vendredi 17 juin 2016

Le pardon dans la tradition juive II

ב״ה

Le pardon dans la tradition juive II


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Dans la première partie, nous nous sommes principalement focalisés sur le pardon Divin. Nous allons à présent voir ce qu'il en est du pardon entre les hommes. Voici ce qu'écrit le Ramba''m ז״ל dans son Mishnéh Tôroh1 :

Il est défendu d'être cruel et de ne pas s'apaiser. On doit plutôt être facilement apaisé et difficilement irrité. Et quand l'offenseur a demandé pardon, on doit lui pardonner d'un cœur entier et d'un esprit généreux. Même s'il nous a causé de la peine et commis de nombreuses offenses contre nous, on ne doit ni nous venger ni garder rancune contre lui. Telle est la conduite de la postérité d'Israël, et leur cœur droit. Mais les Gôyim incirconcis de cœur ne sont pas ainsi ; plutôt, « ils se complaisent dans une haine sans fin ».2 C'est ainsi qu'il est dit au sujet des Gabaonites3 : « Et les Gabaonites ne faisaient pas partie des Israélites », parce qu'ils n'ont pas pardonné aux Israélites.
לְפִי שֶׁאָסוּר לָאָדָם שֶׁיִּהְיֶה אַכְזָרִי וְלֹא יִתְפַּיַּס, אֵלָא יִהְיֶה נוֹחַ לְרַצּוֹת וְקָשֶׁה לִכְעֹס, וּבְשָׁעָה שֶׁמְּבַקֵּשׁ מִמֶּנּוּ הַחוֹטֶא לִמְחֹל, מוֹחֵל בְּלֵבָב שָׁלֵם וּבְנֶפֶשׁ חֲפֵצָה; וְאַפִלּוּ הֵצֵר לוֹ הַרְבֵּה וְחָטָא לוֹ הַרְבֵּה, לֹא יִקֹּם וְיִטֹּר. וְזֶה הוּא דַּרְכָּם שֶׁלְּזֶרַע יִשְׂרָאֵל, וְלִבָּם הַנָּכוֹן. אֲבָל הַגּוֹיִים עַרְלֵי לֵב אֵינָן כֵּן, אֵלָא "וְעֶבְרָתוֹ שְׁמָרָה נֶצַח"; וְכֵן הוּא אוֹמֵר עַל הַגִּבְעוֹנִים לְפִי שֶׁלֹּא מָחֲלוּ לְיִשְׂרָאֵל, "וְהַגִּבְעֹנִים לֹא מִבְּנֵי יִשְׂרָאֵל הֵמָּה

Après avoir établit dans les Halokhôth 11 à 13 l'obligation de demander pardon à la victime pour obtenir l'expiation pour les péchés interpersonnels, le Ramba''m s'adresse à présent à la victime, et exige qu'il accorde de bon cœur son pardon à celui qui l'a offensé. Peu importe la gravité ou le nombre de fois où il a été offensé, la victime est enjointe à accorder son pardon plutôt que de conserver de mauvais sentiments à l'égard de l'offenseur.

Ce commentaire, le Ramba''m ne l'a évidemment pas inventé ; il tire ses origines dans de très nombreux passages du Talmoudh, comme par exemple dans la Gamoro` de Bavo` Qammo` 92a. Après l'enlèvement de Soroh `imménou ע״ה par `avimalakh, ce dernier la rendit à `avrohom `ovinou ע״ה et lui demanda pardon. `avrohom `ovinou pria immédiatement le Tout-Puissant (puisse Son nom être béni d'éternité en éternité) en faveur de `avimalakh, comme il est rapporté dans la Tôroh4 : וַיִּתְפַּלֵּל אַבְרָהָם, אֶל-הָאֱלֹהִים; וַיִּרְפָּא אֱלֹהִים אֶת-אֲבִימֶלֶךְ וְאֶת-אִשְׁתּוֹ, וְאַמְהֹתָיו « Et `avrohom pria Dieu, et Dieu guérit `avimalakh, sa femme et ses servantes », indiquant par-là son pardon sincère et authentique pour le crime commis par le roi vis-à-vis de son épouse. La Gamoro` considère le comportement de `avrohom `ovinou comme étant le précédent qui établit le fait d'accorder son pardon, même dans des cas d'offenses particulièrement graves.

De même, dans la Gamoro` de Yômo` 87b, il est rapporté l'enseignement de Ravo` ז״ל selon quoi celui qui s'habitue à מעביר על מידותיו « Ma´avir ´al Middôthow » (ignorer ses envies de représailles) méritera des mesures similaires de pardon de la part du Tout-Puissant ית׳. Le Talmoudh fait clairement comprendre que cette déclaration de Ravo` est la Halokhoh. Cette Halokhoh est mentionnée dans le Talmoudh en signe de désapprobation du refus de Rébbi Hanino` ז״ל de pardonner Rov pour l'avoir insulté.

Pour revenir à la Halokhoh susmentionnée du Ramba''m, il précise qu'accorder le pardon est non seulement obligatoire mais fait également partie du comportement moral d'un Israélite : וְזֶה הוּא דַּרְכָּם שֶׁלְּזֶרַע יִשְׂרָאֵל, וְלִבָּם הַנָּכוֹן « Telle est la conduite de la postérité d'Israël, et leur cœur droit ». Il fait ensuite référence à l'incident décrit dans 2 Shamou`él Chapitre 21, où la tribu des Gabaonites demanda l'exécution de sept descendants de Sho`oul Hammalakh ע״ה en représailles pour les crimes qu'il avait commis contre eux. Leur refus catégorique de refuser tout règlement pacifique du conflit mais d'exiger plutôt la mort de sept descendants de Sho`oul Hammalakh5, qui n'avaient rien à voir avec les actes qu'auraient pu commettre le roi, prouvait la méchanceté de leurs cœurs. Dans ce contexte-là, le Prophète se fait alors un point d'honneur d'insister sur le fait que cette tribu-là n'appartenait pas aux Bané Yisro`él6, ce que le Ramba''m interprète comme voulant marquer un contraste avec la Middoh naturelle des Bané Yisro`él qui, eux, pardonnent de bon cœur. C'était à cause du fait que הַגִּבְעֹנִים לֹא מִבְּנֵי יִשְׂרָאֵל הֵמָּה « les Gabaonites ne faisaient pas partie des Bané Yisro`él », et ne possédaient donc pas cette Middoh du pardon avec compassion, qu'ils furent si cruels et exigèrent un tel « dédommagement » pour venger les crimes de Sho`oul Hammalakh.

Il est écrit dans la Tôroh7 : לֹא-תִקֹּם וְלֹא-תִטֹּר אֶת-בְּנֵי עַמֶּךָ « Ne te venge pas et ne garde pas rancune aux enfants de ton peuple ». Le Ramba''m explique ce verset de la façon suivante8 :

9. Celui qui se venge de son coreligionnaire transgresse une [Miswoh] Lô` Tha´asah, car il est dit : « Ne te venge pas ».9 Et bien qu'il n'y ait pas de flagellation, c'est un très mauvais trait de caractère. Plutôt, il convient que l'homme détache [ses sentiments] de toutes les choses du monde10, car quiconque est doté d'intelligence est conscient que ce sont des choses vaines et sans valeur, et pour lesquelles il ne convient pas de se venger.
ט  הַנּוֹקֵם אֶת חֲבֵרוֹ--עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה, שֶׁנֶּאֱמָר "לֹא-תִקֹּם". וְאַף עַל פִּי שְׁאֵינוּ לוֹקֶה, דֵּעָה רָעָה הִיא עַד מְאוֹד; אֵלָא רָאוּי לָאָדָם לִהְיוֹת מַעְבִיר עַל כָּל דִּבְרֵי הָעוֹלָם--שֶׁהַכֹּל אֵצֶל הַמְּבִינִים דִּבְרֵי הֶבֶל וַהֲבָאי, וְאֵינָן כְּדַאי לִנְקֹם עֲלֵיהֶם
10. Comment [se comprend] la vengeance ? Son coreligionnaire lui a dit « Prête-moi ta hache ! », [et] il lui répond : « Je ne te la prêterai pas ! ». Le lendemain, il a besoin de lui demander [une faveur] et lui dit : « Prête-moi ta hache ! », [et son coreligionnaire] lui répond : « Je ne te la prêterai pas, de la même manière que tu ne me l'as pas prêtée lorsque je te l'ai demandée », ceci est [appelé] « se venger ». Plutôt, lorsqu'on vient lui demander [une faveur], il doit l'accorder d'un cœur entier, sans lui rendre la pareille pour ce qu'il lui a fait subir. Il en est de même pour tout cas semblable. Ainsi, Dowidh, par ses bons traits de caractère, a dit11 : « Si j'ai rendu la pareille, fait payer celui qui m'a fait du mal, etc. »
י  כֵּיצַד הִיא הַנְּקִימָה: אָמַר לוֹ חֲבֵרוֹ הַשְׁאִילֵנִי קַרְדֻּמָּךְ, אָמַר לוֹ אֵינִי מַשְׁאִילָךְ; לְמָחָר צָרַךְ לִשְׁאֹל מִמֶּנּוּ, אָמַר לוֹ הַשְׁאִילֵנִי קַרְדֻּמָּךְ, אָמַר לוֹ אֵינִי מַשְׁאִילָךְ, כְּדֶרֶךְ שֶׁלֹּא הִשְׁאַלְתַּנִי כְּשֶׁשָּׁאַלְתִּי מִמָּךְ--הֲרֵי זֶה נוֹקֵם. אֵלָא כְּשֶׁיָּבוֹא לִשְׁאֹל, יִתֵּן בְּלֵב שָׁלֵם וְלֹא יִגְמֹל לוֹ כַּאֲשֶׁר גְּמָלוֹ; וְכֵן כָּל כַּיּוֹצֶא בְּאֵלּוּ. וְכֵן אָמַר דָּוִיד בְּדֵעוֹתָיו הַטּוֹבוֹת, אִם-גָּמַלְתִּי, שׁוֹלְמִי רָע
11. De même, quiconque garde rancune contre l'un des Israélites transgresse une [Miswoh] Lô` Tha´asah, car il est dit : « et ne garde pas rancune aux enfants de ton peuple ». Comment cela [s'applique-t-il] ? Ra`ouvén a dit à Shim´ôn : « Loue-moi cette maison ! », ou « Prête-moi ce bœuf ! », mais Shim´ôn n'a pas voulu. Quelques jours plus tard, Shim´ôn a besoin [d'aller voir] Ra`ouvén pour lui emprunter ou lui louer [un bien], et Ra`ouvén lui dit : « Le voici, je te le prête ! Je ne suis pas comme toi. Et je ne te traiterai pas comme tu l'as fait ». Celui qui agit ainsi transgresse [l'interdiction de] « et ne garde pas rancune ».
יא  וְכֵן כָּל הַנּוֹטֵר לְאֶחָד מִיִּשְׂרָאֵל--עוֹבֵר בְּלֹא תַעֲשֶׂה, שֶׁנֶּאֱמָר "וְלֹא-תִטֹּר אֶת-בְּנֵי עַמֶּךָ". כֵּיצַד: רְאוּבֵן שֶׁאָמַר לְשִׁמְעוֹן שְׂכֹר לִי בַּיִת זֶה, אוֹ הַשְׁאִילֵנִי שׁוֹר זֶה, וְלֹא רָצָה שִׁמְעוֹן; לְיָמִים צָרַךְ שִׁמְעוֹן לִרְאוּבֵן לִשְׁאֹל מִמֶּנּוּ אוֹ לִשְׂכֹּר, וְאָמַר לוֹ רְאוּבֵן הֵא לָךְ, הֲרֵינִי מַשְׁאִילָךְ, וְאֵינִי כְּמוֹתָךְ, וְלֹא אֲשַׁלַּם לָךְ כְּמַעֲשֶׂיךָ--הָעוֹשֶׂה כְּזֶה, עוֹבֵר בְּ"לֹא תִטֹּר
12. Plutôt, il doit effacer la chose de son cœur et ne pas nourrir de la rancœur, car tant qu'il nourrit de la rancœur et se remémore la chose, peut-être qu'il en viendrait à se venger. C'est pourquoi, la Tôroh a condamné la rancune, au point [d'exiger] que l'on efface de son cœur le tord (qui nous a été causé] et ne se le remémore plus. Et ceci est un trait de caractère droit, qui rend possible une vie civilisée et des relations commerciales entre les êtres humains.
יב  אֵלָא יִמְחֶה הַדָּבָר מִלִּבּוֹ וְלֹא יִטְּרֶנּוּ, שֶׁכָּל זְמָן שְׁהוּא נוֹטֵר אֶת הַדָּבָר וְזוֹכְרוֹ, שֶׁמֶּא יָבוֹא לִנְקֹם. לְפִיכָּךְ הִקְפִּידָה תּוֹרָה עַל הַנְּטִירָה, עַד שֶׁיִּמְחֶה הֶעָווֹן מִלִּבּוֹ כְּלָל וְלֹא יִזְכְּרֶנּוּ; וְזוֹ הִיא הַדֵּעָה הַנְּכוֹנָה שֶׁאִפְשָׁר שֶׁיִּתְקַיַּם בָּהּ יִשּׁוּב הָאָרֶץ, וּמַשָּׂאָן וּמַתָּנָן שֶׁלִּבְנֵי אָדָם זֶה עִם זֶה

Le Ramba''m définit ici la vengeance comme étant le fait d'agir avec hostilité envers un Israélite en réponse à l'hostilité de ce dernier à notre égard, alors que la rancune diffère de la vengeance dans le sens où elle implique une façon de parler à l'autre Israélite qui indique clairement qu'on lui tient toujours rigueur pour ce qu'il a pu faire ou dire. La vengeance se transgresse par des actes, alors que la rancune se transgresse en parlant de telle sorte à rappeler à l'autre ce qu'il nous a fait, même si on agit bien à son égard. Le fait de ne pas accorder le pardon à un Israélite qui le demande sincèrement pourrait entrer dans la catégorie de la « vengeance », dans le sens où ne pas lui pardonner est un acte concret de représailles, tout comme cela pourrait entrer dans la catégorie de la « rancune », dans le sens où lorsqu'on a refusé de lui pardonner, on a exprimé verbalement qu'on continue à entretenir de mauvais sentiments à son égard.

Ailleurs, le Ramba''m écrit ceci12 :

7. Lorsqu'un homme pèche contre un [autre] homme, [ce dernier] ne doit pas le mépriser et garder le silence, comme ce qui est écrit au sujet des impies13 : « `avsholôm ne parla à `amnôn ni en mal ni en bien, car `avsholôm haïssait `amnôn ». Plutôt, il est une Miswoh qui lui incombe de le lui faire savoir et de lui dire : « Pourquoi m'as-tu fait ceci et cela ? » ou « Pourquoi as-tu péché de telle façon envers moi ? », car il est dit14 : « tu réprimanderas certainement quelqu'un de ton peuple, et n'assume pas de péché à cause de lui ». Et s'il15 se reprend et lui demande de lui pardonner, il16 doit pardonner et ne doit pas être cruel, car il est dit17 : « et `avrohom pria Dieu, etc. »
ז  כְּשֶׁיֶּחֱטָא אִישׁ לְאִישׁ--לֹא יִשְׂטְמֶנּוּ וְיִשְׁתֹּק, כְּמוֹ שֶׁנֶּאֱמָר בָּרְשָׁעִים "וְלֹא-דִבֶּר אַבְשָׁלוֹם עִם-אַמְנוֹן, לְמֵרָע וְעַד-טוֹב: כִּי-שָׂנֵא אַבְשָׁלוֹם, אֶת-אַמְנוֹן"; אֵלָא מִצְוָה עָלָיו לְהוֹדִיעוֹ וְלוֹמַר לוֹ, לָמָּה עָשִׂיתָ לִי כָּךְ וְכָּךְ וְלָמָּה חָטָאתָ לִי בְּדָבָר פְּלוֹנִי: שֶׁנֶּאֱמָר "הוֹכֵחַ תּוֹכִיחַ אֶת-עֲמִיתֶךָ, וְלֹא-תִשָּׂא עָלָיו חֵטְא". וְאִם חָזַר וּבִקַּשׁ מִמֶּנּוּ לִמְחֹל לוֹ, צָרִיךְ שֶׁיִּמְחֹל; וְלֹא יְהֶא הַמּוֹחֵל אַכְזָרִי, שֶׁנֶּאֱמָר: וַיִּתְפַּלֵּל אַבְרָהָם, אֶל-הָאֱלֹהִים
Lorsqu'un homme pèche contre un [autre] homme, [ce dernier] ne doit pas le mépriser et garder le silence, comme ce qui est écrit au sujet des impies : « `avsholôm ne parla à `amnôn ni en mal ni en bien, car `avsholôm haïssait `amnôn » : `avsholôm avait tous les droits de haïr `amnôn qui avait violé et déshonoré Tomor, la sœur de `avsholôm. Néanmoins, `avsholôm est critiqué pour ne pas avoir fait savoir ses mauvais sentiments et tenté de résoudre pacifiquement ou légalement son différent avec `amnôn.

Le Ramba''m emploie cette exemple pour montrer les effets négatifs que peut avoir le fait de garder du ressentiment contre quelqu'un sans les exprimer, et faire semblant qu'il n'y a aucun problème alors que ce n'est pas le cas. Pour finir, `avsholôm a tué `amnôn, déclenchant ainsi toute une série d'événements dramatiques qui atteignirent leur point culminant avec une sanglante guerre civile et la propre mort de `avsholôm.

Plutôt, il est une Miswoh qui lui incombe de le lui faire savoir : Exprimer à son prochain les griefs que l'on a contre lui est compté comme l'une des 613 Miswôth de la Tôroh dans le Séfar Hammiswôth18 et le Séfar Hahinoukh19. Cette Miswoh possède deux dimensions :

  1. exprimer ouvertement ce que l'on reproche à son prochain, comme cela est expliqué dans cette Halokhoh-ci, et
  2. réprimander un pécheur.

et de lui dire : « Pourquoi m'as-tu fait ceci et cela ? » ou « Pourquoi as-tu péché de telle façon envers moi ? », car il est dit : « tu réprimanderas certainement quelqu'un de ton peuple, et n'assume pas de péché à cause de lui » : La Tôroh nous dit ceci20 : לֹא-תִשְׂנָא אֶת-אָחִיךָ, בִּלְבָבֶךָ; הוֹכֵחַ תּוֹכִיחַ אֶת-עֲמִיתֶךָ, וְלֹא-תִשָּׂא עָלָיו חֵטְא. לֹא-תִקֹּם וְלֹא-תִטֹּר אֶת-בְּנֵי עַמֶּךָ, וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ: אֲנִי, יְהוָה « Ne hais pas ton frère dans ton cœur. Tu réprimanderas certainement quelqu'un de ton peuple, et n'assume pas de péché à cause de lui. Ne te venge pas, et ne garde pas rancune envers les enfants de ton peuple ; aime ton prochain comme toi-même. Je suis `adhônoy ». Chacune des phrases de ce verset est halakhiquement significative. Il commence par nous informer que nourrir de la haine envers un coreligionnaire israélite est interdit. Puis, il nous explique la réaction à avoir si de mauvais sentiments à l'égard d'un coreligionnaire israélite naissent en nous : on doit le réprimander, c'est-à-dire lui faire clairement savoir ce qu'on lui reproche. Ensuite, il nous enseigne que nos ressentiments et griefs doivent s'exprimer de façon à ne pas humilier son coreligionnaire, car on commettrait alors un péché en le réprimandant. Ainsi, le verset peut être compris de la façon suivante : Ne nourris pas de haine dans ton cœur. Plutôt, informe ton coreligionnaire Israélite de tes griefs, mais fais-le d'une manière qui n'est pas fautive.

Et s'il se reprend et lui demande de lui pardonner, il doit pardonner : Voir dans le Talmoudh21, où plusieurs exemples sont donnés de Sages qui ravalaient leur fierté et acceptaient de faire des choses inhabituelles afin de créer des circonstances appropriées qui permettraient à quelqu'un qui avait péché contre eux de leur demander pardon.

et ne doit pas être cruel, car il est dit : « et `avrohom pria Dieu, etc. » : Le récit rapporte comment est-ce qu'après que Dieu eut puni `avimalakh, roi des Philistins, d'une maladie pour avoir enlevé Soroh `imménou, il la rendit à `avrohom `ovinou, qui pria pour la guérison de `avimalakh. Bien que `avrohom avait été lésé, il pardonna de bon cœur `avimalakh une fois qu'il lui eut rendu sa femme.

Dans un autre passage du Mishnéh Tôroh il écrit ceci22 :

Il est défendu pour la victime d'être cruelle et de ne pas pardonner. Ce n'est pas la voie de la postérité d'Israël. Une fois que l'offenseur lui demande [pardon] et le supplie une ou deux fois, et qu'il sait qu'il s'est repenti de son péché et regrette son mal, il [la victime] doit lui pardonner. Et quiconque pardonne rapidement est digne de louanges et les Sages se complaisent en lui.
וְאָסוּר לַנֶּחְבָּל לִהְיוֹת אַכְזָרִי, וְלֹא יִמְחֹל לוֹ; וְאֵין זוֹ דֶּרֶךְ זֶרַע יִשְׂרָאֵל. אֵלָא כֵּיוָן שֶׁבִּקַּשׁ מִמֶּנּוּ הַחוֹבֵל, וְנִתְחַנַּן לוֹ פַּעַם רִאשׁוֹנָה וּשְׁנִיָּה, וְיָדַע שְׁהוּא שָׁב מֵחֶטְאוֹ, וְנִחַם עַל רָעָתוֹ--יִמְחֹל לוֹ. וְכָל הַמְּמַהֵר לִמְחֹל--הֲרֵי הוּא מְשֻׁבָּח, וְרוּחַ חֲכָמִים נוֹחָה הִמֶּנּוּ

Il est important de faire remarquer que dans tous ces passages du Mishnéh Tôroh que nous avons rapportés et qui sont basés sur la Halokhoh talmudique, le Ramba''m établit clairement qu'il ne fait référence qu'à des situations où l'offenseur a demandé pardon à la victime. Il semble que l'obligation de pardonner un Israélite ne s'applique pas si l'offenseur ne montre aucun remords et ne semble pas intéressé par le pardon de la victime. Cela est plus particulièrement évident lorsque le Ramba''m a écrit : כֵּיוָן שֶׁבִּקַּשׁ מִמֶּנּוּ הַחוֹבֵל, וְנִתְחַנַּן לוֹ פַּעַם רִאשׁוֹנָה וּשְׁנִיָּה, וְיָדַע שְׁהוּא שָׁב מֵחֶטְאוֹ « Une fois que l'offenseur lui demande [pardon] et le supplie une ou deux fois, et qu'il sait qu'il s'est repenti de son péché et regrette son mal ». La victime n'est tenue de pardonner qu'une fois qu'elle sait que l'offenseur s'est repenti de son péché et le regrette. Et si ce n'est pas le cas, la victime a toutes les raisons de penser que l'offenseur n'a aucun sentiment de remords pour son crime et n'est alors pas tenue de pardonner. C'est pourquoi, le Ramba''m énumère également certaines situations pour lesquelles il a tranché qu'il est interdit de pardonner tant que l'offenseur ne pas sincèrement demandé pardon. Par exemple, dans les Hilkôth Talmoudh Tôroh Chapitre 7, le Ramba''m insiste sur le fait qu'un Talmidh Hokhom doit être pardonneur et tolérant, même à l'égard de ceux qui l'insultent et le dénigrent. Mais il ajoute tout de suite après les précisions suivantes quant à l'application de cette Halokhoh :

Quand est-ce que cela s'applique-t-il ? Quand ils l'ont insulté ou dénigré en privé ! Mais si un disciple des Sages s'est fait insulter ou dénigrer en public, il lui est interdit de pardonner concernant son honneur, et s'il pardonne, il doit être puni, car c'est une insulte à [l'honneur de] la Tôroh. Il doit plutôt se venger et garder rancune sur le sujet comme un serpent, jusqu'à ce qu'on lui a demandé pardon, et il devra [alors] pardonner.
בַּמֶּה דְּבָרִים אֲמוּרִים, בְּשֶׁבִּזּוּהוּ אוֹ חֵרְפוּהוּ בַּסֵּתֶר. אֲבָל תַּלְמִיד חֲכָמִים שֶׁבִּזָּהוּ אוֹ חֵרְפוֹ אָדָם בְּפַרְהֶסְיָה, אָסוּר לוֹ לִמְחֹל עַל כְּבוֹדוֹ. וְאִם מָחַל--נֶעְנָשׁ, מִפְּנֵי שֶׁזֶּה בִּזְיוֹן תּוֹרָה: אֲבָל נוֹקֵם וְנוֹטֵר הַרְבֵּה כַּנָּחָשׁ, עַד שֶׁיְּבַקַּשׁ מִמֶּנּוּ מְחִילָה; וְיִסְלַח לוֹ

Dans le cas d'un Talmidh Hokhom, qui représente une Tôroh Vivante, la Halokhoh interdit effectivement de pardonner jusqu'à ce que l'offenseur se soit excusé sincèrement. Étant donné que le dénigrement public d'un Talmidh Hokhom constitue un dédain pour la Tôroh elle-même, cela ne peut pas être pardonné jusqu'à ce que l'offenseur se soit repenti et ait demandé pardon.

Concernant les gens ordinaires, il semblerait donc que la victime soit tenu à pardonner rapidement, car ce n'est que son propre honneur qui a été sali, alors que dans le cas d'un Talmidh Hokhom, c'est la Tôroh qui est salie. Mais même dans le cas des gens ordinaires, comme cela a été dit et répété à maintes reprises, l'obligation de pardonner ne s'applique que lorsque l'offenseur exprime (en paroles ou en actes) des remords et demande pardon à la victime.

1Hilkôth Tashouvoh 2:14
2´omôs 1:11
32 Shamou`él 21:2
4Baré`shith 20:17
52 Shamou`él 21:4
6Ibid., verset 2
7Wayyiqro` 19:18
8Hilkôth Dé´ôth 7:9-12
9L'interdiction de se venger d'un Israélite fait partie des 613 Miswôth de la Tôroh
10C'est-à-dire de tout e qui pourrait lui arriver et que les autres pourraient lui faire dans ce monde
11Tahillim 7:5
12Hilkôth Dé´ôth 6:7
132 Shamou`él 13:22
14Wayyiqro` 19:17
15Celui qui a péché contre son prochain
16Celui contre qui la faute a été commise
17Baré`shith 20:17
18Miswoh Positive n°205
19Miswoh n°239
20Wayyiqro` 19:17-18
21Yômo` 87a

22Hilkôth Hôvél Oumazziq 5:10