ב״ה
Le
turban dans la tradition juive
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Il
arrive fréquemment que des gens (Juifs ou pas) se demandent pourquoi
les hommes Juifs portent une Kippoh/Yarmoulko` sur leurs têtes. Les
réponses classiques les plus données à cette question sont :
- c'est un rappel constant du fait que les Juifs doivent se soumettre au Créateur, qui est au-dessus d'eux ;
- c'est un symbole pour distinguer les Juifs des autres peuples et nations ;
- avoir la tête découverte est considéré être une marque d'arrogance et d'irrespect.
Mais
ce que la plupart des gens Juifs ou pas tendent à oublier est que la
Kippoh ou Yarmoulko` n'a pas toujours été le couvre-chef de
prédilection des Juifs, et est en fait une évolution ou un
changement relativement moderne. Nos ancêtres n'ont jamais porté ce
type de couvre-chef !
Dans
les temps bibliques, les Lawiyim et les Kôhén Godhôl portaient,
comme faisant partie de leurs vêtements sacerdotaux, un turban. Sans
ce turban, ils ne pouvaient officier (tout comme s'il manquait l'un
des autres vêtements sacerdotaux). La Tôroh est remplie de
références au turban du Kôhén. Voici quelques exemples :
- Shamôth 28:4
Et
voici les vêtements qu'ils feront : le pectoral, l'éphod,
le manteau, la tunique brodée, le turban
et la ceinture. Ils seront des vêtements sacrés pour `aharôn,
ton frère, et pour ses fils, pour Me le destiner à Mon service.
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וְאֵלֶּה
הַבְּגָדִים אֲשֶׁר יַעֲשׂוּ,
חֹשֶׁן
וְאֵפוֹד וּמְעִיל,
וּכְתֹנֶת
תַּשְׁבֵּץ,
מִצְנֶפֶת
וְאַבְנֵט;
וְעָשׂוּ
בִגְדֵי-קֹדֶשׁ
לְאַהֲרֹן אָחִיךָ,
וּלְבָנָיו--לְכַהֲנוֹ-לִי
|
- Shamôth 29:6
Tu
mettras sur sa tête le turban
et placeras la couronne de sainteté sur le
turban.
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וְשַׂמְתָּ
הַמִּצְנֶפֶת,
עַל-רֹאשׁוֹ;
וְנָתַתָּ
אֶת-נֵזֶר
הַקֹּדֶשׁ,
עַל-הַמִּצְנָפֶת
|
- Wayyiqro` 8:9
Et
il mit le turban sur sa tête,
mit sur le turban, vers le
visage, le diadème d'or, la couronne sacrée, comme `adhônoy
l'avait ordonné à Môshah.
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וַיָּשֶׂם
אֶת-הַמִּצְנֶפֶת,
עַל-רֹאשׁוֹ;
וַיָּשֶׂם
עַל-הַמִּצְנֶפֶת
אֶל-מוּל
פָּנָיו,
אֵת
צִיץ הַזָּהָב נֵזֶר הַקֹּדֶשׁ,
כַּאֲשֶׁר
צִוָּה יְהוָה,
אֶת-מֹשֶׁה
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Sur
sa tête le Kôhén Godhôl portait un turban fait de fin lin qui
était attaché autour de sa tête en anneaux ou cercles. À l'avant
du turban, sur le front, attachée par un ruban de dentelle bleu, il
y avait une couronne dorée sur laquelle étaient gravés les mots
קֹדֶשׁ
לַיהוה « Qôdhash
Ladhônoy – Sainteté pour `adhônoy. »1
C'était un rappel constant de la sainteté du peuple d'Israël et du
Kôhén Godhôl dans sa vocation, car HaShem ית׳
a
dit à Môshah Rabbénou ע״ה2 :
Parle
à toute la réunion des Bané Yisro`él et dis-leur : « Vous
serez saints, car Je suis saint, `adhônoy, votre Dieu. »
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דַּבֵּר
אֶל-כָּל-עֲדַת
בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל,
וְאָמַרְתָּ
אֲלֵהֶם--קְדֹשִׁים
תִּהְיוּ:
כִּי
קָדוֹשׁ,
אֲנִי
יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם
|
Le
Kôhén Godhôl était marqué d'un symbole d'identification de sa
consécration à HaShem. Mais puisque l'intégralité des Israélites
formait une sainte nation appelée à une prêtrise collective, les
Israélites jusqu'à ce jour portent un couvre-chef pour imiter cette
distinction et afficher leur prêtrise au monde et leur consécration
à HaShem, le terme « sainteté » provenant du mot hébreu
קְדוּשָׁה
« Qadhoushoh »,
qui signifie « mis à part. » De nos jours, l'écrasante
majorité des Juifs portent la Kippoh/Yarmoulko` comme identifiant
distinct qui sépare les Juifs des autres peuples et nations.
Illustration :
La tenue des Lawiyim
Néanmoins,
la pratique des anciens Israélites consistant à également porter
un turban, comme le Kôhén Godhôl, sur une base quotidienne est
établie dans de nombreux passages bibliques, comme ceux-ci :
- Yahazqé`l 24:17
Soupire
en silence, ne prends pas le deuil comme pour des morts, attache
sur toi ta coiffure, mets tes sandales à tes pieds. Tu
ne t'envelopperas pas jusqu'aux lèvres et tu ne mangeras pas le
pain des hommes.
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הֵאָנֵק
דֹּם,
מֵתִים
אֵבֶל לֹא-תַעֲשֶׂה--פְּאֵרְךָ
חֲבוֹשׁ עָלֶיךָ,
וּנְעָלֶיךָ
תָּשִׂים בְּרַגְלֶיךָ;
וְלֹא
תַעְטֶה עַל-שָׂפָם,
וְלֶחֶם
אֲנָשִׁים לֹא תֹאכֵל
|
- Yahazqé`l 24:23
Votre
coiffure [sera] sur vos têtes, vos sandales à vos
pieds ; vous ne vous lamenterez pas, vous ne pleurerez pas,
mais vous sécherez par vos iniquités et vous soupirerez chaque
homme contre son frère.
|
וּפְאֵרֵכֶם
עַל-רָאשֵׁיכֶם,
וְנַעֲלֵיכֶם
בְּרַגְלֵיכֶם--לֹא
תִסְפְּדוּ,
וְלֹא
תִבְכּוּ;
וּנְמַקֹּתֶם,
בַּעֲוֹנֹתֵיכֶם,
וּנְהַמְתֶּם,
אִישׁ
אֶל-אָחִיו
|
Nous
voyons implicitement des passages susmentionnés que le fait de
retirer son turban en public est une marque de deuil, voire même
d'humiliation. D'autres passages nous l'indiquent également.3
Voici d'autres références au turban porté par les hommes :
- `iyôv 29:14
Je
me revêtais de justice et elle se revêtait de moi, ma droiture
était [pour moi] comme un manteau et un
turban.
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צֶדֶק
לָבַשְׁתִּי,
וַיִּלְבָּשֵׁנִי;
כִּמְעִיל
וְצָנִיף,
מִשְׁפָּטִי
|
- Yasha´yohou 61:3
Pour
présenter, pour donner aux endeuillés de Sion une
coiffe à la place de la cendre, l'huile de la joie à
la place du deuil, un vêtement magnifique à la place d'un esprit
abattu, afin qu'on les appelle « les béliers de la
justice », plantation de `adhônoy par laquelle Il Se
glorifie.
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לָשׂוּם
לַאֲבֵלֵי צִיּוֹן,
לָתֵת
לָהֶם פְּאֵר
תַּחַת אֵפֶר
שֶׁמֶן שָׂשׂוֹן תַּחַת אֵבֶל--מַעֲטֵה
תְהִלָּה,
תַּחַת
רוּחַ כֵּהָה;
וְקֹרָא
לָהֶם אֵילֵי הַצֶּדֶק,
מַטַּע
יְהוָה לְהִתְפָּאֵר
|
- Yasha´yohou 61:10
Je
me réjouirai pleinement en `adhônoy, mon âme se délectera en
mon Dieu, car Il m'a revêtu des vêtements du salut, m'a
enveloppé du manteau de la justice, comme
un fiancé orne [sa tête] d'une coiffe, comme une
fiancée parée d'ornements.
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שׂוֹשׂ
אָשִׂישׂ בַּיהוָה,
תָּגֵל
נַפְשִׁי בֵּאלֹהַי--כִּי
הִלְבִּישַׁנִי בִּגְדֵי-יֶשַׁע,
מְעִיל
צְדָקָה יְעָטָנִי:
כֶּחָתָן
יְכַהֵן פְּאֵר,
וְכַכַּלָּה
תַּעְדֶּה כֵלֶיהָ
|
Comme
cela a été dit plus haut, bien qu'il soit désormais devenue la
norme actuelle et dominante de porter une Kippoh/Yarmoulko` en
remplacement de la pratique authentique et antique consistant à
porter plutôt un turban, le turban était porté par de très
nombreux Juifs jusqu'au 20ème siècle.
Illustration :
Le Ban `Ish Hoy (1834-1909)
Illustration :
Des Juifs portant le turban à Jérusalem, en 1895
Illustration :
Un Juif algérien (20ème siècle)
Illustration :
Un Juif yéménite (entre 1898 et 1914)
Illustration :
Rabbins de Bagdad, dans les années 1930
Excepté
dans les milieux yéménites et Talmidhé HaRambo''m, très peu de
Juifs aujourd'hui poursuivent cette coutume millénaire et ancestrale
consistant à porter le turban. Certains s'en abstiennent sur base de
raisonnements et conclusions totalement erronés. Par exemple,
certains objecteront à la pratique du turban et justifieront celle
de la Kippoh/Yarmoulko` en arguant que le turban est un vêtement
associé à l'islam, et affirment donc que quiconque porterait un
turban serait identifié comme un musulman. Moi qui porte le turban
quotidiennement, je peux affirmer que l'écrasante majorité
des gens qui me croisent dans la rue me reconnaissent immédiatement
comme un Juif, en dépit de mon turban. Deuxièmement, le turban
n'est absolument pas un vêtement propre à l'islam. En effet, le
turban est un couvre-chef porté par des hommes de différentes
cultures et religions : les musulmans, les hindous, les sikhs,
en Afrique, etc. De la même manière, un Qamis n'est en rien
un vêtement propre à l'islam. Troisièmement, voir un musulman en
turban est une chose extrêmement rare en occident. Vous avez en fait
plus de chances de croiser un sikh en turban dans les rues de Paris
ou Bruxelles qu'un musulman en turban ! Quatrièmement, quand
bien même les autres peuples et religions prôneraient le port du
turban, dès lors que cela fait également partie de notre tradition
y renoncer sous prétexte que d'autres le font aussi n'est en rien un
argument recevable. Les prêtres catholiques et les musulmans pieux
portent également sur leurs têtes une calotte. Pourquoi ne
renonçons-nous pas alors à porter une Kippoh/Yarmoulko` sur nos
têtes ? Les femmes gitanes couvrent généralement leurs
cheveux d'un foulard qui ressemble très souvent à ceux portés par
des femmes séfarades. Devrions-nous dire à nos femmes que puisque
les gitanes portent aussi le foulard, elles devraient se découvrir
la tête ? Nous ne sommes même pas censés nous intéresser à
ce qui se fait dans les autres religions et cultures. La seule chose
qui doit compter pour nous est notre tradition, nos propres textes
religieux, et rien d'autre.
Le
port du turban est si central à notre tradition que nos Sages ont
demandé expressément qu'une bénédiction soit faite au moment où
l'on enroule son turban autour de la tête chaque matin. En effet,
dans la liste des bénédictions du matin rapportée par le Talmoudh
nous retrouvons ceci4 :
כי
פריס סודרא על רישיה לימא ברוך עוטר ישראל
בתפארה
« Quand
il étend un tissu autour de sa tête il dira : ''Boroukh ´ôtér
Yisro`él Bathiph`oroh''. »
Bien qu'à nos époques la majorité des Juifs récitent cette
bénédiction à la synagogue avec l'ensemble des autres bénédictions
du matin, nous avions déjà expliqué que la pratique authentique
consistait à ne réciter ces bénédictions que si on accomplissait
vraiment l'acte pour lequel on bénissait, et au moment même où on
l'accomplissait. C'est la pratique authentique telle qu'exigée par
le Talmoudh et rapportée également par le Rambo''m ז״ל
dans
son Mishnéh Tôroh. Ainsi, c'est au moment où l'on enroule son
turban autour de la tête (ou qu'on le dépose sur sa tête, si c'est
un turban déjà fait) que cette bénédiction doit être faite. Et
telle est encore jusqu'à nos jours la pratique des Dôr Da´im et
Talmidhé HaRambo''m (de même, les Juifs du rite Hispano-Portugais
récitent également les bénédictions du matin s'ils font les actes
pour lesquels ils bénissent et au moment où ils les accomplissent).
(Voir ici
et là.)
Le
turban est d'une telle importance dans notre tradition que les Juifs
vivant dans les pays musulmans ont parfois risqué leurs vies pour
continuer à le porter. Avec la montée de l'islam, le turban
commença à être perçu en terre d'islam comme étant « la
couronne des arabes » et « l'insigne de l'islam. »
La splendeur que la tradition juive accorde au turban causa aux Juifs
de sérieux problèmes en terre d'islam.
Officiellement,
les Juifs étaient considérés comme une minorité tolérée dont
l'infériorité sociale devait se refléter dans la loi. Au 7ème
siècle, le « Pacte d'Omar », qui définissait le statut
des non musulmans en terre d'islam, contenait une clause selon
laquelle les Juifs et les chrétiens s'engageaient à « ne
pas tenter de ressembler aux musulmans de quelque façon que ce soit
concernant l'habillement, comme par exemple avec...le turban... »
Comme
pour les restrictions vestimentaires similaires qui furent souvent
imposées aux Juifs dans l'Europe chrétienne, cette loi s'avéra
rapidement être difficile à imposer, étant donné que les Juifs
développaient fréquemment des relations personnelles amicales avec
bon nombre de musulmans. Les autorités officielles répondaient
souvent à ce mélange social en insistant que les Juifs portent des
vêtements spécifiques qui indiquerait de façon évidente leur
position sociale inférieure.
Les
turbans juifs devinrent une cible fréquente du zèle réformateur
musulman. Parfois, les Juifs recevaient l'ordre d'afficher des
marques distinctes sur leurs turbans ; à d'autres occasions une
limite était fixée à la longueur du tissu utilisé comme turban
(10 aunes maximum, d'après un décret du sultan al-Malik al-Salih en
1354). Au 16ème siècle, le sultan Mourad III interdit
tout simplement aux Juifs de porter des turbans, mais cela ne servit
à rien puisque les Juifs continuèrent à le faire jusqu'au 20ème
siècle.
La
fréquence à laquelle de tels décrets devaient être répétés en
terre d'islam indique clairement à quel point ils n'étaient pas
efficaces et à quel point les Juifs furent tenaces, refusant
d'abandonner leurs traditions ! Il est donc doublement ironique
d'assimiler le turban à l'islam et exiger des Juifs qu'ils renoncent
à cette tradition !
L'ignorance
est une réalité avec laquelle nous devons vivre, mais lorsqu'on a
accès à la connaissance l'ignorance des autres n'est pas un
argument valable pour renoncer à appliquer ce que l'on sait être
une tradition juive authentique et ancestrale. En outre, le fait que
la majorité des Juifs, même séfarades, se sentent quasiment dans
l'obligation de s'ashkénazifier n'est là encore pas une raison
suffisante pour faire comme la majorité. Qui a dit qu'il fallait
adopter l'allure ashkénaze ou ressembler à un ashkénaze pour être
un bon Juif ? (Voir ici
et là.)
Qui détermine nos lois, pratiques et coutumes ? Les Harédhim
ashkénazes ou nos Sages, de mémoire bénie ?
1Voir
dans Shamôth 28:36
2Wayyiqro`
19:2
3Voir
par exemple Yasha´yohou 3:18-23
4Barokhôth
60b