mercredi 27 janvier 2016

Exposer les fausses notions : Les femmes et les Tafillin

ב״ה

Exposer les fausses notions

Les femmes et les Tafillin

Illustration : Une femme portant une Kippoh et des Tafillin

Cet article peut être téléchargé ici.

À la suite de l'article intitulé « Les interdictions de Tiqqoun Noshim, Baghadh `ishoh et Kali Ghavar », beaucoup ont demandé si ces interdictions incluaient le fait pour une femme de porter les Tafillin.

Nous lisons ceci dans la Mishnoh1 :

Les femmes, les esclaves et les mineurs sont exempts de la récitation du Shama´ et des Tafillin, mais ils sont astreints à la prière, à la Mazouzoh et à la Birakhath Hammozôn.
נָשִׁים וַעֲבָדִים וּקְטַנִּים, פְּטוּרִין מִקְּרִיאַת שְׁמַע וּמִן הַתְּפִלִּין, וְחַיָּבִין בַּתְּפִלָּה וּבַמְּזוּזָה וּבְבִרְכַת הַמָּזוֹן

Nous avons déjà expliqué à maintes reprises qu'être exempt d'une Miswoh ne signifiait pas qu'on ne pouvait pas la faire, mais simplement qu'on en a pas l'obligation. La personne exemptée peut faire le choix personnel d'accomplir la Miswoh dont elle est exemptée. C'est ainsi qu'une femme peut réciter le Shama´ si elle le désire (et beaucoup de femmes le font). De la même manière, voici ce que le Ramba''m ז״ל écrit sur la Miswoh des Sisith2 :

Les femmes, les esclaves et les mineurs sont exempts des Sisith Min Hattôroh. Mais des paroles des Sages [il a été dit] que tout mineur qui sait s'envelopper [dans un Tallith] est astreint aux Sisith, afin de l'éduquer dans les Miswôth. Les femmes et les esclaves qui désirent s'envelopper dans les Sisith peuvent s'y envelopper sans [faire de] bénédiction. Il en est de même pour toutes les Miswôth positives dont les femmes sont exemptes : si elles désirent l'accomplir sans [faire de] bénédiction, on ne doit pas les en empêcher.
נָשִׁים וַעֲבָדִים וּקְטַנִּים, פְּטוּרִין מִן הַצִּיצִית מִן הַתּוֹרָה; וּמִדִּבְרֵי חֲכָמִים, שֶׁכָּל קָטָן שֶׁיּוֹדֵעַ לְהִתְעַטַּף, חַיָּב בַּצִּיצִית, כְּדֵי לְחַנְּכוֹ בַּמִּצְווֹת. וְנָשִׁים וַעֲבָדִים שֶׁרָצוּ לְהִתְעַטַּף בַּצִּיצִית, מִתְעַטְּפִין בְּלֹא בְּרָכָה; וְכֵן שְׁאָר כָּל מִצְווֹת עֲשֵׂה שֶׁהַנָּשִׁים פְּטוּרוֹת מֵהֶן--אִם רָצוּ לַעֲשׂוֹת אוֹתָהּ בְּלֹא בְּרָכָה, אֵין מְמַחִין בְּיָדָן

Concernant les mineurs, nous avions déjà longuement expliqué dans l'article intitulé « La vérité sur la Bar Miswoh » que bien que les mineurs étaient exemptés de toutes les Miswôth, il était du devoir des parents d'éduquer leurs enfants dans l'accomplissement des Miswôth, et dès le moment où ils savaient les accomplir correctement, les mineurs devenaient autant astreints aux Miswôth que les adultes. Quant aux femmes, elles peuvent accomplir n'importe laquelle des Miswôth dont elles sont exemptées, et la Miswoh des Tafillin n'est pas une exception. Si une femme désire les mettre, la Halokhoh nous interdit de l'empêcher de les mettre.

La question qui se pose est : pourquoi les femmes ont-elles été exemptées de cette Miswoh des Tafillin ?

Rash''i ז״ל, dans son commentaire sur la Mishnoh susmentionnée, propose que c'est parce que les Tafillin sont une Miswoh positive dépendante d'un temps d'accomplissement déterminé (une catégorie de Miswôth dont les femmes sont généralement exemptées), puisque les Tafillin ne sont portées ni la nuit, ni à Shabboth, ni à Yôm Tôv. La Gamoro` de ´érouvin 96a, qui propose que les Tafillin ne devraient pas être portées à ces moments-là, semble accréditer la position de Rash''i que les Tafillin sont une Miswoh dont le temps d'accomplissement est limité. Mais nous avions déjà expliqué dans les articles intitulés « Mettre ou ne pas mettre les Tafillin durant Hôl Hammo´édh » et « Mettre ou ne pas mettre les Tafillin à Shabboth, Yôm Tôv et durant Hôl Hammô´édh », qu'il n'était pas évident de le conclure, et qu'en réalité les Tafillin pouvaient être portés tous les jours, y compris Shabboth d'après de nombreux Sages. Par conséquent, la thèse de Rash''i ne tient pas ! D'ailleurs, la Gamoro` elle-même apporte certaines réfutations à cette thèse. Elle dit notamment ceci3 :

Il a été enseigné : Mikhal la fille du Koushi mettaient les Tafillin et les Sages ne l'en ont pas empêchée, et la femme de Yônoh montait au pèlerinage et les Sages ne l'en ont pas empêchée. Puisque les Sages ne l'ont en pas empêchée, il est évident qu'ils soutiennent qu'il4 ne s'agit pas d'une Miswoh positive dont l'accomplissement est limité à un temps spécifique.
תניא מיכל בת כושי היתה מנחת תפילין ולא מיחו בה חכמים ואשתו של יונה היתה עולה לרגל ולא מיחו בה חכמים מדלא מיחו בה חכמים אלמא קסברי מצות עשה שלא הזמן גרמא היא

Ce passage est d'une grande importance, et nous allons expliquer pourquoi. Ici, nous voyons que les Sages ne protestèrent pas contre Mikhal, une femme, qui mettait les Tafillin et la laissèrent le faire. Le Makhilto` rapporte exactement la même chose, mot pour mot.

Ceux qui s'opposent à ce que les femmes mettent les Tafillin soutiennent souvent que le Talmoudh Yarousholmi, rapportant la même anecdote, stipule, au contraire, que les Sages ont protesté. Voici ce que dit réellement le Yarousholmi5 :

Voici, Mikhal la fille du Koushi portait les Tafillin ! Et la femme de Yônoh montait aux pèlerinages, et les Sages ne l'en ont pas empêchée ! Rébbi Hizqiyoh au nom de Rébbi `abbohou : « Ils ont renvoyé la femme de Yônoh, et les Sages ont protesté contre Mikhal ».
הֲרֵי מִיכַל בַּת כּוּשִׁי הָיְתָה לוֹבֶשֶׁת תְּפִלִּין! וְאִשְׁתּוֹ שֶׁלְּיוֹנָה הָיְתָה עוֹלָה לָרְגָלִים, וְלֹא מֵחוּ בְּיָדֶיהָ חֲכָמִים! רַבִּי חִזְקִיָּה בְּשֵׁם רַבִּי אַבָּהוּ: לְאִשְׁתּוֹ שֶׁלְּיוֹנָה הוּשְׁבָה. מִיכַל בַּת כּוּשִׁי, מֵחוּ בְּיָדֶיהָ חֲכָמִים

Mais le problème est qu'ils manipulent tous le sens et le contexte de cette anecdote. L'exemple de Mikhal bath Koushi fut cité dans un débat très animé qui opposait divers Sages quant à savoir si oui ou non les Tafillin pouvaient être portées à Shabboth et Yôm Tôv. Certains avancèrent que non ! Pour contrer cet argument, la Gamoro` nous dit que Mikhal bat Koushi avait pourtant l'habitude de porter les Tafillin à Shabboth ! Il y a alors deux versions existantes quant à la réaction des Sages. La version majoritaire stipule que les Sages ne l'en ont pas empêchée, démontrant par-là que les Tafillin pouvaient être portées à Shabboth, et ne sont donc pas une Miswoh positive limitée à un temps d'accomplissement spécifique, autrement ils l'auraient empêchée de les mettre à Shabboth ! Mais Rébbi Hizqiyoh ז״ל avait entendu de Rébbi `abbohou ז״ל une version selon laquelle les Sages avaient protesté, démontrant par-là qu'il s'agissait bien d'une Miswoh qui ne pouvait pas être accomplie à Shabboth ! En d'autres mots, tous ceux qui utilisent ce passage du Yarousholmi pour dire qu'il est enseigné que les Sages ont interdit aux femmes de mettre les Tafillin manipulent complètement le texte et en changent le sujet. Ce passage ne traitait pas de la permission ou pas des femmes de mettre les Tafillin, car tous les Sages sont d'accord pour dire qu'une femme peut les mettre. Le débat concernait le fait même de les mettre à Shabboth ! Et comme cela a été dit, la version majoritaire est que les Sages ne s'y sont pas opposés. La question du port des Tafillin à Shabboth n'ayant pas été tranchée de manière décisive et définitive, les Sages n'ont pas réprimandés Mikhal pour avoir mis les Tafillin à Shabboth (certainement parce qu'elle suivait l'opinion des Sages qui étaient d'avis que les Tafillin pouvaient être mises tous les jours, Shabboth et Yôm Tôv y compris, ainsi que la nuit, faisant donc de cette Miswoh un commandement n'étant pas lié au temps) !

Nous ne pouvons donc pas conclure que la raison avancée par Rash''i explique pourquoi les femmes ont été exemptées de cette Miswoh des Tafillin.

Les Tôsofôth ז״ל firent partie de ceux qui retirèrent ce passage talmudique de son contexte, et adoptant la version que Rébbi Hizqiyoh avait entendue de Rébbi `abbohou, ils conclurent que les Sages s'opposèrent à ce qu'une femme porte les Tafillin. Ils se demandèrent quelle pouvait en être la raison, et avancèrent une thèse plus qu'étrange :

Il semblerait que l'explication de cette position selon laquelle que les femmes ont une interdiction [de mettre les Tafillin] est que les Tafillin nécessitent un corps propre, et les femmes ne sont pas suffisamment zélées pour y veiller !

Les Tôsofôth prétendent que la raison pour laquelle les femmes ne pourraient pas mettre les Tafillin, selon Rébbi Hizqiyoh, est qu'elles ne seront pas soucieuses de la propreté de leurs corps. Puisque le Talmoudh Bavli explique que veiller à avoir un « corps propre » signifie « éviter les flatulences ou de s'endormir » lorsqu'on porte les Tafillin, les Tôsofôth sont donc en train de dire que les femmes ne pourraient pas prendre suffisamment soin d'éviter les flatulences tout en ayant sur elles les Tafillin ? C'est un argument complètement stupide et infondé. Nous consacrerons d’ailleurs un article sur cette nécessité d'avoir un « corps propre » tout en portant les Tafillin, et verrons ce que le Talmoudh dit réellement à ce sujet. En attendant, sachez que certains Pôsqim disent qu'étant donné qu'à nos époques les Tafillin ne sont portées que pour la prière (alors que dans les temps talmudiques elles l'étaient toute la journée), et que les femmes ont également une obligation de prier (ce qui implique d'avoir un corps propre et de bonnes pensées), si une femme ne met les Tafillin que pour prier, nous ne devrions pas nous y opposer.6

Tout cela étant dit, mettons fin au suspense ! Quelle est la raison de l'exemption des femmes de la Miswoh des Tafillin ? Juste avant de nous parler du cas de Mikhal, le Yarousholmi nous dit ceci :

D'où savons-nous que les femmes [sont exemptées] ? [Il est écrit7 :] « Et enseigne-les à tes fils », et non à tes filles. [Cela t'apprend] que celui qui est astreint à l'étude de la Tôroh est astreint aux Tafillin. Les femmes ne sont pas astreintes à l'étude de la Tôroh, et ne sont [donc] pas astreintes aux Tafillin.
נָשִׁים מִנַּיִן? "וְלִמַּדְתֶּם אֹתָם אֶת בְּנֵיכֶם", וְלֹא אֶת בְּנוֹתֵיכֶם. אֶת שֶׁהוּא חַיָּב בְּתַלְמוּד תּוֹרָה, חַיָּב בַּתְּפִלִּין; נָשִׁים, שֶׁאֵינָן חַיָּבוֹת בְּתַלְמוּד תּוֹרָה, אֵינָן חַיָּבוֹת בַּתְּפִלִּין

Les Tafillin contiennent des parchemins sur lesquels sont mentionnées de nombreuses Miswôth dont seuls les hommes sont astreints, comme par exemple l'obligation d'étudier assidûment jour et nuit, et d'enseigner la Tôroh à ses fils. Fort logiquement, si les femmes sont exemptées de ces Miswôth elles le sont également de celle des Tafillin ! C'est également ce qui est rapporté dans le Makhilto` DaRébbi Yishmo´`él, et c'est ce qui est codifié par le Ramba''m dans son Séfar Hammiswôth8, qui cite explicitement le Makhilto`.

La conclusion est que les femmes ont été exemptées de la Miswoh des Tafillin, non pas parce qu'il s'agit d'une Miswoh positive liée à un temps d'accomplissement spécifique, et encore moins à cause de leur incapacité présumée à ne pas pouvoir empêcher les flatulences, mais simplement parce qu'elles sont exemptées de la Miswoh de l'étude assidue de la Tôroh, qui est l'un des thèmes majeurs des parchemins contenus dans les Tafillin. Mais HaZa''l n'ont jamais objecté contre les femmes qui mettaient les Tafillin, et comme nous l'avons vu plus haut, une femme a le droit, si elle le souhaite, d'accomplir n’importe laquelle des Miswôth positives dont elle a été exemptée, y compris les Tafillin, l'étude assidue de la Tôroh (voir le premier chapitre des Hilkôth Talmoudh Tôroh) ou encore les Sisith ! C'est la Halokhoh, n'en déplaise à certains !

On objectera que de nos jours, la plupart des femmes qui mettent les Tafillin appartiennent soit à des mouvements orthodoxes féministes, soit au mouvement libéral. Nous répondrons à cela que :

  1. nous ne tirons pas de preuves du comportement des fous et des égarés
  2. nous ne sommes pas dans les pensées des gens pour juger des raisons pour lesquelles ils font ceci ou cela
  3. le fait que des mouvements anti-Tôroh, tels que les « Femmes du Mur », font la promotion du port des Tafillin par des femmes pour des raisons politiques et féministes, et pour provoquer les Orthodoxes, ne doit pas amener à ignorer la vraie question : que dit la Halokhoh ? Elle dit que les femmes peuvent mettre les Tafillin si elles le souhaitent, et que personne ne peut les empêcher de le faire
  4. le comportement de certaines femmes ne doit pas amener à critiquer toutes celles qui voudraient mettre les Tafillin. Autrement, vu le comportement exécrable de bon nombre d'hommes, même dans les milieux très religieux, vis-à-vis de certaines Miswôth, nous devrions également juger négativement l'ensemble des croyants à cause d'eux !

Les gens pourraient avancer tous les « arguments » qu'ils souhaitent, mais au final, c'est HaZa''l qui décident de la Halokhoh, et tout le monde doit s'y soumettre !

1Barokhôth 2:3
2Mishnéh Tôroh, Hilkôth Sisith 3:10
3´érouvin 96a
4Au sujet de la Miswoh des Tafillin
5Barokhôth 2:3
6Tahillath Dowidh 38:1, cité par les Pisqé Tashouvôth 38:3. Les Pisqé Tashouvôth citent également le ´ôlath Tomidh 4 comme ayant aussi cette opinion. En fait, le ´ôlath Tomidh est d'avis que les femmes peuvent mettre les Tafillin pour de nombreuses autres raisons également
7Davorim 11:19

8Miswath ´aséh n°13