vendredi 8 mai 2020

Les femmes en position d'autorité


בס״ד

Les femmes en position d'autorité


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Un sujet revient fréquemment sur la table, à savoir si une femme pourrait occuper des positions d'autorité dans la communauté, comme par exemple présidente d'une synagogue.

  • La décision du Rambo''m

Ceux qui tranchent que des femmes ne pourraient pas assumer des fonctions d'autorité citent la décision du Rambo''m ז״ל dans les Hilkôth Malokhim Oumilḥomôth 1:6. Là, le Rambo''m déclare :

Ils n'installent pas une femme à la royauté, ainsi qu'il est dit (Davorim 17:15) : « un roi » et non une reine ! Et il en est de même pour toutes les attributions qui existent au sein [du peuple] de Yisro`él ; ils n'y nomment qu'un homme !
אֵין מַעְמִידִין אִשָּׁה בַּמַּלְכוּת--שֶׁנֶּאֱמָר "מֶלֶךְ" (דברים יז,טו), וְלֹא מַלְכָּה; וְכֵן כָּל מְשִׂימוֹת שֶׁבְּיִשְׂרָאֵל, אֵין מְמַנִּים בָּהֶם אֵלָא אִישׁ.

Les principaux commentaires sur le Mishnéh Ṭôroh, à savoir le Kasaph Mishnéh et le Radhba''z ז״ל, renvoient au Siphré comme étant la source sur laquelle s'est appuyé le Rambo''m. Cependant, le Siphré stipule uniquement מלך ולא מלכה « un roi et non une reine », sans plus. En d'autres mots, il est seulement indiqué qu'une femme ne peut pas être désignée en tant que chef d'état. Ainsi, le Rambo''m ne possède pas de source explicite justifiant d'étendre la décision du Siphré à toute position d'autorité.

Le Rov Môshah Feinstein1 explique que la source du Rambo''m serait un passage talmudique dans Qiddoushin 67b. Le Talmoudh déclare que non seulement la Ṭôroh nous interdit de nommer un Gér comme roi, mais il nous est également interdit de nommer un Gér à un poste d'autorité. Le Rambo''m estime que cette Gamaro` enseigne que la position du roi est le paradigme de chaque position d'autorité. Les règles qui s'appliquent à un roi s'appliquent à tout chef. Par conséquent, une femme ne peut pas être nommée à un poste d'autorité, tout comme elle ne peut pas être nommée à la tête du peuple tout entier.

Qu'est-ce qu'une position d'autorité ? Le Rov Feinstein définit ce terme en se basant sur cette Gamaro` susmentionnée. La Gamaro` enseigne qu'un Gér ne doit pas être nommé pour inspecter les balances et les poids. Le Rov Feinstein explique que même si le poste n'est pas prestigieux, il peut tout de même être considéré comme un poste d'autorité. Ce qui distingue une position d'autorité par opposition à un travailleur embauché (פּוֹעֵל « Pô´él »), c'est que ce dernier est embauché pour faire les volontés de son employeur, tandis que celui qui occupe une position d'autorité est embauché pour, parfois, agir non conformément à la volonté de son employeur. L'inspecteur des poids et des balances est une position d'autorité car il ne permet pas à celui qui souhaite utiliser des poids malhonnêtes de les utiliser. Contrairement à un Pô´él, il est engagé pour agir occasionnellement contre la volonté des personnes qu'il supervise.

(Je vous invite à lire l'article intitulé « Le Ramba''m interdit-il aux convertis d'occuper des positions d'autorité ? ».)

  • Les autres Ri`shônim

Bien que le Rambo''m tranche qu'une femme ne peut pas être nommée à un poste d'autorité, le Rov Môshah Feinstein et le Rov Ḥayyim Dowidh Halléwi2 notent que de nombreux Ri`shônim apparaissent être en désaccord avec le Rambo''m.

Les Ṭôsophôth3 ז״ל écrivent qu'une femme est autorisée à servir de Dayyon (juge rabbinique). Il est clair qu'ils pensent qu'une femme peut donc être nommée à un poste d'autorité.

Le Séphar Haḥinoukh4 cite le Siphré susmentionné, selon quoi une femme ne peut pas être nommée reine, mais il n'écrit pas qu'une femme ne peut être nommée à aucun autre poste d'autorité. En effet, dans la prochaine Miṣwoh qu'il développe, l'interdiction de nommer un Gér comme roi, le Séphar Haḥinoukh écrit que cette loi s'applique à toute position d'autorité, ce qu'il ne précise pas en parlant des femmes. Le Rov Feinstein écrit que cela semble indiquer clairement que le Séphar Haḥinoukh n'est pas d'accord avec le Rambo''m.

Le Rov Feinstein ajoute qu'il apparaît que ni Rash''i ז״ל ni le Ra''n ז״ל, dans leurs commentaires sur Qiddoushin 67b, n'acceptent la décision du Rambo''m. Rash''i et le Ra''n expliquent tous deux que la source de la règle selon laquelle un Gér ne peut être nommé à aucun poste d'autorité provient d'un mot supplémentaire dans la Ṭôroh : מִקֶּרֶב אַחֶיךָ, תָּשִׂים עָלֶיךָ מֶלֶךְ « Du milieu de tes frères tu placeras sur toi un roi ».5 La Ṭôroh aurait pu simplement déclarer שׂוֹם תָּשִׂים עָלֶיךָ מֶלֶךְ מִקֶּרֶב אַחֶיךָ. Le fait que la Ṭôroh ajoute un autre תָּשִׂים enseigne que la règle interdisant la nomination d'un Gér comme roi s'applique à toute position d'autorité.

On peut facilement déduire de ce commentaire de Rash''i et du Ra''n qu'ils sont en désaccord avec le Rambo''m. Le Rambo''m expliquerait que la règle selon laquelle un Gér ne peut être nommé à aucun poste d'autorité découle du fait qu'un Gér ne peut pas être nommé roi. Selon le Rambo''m, si la règle s'applique à un roi, elle devrait s'appliquer à toute position d'autorité. Rash''i et Ra''n, de l'autre côté, semblent indiquer clairement que l'extension du roi à toute position d'autorité ne s'applique qu'à un Gér et non à une femme. Rash''i et le Ra''n ne semblent pas souscrire à l'affirmation du Rambo''m selon laquelle une règle qui s'applique à la nomination s'applique à tout poste d'autorité.

Enfin, le Rambo''n6 ז״ל et le Rashba''`7 ז״ל semblent également être en désaccord avec le Rambo''m. Ils affirment que les femmes sont disqualifiées pour servir de Dayyon (ce qui est accepté comme Halokhoh normative ; voir Shoulḥon ´oroukh, Ḥôshan Mishpot 7:4; voir aussi l'article intitulé « Une femme peut-elle enseigner la Tôroh ? »). Ils demandent ensuite comment Davôroh ע״ה a pu servir de juge puisque le ṬaNa''Kh rapporte que הִיא שֹׁפְטָה אֶת-יִשְׂרָאֵל, בָּעֵת הַהִיא « elle jugeait Yisro`él en ce temps-là ».8 Ils répondent qu'elle n'a pas été juge. Plutôt, le texte veut simplement dire que Davôroh a dirigé le peuple juif. À ce stade, ils demandent comment aurait-elle pu diriger le peuple juif si le Siphré enseigne que l'on ne peut pas nommer une femme comme reine. Ils répondent que les Juifs de son temps ont volontiers accepté son autorité.

Le fait que le Rambo''n et le Rashba''` soulèvent la crainte qu'une femme ne puisse pas être nommée reine, uniquement lorsqu'ils écrivent que Davôroh a dirigé le peuple juif et non pas lorsqu'ils discutent qu'une femme ne peut pas servir en tant que Dayyon, semble indiquer qu'ils croient que le fait que Davôroh puisse servir en tant que Dayyon ne viole pas la règle du Siphré. Ainsi, le Rambo''n et le Rashba''` semblent être en désaccord avec la décision du Rambo''m selon laquelle une femme ne peut pas être nommée à un poste d'autorité.

Il convient de noter, cependant, que le Ritva''` ז״ל est d'accord avec le Rambo''m. Le Ritva''`9 déclare sans ambiguïté que l'interdiction du Siphré de nommer une femme comme reine, s'applique à tous les postes d'autorité.

Pour résumer, le Ritva''` est d'accord avec la décision du Rambo''m, mais de nombreux Ri`sh$onim sont en désaccord avec le Rambo''m.

Nous allons maintenant présenter deux points de vue différents sur la façon d'appliquer cette controverse aux circonstances contemporaines. Nous commencerons par l'approche du Rov Môshah Feinstein puis présenterons l'approche du Rov Ḥayyim Dowidh Halléwi.

  • Le Rov Möshah Feinstein

Le Rov Möshah écrit que bien que de nombreux Ri`shônim soient en désaccord avec le Rambo''m, le point de vue du Rambo''m devrait être suivi dans la pratique. Il explique que, puisqu'il s'agit d'une question litigieuse (sur une interdiction biblique) qui n'a pas été tranchée dans le Shoulḥon ´oroukh, dans des circonstances ordinaires le Rambo''m doit être suivi. Ainsi, écrit le Rov Möshah, une femme ne devrait pas être nommée présidente d'une synagogue. Cependant, dans un cas de force majeure ou de grande nécessité, le Rov Môshah a jugé approprié de s'appuyer sur les Ri`shônim qui n'étaient pas d'accord avec le Rambo''m. Par exemple, le Rov Möshah a permis à une veuve pauvre d'être nommée superviseuse de Kashrouth, bien qu'il s'agisse d'un poste d'autorité (similaire au superviseur des poids mentionné dans Qiddoushin 67b), afin qu'elle puisse gagner sa vie sans dépendre de la Ṣadhoqoh.

  • Le Rov Ḥayyim Dowidh Halléwi

Le Rov Halléwi souligne le fait historique que deux femmes ont servi de reines sur notre peuple. La première était la très mauvaise ´athalyoh,10 et la second fut la très pieuse Shalômṣiyôn. Le Rov Halléwi fait remarquer que nous ne trouvons jamais que les Navi`im ou ḤaZa''l aient critiqué le fait que ces femmes aient servi de dirigeantes du peuple juif.

Le Rov Halléwi écrit que le Rambo''m expliquerait ces phénomènes historiques en déclarant que les femmes ne peuvent pas être imposées comme leaders sur le peuple. Cependant, si le peuple accepte leur autorité, alors l'interdiction ne semble pas s'appliquer. Le Rov Halléwi note que cela semble suivre ce que le Rambo''n et le Rashba''` susmentionnés ont dit à propos de Davôroh - elle pourrait servir de souveraine parce que la nation a accepté son autorité et ses décisions. Selon le Rov Halléwi, une femme est donc autorisée à être élue à un poste d'autorité, si cela ne dérange pas les hommes.

On a demandé un jour au Rov Yahoudhoh Amital comment il avait pu autoriser (en 1991) une femme à figurer sur la liste parlementaire de son parti politique Meimad, à la lumière de la décision du Rambo''m. Il a répondu que cette décision du Rambo''m ne s'appliquait pas à un poste démocratiquement élu. Selon cette approche, il semblerait que la Halokhoh permettrait qu'une femme siège en tant que présidente d'une synagogue, si elle devait être élue démocratiquement à ce poste (car le fait d'être élue par des hommes indiquent clairement qu'ils acceptent sur eux son autorité). Par contre, la position du Rambo''m s'appliquerait pour tout poste où il n'y a pas de vote mais une nomination.

À la lumière de tout ceci, il incombe évidemment au Rov de chaque synagogue de trancher par lui-même quelle opinion, entre celle du Rov Feinstein et celle du Rov Halléwi, s'applique.

Il convient de noter, cependant, que le Pithḥé Ṭashouvoh11 cite des autorités éminentes qui tranchent qu'une femme qui est experte en matière halakhique est autorisée à trancher des questions halakhiques, comme c'était le cas avec Barouriyoh, l'épouse de Ribbi Mé`ir ז״ל, qui était fréquemment consulté par les Ḥakhomim de l'époque mishnaïque avant de trancher une question halakhique.
1`iggarôth Môshah, Yôréh Dé´oh 2:44-54
2Dans un essai publié dans Taḥoumim 1:811-321.
3Sur Bavo` Qammo` 51a.
4Miṣwoh n°794
5Davorim 17:15
6Sur Shavou´ôth 3a.
7Ibid.
8Shôphatim 4:4
9Sur Shavou´ôth 3a.
102 Malokhim Chapitre 11
11Ḥôshan Mishpot 7:5