֹךְ
בְּנֵי יִשְׂרָאֵל";
וּמֻזְהָרִין
שֶׁלֹּא לְחַלְּלוֹ,
שֶׁנֶּאֱמָר
"וְלֹא
תְחַלְּלוּ,
אֶת-שֵׁם
קָדְשִׁי".
כֵּיצַד--בְּשָׁעָה
שֶׁיַּעֲמֹד גּוֹי וְיֶאֱנֹס אֶת
יִשְׂרָאֵל לַעֲבֹר עַל אַחַת מִכָּל
מִצְווֹת הָאֲמוּרוֹת בַּתּוֹרָה אוֹ
יַהַרְגֶנּוּ,
יַעֲבֹר
וְאַל יֵהָרֵג:
שֶׁנֶּאֱמָר
בַּמִּצְווֹת,
"אֲשֶׁר
יַעֲשֶׂה אֹתָם הָאָדָם וָחַי בָּהֶם"
--וְלֹא
שֶׁיָּמוּת בָּהֶם.
וְאִם
מֵת וְלֹא עָבַר,
הֲרֵי
זֶה מִתְחַיֵּב בְּנַפְשׁוֹ
|
Lorsqu'un
Gôy se lève et force un Israélite à transgresser une [Miswoh]
parmi toutes les Miswôth mentionnées dans la Tôroh ou il
nous tuera, on doit transgresser [plutôt que choisir d']être
tué, car il est dit concernant les Miswôth : « qu'un
homme accomplira et vivra par elles », et non pas qu'il
mourra à cause d'elles :
Puisque la Tôroh fut donnée pour qu'on vive par les Miswôth
et non pas qu'on meurt à cause d'elles, si la vie d'un Israélite
est menacée par un Gôy, qui serait prêt à le tuer s'il ne
transgresse pas l'un des commandements de la Tôroh, l'Israélite
doit transgresser le commandement pour préserver sa vie.
Et
s'il meurt et ne transgresse pas, voici, celui-là est coupable
pour son âme : Devant
le Tribunal Céleste, on considérera qu'il a méprisé la vie
qu'HaShem lui a accordée, car il n'a pas fait ce qu'il fallait
pour la préserver. Au lieu de transgresser le commandement pour
avoir la vie sauve, comme le lui ordonne la Halokhoh, il a préféré
mourir.
|
2.
Dans quel cas les paroles
susmentionnées s'appliquent-elles ? Dans [le cas de toutes]
les autres Miswôth,
à l'exception des [Miswôth
relatives à] la ´avôdhoh Zoroh, à la Gillouy ´aroyôth, et à
la Shafikhouth Domim. Mais concernant ces trois péchés, si on
lui dit « Transgresse l'un d'eux ou tu seras
tué ! », qu'il
se fasse tuer et ne transgresse pas.
|
ב בַּמֶּה
דְּבָרִים אֲמוּרִים,
בִּשְׁאָר
מִצְווֹת--חוּץ
מֵעֲבוֹדָה זָרָה,
וְגִלּוּי
עֲרָיוֹת,
וּשְׁפִיכוּת
דָּמִים.
אֲבָל
שָׁלוֹשׁ עֲבֵרוֹת אֵלּוּ,
אִם
יֹאמַר לוֹ עֲבֹר עַל אַחַת מֵהֶן אוֹ
תֵּהָרֵג,
יֵהָרֵג
וְאַל יַעֲבֹר
|
Dans
quel cas les paroles susmentionnées s'appliquent-elles :
C'est-à-dire, quand est-il exigé d'un Israélite qu'il choisisse
la transgression d'une Miswoh
de la Tôroh plutôt que la mort ?
la
´avôdhoh Zoroh :
L'expression עֲבוֹדָה
זָרָה
« ´avôdhoh
Zoroh » signifie littéralement « culte étranger »,
et désigne l’idolâtrie.
à
la Gillouy ´aroyôth :
L'expression גִּלּוּי
עֲרָיוֹת
« Gillouy
´aroyôth » signifie littéralement « dévoilement
des nudités », et désigne le fait d'avoir une relation
sexuelle illicite, c'est-à-dire, avec une femme (ou un homme)
avec laquelle il nous est interdit par la Tôroh d'avoir une
relation (exemples : sa mère, sa sœur, sa fille, une femme
mariée à un autre homme, l'épouse de son frère, une femme non
Israélite, etc.).
et
à la Shafikhouth Domim :
L'expression שְׁפִיכוּת
דָּמִים
« Shafikhouth
Domim » signifie littéralement « déversement des
sangs », et désigne le fait de commettre un meurtre.
Mais
concernant ces trois péchés, si on lui dit « Transgresse
l'un d'eux ou tu seras tué ! », qu'il se fasse tuer et
ne transgresse pas :
Ces trois péchés sont ceux que l'on considère être les trois
péchés capitaux du Judaïsme, qu'il est interdit de transgresser
quand bien même la vie humaine serait menacée. Ils se
différencient donc de toutes les autres Miswôth
de la Tôroh, que nous avons par contre une obligation de
transgresser si notre vie est menacée.
|
3.
Dans quel cas les paroles
susmentionnées s'appliquent-elles ? À [partir du] moment où
le Gôy ne recherche que son propre profit, comme par exemple
lorsqu'il le force à construire sa maison le Shabboth, ou à lui
cuire son plat5,
ou qu'il force une femme [Israélite] pour la dominer, et d'autres
cas semblables. Mais si son seul but est de le faire transgresser
les Miswôth,
[d'autres règles s'appliquent] : si cela se passe en privé,
et que dix [membres] du [peuple d']Israël ne sont pas présents,
qu'il transgresse [plutôt que de choisir d']être tué. Et s'il
le force à transgresser au milieu de dix [membres] du [peuple
d']Israël, qu'il se fasse tuer et ne transgresse pas, et ce, même
s'il n'avait l'intention que de lui faire transgresser une Miswoh
parmi le reste des Miswôth.
|
ג בַּמֶּה
דְּבָרִים אֲמוּרִים,
בִּזְמָן
שֶׁהַגּוֹי מִתְכַּוֵּן לַהֲנָאַת
עַצְמוֹ,
כְּגוֹן
שֶׁאֲנָסוֹ לִבְנוֹת לוֹ בֵּיתוֹ
בַּשַּׁבָּת אוֹ לְבַשַּׁל לוֹ
תַּבְשִׁילוֹ אוֹ אָנַס אִשָּׁה
לְבָעֳלָהּ וְכַיּוֹצֶא בְּזֶה.
אֲבָל
אִם נִתְכַּוַּן לְהַעְבִירוֹ עַל
הַמִּצְווֹת בִּלְבָד--אִם
הָיָה בֵּינוֹ לְבֵין עַצְמוֹ,
וְאֵין
שָׁם עֲשָׂרָה מִיִּשְׂרָאֵל--יַעֲבֹר
וְאַל יֵהָרֵג;
וְאִם
אֲנָסוֹ לְהַעְבִירוֹ בַּעֲשָׂרָה
מִיִּשְׂרָאֵל--יֵהָרֵג
וְאַל יַעֲבֹר,
וְאַפִלּוּ
לֹא נִתְכַּוַּן לְהַעְבִירוֹ אֵלָא
עַל מִצְוָה מִשְּׁאָר מִצְווֹת בִּלְבָד
|
Dans
quel cas les paroles susmentionnées s'appliquent-elles :
C'est-à-dire, quand faut-il choisir la mort plutôt que de
transgresser l'un des trois péchés capitaux, et quand
faudrait-il transgresser plutôt que d'être tué ?
À
[partir du] moment où le Gôy ne recherche que son propre
profit : C'est-à-dire,
il ne demande aucune de ces choses parce qu'elles sont interdites
dans la foi Israélite (ce n'est pas la foi Israélite qu'il vise
par de telles requêtes), mais le fait purement et simplement pour
lui-même, pour son propre profit.
ou
qu'il force une femme [Israélite] pour la dominer :
C'est-à-dire, si le Gôy contraint une femme Israélite à avoir
une relation avec lui. Là encore, il ne le fait pas parce qu'elle
est Israélite, mais simplement parce qu'il la veut. C'est un acte
qui n'est pas lié à la religion de cette femme.
et
d'autres cas semblables :
Dans tous les cas où un Gôy force un Israélite à commettre un
péché en le menaçant de le tuer, pas à cause du fait qu'il
soit Israélite, mais qu'il ne recherche que son propre profit, il
n'y a pas une obligation de choisir la mort sur la transgression.
si
cela se passe en privé :
C'est-à-dire, qu'il n'y a que le Gôy et l'Israélite.
et
ce, même s'il n'avait l'intention que de lui faire transgresser
une Miswoh parmi le reste des Miswôth :
C'est-à-dire, une Miswoh
qui ne fait pas partie des trois péchés capitaux.
Dès
l'instant où le Gôy cherche spécifiquement à nous faire
transgresser la foi Israélite en présence de témoins et devant
d'autres Israélites, peu importe le commandement qu'il demande de
transgresser par une menace de mort, on a l'obligation de préférer
mourir plutôt que de transgresser la Tôroh en public.
|
(L'intégralité
du Chapitre 5 des Hilkôth Yasôdhé Hattôroh peut être téléchargée ici.)
Peu
importe les circonstances, et que ce soit en public ou en privé, un
Juif doit préférer la mort si on lui demande de transgresser l'un
des trois péchés capitaux. Mais si le péché ne concerne pas un
acte entrant dans l'une de ces trois catégories, l'attitude à avoir
dépendra alors des motivations de celui qui nous demande de le
commettre. Si le Gôy l'exige pour son propre profit, il n'y a alors
pas d'obligation de sacrifier sa vie. Le Ramba''m explique que c'est
la raison pour laquelle `astér ע״ה
fut
autorisée sous la contrainte d'épouser `ahashwérôsh, bien
que la Halokhoh l'interdisait, puisque les motivations du roi étaient
mues par des considérations personnelles, plutôt que par mépris
pour le Judaïsme.
Si
le Gôy l’exige par pur dédain envers le Judaïsme, il y a une
différence entre une période de persécution et une période de
paix. Si c'est à une période paisible, le Juif ne pourra
transgresser qu'en privé. Mais en public cela lui sera interdit.
En
plus des lois relatives à l’observance religieuse lorsqu'on se
retrouve dans des situations de persécution, le Ramba''lm traite de
la nécessité pour un Juif de mener sa vie conformément à des
normes morales élevées. Quand le Juif le fait, il cause alors un
Qiddoush HaShem. Un Juif qui est véridique, altruiste, qui respecte
les autres et amène les autres à le respecter, qui a une bonne
réputation et est discipliné, sanctifie le Nom de Dieu. Ces
qualités, d'après le Ramba''m, causent une plus grande
sanctification que la pratique religieuse.
Néanmoins,
quiconque sacrifie sa vie pour la foi israélite atteint le plus haut
niveau de Qiddoush HaShem qui soit. Il le dit aussi dans son Mishnéh
Tôroh :
5.
Quiconque pour qui il a été
dit qu'il doit transgresser [plutôt que choisir d']être tué,
s'il se laisse tuer et ne transgresse pas, voici, celui-là est
coupable pour son âme. Et quiconque pour qui il a été dit qu'il
doit se faire tuer et ne pas transgresser, s'il se laisse tuer et
ne transgresse pas, voici, celui-là a sanctifié le Nom. Et si
cela s'était produit au milieu de dix [membres du peuple
d']Israël, voici, celui-là a sanctifié le Nom en public, comme
Doniyé`l, Hananyoh,
Misho`él et ´azaryoh, ainsi que comme Ribbi ´aqivoh et ses
compagnons. Ces derniers sont ceux qui furent mis à mort par les
autorités, et il n'existe pas de plus haut niveau que le leur.
C'est les concernant qu'il est dit6 :
« Mais
pour Toi, nous subissons chaque jour la mort ; on nous
considère comme des brebis destinées à l’abattage ».
C'est [aussi] les concernant qu'il est dit7 :
« Rassemblez-Moi
Mes pieux serviteurs, qui ont contracté Mon alliance par un
sacrifice ».
|
ה כָּל
מִי שֶׁנֶּאֱמָר בּוֹ יַעֲבֹר וְאַל
יֵהָרֵג,
וְנֶהְרַג
וְלֹא עָבַר--הֲרֵי
זֶה מִתְחַיֵּב בְּנַפְשׁוֹ.
וְכָל
מִי שֶׁנֶּאֱמָר בּוֹ יֵהָרֵג וְאַל
יַעֲבֹר,
וְנֶהְרַג
וְלֹא עָבַר--הֲרֵי
זֶה קִדַּשׁ אֶת הַשֵּׁם.
וְאִם
הָיָה בַּעֲשָׂרָה מִיִּשְׂרָאֵל--הֲרֵי
זֶה קִדַּשׁ אֶת הַשֵּׁם בָּרַבִּים,
כְּדָנִיֵּאל
חֲנַנְיָה מִישָׁאֵל וַעֲזַרְיָה
וּכְרִבִּי עֲקִיבָה וַחֲבֵרָיו;
וְאֵלּוּ
הֶם הֲרוּגֵי מַלְכוּת,
שְׁאֵין
מַעֲלָה עַל מַעֲלָתָם,
וַעֲלֵיהֶם
נֶאֱמָר "כִּי-עָלֶיךָ,
הֹרַגְנוּ
כָל-הַיּוֹם;
נֶחְשַׁבְנוּ,
כְּצֹאן
טִבְחָה",
וַעֲלֵיהֶם
נֶאֱמָר:
אִסְפוּ-לִי
חֲסִידָי--כֹּרְתֵי
בְרִיתִי,
עֲלֵי-זָבַח
|
ainsi
que comme Ribbi ´aqivoh et ses compagnons. Ces derniers sont ceux
qui furent mis à mort par les autorités :
Ribbi ´aqivoh ז״ל
et
ses compagnons sont ceux qu'on appelle les Dix Martyrs. Ils furent
exécutés par les autorités Romaines dans la période qui a
suivi la destruction du Béth Hammiqdosh.
Les
dix ne sont pas morts en même temps, mais ils sont néanmoins
cités ensemble, car ils furent exécutés tous pour les mêmes
raisons : avoir défié les mauvais décrets que les Romains
avaient imposés aux Israélites, comme l'interdiction de
pratiquer le Shabboth, de transmettre la Samikhoh, d'enseigner la
Tôroh en public, etc.
L'histoire
de leur mort en martyr est lue chaque année à Yôm Hakkippourim
et à Tish´oh Ba`ov.
et
il n'existe pas de plus haut niveau que le leur :
Car mourir en martyr pour sa foi est le plus grand honneur pour un
Israélite. C'est la meilleure façon de sanctifier le Nom
d'HaShem et le plus haut niveau d'amour pour HaShem et sa Tôroh
que l'on peut exprimer.
C'est
les concernant qu'il est dit :
C'est-à-dire, c'est concernant tous ceux qui meurent en martyr
pour leur attachement à la foi Israélite que le verset déclare
ce qui suit.
|
De
même, les sept fils de Hannoh ז״ל
refusèrent
de se prosterner devant le gouverneur Syro-grec, Antiochos, et furent
à cause de cela tous exécutés devant leur mère.
Revenant
au sujet des Juifs Espagnols, le Ramba''m soutient qu'il ne leur
incombe pas de choisir la mort plutôt que de se convertir à
l'islam. La raison à cela est qu'une conversion à l'islam ne
nécessite que la récitation d'une simple phrase. Mais là encore,
il répète que si on choisit néanmoins de sacrifier sa vie, on a
accompli le plus grand acte qui soit.
Le
Ramba''m établit que ces Juifs sont comparables à une femme qui
s'est fiancée à un homme mais s'est faite violer par un autre.
Cette femme n'est aucunement tenue responsable, bien qu'elle aurait
pu sacrifier sa vie et s'épargner cet acte d'adultère. Les Juifs
d'Espagne sont tous inclus dans la catégorie de convertis de force
et ne sont pas responsables de leurs actes. Ils conservent donc
pleinement leur statut de Juifs.
Par
conséquent, concernant leur situation, il tranche qu'ils ne doivent
pas être considérés comme des hypocrites. Si, sous la contrainte,
certaines pratiques juives sont abandonnées mais que d'autres sont
maintenues, on ne doit pas dire que les transgressions surpassent la
pratique. En effet, Dieu chérit la moindre Miswoh réalisée
avec sincérité par un Juif, en dépit du comportement qu'il
pourrait avoir dans d'autres domaines. Par conséquent, ils doivent
veiller à garder autant de Miswôth que possible et doivent
comprendre que ce qu'ils font pour Dieu est pris en compte par Lui.
En outre, ajoute-t-il, une Miswoh accomplie dans des
circonstances pénibles et de grand danger a une plus grande valeur
encore que lorsqu'elle est réalisée dans des circonstances
normales.
Nous
pouvons donc clairement voir que ces Juifs ne voulaient pas se
séparer du Judaïsme. Leur conversion n'avait rien de sincère et au
fond d'eux (et comme le montraient aussi leurs actes privés) ils
étaient Juifs et n'avaient aucunement l'envie de cesser de l'être.
Par conséquent, le Ramba''m les défendit en dépit de leur
conversion forcée. Néanmoins, il considérait que ceux qui avaient
fait le choix de rester en Espagne se mettaient inutilement en danger
en risquant d'abandonner complètement le Judaïsme. C'est pourquoi
il conseilla aux Juifs qui désiraient rester de vivre discrètement
et d'éviter autant que possible les lieux publics afin de ne pas
s'exposer à une assimilation totale. Il conclut en les pressant de
fuir dès que l'opportunité se présenterait vers des pays où ils
pourraient pratiquer ouvertement leur foi, et ce, même s'ils doivent
voyager dans des conditions périlleuses. Il ajoute qu'ils ne doivent
pas être tristes de laisser derrière eux des proches, ni de devoir
abandonner leurs possessions en Espagne, car ces choses sont
insignifiantes lorsqu'on les compare à l'importance de préserver la
foi israélite.
Si
nous devions résumer cette lettre :
- Les persécutions antérieures qui ont précédé celles que les Musulmans firent subir aux Juifs d'Espagne exigeaient que les Juifs transgressent des Miswôth et commettent des actes interdits.
- Les Musulmans d'Espagne exigeaient « seulement » que les Juifs récitent l'attestation de foi islamique, une phrase en laquelle ils ne croyaient évidemment pas, mais qui leur garantissait de néanmoins pouvoir accomplir les Miswôth clandestinement, même après avoir « reconnu » Mouhammad comme prophète. Il ne fait donc aucun doute que si les Musulmans de cette époque-là avaient exigé plus que cela, le Ramba''m n'aurait jamais tenu la position qu'il exprime dans cette lettre-ci. D'ailleurs, lorsque neuf ans plus tard les Musulmans voulurent contraindre les Juifs du Yémen à se convertir à l'islam, le Ramba''m ne leur permit pas d'accepter la conversion, car cette fois-ci il s'agissait de leur faire pleinement accepter l'islam et renoncer au Judaïsme. Personne ne peut donc se servir de la `iggarath Hashamodh pour déclarer que le Ramba''m ne voyait aucun problème à embrasser l'islam.
- Malgré le fait que les Musulmans d'Espagne n'exigeaient uniquement la récitation de l'attestation de foi islamique, quiconque choisissait de mourir en martyr réalisait le plus grand Qiddoush HaShem qui soit.
- Il est recommandé de réciter l'attestation de foi islamique plutôt que de mourir, mais de saisir la première occasion pour quitter le pays et s’installer là où il est possible de mener une vie juive sans devoir se cacher.
- Si quelqu'un ne peut pas s'en aller, il doit rester le plus possible chez lui et éviter les lieux publics, afin de pouvoir accomplir autant de Miswôth qu'il pourra (la plus importante étant le respect du Shabboth).
- Quiconque resterait parce qu'il ne veut pas abandonner ses biens ou ses proches, et alors qu'il se trouve au bord de l'assimilation totale, celui-là commettrait un grand Hilloul HaShem.
Donc,
non, cette lettre n'est absolument pas une permission pour les Juifs
d'embrasser l'islam sans être considérés apostats ou hérétiques.
Le Ramba''m écrivait à des Juifs se trouvant dans une situation
particulière et qui, en plus, n'avaient pas du tout acceptés
sincèrement l'islam, mais continuaient à pratiquer le Judaïsme
dans l'intimité de leurs foyers.
On
ne peut pas déduire de cette lettre que le Ramba''m tenait l'islam
en grande estime. Au contraire, dans cette même lettre, il explique
comment Mouhammad est un faux prophète et que l'islam est une
religion hérétique, même si on pourrait dire qu'elle « n'est
pas » idolâtre. Or, le Ramba''m considère que l'hérésie est
pire que l’idolâtrie. Parlant de Rébbi `ali´azar, un sage
talmudique qui renonça au Judaïsme pour une religion hérétique,
le Ramba''m écrit dans cette lettre : « Il est bien
connu que Rébbi `ali´azar fut saisi par l'hérésie, qui est pire
que l’idolâtrie ».
Dans
sa lettre qu'il rédigera à l'adresse de la communauté yéménite,
le Ramba''m exprimera tout le dédain qu'il a pour la religion
musulmane. Il est également d'avis qu'il est permis d'enseigner la
Tôroh aux Chrétiens, mais pas aux Musulmans, car les Chrétiens au
moins respectent nos textes, qu'ils ont en grande estime, et n'en
contestent aucune parole (leur seule erreur vis-à-vis de la Tôroh
est de croire qu'elle est abolie et que ses commandements sont
simplement symboliques), tandis que les Musulmans déforment
plusieurs de nos récits, disent que notre Tôroh est falsifiée
et rapportent dans leurs textes beaucoup de mal sur notre foi.
1Hilkôth
Yasôdhé Hattôroh Chapitre 5
2Wayyiqro`
22:32
3Ibid.
4Ibid.,
18:5
5À
Shabboth
6Tahillim
44:23
7Ibid.,
50:5