mardi 12 avril 2016

Comment se débarrasser du Homés ?

ב״ה

Comment se débarrasser du Homés ?


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  1. Introduction

Plusieurs Miswôth concernent le Homés à Pasah. En plus des interdictions d'en consommer et d'en tirer profit pendant la semaine de fête, il en existe deux autres prohibant de voir du Homés dans sa maison ou d'en posséder pendant Pasah. Ces deux dernières interdictions sont exprimées de la façon suivante dans la Tôroh1 :

Durant sept jours, qu'il ne soit point trouvé de Sa`ôr dans vos demeures; car quiconque mangera une substance levée, celui-là sera retranché de la communion d'Israël, le converti comme l'indigène.
שִׁבְעַת יָמִים--שְׂאֹר, לֹא יִמָּצֵא בְּבָתֵּיכֶם: כִּי כָּל-אֹכֵל מַחְמֶצֶת, וְנִכְרְתָה הַנֶּפֶשׁ הַהִוא מֵעֲדַת יִשְׂרָאֵל--בַּגֵּר, וּבְאֶזְרַח הָאָרֶץ

Et2 :

On se nourrira de Massôth durant ces sept jours; et l'on ne doit voir chez toi ni Homés, ni Sa`ôr, dans toutes tes possessions.
מַצּוֹת, יֵאָכֵל, אֵת, שִׁבְעַת הַיָּמִים; וְלֹא-יֵרָאֶה לְךָ חָמֵץ, וְלֹא-יֵרָאֶה לְךָ שְׂאֹר--בְּכָל-גְּבֻלֶךָ

(Pour une explication sur le « Homés » et le « Sa`ôr », voir l'article intitulé « Qu'est-il réellement interdit de consommer pendant Pasah ? ».)

Il y a, en outre, une Miswoh positive de se débarrasser de son Homés précisément la veille de Pasah, comme il est écrit3 :

Sept jours vous mangerez des Massôth ; cependant, le jour précédent, vous annulerez le Sa`ôr de vos demeures, car quiconque mangera du Homés, celui-là sera retranché du milieu d'Israël. [Vous agirez ainsi] depuis le premier jour jusqu'au septième.
שִׁבְעַת יָמִים, מַצּוֹת תֹּאכֵלוּ--אַךְ בַּיּוֹם הָרִאשׁוֹן, תַּשְׁבִּיתוּ שְּׂאֹר מִבָּתֵּיכֶם: כִּי כָּל-אֹכֵל חָמֵץ, וְנִכְרְתָה הַנֶּפֶשׁ הַהִוא מִיִּשְׂרָאֵל--מִיּוֹם הָרִאשֹׁן, עַד-יוֹם הַשְּׁבִעִי

Enfin, après Pasah, il y a une interdiction rabbinique de tirer profit à jamais de tout Homés qui avait été possédé par un Israélite durant Pasah. (Cette mesure a été prise afin de s'assurer que chaque Israélite se débarrassera réellement de son Homés.)

  1. Les trois méthodes traditionnelles

Afin d'accomplir toutes ces injonctions, trois méthodes pour se débarrasser du Homés sont traditionnellement employées. Celle qui fut en vigueur durant la majorité de l'histoire de notre peuple consistait simplement à détruire tout son Homés, soit en le brûlant, en le réduisant en miettes ou en le jetant dans un cour d'eau.4 C'est ce qu'on appelle בֵּעוּר חָמֵץ « Bi´our Homés – élimination du Homés ». Contrairement à ce qui se dit et fait généralement, brûler le Homés n'est donc pas la seule façon de s'en débarrasser. Le Ramba''m ז״ל explique ceci5 :

Comment [se réalise] l'élimination du Homés ? On le brûle, ou bien on l’émiette et on le jette au vent, ou on le jette à la mer. Et si c’était du Homés dur que la mer ne détruit pas rapidement, on l’émiette et ensuite on le jette à la mer. Le Homés sur lequel est tombé un éboulement et sur lequel se trouve une hauteur de trois Tafohim6, ou plus de poussière, il est [considéré] comme éliminé.
כֵּיצַד בֵּעוּר חָמֵץ: שׂוֹרְפוֹ, אוֹ פּוֹרֵר וְזוֹרֶה לָרוּחַ, אוֹ זוֹרְקוֹ לַיָּם; וְאִם הָיָה הֶחָמֵץ קָשֶׁה, וְאֵין הַיָּם מְחַתְּכוֹ בִּמְהֵרָה--הֲרֵי זֶה מְפָרְרוֹ, וְאַחַר כָּךְ זוֹרְקוֹ לַיָּם. וְחָמֵץ שֶׁנָּפְלָה עָלָיו מַפֹּלֶת, וְנִמְצָא עָלָיו עָפָר שְׁלוֹשָׁה טְפָחִים אוֹ יָתֵר--הֲרֵי הוּא כִּמְבֹעָר

Par crainte que l'on puisse ne pas connaître l'étendue de la présence de Homés dans sa maison, HaZa''l instituèrent une recherche (בְּדִיקָה « Badhiqoh ») la nuit précédent Pasah, avant de détruire le Homés que l'on aurait trouvé. (Voir l'article intitulé « Le nettoyage de Pasah est le nouvel esclavage ».)

La deuxième méthode traditionnelle pour se débarrasser du Homés était appelée בִּטּוּל חָמֵץ « Bittoul Homés – annulation du Homés », une annulation technique du Homés par laquelle on déclare que son Homés n'a plus de propriétaire ni d'importance à ses yeux.7 Cette annulation verbale a été exigée, au cas où on découvrirait pendant Pasah du Homés qui nous aurait échappé lors de la Badhiqoh, permettant ainsi de ne pas être considéré comme le propriétaire de ce Homés. Le Ramba''m explique8 :

Quand on termine la recherche, si on a cherché la nuit du quatorze [Nison], ou dans la journée du quatorze avant la sixième heure, il faut annuler tout Homés qui reste en sa possession et qu’on ne voit pas et on dira : « Que tout Homés qui est dans ma possession et que je n’ai pas vu soit annulé et soit considéré comme la poussière ».
כְּשֶׁגּוֹמֵר לִבְדֹּק--אִם בָּדַק בְּלֵיל אַרְבָּעָה עָשָׂר, אוֹ בְּיוֹם אַרְבָּעָה עָשָׂר קֹדֶם שֵׁשׁ שָׁעוֹת--צָרִיךְ לְבַטַּל כָּל חָמֵץ שֶׁנִּשְׁאָר בִּרְשׁוּתוֹ, וְאֵינוּ רוֹאֵהוּ; וְיֹאמַר, כָּל חָמֵץ שֶׁיֵּשׁ בִּרְשׁוּתִי שֶׁלֹּא רְאִיתִיו וְלֹא יְדָעְתִּיו, הֲרֵי הוּא בָּטֵל, וַהֲרֵי הוּא כֶּעָפָר

Il est théoriquement permis de n'utiliser qu'une seule de ces deux méthodes (Bi´our ou Bittoul) pour éviter de transgresser les interdictions bibliques mentionnées au début de cet article. Mais au niveau pratique, la coutume s'est développée d'utiliser les deux. Mais peu importe la méthode que l'on utilise (que ce soit les deux ou une seule des deux), cela devra avoir été fait avant que ne commence la sixième heure halakhique du jour de la veille de Pasah.9

La troisième méthode consiste tout simplement à offrir ou vendre soi-même son Homés à un Gôy.10 C'est exactement ce que Rébbi Yahoudhoh Hannosi` ז״ל conseilla à Rébbi Yôhonon Haqqouqoh ז״ל de faire avec le Homés qu'un autre Israélite lui avait confié mais qu'il n'était pas venu reprendre alors que la sixième heure halakhique où l'on ne peut plus avoir en sa possession du Homés approchait.11 Mais attention : cette histoire talmudique implique une vente ordinaire et irrévocable par laquelle le Gôy paie le prix plein du Homés selon la valeur du marché, l'emporte chez lui et l'utilise comme bon lui semble ! Cette vente n'a rien à voir avec la parodie et le cirque de « vente du Homés » existant à notre époque !

  1. La Makhirath Homés moderne

La מְכִירַת חָמֵץ « Makhirath Homés – vente du Homés » moderne diffère totalement de la méthode prescrite dans le Talmoudh, en ce que

  • le vendeur Israélite ne négocie pas directement avec l'acheteur Gôy
  • l'acheteur Gôy ne donne qu'un petit acompte
  • il laisse le Homés dans la maison-même de l'Israélite
  • et après Pasah, le Homés est rendu à l'Israélite.

Les défenseurs de ce travestissement du Judaïsme citent régulièrement le passage suivant de la Tôsafto` pour se justifier12 :

Si un Israélite et un Nokhri13 arrivent en bateau14 et que l'Israélite a dans sa possession du Homés, il le vend au Nokhri ou le lui donne en cadeau. Puis il peut le lui reprendre15 [après] Pasah. Et c'est à la condition qu'il lui en fasse fait don sans condition.
ישראל ונכרי שהיו באין בספינה וחמץ ביד ישראל מוכרו לנכרי ונותנו במתנה וחוזר ולוקח ממנו [לאחר] הפסח ובלבד שיתנו לו במתנה גמורה

Cette Tôsafto` est également rapportée par le Ramba''m dans son Mishnéh Tôroh :

Si un Israélite et un Gôy arrivent en bateau et que l'Israélite a dans sa possession du Homés et qu’est arrivée la cinquième heure16, il le vend au Gôy ou le lui donne en cadeau. Puis, il peut le lui reprendre après Pasah. Ceci17 [n’est possible] qu’à condition qu’il lui en fasse don sans condition.
יִשְׂרָאֵל וְגוֹי שֶׁהָיוּ בָּאִין בִּסְפִינָה, וְהָיָה הֶחָמֵץ בְּיַד יִשְׂרָאֵל, וְהִגִּיעָה שָׁעָה חֲמִישִׁית--הֲרֵי זֶה מוֹכְרוֹ לַגּוֹי, אוֹ נוֹתְנוֹ לוֹ בְּמַתָּנָה; וְחוֹזֵר וְלוֹקְחוֹ מִמֶּנּוּ אַחַר הַפֶּסַח, וּבִלְבָד שֶׁיִּתְּנוֹ לוֹ מַתָּנָה גְּמוּרָה

Les manipulateurs de nos textes ne retiennent que la partie qui déclare מוכרו לנכרי ונותנו במתנה וחוזר ולוקח ממנו [לאחר] הפסח « il peut le vendre au Nokhri ou le lui donner en cadeau, puis le récupérer [après] Pasah », mais oublie la fin, qui déclare explicitement ובלבד שיתנו לו במתנה גמורה « Et c'est à la condition qu'il lui en fasse fait don sans condition ». C'est pourquoi, Rabbi Yôséf Qa`rô ז״ל explique que celui qui vend son Homés à un Gôy, puis le lui rachète après Pasah, commet une arnaque par rapport à la Tôroh s'il avait émis comme condition préalable à la vente qu'il le lui rachèterait.18 Pourquoi est-ce une arnaque par rapport à la Tôroh ? Tout simplement parce qu'en émettant une telle condition, l'Israélite indique clairement qu'il n'a en réalité pas du tout annulé son Homés, c'est-à-dire qu'il n'y a pas réellement renoncé et il n'est pas à ses yeux comme la poussière de la terre, puisqu'il le vend à la condition de pouvoir le récupérer, ce qui interdit par la même occasion au Gôy d'en tirer profit, puisqu'il doit le garder pour l'Israélite jusqu'à la fin de Pasah. C'est donc bien un simulacre de vente, et cela n'a aucune valeur ! Or, c'est précisément la pratique qui a cours aujourd'hui !

Si on a vendu ou offert du Homés à un Gôy, sans lui avoir dit que l'on comptait le lui racheter après Pasah, indiquant bien par-là que le Gôy peut en faire ce qu'il veut car le Homés est désormais réellement à lui, mais que de lui-même, pour une raison ou une autre, le Gôy n'en a pas fait usage (il ne l'a pas mangé), c'est seulement à ce moment-là qu'il sera permis de le lui racheter. De la même manière, si le Gôy en avait mangé une partie et qu'à la fin de Pasah il lui en reste encore, on pourra négocier avec lui pour lui racheter ce qu'il reste en matière de, Homés, et là encore, à la condition que l'on n'avait émis aucune condition ni imposé la moindre restriction au Gôy lorsqu'on le lui a vendu.

La procédure fallacieuse utilisée aujourd'hui pour contourner les interdictions de la Tôroh s'est développée en plusieurs étapes. À l'origine, la vente du Homés se déroulait comme n'importe quelle autre vente, de la façon que nous venons juste de décrire au paragraphe précédent. Plus tard, il devint courant d'inclure un engagement non écrit selon quoi l'acheteur Gôy devait revendre le Homés à l'Israélite après Pasah. Avec le temps, de plus en plus d'Israélites se sont retrouvés avec de grandes quantités de Homés en leur possession à la veille de Pasah. Il ne fut alors plus pratique de physiquement transférer le Homés, et les acheteurs Gôyim étaient de moins en moins désireux d'investir de grandes sommes. Une raison à ce développement est que dans l'Europe médiévale, les Israélites avaient l'interdiction de posséder des terres. C'est pourquoi certains d'entre eux se lancèrent dans le commerce de la bière. S'ils avaient détruit tous leurs stocks avant Pasah, ils auraient précipité leur commerce vers la faillite. C'est à ce moment que les rabbins `ashkanazim commencèrent à mettre en place des ventes pour les commerçants et boulangers. Les ventes étaient formelles, mais le Homés restait dans les entrepôts des Israélites et les Gôyim payaient une fraction de la valeur réelle, laissant le reste comme dette ; après Pasah, les commerçants Israélites rachetaient leurs marchandises.

Cette méthode créa un problème nouveau : comment traiter le Homés qui restait dans la maison ou l'entrepôt de l'Israélite, chose qui, normalement est interdite ? Dans la méthode d'origine, l'acheteur retirait le Homés de la maison de l'Israélite19, de façon à ne pas donner l'impression que l'Israélite en est encore responsable.20 En outre, cela garantissait que l'Israélite n'en vienne pas à le consommer par accident.21 Le Ba''h22 ז״ל approuva la vente des stocks de bière, mais avec une innovation : en plus des bières, la pièce dans laquelle elles étaient stockées devait être vendue ou loué au Gôy, permettant ainsi de considérer que cette pièce et son contenu n'appartenaient plus à l'Israélite. Cette phase dura du début du dix-septième siècle jusqu'au début du dix-neuvième, lorsque l'innovation finale fut introduite.

La dernière étape dans le développement de la « Makhirath Homés » est plus ou moins ce qui existe aujourd'hui : Un rabbin s'occupe lui-même de procéder à une vente générale du Homés pour les membres de sa propre communauté. Dans cette vente, le Gôy ne prend pas possession du Homés, il ne paie pas le prix plein du Homés et le revend après Pasah. Cette vente de masse n'a seulement que plus ou moins 200 ans (et on nous fait croire que c'est « traditionnel » en traitant cette supercherie comme si elle remontait au Sinaï) et fut à l'origine fortement combattue par de très nombreuses autorités rabbiniques, qui la considérait à juste titre comme une fumisterie, une parodie de vente. Mais il est incroyable de constater qu'elle a largement été acceptée et est aujourd'hui une pratique « normative ». Jusqu'à nos jours, les autorités rabbiniques continuent à en modifier certains aspects afin de s'assurer que la transaction soit une vente légale et pleinement contraignante, et non une simple formalité. Mais cela ne sert à rien. La Tôroh et la Halokhoh nous ont donné trois méthodes, et nous ferons les choses comme elles nous ont dit de les faire, plutôt que de trouver des entourloupes pour les contourner ou encore se rendre la vie plus difficile !

1Shamôth 12:19
2Ibid., 13:7
3Ibid., 12:15
4Talmoudh, Pasohim 21a
5Mishnéh Tôroh, Hilkôth Homés Oumassoh 3:11
61 Tafah = 8 cm ; 3 Tafohim = 24 cm
7Talmoudh, Pasohim 4b
8Mishnéh Tôroh, Hilkôth Homés Oumassoh 3:7
9Talmoudh, Pasohim 21a
10Ibid. ; voir aussi Mishnoh, Pasohim 2:1
11Talmoudh, Pasohim 13a
12Tôsafto`, Pasohim 2:6
13Littéralement, « étranger » ; terme qui désigne un Gôy
14De retour de voyage
15Par rachat
16Heure à laquelle, par décret rabbinique, on ne peut plus consommer le Homés mais on peut encore en tirer profit et donc s'en déposséder tant que n'est pas arrivée la sixième heure
17Faire don du Homés à un Gôy pour éviter de transgresser l'interdiction de posséder du Homés
18Béth Yôséf, `ôrah Hayim 448:4
19Taroumath Haddashan 120
20Moghén `avrohom, `ôrah Hayim 448:4
21Shou''th Radba''z 1:240

22`ôrah Hayim 448:2