jeudi 29 août 2019

La Kashrouth de la cochenille


בס״ד

La Kashrouth de la cochenille


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Dans la question qu'il m'avait soumise au sujet de la Kashrouth de la gélatine, Yaacov B. avait également inclus une question sur la Kashrouth de la cochenille. Pour revoir la question, voir l'article intitulé « La Kashrouth de la gélatine ». Pour des raisons évidentes de clarté, et afin de ne pas être trop long, j'ai fait le choix de répondre séparément à ces questions, car il s'agit de deux sujets différents, quoique liés l'un avec l'autre. Ainsi, après avoir répondu concernant la gélatine, je vais à présent en faire de même au sujet de la cochenille. Mais pour cela, je vais devoir faire deux digressions : tout d'abord expliquer ce qu'est la cochenille, et ensuite la base du débat entre les Pôsaqim concernant son statut de Kashrouth. Soyez donc patients, car tous ces éléments sont nécessaires à établir avant d'apporter une quelconque réponse.

Que nous le sachions ou pas, et que nous l'apprécions ou pas, bon nombre de nos aliments sont colorés par une horde d'agents colorants ; certains proviennent de produits alimentaires, tels que des betteraves, des baies, du sucre, du safran et du roucou ; tandis que d'autres proviennent de matériaux non comestibles tels que le charbon ou le pétrole, des sources dont la plupart des consommateurs préféraient ignorer la présence dans leurs aliments. Bien que les colorants industriels puissent compromettre la Kashrouth d'un produit fini, peu de colorants alimentaires sont eux-mêmes obtenus de matériaux non Koshér. Cependant, deux pigments alimentaires tirent leurs sources de substances non Koshér : l'un est le carmin, également appelé cochenille, qui est une couleur rouge abondamment employée pour colorer des fruits, des yaourts, des jus, des cerises au marasquin, etc., et l'autre est l'œnocyanine, une couleur rouge ou pourpre qui est tout autant employée dans des boissons, des fourrages aux fruits et des confiseries. L'origine de la carmine provient d'une cochenille.

Lorsque les Espagnols colonisèrent le Nouveau Monde, ils découvrirent une cochenille, appelée punaise cochenille, qui affichait une couleur rouge huit fois plus brillante que le kermès. Les Espagnols chérirent cet insecte, développant et commercialisant son pigment rouge carmin. C'est depuis lors que la cochenille est employée comme colorant dans la nourriture.

Une fois que tout cela est connu, le colorant à base de cochenille est-il Koshér ? Pour répondre à cette question, nous devons faire notre seconde digression : quelle est l'origine du débat existant sur le statut de Kashrouth de la cochenille ?

Les artisans chargés de la construction du Mishkon utilisaient une teinture, תּוֹלָעַת שָׁנִי « Tôlo´ath Shoni », qui est souvent supposé être le « sang » d'un insecte, dans la fabrication des vêtements du Kôhén Godhôl. Cette couleur était-elle Koshér ? Elle était aussi utilisée pour teindre les rideaux et les couvertures du Mishkon. En outre, produire les cendres de la Poroh `adhoumoh1, purifier un Masôro´ et décontaminer une maison devenue Tomé` nécessitaient également l'usage de la Tôlo´ath Shoni2. Comme nous allons le découvrir, identifier correctement la Tôlo´ath Shoni n'affecte pas seulement ces Halokhôth et celles relatives au Béth Hammiqdosh, mais également le statut de Kashrouth des aliments et boissons que nous mangeons et buvons.

Comme cela est évident à partir du verset suivant, אִם-יִהְיוּ חֲטָאֵיכֶם כַּשָּׁנִים כַּשֶּׁלֶג יַלְבִּינוּ, אִם-יַאְדִּימוּ כַתּוֹלָע כַּצֶּמֶר יִהְיוּ « Si vos fautes étaient comme les Shonim, elles blanchiront comme la neige ; si elles rougissaient comme le Tôlo´, elles deviendront comme la laine »3, la Tôlo´ath Shoni est une couleur rouge. Sur base de cela, quelques Pôsaqim identifient la Tôlo´ath Shoni comme du kermès, une nuance d'écarlate que l'on obtient à partir des insectes cochenilles4. Les anciens dérivaient une teinture rouge à partir des corps séchés d'espèces appelées « ilices kermès », qui servaient d'un des pigments les plus importants durant des milliers d'années. D'ailleurs, le mot « cramoisi » découle de cette ancienne teinture.

Mais la Tôlo´ath Shoni et le kermès sont-ils même identiques ? Nous devrions noter que le mot Hébreu תּוֹלַעַת « Tôla´ath », qui est généralement traduit par « ver », pourrait inclure aussi bien des insectes que d'autres petits invertébrés. Ainsi, il se pourrait très bien que la Tôlo´ath Shoni dont parle la Tôroh soit un insecte coccoidea qui produit une teinture rouge. Et le Rada''q ז״ל déclare que cette teinture provient du ver de terre. De même, le Rambo''m ז״ל définit la Tôlo´ath Shoni de la manière suivante5 : הוּא הַצֶּמֶר הַצָּבוּעַ בַּתּוֹלַעַת « c'est de la laine teinte avec la Tôla´ath ».

Mais Ribbénou Bahayyé ז״ל s'offusque de cette approche6, et insiste plutôt sur le fait que seules des espèces Koshér pourraient être utilisées pour la fabrication du Mishkon et les vêtements des Kôhanim. Il se base sur la déclaration du Talmoudh selon quoi « seuls des éléments qu'il est autorisé de consommer sont utilisés pour la ´avôdhath HaShem », et le Talmoudh déclare que cela nous enseigne que l'on ne peut utiliser que des éléments Koshér dans la fabrication des Taphillin.7 Ribbénou Bahayyé fait une extrapolation et suppose que le Mishkon, dont le but était de servir HaShem ית׳, nécessite donc lui aussi obligatoirement que tous ses matériaux soient Koshér.

Comment répond-t-il alors au fait que la Tôlo´ath Shoni est décrite comme provenant d'un ver de terre ?

Ribbénou Bahayyé explique que la teinture appelée Tôlo´ath Shoni ne découle pas de l'insecte même, mais plutôt d'un fruit ou d'une baie qui contient un insecte. Le Rambo''m8 et Rash''i9 ז״ל expliquent tous deux également la Tôlo´ath Shoni de cette manière-là. Ainsi, nous pourrions modifier l'explication précédemment donnée sur les propos du Rambo''m, הוּא הַצֶּמֶר הַצָּבוּעַ בַּתּוֹלַעַת « c'est de la laine teinte avec la Tôla´ath », comme voulant plutôt dire « c'est de la laine teinte avec un fruit qui contient un ver ».

De ce fait, Ribbénou Bahayyé, et possiblement le Rambo''m et Rash''i aussi, identifient la Tôlo´ath Shoni comme un fruit qui possède à l'intérieur un ver de terre, alors que le Rada''q comprend la Tôlo´ath Shoni comme un dérivé de l'insecte kermès lui-même. Comment donc le Rada''q résout-il le problème soulevé par Ribbénou Bahayyé selon quoi seuls des éléments Koshér pourraient être utilisés pour accomplir des Miswôth ? Il existe quatre façons de répondre à cela :

  1. Certains soutiennent que seule la substance de base utilisée pour accomplir la Miswoh doit être Koshér, mais pas une teinture qui recouvre simplement la surface.10 Par conséquent, la Tôlo´ath Shoni pourrait bien provenir d'une source non Koshér, étant donné que ce n'est pas le matériau utilisé pour la Miswoh, mais sert uniquement à colorer les matériaux utilisés.

  1. D'autres soutiennent que l'interdiction d'utiliser des éléments non Koshér pour des Miswôth ne s'appliquent qu'aux Taphillin, Mazouzôth et autres Miswôth qui nécessitent d'employer le nom de HaShem ou des versets du TaNa''Kh, mais que l'on pourrait utiliser des éléments non Koshér dans le Béth Hammiqdosh.11 D'après cette approche, la Tôlo´ath Shoni est acceptable pour le Béth Hammiqdosh, même si elle est considérée non Koshér.

  1. Une troisième approche soutient que la teinture de kermès est Koshér, étant donné que sa source originelle ne peut plus être identifiée. Cette approche est basée sur les Ri`shônim, qui soutenaient qu'une nourriture interdite devenait Koshér lorsqu'elle était transformée complètement en une nouvelle substance. Le Rô`''sh12 ז״ל cite Ribbénou Yônoh, qui permet d'utiliser du musc, un parfum tiré de la glande de quelques animaux différents, dont beaucoup ne sont pas Koshér, comme arôme alimentaire, parce qu'il a déjà été transformé en une nouvelle substance ne pouvant plus être identifiée à sa source. De même, le Rambo''m identifie le musc comme l'un des ingrédients dans l'encens brûlé dans le Béth Hammiqdosh. Sur base de ces Ri`shônim, qui sont unanimes, on peut théoriser que bien que la source du kermès ne soit pas Koshér, la teinture est en elle-même Koshér. (Presque comme nous l'avions dit concernant la gélatine.)

  1. D'autres, enfin, soutiennent que la coloration du kermès est Koshér, étant donné que ces créatures sont préalablement séchées –et de la poudre dérivée d'un insecte séché durant douze mois (ou l'équivalent) est considérée être insignifiante et, par conséquent, Koshér.13

Nous avons donc différentes façons d'expliquer comment la Tôlo´ath Shoni pourrait effectivement bien être identifiée au kermès égyptien tout en étant néanmoins une teinture acceptée pour des objets liés à une Miswoh, tels que les vêtements des Kôhanim, et les rideaux et couvertures du Mishkon. Analyser les différentes opinions sur la Tôlo´ath Shoni mène à une discussion pratique quant à savoir si le kermès ou la cochenille est un colorant alimentaire Koshér.

La Kashrouth des pigments de kermès et de cochenille repose sur l'acceptabilité ou pas du kermès dans la teinture des vêtements des Kôhanim. Voilà pourquoi cette longue digression était nécessaire. Repassons en revue les quatre approches susmentionnées et voyons comment cela impacte la Kashrouth de la cochenille :

  • L'approche 1) susmentionnée permettait de teindre un objet de Miswoh avec un matériau non Koshér, étant donné que ce dernier n'est pas l'objet principal, mais seulement une coloration. Ceux qui suivent cette approche interdisent d'utiliser une couleur provenant d'une source non Koshér dans un produit que l'on compte consommer.

  • L'approche 2) tranchait que les objets d'une Miswoh qui ne contiennent ni le nom de HaShem ni un verset du TaNa''Kh pourraient être produits à partir de substances non Koshér. Ceux qui suivent cette approche interdisent aussi l'usage des colorants de kermès ou de carmin pour la nourriture.

Néanmoins, les approches 3) et 4) susmentionnées autorisent d'utiliser du colorant de cochenille dans un produit Koshér.

  • L'approche 3) soutenait que la couleur est à présent transformée en une substance complètement différente et a par conséquent perdu son statut non Koshér.

  • L'approche 4) soutenait que les écailles du kermès sont séchées au point où elles ne constituent plus un élément non Koshér. C'est pour cette raison que plusieurs Pôsaqim soutiennent que le carmin (cochenille) est Koshér14. D'ailleurs, il y a quelques années d'ici, il était possible de voir le carmin être certifié Koshér par des Talmidhé Hakhomim responsables et instruits. Mais aujourd'hui, à cause du radicalisme dans les milieux orthodoxes, et aussi suite au bannissement de tout type d'étude scientifique dans les milieux orthodoxes (ce qui cause une ignorance abyssale parmi les religieux, qui tranchent des interdictions sur des sujets qu'ils ne maîtrisent même pas), toutes les agences de Kashrouth que je connais traitent le colorant de la cochenille comme étant non Koshér.

Il existe une dernière approche, qui est une approche de compromis. Le Shoulhon ´oroukh15 et d'autres autorités16 tranchent comme les Ri`shônim, qui permettent une substance non Koshér après qu'elle ait été transformée, mais ajoutent que ce n'est le cas que si la substance n'était pas interdite à la consommation Min Hattôroh. Si sa consommation était interdite par injonction rabbinique, beaucoup d'autorités permettent son usage une fois transformée.17

Comme vous pouvez le constater, il existe de nombreuses approches, dont certaines autorisent la consommation de la cochenille sans aucun problème. Puisque la question n'est pas tranchée, ceux qui consomment des aliments contenant de la cochenille ont sur qui s'appuyer.

Cet article est aussi une réponse à l'ironie d'un lecteur du blog qui faisait remarquer, le ton un peu moqueur, qu'il était impossible de répondre à des questions contemporaines en ne s'appuyant que sur le Talmoudh ou le Rambo''m, et qu'il fallait donc, selon lui, uniquement se référer aux décisionnaires contemporains. Cet argument démontre de la part de celui qui l'avance une ignorance profonde de la manière dont une Halokhoh est tranchée, car même les décisionnaires contemporains ne tranchent jamais une question moderne sans se référer au préalable à des problèmes analogues que l'on retrouve dans les écrits antérieurs. Comme je l'ai fait remarquer à cette personne, il serait étonné de voir comment les sources anciennes contiennent en réalité tout ce dont nous avons besoin pour trancher des questions modernes et contemporaines. Et la question de la Kashrouth de la cochenille en est une belle illustration, car bien qu'utiliser la cochenille pour colorer les aliments n'était pas une technique connue dans les temps bibliques et talmudiques, puisque cette technique ne fut inventée que par les Espagnols, son statut de Kashrouth dépend en réalité d'une discussion analogue concernant la permissivité d'utiliser des éléments non Koshér pour le Mishkon.

Ainsi, sachez que tous les problèmes contemporains ont toujours nécessairement des sources antérieures que l'on peut utiliser pour parvenir à une réponse érudite et bien argumentée.
1Bamidhbor 19:6
2Wayyiqro` 14:4, 49
3Yasha´yohou 1:18
4Voir le commentaire du Rada''q sur 2 Divré Hayyomim 2:6
5Mishnéh Tôroh, Hilkôth Kalé Hammiqdosh Waho´ôvadhim Bô
6Voir son commentaire sur Shamôth 25:3
7Shabboth 28a
8Mishnéh Tôroh, Hilkôth Poroh `adhoumoh Chapitre 3
9Voir son commentaire sur Yasha´yohou 1:18
10Shou''th Nôdha´ Biyhoudhoh II, `ôrah Hayyim #3
11Le Ra''n sur Rô`sh Hashshonoh 26b ; Shou''th Nôdha´ Biyhoudhoh II, `ôrah Hayyim #3
12Barokhôth 6:35 ; Shou''th 24:6
13Voir Pishé Tashouvoh, Yôréh Dé´oh 87:20 ; Darakhé Tashouvoh, Yôréh Dé´oh 87:20 et 102:30 ; Shou''th Minhath Yishoq 3:96:2
14Pishé Tashouvoh, Yôréh Dé´oh 87:20 ; Shou''th Minhath Yishoq 3:96:2
15Yôréh Dé´oh 114:2
16Voir le Ramo''`, `ôrah Hayyim 467:8 ; Moghén `avrohom 216:3
17Le Pari Maghodhim, le Hatho''m Sôphér, le `imré Yôshér ou encore le Mishnoh Barouroh

mardi 27 août 2019

La Kashrouth de la gélatine


בס״ד

La Kashrouth de la gélatine


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La question suivante m'a été posée par Yaacov B. :

Que pensez-vous et que dit le Rambam ou la Talmud ou la Halakha sur les colorants émulsifiants, gélatines, qui sont utilisés dans les produits alimentaires industriels ? Sont ils casher ?

Je sais qu il y a beaucoup de Rabbins qui interdisent les colorants E120 ( la couleur rouge de certains bonbons ou Yaourts par exemple, car issue de la Cochenille ou de la gélatine provenant d'animaux non casher comme le porc). Quant est il réellement de la halakha, sachant que d'autres Poskim permettent sur la base que ces colorants ou émulsifiants ou gélatines sont tellement transformés qu ils ne sont plus assimilables à l'animal d'origine dont ils sont issus ? D'autres soutiennent qu ils ne donnent pas de goût au produit fini mais sont utilisés juste pour donner de la couleur (le carmin par exemple), ou permettent d'améliorer l'aspect par exemple, ou donner du volume (gélatine de porc dans la crème fraîche comme épaississant).

Personnellement, j'en ai marre de me référer à des listes casher qui changent tous les 6 mois au grès ...du chèque que donne le fabricant à tel ou tel Beth Din....

C'est une question très pertinente qui illustre les difficultés que posent les produits transformés au niveau du respect de la Kashrouth. Et comme je l'ai déjà dénoncé à plusieurs reprises, la Kashrouth de notre époque est devenue un véritable business, avec toutes les dérives, exagérations et abus qui accompagnent généralement ce terme.

Avant de répondre à la question, nous nous devons de faire un petit rappel sur ce qu'est la gélatine et comment l'obtient-on.

La gélatine est une protéine dérivée d'une protéine naturelle appelée collagène. Le collagène est le composant du tissu conjonctif animal, des os, des tendons et de la peau. La gélatine n'a aucun goût en elle-même. La gélatine est largement utilisée dans l'industrie pharmaceutique pour enrober des gélules et maintenir des comprimés ensemble. De plus, la gélatine est utilisée dans les guimauves, le yaourt, la crème glacée, le Jell-o, pour éliminer l'effet nuageux ou la brume dans le jus de pomme, dans les oursons en gélatine, les pastilles pour la gorge, les glaçages, les suppléments de protéines et les sucres glacés.

La source de la gélatine provient presque toujours des os ou peaux d'animaux non Koshér. Pour améliorer la qualité du processus, la matière première est prétraitée en trempant les os durs dans un mélange de chaux et d'eau pendant 70 à 120 jours. Les os mous et les peaux sont traités avec une concentration de 5% d'acides minéraux pendant dix à trente heures. La gélatine est ensuite extraite du matériau prétraité dans un processus semblable à la cuisson. Les os sont chauffés en une série de cycles à des températures croissantes. Finalement, il se forme une liqueur de gélatine qui est ensuite filtrée et évaporée pour éliminer l'eau et concentrer la liqueur. La liqueur est ensuite refroidie pour former un gel. Le gel est séché et découpé selon les formes souhaitées.

Les fabricants ont découvert que s'ils fabriquaient de la gélatine à partir de la peau de jeunes porcs, ils auraient beaucoup moins besoin de croquer que s'ils la fabriquaient à partir d'os d'animaux. Pour cette raison, environ 90% de la gélatine est d'origine porcine - à base de porc - et la gélatine de qualité supérieure à base d'os est réservée à l'industrie photographique.

Sur base de tout cela, quel est réellement le statut halakhique de la gélatine ?

Les os et les peaux d'animaux ne sont pas considérés comestibles, et sont donc Koshér, même s'ils proviennent d'un animal non Koshér ou d'une Navéloh. Voici ce que le Rambo''m ז״ל rapporte dans son Mishnéh Tôroh1 :
Celui qui mange de la peau, des os, des tendons2, des cornes, ou des sabots provenant d'une Navéloh, ou Taréphoh, ou d'une Bahémoh ou d'une Hayyoh impures, [ou qui mange] des ongles d'un volatile aux endroits où le sang survient lorsqu'ils ont été coupés, ou [qui mange] de leur placenta, bien que cela soit défendu, voici, celui-ci est exempt [de punition], parce que ceux-là ne sont conviennent pas à la consommation.
הָאוֹכֵל מִנְּבֵלָה וּטְרֵפָה, אוֹ מִבְּהֵמָה וְחַיָּה הַטְּמֵאִים--מִן הָעוֹר, וּמִן הָעֲצָמוֹת, וּמִן הַגִּידִים, וּמִן הַקְּרָנַיִם וְהַטְּלַפַּיִם, וּמִן הַצִּפָּרְנַיִם שֶׁלְּעוֹף מִמְּקוֹמוֹת שֶׁמְּבַצְבֵּץ מִשָּׁם הַדָּם כְּשֶׁיֵּחָתְכוּ, וּמִן הַשִּׁלְיָה שֶׁלָּהֶן--אַף עַל פִּי שְׁהוּא אָסוּר, הֲרֵי זֶה פָּטוּר מִפְּנֵי שְׁאֵין אֵלּוּ רְאוּיִין לַאֲכִילָה

Le Rambo''m déclare ainsi clairement que bien que la consommation de ces choses soit défendue, celui qui les consomme n'encourt aucune sanction. Les propos du Rambo''m ont été interprété de deux manières :
  1. certains Pôsaqim le comprennent comme voulant dire que consommer ces choses n'est interdit qu'au niveau rabbinique mais pas biblique ;
  2. d'autres le comprennent comme voulant dire qu'il n'y a ni interdit biblique, ni interdit rabbinique, à consommer ces choses, mais que par « interdit » il voulait juste dire que c'est l'habitude des gens de s'en abstenir.

Mais qu'on le comprenne d'une manière ou d'une autre, le Rambo''m tranche qu'il n'y a aucune transgression (au moins biblique) dans le fait de consommer ces choses. Puisqu'il parle de la peau et des os d'animaux non Koshér, cela inclut donc également la gélatine, qui ne serait donc pas interdite d'après le Rambo''m, car, à la base, toutes ces choses qu'il cite ne sont pas considérés être des aliments. Toutefois, deux Halokhôth plus loin, le Rambo''m cite la Mishnoh de Houllin qui rapporte une série d'exceptions à cette règle. Une des exceptions est la peau du porc domestique, qui a le même statut que de la viande, et est donc considéré comestible et est, par conséquent, non Koshér (la peau du porc sauvage est trop dure que pour être consommée ; par conséquent, consommer un dérivé de la peau d'un porc sauvage est autorisé). Ainsi, la Halokhoh talmudique autorise parfaitement la gélatine faite à partir de la peau du bœuf ou à partir d'os d'animaux, mais interdit de consommer de la gélatine faite à partir de la peau de porcs domestiques. Or, la quasi totalité de la gélatine porcine est obtenue de porcs domestiques. De ce fait, si de la gélatine est d'origine porcine, il faudra se renseigner si elle a été obtenue à partir des os d'un porc domestique (auquel cas c'est autorisé) ou de la peau d'un porc domestique (auquel cas c'est interdit). Pour votre information, voici la liste complète donnée par la Mishnoh, concernant les peaux qui sont considérées comme de la viande, et sont donc interdites à la consommation :

  • la peau de l'homme
  • la peau du porc domestique
  • la peau d'une bosse de chameau qui n'a jamais porté de charge sur lui ou qui n'est pas suffisamment mature que pour pouvoir porter des charge, qui est encore tendre
  • la peau de la matrice
  • la peau en-dessous de la queue
  • la peau d'un fœtus
  • la peau du hérisson
  • la peau du crocodile
  • la peau du lézard
  • et la peau de la limace.

Ainsi, si la gélatine provient d'une source autre que ces dix sources, elle n'est pas prohibée à la consommation d'après le Talmoudh.

Voici deux arguments supplémentaires ayant été invoqués pour autoriser la gélatine.

  1. La gélatine a changé

Le Hophés Hayyim ז״ל écrit dans son Mishnoh Barouroh que le musc, qui est un sous-produit du sang qui a été trouvé dans la nuque d'un cerf, doit être considéré comme ayant été « changé », puisque le sang a été transformé en une entité totalement nouvelle. De nombreux Pôsaqim suivent cette approche. Faisant appel au même raisonnement, quelques Pôsaqim permettent l'usage de la gélatine puisqu'elle est totalement transformée par rapport à son état originel.

  1. Estomac desséché

Le Ramo''` ז״ל tranche que si la paroi stomacale d'un animal a été salée et asséchée au point qu'elle devient comme un morceau de bois, il est permis de la remplir alors de lait étant donné qu'elle n'a absolument plus le moindre goût de viande. Le même raisonnement est employé concernant la gélatine, qui est complètement asséchée (sans compter qu'à la base, la gélatine n'a pas de goût).

La question qui peut se poser est celle-ci : si un aliment non Koshér devient comme du bois mais que plus tard il redevient consommable, cela change-t-il ou pas son statut ? En d'autres mots, conserve-t-il son précédent statut d'aliment non Koshér ou devient-il Koshér parce qu'il a été asséché comme du bois ? Certains Pôsaqim tranchent qu'une fois qu'il a été asséché il ne retrouve plus son statut non Koshér.

En conclusion : Talmudiquement parlant, la gélatine n'est interdite que si elle provient de la peau de dix sources susmentionnées. Autrement, elle est autorisée. Et voici comment ont tranché les Pôsaqim contemporains : l'opinion du Achiezer et d'autres est d'autoriser la consommation de la gélatine ; l'opinion du Râv Henkin est qu'étant donné que la question n'est pas tranchée, on devrait être strict et se l'interdire par Houmroh ; l'opinion du Rabbinat Israélien est de permettre la consommation de la gélatine, tandis que le Hekhsher Mehadrin en Israël n'autorise pas la gélatine ; les organismes majeurs de Kashrouth aux USA n'autorisent que la gélatine certifiée ; le Râv Moshé Feinstein a tranché que la gélatine était en principe autorisée à la consommation mais a préconisé de ne pas l'autoriser car le grand public serait incapable de comprendre comment un produit à base de porc pourrait être Koshér. C'est pour cela que le Consistoire de France n'autorise pas la gélatine animale. Ainsi, ceux qui interdisent le font principalement par Houmroh et non pas parce qu'il y aurait une interdiction halakhique à en consommer.

À noter que la gélatine obtenue à partir de poisson est autorisée par tous les avis, tout comme celle obtenue à partir d'un animal Koshér.
1Hilkôth Ma`akholôth `asourôth 4:22
2Dans son commentaire sur la Mishnoh de Houllin 9:1, le Rambo''m déclare que le terme גִּידִים inclut aussi les veines, les artères et les nerfs

lundi 26 août 2019

L'âme du Juif est-elle une partie de HaShem en haut ?


בס״ד

Le Tanya & ses hérésies d'un point de vue maïmonidien


L'âme du Juif est-elle une partie de HaShem en haut ?

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J'ai reçu plusieurs e-mails concernant mes articles concernant les hérésies des Loubavitchs en particulier, et des Hasidhim en général. Plusieurs lecteurs me questionnent notamment sur le Tanya, que j'ai décrit comme un ouvrage remplit de ´avôdhoh Zoroh, d'hérésies, de racisme, et de distorsions de versets bibliques, et me demandent de préciser ma pensée. Je vais donc consacrer une série d'articles spécialement sur le sujet du Tanya, pour exposer méthodiquement plusieurs des erreurs fondamentales et distorsions qu'enseigne ce livre.

Pour les non initiés, le Tanya est comme la bible du hassidisme. C'est dans cet ouvrage que sont mentionnées et détaillées toutes les doctrines fondamentales de cette branche du judaïsme (qui a été excommuniée par le Go`ôn de Wilno`). Vous pouvez lire l'intégralité du Tanya en français sur le lien suivant.

Nous allons commencer par l'un des enseignements centraux et fondamentaux du hassidisme, à savoir, que les Juifs, contrairement, aux Gôyim, seraient dotés d'une âme Divine qui serait littéralement une partie de Dieu en haut.

Au tout début du chapitre 2, voici ce que dit le Tanya : ונפש השנית בישראל היא חלק אלו-ה ממעל ממש « Et la seconde âme [qui se trouve exclusivement] dans l'Israélite est véritablement une partie de Dieu en haut ».

Dans le commentaire standard Loubavitch sur le Tanya, appelé « Leçons de Tanya » (que vous pouvez commander sur le site internet du Beth Loubavitch), voici comment est commenté ce passage :

L’expression « partie de D.ieu en haut » est une citation des Hagiographes (Job 31, 2). Le mot « véritablement » insiste sur son sens littéral. En effet, certains versets emploient un langage hyperbolique. Par exemple, le verset qui décrit « les grandes villes fortifiées (jusqu’aux) cieux » doit certainement être compris dans un sens figuré, et non littéralement. Pour que l’on n’interprète pas l’expression « une partie de D.ieu en haut » en ce sens, Rabbi Chnéour Zalman ajoute le mot « véritablement », soulignant ainsi que l’âme juive est littéralement une parcelle de Divinité.

Ainsi, d'après le Tanya, le Juif serait doté de deux âmes que ne possèdent pas les Gôyim. Dans le chapitre 1, le Tanya explique que la première âme qui serait propre aux Juifs émanerait de עץ הדעת טוב ורע « l'arbre de la connaissance du bien et du mal ». Et juste après avoir déclaré cela, le Tanya poursuit en déclarant : מה שאין כן נפשות אומות העולם הן משאר קליפות טמאות שאין בהן טוב כלל כמו שכתוב בעץ חיים שער מ”ט פרק ג'. וכל טיבו דעבדין האומות לגרמייהו עבדין « Il n'en est pas ainsi des âmes des nations du monde ; elles émanent du reste des Qalippôth impures qui ne contiennent pas le moindre bien, comme ce qui est écrit dans le ´és Hayyim, Porte 49, Chapitre 3. Et tout le bien que font les nations elles ne le font qu'à des fins personnelles ». Ainsi, les Gôyim seraient complètement incapables de faire preuve d'altruisme, et d'accomplir des actes envers les autres par pure bonté et désintérêt. Seuls les Juifs en seraient capables, car l'âme des Gôyim émaneraient des Qalippôth impures. Le commentaire Loubavitch ajoute : « Puisque leurs âmes procèdent des klipot dépourvues de bien, leurs bonnes actions sont uniquement motivées par des intentions égoïstes ». Et à présent, au Chapitre 2, le Tanya parle de la seconde âme qui serait propre aux Juifs en la décrivant comme étant littéralement une partie de HaShem ית׳ en haut. Donc, les Juifs seraient dotés d'une âme Divine émanant littéralement de HaShem, alors que les Gôyim seraient dotés exclusivement d'une âme émanant des forces du mal les plus impures. Et le commentaire Loubavitch ajoute que cette doctrine d'âme Juive émanant littéralement de HaShem serait une citation de `iyôv 31:2. Tout ceci est de la pure hérésie.

Le Rambo''m ז״ל et tous les Rabbonim du Talmoudh affirment que nous ne savons rien de l'essence de HaShem. En outre, HaShem n'a pas de partie. S'Il n'a pas de partie, rien ne pourrait émaner d'une partie de Lui. En fait, Il n'est comparable à rien de ce qui existerait, comme le Prophète le déclare. En effet, en expliquant le 3ème de ses 13 Principes de Foi, le Rambo''m écrit ceci :

Et Il n'est pas comme un homme qui pourrait être divisé en de nombreuses parties individuelles...et en outre, les Hakhomim ont rejeté la notion selon laquelle HaShem serait composé ou sujet à la division, et le Prophète a dit : וְאֶל-מִי תְדַמְּיוּנִי, וְאֶשְׁוֶה--יֹאמַר, קָדוֹשׁ « Et à qui M'assimilerez-vous et Me comparerez-vous ?, a dit Le Saint » (Yasha´yohou 40:25).

De ce fait, il n'y a pas d'autre mot que celui de « hérésie » pour qualifier les propos du Tanya. Et cela fait partie du péché le plus grave, car l'accomplissement de toutes les Miswôth de la Tôroh devient inutile si nous avons une conception erronée de HaShem (exactement comme les messianiques et autres disciples de Jésus, qui croient en un dieu trinitaire, fractionné en parties). Ces paroles du Tanya renie les principes fondamentaux du judaïsme et l'enseignement du Prophète, mais sont également une distorsion lamentable du verset de `iyôv 31:1-2, sur lequel cette doctrine hérétique serait basée. En effet, voici ce que dit le passage en question :

J'ai contracté une alliance pour mes yeux ; et comment contemplerai-je une vierge ? Et quelle part aurai-je du Dieu en haut, et de l'héritage de Shadday depuis les hauteurs ?
בְּרִית, כָּרַתִּי לְעֵינָי;    וּמָה אֶתְבּוֹנֵן, עַל-בְּתוּלָה. וּמֶה, חֵלֶק אֱלוֹהַּ מִמָּעַל;    וְנַחֲלַת שַׁדַּי, מִמְּרֹמִים

Ici, `iyôv ע״ה déclare qu'il est un Saddiq, et n'a, par conséquent, jamais posé ses regards sur des femmes avec envie. Il ajoute que s'il avait osé faire une telle chose mauvaise, il aurait alors compromis sa חֵלֶק אֱלוֹהַּ מִמָּעַל « part du Dieu en haut », c'est-à-dire qu'il se serait coupé de HaShem et n'aurait pas hérité du ´ôlom Habbo`. Cela fait partie du système de récompense et punition Divine, par lequel HaShem est toujours plus strict et demandeur avec les Saddiqim plus qu'avec les autres personnes. Mais le Tanya manipule les mots חֵלֶק אֱלוֹהַּ מִמָּעַל « part du Dieu en haut », alors que la fin du verset clarifie que l'on parle d'un « héritage », et fait croire que HaShem aurait des « parties ». Or, tout ce que `iyôv dit ici est qu'il risquait de compromettre sa « part » (héritage) venant de HaShem. Par le péché, `iyôv affirme qu'il pourrait perdre ce monde-ci et le monde-à-venir. `iyôv ne décrit absolument pas HaShem, et ne dit pas qu'Il aurait, Hos Washolôm, des parties. Il ne fait que décrire son héritage. La compréhension que le Tanya donne à ce verset est l'une des plus grandes falsifications kabbalistiques des Écritures. Et malheureusement, trop souvent, les gens qui lisent des interprétations kabbalistiques de versets du TaNa''Kh ne prennent pas le temps d'aller voir ces versets dans leur contexte, alors que la règle fondamental est que : « Aucune interprétation ne peut aller contre le sens simple du verset ». C'est ainsi que l'on retrouve bon nombre d'interprétations farfelues du TaNa''Kh dans la littérature kabbalistique.

Sachez, en outre, qu'en parlant du principe fondamental de l'unicité de HaShem, Rabbénou Bahayyé ז״ל a écrit ceci dans son Hôvôth Hallavovôth (Devoirs du Cœur), Porte de l'Unicité, Chapitre 3 : « Quiconque néglige l'étude de l'unicité de HaShem se comporte honteusement, et fait partie de ceux qui manquent de connaissance et de pratique ».

Ce fondement de l'unicité de HaShem est d'une importance si capitale pour la conception Juive authentique de HaShem, que le « Shama´ Yisro`él » doit être récitée deux fois par jour, lorsque nous affirmons que « HaShem est Un ». Et la Tôroh et les Hakhomim disent d'une seule voix que HaShem n'a pas de parties. Le Tanya va donc à l'encontre de HaShem et des Hakhomim, et est prêt à manipuler des versets bibliques pour justifier les hérésies qu'il enseigne.

Prenons garde à toute pensée qui renie les principes fondamentaux du judaïsme.