בס״ד
Réflexions
sur la bonne et mauvaise éducation torahique – Partie IV
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- La nature des déclarations midrashiques/`aggadiques
Bien
que certains rabbins aient favorisé une interprétation
littéralistes des paroles de HaZa''l, de nombreux autres ont
rejeté dans le langage le plus dur cette approche. HoRov Savi
Hirsch Hayyôth (5565-5615), l'un des plus grands talmudistes
de Galicie et ardent défenseurs de la sagesse de HaZa''l, fit
l'observation suivante :
Il
existe quelques sujets dans la Gamoro` dont le sens ne peut être
pris littéralement, parce que le texte pris littéralement
dépeindrait D.ieu comme un être corporel, et constituerait de temps
à autres un acte de blasphème. Nous devrions, et nous y sommes en
réalité astreints, croire que les transmetteurs de la vraie
Qabboloh, qui nous sont connus pour être des hommes justes et saints
et également comme des Talmidhé Hakhomim accomplis, ne
s'exprimeraient pas d'une manière si absurde. Nous devons, par
conséquent, croire que leurs paroles furent prononcées dans un sens
allégorique ou mystique et qu'elles renvoient à des choses de
l'importance la plus élevée, qui dépassent de loin notre capacité
mentale.
HoRov
Hayyôth offrit des exemples d'enseignements rabbiniques qui
furent donnés d'une manière rhétorique afin d'éveiller la
curiosité des auditeurs ; qui exprimaient des idées profondes
dans un style figuré ; qui usaient de paraboles et
d'hyperboles. Prendre ces Midhroshim littéralement aurait pour
conséquence de complètement mal comprendre les méthodes et
messages de HaZa''l.
HoRov
Hayyim Dowidh Halléwi fit remarquer que HaZa''l
étaient fréquemment en désaccord les uns les autres dans leurs
interprétations midrashiques. Il est impossible que deux opinions
opposées puissent toutes deux être historiquement vraies !
Par exemple, la Tôroh rapporte qu'après la mort de Yôséph
Hassaddiq un nouveau Pharaon se leva sur l’Égypte. Le
Talmoudh déclare que Rov suggéra que cela se référait
littéralement à un nouveau Pharaon, tandis que Shamou`él
interpréta cette phrase torahique comme voulant dire qu'il
s'agissait du même Pharaon mais qui passa des décrets nouveaux
contre les Israélites. Ces deux déclarations ne peuvent pas être
vraies simultanément !1
Ni Rov ni Shamou`él n'apporta la moindre preuve historique ou
traditionnelle pour soutenir son opinion ; plutôt, leurs
opinions découlaient de leur propre lecture du texte biblique !
Il est donc important de comprendre que les Midhroshim ne font PAS
partie de la Tôroh Orale d'Israël, mais ne sont que les
lectures et compréhensions personnelles de nos Sages sur le texte
biblique !
Les
interprétations de HaZa''l étaient souvent énoncées afin
de communiquer une leçon morale, et non pour commenter des
événements réellement historiques. Par exemple, le Talmoudh
rapporte que Rov Nahmon suggéra que Ya´aqôv
`ovinou et sa famille, sur le chemin vers l’Égypte pour se réunir
à Yôséph, s'arrêtèrent à Ba`ér
Shova´ et abattirent des arbres qui avaient été plantés par
`avrohom `ovinou. Ils emportèrent ce bois avec eux en Égypte, et le
gardèrent tout au long des siècles de leur esclavage égyptienne.
Lorsqu'ils quittèrent l’Égypte, ils emportèrent ce bois avec
eux, et l'utilisèrent pour bâtir le Mishkon dans le désert.2
C'est une belle façon de lier ensembles l'histoire des Israélites à
leur ancêtre originel, `avrohom. Toutefois, il n'existe aucune
raison de supposer, et encore moins d'affirmer, que Rov Nahmon
fit des recherches historiques qui le conduisirent vers cette
interprétation, et il n'y a également aucune raison convaincante de
croire qu'il détenait une tradition orale à ce sujet ; chose
que lui-même n'a, d'ailleurs, pas prétendu ! L'importance et
la signification de cette interprétation n'ont rien à voir avec son
historicité, mais tout à voir avec l'influence endurante de
`avrohom sur les Bané Yisro`él.
Puisque
HaZa''l faisaient usage de diverses techniques littéraires et
rhétoriques, il est essentiel de prendre leurs déclarations avec
recul. Il est aussi essentiel de reconnaître que leurs
interprétations reflètent leurs propres opinions personnelles, et
non une tradition orale clairement définie ou divinement ordonnée.
HoRov
Hay Go`ôn enseigna que la `aggodhoh incluait des déclarations
des Sages où « chacun interprétait selon ce qui lui
montait au cœur ». Il ajouta que nous ne nous appuyons
pas sur les paroles de la `aggodhoh, mais les considérons comme des
opinions personnelles.3
HoRov Shariro` Go`ôn
enseigna que la `aggodhoh, le Midhrosh et les interprétations
homilétiques de la Bible doivent être classés dans la catégorie
des `oumdano`, c'est-à-dire des opinions personnelles et
spéculations.4
Le Go`ôn Shamou`él ban
Hôphni déclara : « Si les paroles des
anciens contredisent la raison, nous ne sommes pas obligés de les
accepter ! »5
La
position selon laquelle les déclarations de HaZa''l ne
doivent pas être comprises littéralement a une longue et distinguée
tradition acceptée par tous les Ga`ônim (rabbins venus juste après
la période du Talmoudh), Shamou`él Hannoghidh, Ribbénou, son fils,
et de nombreux autres Ri`shônim (les rabbins venus juste après la
période des Ga`ônim). Plus récemment, cette position fut
magistralement défendue par HoRov Samson Raphaël Hirsch, qui
déclara que « les dires `aggadiques n'ont pas d'origine
sinaïques...Et quelqu'un dont l'opinion diffère de celle de nos
Sages en matière de `aggodhoh ne doit pas être traité d'hérétique,
d'autant que les Sages eux-mêmes divergeaient fréquemment ».
Lorsque
nous enseignons des Midhroshim/`aggodhôth, nous devons être
suffisamment sophistiqués pour considérer ces passages dans leur
contexte littéraire et rhétorique. Nous ne devons pas forcer une
interprétation littéraliste, encore moins lorsqu'une telle
interprétation va à l'encontre de la raison, ou lorsque des
interprétations alternatives valides sont également disponibles.
Certains
Sages examinèrent les histoires bibliques et calculèrent que Rivqoh
`imménou était âgée de trois ans lorsqu'elle abreuva les chameaux
du serviteur de `avrohom. Ce calcul, rapporté dans le Sédhar ´ôlom,
suppose que `avrohom envoya son serviteur trouver une épouse à
Yishoq `ovinou immédiatement après la ´aqédhoh. Et
pourtant, la Tôroh elle-même ne précise pas que cela se produisit
immédiatement après la ´aqédhoh ou s'il y eut un laps de quelques
années entre les deux histoires. Bien que Rash''i rapporte cet
enseignement midrashique dans son commentaire de la Tôroh, ses
propres disciples, les Tôsophôth, rapportent un autre calcul
rabbinique qui conclut que Rivqoh aurait été âgée de quatorze ans
lorsqu'elle abreuva les chameaux !6
Ainsi, les commentaires de Rash''i ne constituent pas une vérité
absolue. Il est étrange de voir que l'étude de la Tôroh de nos
jours se résume à simplement étudier la Tôroh avec Rash''i, alors
que même au sein de la littérature rabbinique classique il y a des
divergence d'opinion quant à l'âge qu'avait Rivqoh. L'opinion selon
quoi elle était âgée de trois ans avait simplement pour but de
mettre en avant les qualités inhabituelles, voire même
miraculeuses, de Rivqoh, mais n'est pas à prendre littéralement. De
l'autre côté, l'opinion selon quoi elle était âgée de quatorze
ans désirait comprendre le texte d'une manière plus réaliste et
rationnelle, puisqu'il est clair, à partir du texte lui-même, que
Rivqoh était suffisamment mature que pour abreuver des chameaux,
décider de quitter sa famille afin de se marier, et pour épouser
Yishoq. Il est donc intenable de prétendre qu'elle n'avait
que trois ans littéralement.
Ainsi,
lorsqu'on discute de l'âge de Rivqoh avec nos enfants et élèves,
ce n'est pas un problème de rapporter l'enseignement rabbinique
selon quoi elle avait trois ans, en tant que moyen midrashique de
mettre en avant les qualités inhabituelles de Rivqoh, tout comme un
Midhrosh voudrait que `avrohom aurait découvert HaShem à l'âge de
trois ans. Mais il faut également faire parvenir à leur
connaissance qu'un enseignement rabbinique plus valide que celui-ci
soutient que Rivqoh avait en fait quatorze ans à ce moment (et
`avrohom, quarante, quarante-huit, ou cinquante ans, lorsqu'il
découvrit D.ieu). Cette approche est évidemment plus raisonnable et
rationnelle. Aucun parent ou enseignant ne doit insister pour qu'un
enfant ou élève croit que Rivqoh était âgée de trois ans « parce
que HaZa''l l'ont dit ». Or, HaZa''l
ont aussi dit qu'elle avait quatorze ans ! Il faut dire aux
enfants et élèves que les déclarations midrashiques sont souvent
énoncées pour communiquer une leçon, et non pour rapporter des
vérités historiques. Si on fait le choix de citer ou d'enseigner un
Midhrosh, il faut alors prendre le temps d'enseigner les leçons
qu'il communique.
Lorsqu'un
Midhrosh est enseigné comme s'il faisait partie intégrale du texte
biblique, cela porte préjudice au texte biblique, et aussi au
Midhrosh. Les élèves doivent constamment être capables de
différencier entre ce qui est dit dans le texte, et ce qui n'est
rien d'autre qu'une interprétation rabbinique. Il faut plus
particulièrement faire attention lorsque des Midhroshim incluent des
détails surnaturels ou très bizarres ; les élèves pourraient
en arriver à croire que ces éléments midrashiques font réellement
partie de la bible. Car si on ne leur apprend pas à différencier
entre le texte et son interprétation homilétique, si un jour ils en
arrivent à rejeter ces Midhroshim bizarres ils pourraient
culpabiliser en pensant faussement rejeter la bible elle-même ;
et cela peut mener à davantage de catastrophes spirituelles.
Une
tendance bien connue du Midhrosh est de glorifier les personnages
justes et dépeindre de façon vile les personnages mauvais. Les
héros bibliques deviennent plus larges que la vie dans leurs
bontés ; et les vilains bibliques sont caractérisés par
toutes sortes de vices et défauts. Cela fait partie de la méthode
hyperbolique et moralisante de la littérature midrashique. Cette
méthode midrashique doit être enseignée aux élèves, de sorte
qu'ils se familiarisent avec le style de HaZa''l dans leurs
éloges des justes et condamnations des impies. Cette méthode nous
permettra de comprendre la façon qu'a le Midhrosh de présenter
Washti.
Le
texte de la Maghilloh ne nous dit pratiquement rien sur Washti. Nous
ne savons pas pourquoi elle refusa de se présenter malgré l'ordre
du roi. Son refus pourrait être très positivement interprété :
elle était pudique, et refusa courageusement d'obéir à l'ordre
inapproprié de son époux (en effet, du texte de la Maghilloh, on
peut aisément déduire que l'ordre du roi était qu'elle se présente
toute nue devant tous les invités.) Néanmoins, l'esprit midrashique
veut démoniser `ahashwérôsh et sa femme. Pour se faire, le
Midhrosh sous-entend que Washti était une descendante du méchant
Navoukhadhna`ssar ; c'est pour cela qu'elle aurait été
la compagne parfaite de `ahashwérôsh. Ils sont tous les deux
corrompus. Si elle fait partie de la famille impie de
Navoukhadhna`ssar, c'est qu'elle aussi doit être mauvaise.
Pourquoi, donc, ne s'est-elle pas présentée malgré l'ordre de
`ahashwérôsh ? La raison ne pouvait pas être qu'elle
était pudique ou courageuse ; sinon cela la dépeindrait d'une
façon positive. C'est la raison pour laquelle le Midhrosh suggère,
sans doute avec une dose d'humour, que Washti était dotée de
défauts physiques hideux (de longues oreilles et une queue), de
sorte qu'elle avait honte de paraître devant le roi et ses convives.
C'est pour cela qu'elle refusa de venir. Cette description
midrashique prive ainsi Washti de la moindre vertu morale, et fait
d'elle un personnage puni de défauts physiques symbolisant en
réalité son âme mauvaise. Il n'y a donc rien de littéral ou de
véridique dans ce Midhrosh !
En
vérité, nous pouvons nous interroger s'il y a la moindre pertinence
éducative à enseigner cette interprétation midrashique à des
enfants à l'école maternelle. Il est improbable qu'ils puissent
comprendre la méthode midrashique cachée derrière cette
description de Washti. Les enseignants pourraient aimer l'enseigner
afin de faire rire les enfants et éveiller leur imagination. Mais à
long terme cette leçon fait du tort aux enfants, à moins que
l'enseignant stipule clairement qu'il ne s'agit là que d'une
exagération midrashique sur Washti, mais non d'une partie de la
description que le texte de la Maghilloh fait d'elle. HaZa''l
n'ont jamais affirmé que leurs Midhroshim devaient être
inséparables et indistinguables du texte biblique, et nous ne devons
pas non plus faire une telle affirmation pour eux !
Les
conclusions à tirer de cette série de quatre articles devraient
être claires et évidentes pour tous ceux qui sont intéressés à
donne une éducation torahique véridique et authentique à leurs
enfants et élèves. Pourtant, le fait est que beaucoup de mauvaises
éducations se retrouvent dans nos maisons, synagogues et écoles.
Une approche simpliste et littéraliste des paroles de HaZa''l
continue d'avoir de l'influence, et est même très répandue. Ce
n'est pas seulement intellectuellement et pédagogiquement insensé ;
c'est même carrément une humiliation et dégradation de la Tôroh
et de HaZa''l, comme cela fut dit par Ribbénou lui-même !
Nous devons tous élever nos voix pour l'amour de la Tôroh, de la
vérité et du bien-être religieux de nos générations.
1´aséh
Lakho Rov 5:49
2Midhrosh
Rabboh Hammavô`or, Volume 4, Baré`shith 94:4
3`ôsar
Hagga`ônim, Volume 4, pages 59-60
4Ibid.,
page 60
5Ibid.,
pages 4-5
6Tôsophôth,
sur Yavomôth 61b