lundi 11 avril 2016

Qu'est-il réellement interdit de consommer pendant Pasah ?

ב״ה

Exposer les fausses notions

Qu'est-il réellement interdit de consommer pendant Pasah ?


Cet article peut être téléchargé ici.

  1. Introduction

Il existe une confusion profonde dans le monde « Orthodoxe » quant aux produits étant réellement interdits à la consommation durant la période de Pasah (qui dure une semaine). Les gens se fient aveuglément aux rabbins contemporains (qui sont autant ignorants que le peuple qu'ils sont censés guider) et se rassurent en se disant qu'ils ne doivent pas se poser la question car ils n'achèteront que des produits estampillés כשר לפסח « Koshér pour Pasah » (dès qu'il y a une étiquette de Kashrouth sur un produit, on peut leur faire avaler n'importe quoi). Les rabbins des générations passées ont pourtant beaucoup écrit sur le sujet (mais qui les lit encore à notre époque ?) et décrit avec précision ce qui était permis ou interdit durant cette fête. En outre, certaines choses sont censées être des connaissances basiques, mais sont pourtant ignorées par la populace. Le but de cet article est d'instruire le lecteur sur les aliments pouvant être considérés « Homés » et ceux qui ne le pourraient pas.

  1. Qu'est-ce que du Homés ?

Le חָמֵץ « Homés » est tout aliment qui contient du blé, de l'orge, du blé sauvage, de l'orge commune ou de l'épeautre (voir l'article intitulé « Quelles sont les cinq espèces de céréales inclues dans le ''Homés'' ? ») qui a fermenté. Beaucoup de gens croient bêtement qu'il suffit que ces céréales se retrouvent dans la liste des ingrédients d'un produit pour être interdites. Si tel était le cas, même manger des Massôth serait interdit pendant Pasah, puisqu'elles sont faites à partir du blé ! Ces céréales spécifiques fermentent d'elles-mêmes lorsqu'on les mélange à de l'eau. Ce processus commencera si on laisse la pâte reposer pendant au moins dix-huit minutes, sans la pétrir (voir l'article intitulé « Les Massôth doivent-elles être cuites en moins de dix-huit minutes ? »).

Les aliments Homés les plus évidents et courants sont évidemment les pains, les pâtisseries, les pâtes (spaghettis, etc.), les biscuits, les pretzels, les aliments panés, etc. On doit les avoir consommés ou s'en être débarrassés avant Pasah, car il est interdit d'en avoir dans sa maison pendant la semaine de fête. (Mais s'ils ne font pas la taille d'une olive ordinaire et/ou qu'ils ne sont plus consommables par un être humain ou un chien, par exemple parce qu'ils ont moisi ou sont sales, leur présence dans la maison n'est pas un problème, et ils sont considérés comme étant annulés puisqu'ils sont impropres à la consommation. Voir l'article intitulé « Le nettoyage de Pasah est le nouvel esclavage ».)

En outre, contrairement à la folie qui prévaut de nos jours, l'interdiction du Homés ne s'applique qu'à la nourriture ! Par conséquent, il est inutile de se débarrasser de ses maquillages, dentifrices, gels douches, produits hygiéniques pour bébés, lingettes, dissolvants, crèmes corporelles, parfums, eaux de Cologne, savons, shampoings, après rasage, ou encore vernis à ongle, puisque ces produits ne se consomment normalement pas ! Même le Shoulhon ´oroukh (voir les chapitres 442 et 447 de la section `ôrah Hayim), que les rabbins contemporains prétendent suivre, le dit. Et pourtant, chaque année ils gaspillent de l'encre et du papier pour publier les listes de produits non alimentaires contenant l'une des céréales prohibées que nous ne devrions pas utiliser ou avoir chez nous pendant Pasah !

Tous les fruits, légumes et noix sont évidemment consommables pendant Pasah. Quant aux קָטְנָיוֹת « Qotnoyôth » (que l'on orthographie souvent de façon erronée « Qitniyôth »), terme que l'on traduit par « légumineuses », les Safaradhim en consomment et de plus en plus de `ashkanazim abandonnent année après année cette coutume insensée de ne pas en consommer, alors qu'elles ne sont pas du tout Homés. Et voici ce qu'a écrit le Ramba''m ז״ל dans son Mishnéh Tôroh1 :

Ne sont interdites pendant Pasah, à titre de « Homés », que les cinq espèces de céréales, qui sont deux types de blés : le blé et le blé sauvage, et trois types d’orges : l’orge, l'orge commune et l'épeautre. Mais les légumineuses comme le riz, le millet, les fèves, les lentilles, et les choses qui leur sont semblables, ne sont pas concernés par le principe [d’interdiction] du Homés ; plutôt, même si on a pétrit [une pâte faite à base] de la farine de riz ou [d'une légumineuse] qui lui est apparentée, avec de l’eau bouillante et qu’on l’a recouverte avec des vêtements au point qu’elle gonfle comme une pâte qui a fermenté, cela est permis à la consommation, car cela n’est pas [considéré comme] une fermentation mais [est considéré comme] une décomposition.
אֵין אָסוּר מִשּׁוֹם חָמֵץ בַּפֶּסַח, אֵלָא חֲמֵשֶׁת מִינֵי הַדָּגָן בִּלְבָד--וְהֶם שְׁנֵי מִינֵי הַחִטִּים, שְׁהֶן הַחִטָּה וְהַכֻּסֶּמֶת, וּשְׁלֹשֶׁת מִינֵי הַשְּׂעוֹרִים, שְׁהֶן הַשְּׂעוֹרָה וְשִׁבֹּלֶת שׁוּעָל וְהַשִּׁיפוֹן. אֲבָל הַקָּטְנָיוֹת, כְּגוֹן אֹרֶז וְדֹחַן וּפוֹלִים וַעֲדָשִׁים וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן--אֵין בָּהֶן מִשּׁוֹם חָמֵץ; אֵלָא אַפִלּוּ לָשׁ קֶמַח אֹרֶז וְכַיּוֹצֶא בּוֹ בְּרוֹתְחִין וְכִסָּהוּ בִּבְגָדִים עַד שֶׁנִּתְפַּח כְּמוֹ בָּצֵק שֶׁהִחְמִיץ, הֲרֵי זֶה מֻתָּר בַּאֲכִילָה--שְׁאֵין זֶה חִמּוּץ, אֵלָא סִרְחוֹן

  1. Qu'est-ce que du Sa`ôr ?

Nous lisons ceci dans la Tôroh2 :

Sept jours vous mangerez des Massôth ; cependant, le jour précédent, vous annulerez le Sa`ôr de vos demeures, car quiconque mangera du Homés, celui-là sera retranché du milieu d'Israël. [Vous agirez ainsi] depuis le premier jour jusqu'au septième.
שִׁבְעַת יָמִים, מַצּוֹת תֹּאכֵלוּ--אַךְ בַּיּוֹם הָרִאשׁוֹן, תַּשְׁבִּיתוּ שְּׂאֹר מִבָּתֵּיכֶם: כִּי כָּל-אֹכֵל חָמֵץ, וְנִכְרְתָה הַנֶּפֶשׁ הַהִוא מִיִּשְׂרָאֵל--מִיּוֹם הָרִאשֹׁן, עַד-יוֹם הַשְּׁבִעִי

Dans le même chapitre, quelques versets plus loin, nous lisons3 :

Durant sept jours, qu'il ne soit point trouvé de Sa`ôr dans vos demeures; car quiconque mangera une substance levée, celui-là sera retranché de la communion d'Israël, le converti comme l'indigène.
שִׁבְעַת יָמִים--שְׂאֹר, לֹא יִמָּצֵא בְּבָתֵּיכֶם: כִּי כָּל-אֹכֵל מַחְמֶצֶת, וְנִכְרְתָה הַנֶּפֶשׁ הַהִוא מֵעֲדַת יִשְׂרָאֵל--בַּגֵּר, וּבְאֶזְרַח הָאָרֶץ

La Tôroh interdit de posséder durant Pasah du שְּׂאֹר « Sa`ôr ». On devra s'en débarrasser avant la fête, au point que l'on n'en trouve plus chez soi. Ce terme est généralement compris de nos jours comme étant du « levain ». Mais « Sa`ôr » et « levain » sont-ils vraiment la même chose ? Une rapide leçon de boulangerie vous montrera que « Sa`ôr » et du levain mais que le levain n'est pas nécessairement du « Sa`ôr » ! Compliqué ? Nous allons l'expliquer et cela deviendra plus clair !

Bien qu'une céréale qui a baigné dans l'eau pendant dix-huit minutes d'affilé sans être pétrie devient Homés, afin de faire un bon pain il vous faut du levain. Le levain n'est rien d'autre que des micro-organismes qui transforment une partie de la farine en dioxyde de carbone qui fait gonfler la pâte et l'amène à se « lever ». L'air que nous respirons contient du levain, et de ce fait, si quelqu'un a confectionné une pâte de farine qu'il a mélangée à de l'eau elle finira par se lever même si aucun levain n'a été ajouté, parce que le levain de l'atmosphère se frayera un chemin dans la pâte. Mais la majorité des boulangers n'ont pas la patience d'attendre toute la journée que le pain lève. C'est pourquoi ils ajoutent leur propre levain dans la pâte pour accélérer un peu les choses.

Voici la méthode traditionnelle par laquelle on collecte et crée le levain : Chaque jour, le boulanger prenait une poignée de pâte de sa pâte à pain qu'il ne cuisait pas. Quand cette journée passait, le levain dans cette pâte se multipliait (et était rejoint par d'autres levains trouvés dans l'air) au point que la pâte à pain pourrissait et devenait non comestible. Cette boule de levain concentré était insérée dans la pâte à pain du lendemain afin d'aider cette dernière à lever (et une poignée de cette pâte à pain était prise et mise de côté pour le jour suivant, etc.). C'est de cette boule que parle la Tôroh en employant le terme « Sa`ôr » et qu'elle interdit de posséder pendant Pasah.

Mais il est également possible de collecter du levain à partir de sources végétales et d'en produire par fermentation. Ainsi, si du levain ne contient aucun des ingrédients provenant des cinq céréales (comme c'est très largement le cas aujourd'hui), ce n'est pas du Homés, même s'il a les mêmes caractéristiques que le Sa`ôr interdit par la Tôroh4, et on peut en posséder et en faire usage pendant Pasah. De ce fait, le Sa`ôr est du levain concentré mais le levain qui est communément vendu dans les commerces n'est pas du Sa`ôr. Il ne suffit donc pas d'avoir lu sur une étiquette « levure » ou « levain » pour interdire un produit pendant la semaine de fête.

La levure de bière est une exception. Étant donné que c'est de l'orge fermentée, elle est par définition « Homés » (puisque l'orge est une des cinq espèces) et tout produit qui en contient doit être retiré de notre possession avant Pasah, soit en les mangeant, soit en les offrant ou en les vendant à des Gôyim, soit en les jetant ou les brûlant.

Le bicarbonate de soude, les agents levants, etc., ne posent donc pas de problème à Pasah et on n'a pas à s'en débarrasser, à moins qu'ils aient été faits à partir d'une des cinq céréales fermentées.

  1. D'autres points à considérer

  1. Farine, blé et orge

Il est une pratique courante que les grains de blé soient tempérés par de l'eau durant de nombreuses heures avant qu'on en fasse de la farine. Par conséquent, la farine de blé est du Homés. De l'autre côté, l'orge (sous sa forme d'orge perlé) est transformée sans eau, et un sachet d'orge standard n'est donc pas du Homés. Mais attention : il arrive aussi que de l'orge soit macérée dans l'eau jusqu'à ce qu'elle commence à germer. Cela crée un produit que l'on appelle « malt d'orge », qui est par définition du Homés. Il faudra donc différencier l'orge perlé du malt d'orge.

  1. Bière et whisky

Si l'orge est trempée dans l'eau sous des conditions adéquates, elle fermente pour devenir de la bière, et puisqu'elle a été laissée dans l'eau plus de dix-huit minutes, la bière est du Homés. Il faudra tout boire ou s'en débarrasser avant Pasah.

La bière contient approximativement 5% d'alcool, et voici ce que font ceux qui désirent obtenir un taux plus élevé : On laisse fermenter le grain jusqu'à ce qu'il atteigne plus ou moins 12-13% et ensuite l'alcool est séparé d'une partie de l'eau par un procédé appelé « distillation » afin de produire du whisky qui contient 30 à 95% d'alcool. Puisque le whisky n'existait pas du temps de HaZa''l, il existe un doute halakhique quant à savoir si du whisky produit à base d'une des cinq céréales est considéré être du Homés même s'il est passé par le processus de distillation. La majorité des Pôsqim disent que c'est le cas.

Si le whisky est produit à partir de maïs ou d'autres grains Qotnoyôth, il pourrait ne pas poser problème, sauf sur un plan : Avant que le levain ne fermente le grain, le grain d'amidon doit être brisé en molécules de glucose individuelles, et cela se fait traditionnellement au moyen du malt d'orge. Puisque le malt d'orge joue un rôle significatif dans la création du whisky, et change également drastiquement le goût du grain avant qu'il ne fermente, on ne peut consommer ou posséder chez soi un tel whisky pendant Pasah.

C('est la raison pour laquelle tous les whisky sont généralement considérés Homés, à moins qu'il y ait un certificat de Kashrouth (« Koshér pour Pasah ») attestant du contraire.

  1. Vinaigre

On obtient du vinaigre lorsque l'alcool est refermenté. Mais le problème du vinaigre est l'origine de l'alcool. Comme l'indique son nom, le vinaigre de malt s'obtient à partir de malt ou de bière, qui sont Homés, comme nous l'avons plus haut, et de ce fait le vinaigre de malt est Homés. À l'inverse, le vinaigre de vin et le vinaigre de cidre de pomme s'obtiennent à partir de vin et de cidre de pomme, qui ne sont pas Homés.

Quant au vinaigre distillé à base de céréale, les rabbins ignorants l'interdisent complètement pour Pasah. Par contre, de nombreux rabbins s'étant informés sur son processus de fabrication et qui connaissent l'industrie alimentaire l'ont permis. Pourquoi ? Tout simplement parce que de nos jours, le vinaigre distillé est dans l'écrasante majorité des cas produit à base de maïs, qui n'est pas du Homés. Ce débat a de nombreuses conséquences, puisque de nombreux aliments contiennent du vinaigre distillé, comme par exemple les cornichons, les olives, le ketchup, la moutarde, la mayonnaise, etc., sans compter qu'on en met généralement dans nos salades. D'après les rabbins ignorants, tous ces produits seraient interdits à Pasah, à moins d'avoir l'étiquette « Koshér pour Pasah » ! Du vrai business, je vous dis !

Ce sont là les grandes lignes et j'espère que cela vous servira grandement !

1Hilkôth Homés Oumassoh 5:1
2Shamôth 12:15
3Ibid., verset 19

4Voir le Makhilto` 9:19 sur le verset de Shamôth 12:19