mardi 27 août 2019

La Kashrouth de la gélatine


בס״ד

La Kashrouth de la gélatine


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La question suivante m'a été posée par Yaacov B. :

Que pensez-vous et que dit le Rambam ou la Talmud ou la Halakha sur les colorants émulsifiants, gélatines, qui sont utilisés dans les produits alimentaires industriels ? Sont ils casher ?

Je sais qu il y a beaucoup de Rabbins qui interdisent les colorants E120 ( la couleur rouge de certains bonbons ou Yaourts par exemple, car issue de la Cochenille ou de la gélatine provenant d'animaux non casher comme le porc). Quant est il réellement de la halakha, sachant que d'autres Poskim permettent sur la base que ces colorants ou émulsifiants ou gélatines sont tellement transformés qu ils ne sont plus assimilables à l'animal d'origine dont ils sont issus ? D'autres soutiennent qu ils ne donnent pas de goût au produit fini mais sont utilisés juste pour donner de la couleur (le carmin par exemple), ou permettent d'améliorer l'aspect par exemple, ou donner du volume (gélatine de porc dans la crème fraîche comme épaississant).

Personnellement, j'en ai marre de me référer à des listes casher qui changent tous les 6 mois au grès ...du chèque que donne le fabricant à tel ou tel Beth Din....

C'est une question très pertinente qui illustre les difficultés que posent les produits transformés au niveau du respect de la Kashrouth. Et comme je l'ai déjà dénoncé à plusieurs reprises, la Kashrouth de notre époque est devenue un véritable business, avec toutes les dérives, exagérations et abus qui accompagnent généralement ce terme.

Avant de répondre à la question, nous nous devons de faire un petit rappel sur ce qu'est la gélatine et comment l'obtient-on.

La gélatine est une protéine dérivée d'une protéine naturelle appelée collagène. Le collagène est le composant du tissu conjonctif animal, des os, des tendons et de la peau. La gélatine n'a aucun goût en elle-même. La gélatine est largement utilisée dans l'industrie pharmaceutique pour enrober des gélules et maintenir des comprimés ensemble. De plus, la gélatine est utilisée dans les guimauves, le yaourt, la crème glacée, le Jell-o, pour éliminer l'effet nuageux ou la brume dans le jus de pomme, dans les oursons en gélatine, les pastilles pour la gorge, les glaçages, les suppléments de protéines et les sucres glacés.

La source de la gélatine provient presque toujours des os ou peaux d'animaux non Koshér. Pour améliorer la qualité du processus, la matière première est prétraitée en trempant les os durs dans un mélange de chaux et d'eau pendant 70 à 120 jours. Les os mous et les peaux sont traités avec une concentration de 5% d'acides minéraux pendant dix à trente heures. La gélatine est ensuite extraite du matériau prétraité dans un processus semblable à la cuisson. Les os sont chauffés en une série de cycles à des températures croissantes. Finalement, il se forme une liqueur de gélatine qui est ensuite filtrée et évaporée pour éliminer l'eau et concentrer la liqueur. La liqueur est ensuite refroidie pour former un gel. Le gel est séché et découpé selon les formes souhaitées.

Les fabricants ont découvert que s'ils fabriquaient de la gélatine à partir de la peau de jeunes porcs, ils auraient beaucoup moins besoin de croquer que s'ils la fabriquaient à partir d'os d'animaux. Pour cette raison, environ 90% de la gélatine est d'origine porcine - à base de porc - et la gélatine de qualité supérieure à base d'os est réservée à l'industrie photographique.

Sur base de tout cela, quel est réellement le statut halakhique de la gélatine ?

Les os et les peaux d'animaux ne sont pas considérés comestibles, et sont donc Koshér, même s'ils proviennent d'un animal non Koshér ou d'une Navéloh. Voici ce que le Rambo''m ז״ל rapporte dans son Mishnéh Tôroh1 :
Celui qui mange de la peau, des os, des tendons2, des cornes, ou des sabots provenant d'une Navéloh, ou Taréphoh, ou d'une Bahémoh ou d'une Hayyoh impures, [ou qui mange] des ongles d'un volatile aux endroits où le sang survient lorsqu'ils ont été coupés, ou [qui mange] de leur placenta, bien que cela soit défendu, voici, celui-ci est exempt [de punition], parce que ceux-là ne sont conviennent pas à la consommation.
הָאוֹכֵל מִנְּבֵלָה וּטְרֵפָה, אוֹ מִבְּהֵמָה וְחַיָּה הַטְּמֵאִים--מִן הָעוֹר, וּמִן הָעֲצָמוֹת, וּמִן הַגִּידִים, וּמִן הַקְּרָנַיִם וְהַטְּלַפַּיִם, וּמִן הַצִּפָּרְנַיִם שֶׁלְּעוֹף מִמְּקוֹמוֹת שֶׁמְּבַצְבֵּץ מִשָּׁם הַדָּם כְּשֶׁיֵּחָתְכוּ, וּמִן הַשִּׁלְיָה שֶׁלָּהֶן--אַף עַל פִּי שְׁהוּא אָסוּר, הֲרֵי זֶה פָּטוּר מִפְּנֵי שְׁאֵין אֵלּוּ רְאוּיִין לַאֲכִילָה

Le Rambo''m déclare ainsi clairement que bien que la consommation de ces choses soit défendue, celui qui les consomme n'encourt aucune sanction. Les propos du Rambo''m ont été interprété de deux manières :
  1. certains Pôsaqim le comprennent comme voulant dire que consommer ces choses n'est interdit qu'au niveau rabbinique mais pas biblique ;
  2. d'autres le comprennent comme voulant dire qu'il n'y a ni interdit biblique, ni interdit rabbinique, à consommer ces choses, mais que par « interdit » il voulait juste dire que c'est l'habitude des gens de s'en abstenir.

Mais qu'on le comprenne d'une manière ou d'une autre, le Rambo''m tranche qu'il n'y a aucune transgression (au moins biblique) dans le fait de consommer ces choses. Puisqu'il parle de la peau et des os d'animaux non Koshér, cela inclut donc également la gélatine, qui ne serait donc pas interdite d'après le Rambo''m, car, à la base, toutes ces choses qu'il cite ne sont pas considérés être des aliments. Toutefois, deux Halokhôth plus loin, le Rambo''m cite la Mishnoh de Houllin qui rapporte une série d'exceptions à cette règle. Une des exceptions est la peau du porc domestique, qui a le même statut que de la viande, et est donc considéré comestible et est, par conséquent, non Koshér (la peau du porc sauvage est trop dure que pour être consommée ; par conséquent, consommer un dérivé de la peau d'un porc sauvage est autorisé). Ainsi, la Halokhoh talmudique autorise parfaitement la gélatine faite à partir de la peau du bœuf ou à partir d'os d'animaux, mais interdit de consommer de la gélatine faite à partir de la peau de porcs domestiques. Or, la quasi totalité de la gélatine porcine est obtenue de porcs domestiques. De ce fait, si de la gélatine est d'origine porcine, il faudra se renseigner si elle a été obtenue à partir des os d'un porc domestique (auquel cas c'est autorisé) ou de la peau d'un porc domestique (auquel cas c'est interdit). Pour votre information, voici la liste complète donnée par la Mishnoh, concernant les peaux qui sont considérées comme de la viande, et sont donc interdites à la consommation :

  • la peau de l'homme
  • la peau du porc domestique
  • la peau d'une bosse de chameau qui n'a jamais porté de charge sur lui ou qui n'est pas suffisamment mature que pour pouvoir porter des charge, qui est encore tendre
  • la peau de la matrice
  • la peau en-dessous de la queue
  • la peau d'un fœtus
  • la peau du hérisson
  • la peau du crocodile
  • la peau du lézard
  • et la peau de la limace.

Ainsi, si la gélatine provient d'une source autre que ces dix sources, elle n'est pas prohibée à la consommation d'après le Talmoudh.

Voici deux arguments supplémentaires ayant été invoqués pour autoriser la gélatine.

  1. La gélatine a changé

Le Hophés Hayyim ז״ל écrit dans son Mishnoh Barouroh que le musc, qui est un sous-produit du sang qui a été trouvé dans la nuque d'un cerf, doit être considéré comme ayant été « changé », puisque le sang a été transformé en une entité totalement nouvelle. De nombreux Pôsaqim suivent cette approche. Faisant appel au même raisonnement, quelques Pôsaqim permettent l'usage de la gélatine puisqu'elle est totalement transformée par rapport à son état originel.

  1. Estomac desséché

Le Ramo''` ז״ל tranche que si la paroi stomacale d'un animal a été salée et asséchée au point qu'elle devient comme un morceau de bois, il est permis de la remplir alors de lait étant donné qu'elle n'a absolument plus le moindre goût de viande. Le même raisonnement est employé concernant la gélatine, qui est complètement asséchée (sans compter qu'à la base, la gélatine n'a pas de goût).

La question qui peut se poser est celle-ci : si un aliment non Koshér devient comme du bois mais que plus tard il redevient consommable, cela change-t-il ou pas son statut ? En d'autres mots, conserve-t-il son précédent statut d'aliment non Koshér ou devient-il Koshér parce qu'il a été asséché comme du bois ? Certains Pôsaqim tranchent qu'une fois qu'il a été asséché il ne retrouve plus son statut non Koshér.

En conclusion : Talmudiquement parlant, la gélatine n'est interdite que si elle provient de la peau de dix sources susmentionnées. Autrement, elle est autorisée. Et voici comment ont tranché les Pôsaqim contemporains : l'opinion du Achiezer et d'autres est d'autoriser la consommation de la gélatine ; l'opinion du Râv Henkin est qu'étant donné que la question n'est pas tranchée, on devrait être strict et se l'interdire par Houmroh ; l'opinion du Rabbinat Israélien est de permettre la consommation de la gélatine, tandis que le Hekhsher Mehadrin en Israël n'autorise pas la gélatine ; les organismes majeurs de Kashrouth aux USA n'autorisent que la gélatine certifiée ; le Râv Moshé Feinstein a tranché que la gélatine était en principe autorisée à la consommation mais a préconisé de ne pas l'autoriser car le grand public serait incapable de comprendre comment un produit à base de porc pourrait être Koshér. C'est pour cela que le Consistoire de France n'autorise pas la gélatine animale. Ainsi, ceux qui interdisent le font principalement par Houmroh et non pas parce qu'il y aurait une interdiction halakhique à en consommer.

À noter que la gélatine obtenue à partir de poisson est autorisée par tous les avis, tout comme celle obtenue à partir d'un animal Koshér.
1Hilkôth Ma`akholôth `asourôth 4:22
2Dans son commentaire sur la Mishnoh de Houllin 9:1, le Rambo''m déclare que le terme גִּידִים inclut aussi les veines, les artères et les nerfs

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