vendredi 17 juin 2016

La Paroshoh avec le Ramba''m : Nosô`

ב״ה

La Paroshoh avec le Ramba''m

Nosô`


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Notre Paroshoh de la semaine introduit le concept de la נְזִירוּת « Nazirouth », le vœu fait par quelqu'un qui prend sur lui les interdictions de ne plus consommer du vin, du raisin, d'avoir un contact avec un cadavre humain et de couper ses cheveux. Différents passages dans le Midhrosh et le Talmoudh reflètent des attitudes divergentes vis-à-vis de la Nazirouth et plus généralement envers le fait de s'abstenir volontairement des plaisirs du monde. Dans un passage talmudique bien connu1, la Gamoro` cite Rébbi `al´ozor Haqqappor ז״ל comme allant jusqu'à décrire qu'il était un péché de s'imposer une abstinence volontaire. La Tôroh exige d'un Nozir d'apporter un Qorban Hatto`th (offrande de péché) à la fin de sa période de Nazirouth2, et Rébbi `al´ozor explique que si la Tôroh exige cela c'est que le Nozir a besoin d'une expiation pour s'être abstenu de vin, une boisson pourtant permise. Il ajoute ceci : « Si celui-ci, qui ne s'est privé que de vin, est appelé ''pécheur'', à combien plus forte raison celui qui se prive de toute chose ! ». D'après Rébbi `al´ozor, la nature « pécheresse » de la Nazirouth démontre le dédain de la Tôroh pour les Houmrôth (mesures de rigueur) que l'on s'impose et par lesquelles on se prive des plaisirs que le monde a à offrir.

Le Ramba''m ז״ל, dans les Hilkôth Dé´ôth de son Mishnéh Tôroh, cite les propos de Rébbi `al´ozor pour démontrer la valeur d'un mode de conduite modéré, éloigné des extrêmes. Il écrit ceci3 :

1. Un être humain pourrait se dire « Étant donné que la convoitise, [la poursuite de] l'honneur, et ce qui leur ressemble, sont une voie mauvaise et retirent l'homme du monde, je vais m'en séparer excessivement et m'éloigner jusqu'à l'extrême opposé » au point de ne plus manger de viande, ni boire de vin, ni épouser une femme, ni habiter dans une demeure agréable, ni se vêtir de beaux vêtements mais plutôt d'un sac, de laine grossière, et de choses semblables, à l'instar des prêtres de `adhôm. C'est là aussi une voie mauvaise, et il est interdit de la suivre.
א  שֶׁמֶּא יֹאמַר אָדָם, הוֹאִיל וְהַתַּאֲוָה וְהַכָּבוֹד וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן דֶּרֶךְ רָעָה הֶן וּמוֹצִיאִין אֶת הָאָדָם מִן הָעוֹלָם, אֶפְרֹשׁ מֵהֶן בְּיוֹתֵר וְאֶתְרַחַק לַצַּד הָאַחֲרוֹן, עַד שֶׁלֹּא יֹאכַל בָּשָׂר וְלֹא יִשְׁתֶּה יַיִן וְלֹא יִשָּׂא אִשָּׁה וְלֹא יֵשֵׁב בְּדִירָה נָאָה וְלֹא יִלְבֹּשׁ מַלְבּוּשׁ נָאֶה אֵלָא הַשָּׂק וְהַצֶּמֶר הַקָּשֶׁה וְכַיּוֹצֶא בָּהֶן, כְּגוֹן כּוּמָרֵי אֱדוֹם--גַּם זוֹ דֶּרֶךְ רָעָה הִיא, וְאָסוּר לֵילֵךְ בָּהּ
2. Quiconque emprunte cette voie est appelé pécheur. Voici ce qui a été dit concernant le Nozir4 : « et il fera expiation pour lui du péché qu'il a commis contre l'âme ». Les Sages ont dit5 : « Si le Nozir, qui ne s'est séparé que du vin, nécessite une expiation, à combien plus forte raison celui qui s'abstient de tout ! »
ב  הַמְּהַלֵּךְ בְּדֶרֶךְ זוֹ, נִקְרָא חוֹטֶא: הֲרֵי הוּא אוֹמֵר בַּנָּזִיר, "וְכִפֶּר עָלָיו, מֵאֲשֶׁר חָטָא עַל-הַנָּפֶשׁ"; אָמְרוּ חֲכָמִים, וּמַה אִם נָזִיר שֶׁלֹּא פֵרַשׁ אֵלָא מִן הַיַּיִן, צָרִיךְ כַּפָּרָה--הַמּוֹנֵעַ עַצְמוֹ מִכָּל דָּבָר, עַל אַחַת כַּמָּה וְכַמָּה

Le Ramba''m considère donc les propos de Rébbi `al´ozor comme une exhortation générale à emprunter la voie du milieu, qui nous permet de nous comporter avec modération sans avoir recourt à des mesures extrêmes.

Il est intéressant de signaler que le Ramba''m préface ses commentaires sur ce sujet par une référence à la Mishnoh de `ovôth 4:21, qui déclare ceci : הַקִּנְאָה וְהַתַּאֲוָה וְהַכָּבוֹד, מוֹצִיאִין אֶת הָאָדָם מִן הָעוֹלָם « La jalousie, la cupidité et les honneurs retirent l'homme du monde ». Cette Mishnoh établit les dangers de ces trois tendances humaines, chacune d'elles menaçant de consumer la personne qui en est affectée, au point de devenir l'obsession de sa vie. Ce n'est pas une coïncidence si la Mishnoh attribue cette maxime à nul autre que Rébbi `al´ozor Haqqappor, le même Sage qui condamne le Nozir pour s'être volontairement abstenu de vin. En d'autres mots, Rébbi `al´ozor, qui a mis en avant les dangers auxquels on se livre en se préoccupant des plaisirs et des vanités, nous avertit également contre les privations excessives. Le même Sage qui nous a alertés contre les risques de la concupiscence décourage l'ascétisme dans les termes les plus durs.

C'est cette pair d'observations faites par Rébbi `al´ozor Haqqappor qui mena le Ramba''m vers cette conclusion qu'en dépit du fait que « La jalousie, la cupidité et les honneurs retirent l'homme du monde », la modération reste néanmoins le mode de conduite approprié. Les dangers de la complaisance ne justifient pas de recourir aux mesures d'abstinence extrêmes, comme nous le voyons notamment chez bon nombre de Hasidhim qui, sous couvert des nombreux dangers que l'on pourrait retrouver dans le monde extérieur, interdisent tout et n'importe quoi ; et de la même façon, les dangers des honneurs ne justifient pas que l'on s'humilie (par exemple, en se privant de tout et en s'habillant comme un clochard). La façon de s'assurer que la convoitise, la jalousie, le désir ou les honneurs ne retirent pas la personne du monde ne consiste pas à recourir aux extrêmes opposés de ces traits, mais plutôt à mener une vie de modération et à se comporter d'une manière réfléchie et équilibrée en toute circonstance.

Les deux remarques de Rébbi `al´ozor Haqqappor constituent donc l'idéal de modération que le Ramba''m chérissait tant et qu'il décrit avec détails dans les premiers chapitres des Hilkôth Dé´ôth de son Mishnéh Tôroh.

1Nozir 3a ; Nadhorim 10a
2Bamidhbor 6:14
3Hilkôth Dé´ôth 3:1-2
4Bamidhbor 6:11

5Talmoudh, Ta´anith 11a