ב״ה
Le
concept de Moro` Dha`athro`
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Dans
ce nouvel article, nous allons traiter du concept du מָרָא
דְאַתְרָא « Moro`
Dha`athro` », expression
araméenne qui signifie « Le Maître du Lieu » et
qui est le titre accordé à la plus grande autorité religieuse et
halakhique d'un endroit.
Comme
l'indique l'appellation elle-même, les autorités halakhiques sont
traditionnellement régionales ou géographiques. Le rabbin local est
l'autorité de la communauté toute entière. Le Moro` Dha`athro`,
comme le définit le Talmoudh, est l'autorité rabbinique locale à
laquelle toutes les questions halakhiques doivent être adressées.
La
notion de Moro` Dha`athro` a de nombreuses
implications. Du point de vue d'un profane, le plus surprenant est
peut-être le droit d'une communauté à suivre son rabbin, même
contre l'opinion majoritaire. Le Talmoudh célèbre ce droit. La
Mishnoh, au début du dix-neuvième chapitre de Shabboth, rapporte
une Mahlôqath quant à savoir quelles sont les Malo`khôth
autorisées pour se préparer à une Barith Miloh
le Shabboth. Alors que toutes les opinions s'accordent à dire qu'une
Barith Miloh qui est réalisée le huitième jour
a priorité sur le Shabboth, la position majoritaire est que l'on ne
peut pas transgresser le Shabboth pour préparer des outils pour la
Barith Miloh. Cependant, Ribbi `ali´azar
ז״ל
le
permet. Commentant cela, la Gamoro`1
déclare :
En
ce qui concerne cette question, les Hakhomim ont
enseigné dans une Barrayto` : Dans la localité de Ribbi
`ali´azar, où ils suivaient sa décision, ils coupaeint
même des arbres le Shabboth pour en faire du charbon de bois afin de
façonner des outils de fer avec lesquels circoncire un enfant le
Shabboth.
La
Gamoro` rapporte ainsi, sans scrupules, que ceux
qui vivaient dans la ville de Ribbi `ali´azar suivaient
sa position minoritaire. La Gamoro` continue
ensuite avec l'histoire de Ribbi Yôsé le Galiléen ז״ל
qui
a tranché, encore une fois en position minoritaire, qu'il était
permis de manger de la volaille avec du lait, et ses Talmidhim se
conduisaient conformément à son opinion :
Dans
la localité de Ribbi Yôsé le Galiléen, ils mangeaient de la
viande de volaille avec du lait, car Ribbi Yôsé le Galiléen
estimait que l'interdiction de la viande avec du lait n'inclut pas la
volaille. La Gamoro` raconte : Il est arrivé
que Léwi s'est rendu à la maison de Yôséph le chasseur. Ils lui
ont servi la tête d'un paon avec du lait mais il n'a pas mangé.
Lorsque Léwi s'est présenté devant Ribbi Yahoudhoh
Hannosi`, ce dernier lui a dit : « Pourquoi n'as-tu pas
excommunié ces gens qui mangent de la volaille au lait,
contrairement au décret des Hakhomim ? ».
Léwi lui dit : « C'était dans la localité de Ribbi
Yahoudhoh ban Bathéro`,
et je me suis dit : ''Peut-être leur a-t-il enseigné que la
Halokhoh est conforme à l'avis de Ribbi
Yôsé le Galiléen, qui autorise la consommation de viande de
volaille avec du lait'' ».
La
Gamoro` va ensuite plus loin, rapportant que ceux
qui ont suivi ces positions minoritaires ont été récompensés pour
leur attachement aux décisions de leurs rabbins, bien que selon la
majorité des rabbins, ils violaient des interdictions importantes :
R.
Yishoq a dit : Il y avait une ville en `aras
Yisro`él où ils agissaient conformément à l'avis de Ribbi
`ali´azar en ce qui concerne la Barith
Miloh, et ils mourraient à l'heure fixée pour eux et pas plus tôt,
en récompense de leur affection pour cette Miswoh. Et non
seulement cela, mais à une occasion, le méchant empire, Rome, a
publié un décret contre le peuple juif interdisant la Barith
Miloh; mais contre cette ville, il n'a pas publié le décret.
La
question naturelle qui se pose est donc celle-ci : Pourquoi
l'autorité du rabbin local prévaut-elle sur la règle normale de la
majorité ? Le Ritva''` ז״ל
cite
le Ra`ava''d ז״ל,
qui fait deux points essentiels.
Le
premier est que la discussion du Talmoudh se limite aux
cas où il n'y a pas eu de vote formel pour établir la Halokhoh
acceptée.
S'il y en a eu un, le rabbin local doit alors céder. Cela résout le
problème formel de l'exigence de la Tôroh de אַחֲרֵי-רַבִּים,
לְרָעֹת
(suivre
la majorité).2
Deuxièmement,
il soutient que les membres de la ville sont obligés de suivre leur
rabbin en vertu de l'interdiction de לֹא
תָסוּר,
מִן-הַדָּבָר
אֲשֶׁר-יַגִּידוּ
לְךָ--יָמִין
וּשְׂמֹאל
« Ne
t'écarte pas de la chose qu'ils t'auront dite, ni à droite ni à
gauche ».3
S'ils
sont ainsi obligés de suivre l'autorité locale, ils ont évidemment
le droit de le faire même contre la majorité.
Cette position est assez nouvelle, car ce verset est généralement
limité aux décisions du Sanhédhrin, la cour suprême rabbinique,
ou peut-être au consensus des autorités légales qui prend sa place
lorsque le Sanhédhrin n'existe pas.
Indépendamment
de la provenance exacte de cette autorité, il est clair que le
Talmoudh attend de la personne moyenne qu'elle suive son rabbin
local.
Ailleurs,
le
Talmoudh note que les rabbins s’abstenaient de trancher dans les
endroits où il y avait un rabbin au pouvoir.
Par exemple, le Talmoudh4
rapporte que Rov ז״ל
s'est
abstenu de désapprouver publiquement Shamou`él
là où Shamou`él
ז״ל
avait
autorité. Ailleurs5,
le Talmoudh rapporte que Rov a détourné une fois son visage lorsque
Shamou`él
a statué que quelque chose était autorisé que Rov avait pourtant
interdit. Le Talmoudh écrit que Rov devait se détourner pour qu'il
soit clair qu'il n'était pas d'accord avec Shamou`él,
mais il n'a pas exprimé son opposition par respect pour l'autorité
locale de Shamou`él.
Alors que le Mé`iri ז״ל
explique
que Rov ne l'a fait que parce que l'interdiction en question était
rabbinique, le Ritva''` soutient que dans
tous les cas où un rabbin ne croit pas que son collègue a commis
une erreur pure et simple, mais plutôt une erreur de jugement dans
une affaire qui n'est pas noire ou blanche, il n'est pas autorisé à
contester l'autorité locale.
Bien
que la portée exacte de l'autorité du rabbin local ne soit pas
claire, son existence n'est pas contestée. Le Rama''`6
ז״ל,
citant le Mahari''q7
ז״ל,
ajoute plusieurs restrictions. Par exemple, il écrit qu'un rabbin en
visite ne peut exercer aucune fonction rabbinique qui priverait le
rabbin local de sa Parnosoh; il ne peut pas non plus émettre de
décisions rituelles, faire des sermons ou prendre des prérogatives
rabbiniques. D'un autre côté, le Rama''` écrit qu'un rabbin
qualifié peut installer son propre Béth Din dans la région. Les
implications complètes de ce principe dépassent le cadre de cet
article, mais ces exemples devraient être suffisants pour indiquer
l'importance du Moro` Dha`athro`.
Cependant,
le contrôle intense exercé par le rabbin local a été fortement
amputé, et ce pour plusieurs raisons :
Premièrement,
l'aliénation des masses vis-à-vis de la Halokhoh
a diminué la « localité » sur laquelle le rabbin local
est « maître ». Alors qu'autrefois il était le chef
suprême de la communauté locale toute entière, aujourd'hui dans la
plupart des cas il n'est plus le maître que de la synagogue où il
officie. Mais même pour le Juif religieux, le téléphone et la
voiture ont vidé de son sens le mot « ville » ou
« localité ».
En
Grande-Bretagne et dans l'État d'Israël, le maintien d'un grand
rabbinat a considérablement réduit le rôle du Moro` Dha`athro`
traditionnel. En effet, les grands rabbins eux-mêmes sont souvent
considérés comme le Moro` Dha`athro`
de tout le pays, retirant ainsi de fait une grande partie de
l’autorité des rabbins locaux.
Enfin,
l'émergence des Ro`shé Yashivôth
en tant que décisionnaires halakhiques dont l'autorité transcende
les frontières géographiques et, plus encore, les murs de la
Yashivoh
individuelle, a beaucoup contribué à la quasi-disparition du Moro`
Dha`athro`
traditionnel. Non seulement leurs Talmidhim et les moins religieux se
tournent vers les Ro`shé Yashivôth,
mais même le rabbin local, le Moro` Dha`athro`,
en tant qu'ancien Talmidh, se tourne également vers eux pour un
Pasaq
Din et des conseils. En effet, le téléphone a beaucoup fait pour
défaire le rôle et la stature du Moro` Dha`athro`
ancien. Il
semblerait donc que le Moro` Dha`athro`
au sens traditionnel survit aujourd'hui principalement dans de
petites communautés ou dans des communautés éloignées des
principaux centres du judaïsme contemporain (Israël et les
États-Unis) où il n'y a pas de grand rabbinat.
1Shabboth
130a ; voir aussi Houllin 116a
3Davorim
17:11 ; Shabboth 23a
4Pasohim
30a
5´érouvin
94a
6Yôréh
Dé´oh 245
7Shou''th
Mahari''q 169