jeudi 14 janvier 2016

Les interdictions de Tiqqoun Noshim, Baghadh `ishoh et Kali Ghavar

ב״ה

Les interdictions de Tiqqoun Noshim, Baghadh `ishoh et Kali Ghavar

Illustration : Une femme portant une Kippoh et des Tafillin

Cet article peut être téléchargé ici.

Nous lisons dans la Tôroh le verset suivant1 :

Il ne doit pas y avoir des articles masculins sur une femme, et un homme ne se revêtira pas du vêtement d'une femme, car quiconque fait ces [choses] est une abomination de `adhônoy ton Dieu.
לֹא-יִהְיֶה כְלִי-גֶבֶר עַל-אִשָּׁה, וְלֹא-יִלְבַּשׁ גֶּבֶר שִׂמְלַת אִשָּׁה: כִּי תוֹעֲבַת יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, כָּל-עֹשֵׂה אֵלֶּה

Deux Miswôth Lô` Tha´asah (Commandements Négatifs) nous sont données ici. La première est l'interdiction pour une femme de porter des כְּלִי-גֶבֶר « Kali Ghavar – ustensiles masculins ». Certaines personnes traduisent de manière erronée ce verset comme venant interdire à une femme de porter des « vêtements d'homme ». Mais le terme hébraïque « Kali » inclut bien plus que des vêtements. HaZa''l l'ont expliqué comme incluant également des armures, qui ne doivent exclusivement être portées que par des hommes.2 (Cela ne signifie pas qu'une femme n'a pas le droit d'utiliser une arme pour se défendre.) Par prolongation, une femme Israélite a l'interdiction de s’enrôler dans une armée ou aller faire la guerre. Ce sont des activités strictement masculines. Le terme « Kali » signifie littéralement « ustensile », et englobe donc tout vêtement ou objet associé aux hommes ou exclusivement portés par ceux-ci.

La raison de cette interdiction est de servir de barrière à l'immoralité. Sans séparation des modes d'habillement masculines et féminines, il y aurait un mélange excessif des sexes, les hommes posant ou passant pour des femmes et vice-versa. De tous temps, le fait d'effacer les frontières et différences entre hommes et femmes a toujours été source de problèmes d'immoralité. C'est encore plus le cas aujourd'hui où nous voyons de plus en plus d'hommes se féminiser et des femmes se masculiniser. Il n'y a rien de nouveau sous le ciel !

La deuxième est l'interdiction pour un homme de se revêtir d'un féminin féminin. La raison de cette Miswoh est la même que pour la précédente. C'est ce qu'on appelle בֶּגֶד אִשָּׁה « Baghadh `ishoh – habit d'une femme » ou שִׂמְלַת אִשָּׁה « Simlath `ishoh – vêtement d'une femme ». HaZa''l ont déduit de ce verset l'interdiction appelée תִּקּוּן נָשִׁים « Tiqqoun Noshim – embellissement des femmes », qui vient interdire aux hommes de s'embellir comme des femmes (se maquiller, s'épiler, teindre les cheveux gris, etc.).3 C'est pourquoi, en traduisant les mots « et un homme ne se revêtira pas du vêtement d'une femme », le Targoum `ônqalôs déclare « et un homme ne s'embellira pas à la manière d'une femme ».

Les deux Miswôth bibliques sont traitées dans le Talmoudh.4 Dans le Séfar Hammiswôth du Ramba''m ז״ל, elles constituent les 39ème et 40ème Miswôth Lô` Tha´asah de la Tôroh.

Voici à présent comment, à partir des propos que l'on retrouve dans le Talmoudh, le Ramba''m explique ces Miswôth dans son Mishnéh Tôroh. Après avoir traité des interdictions relatives au fait de se raser les Pé`ôth de la tête et celles de la barbe lorsqu'on est un homme (voir l'article intitulé « Raser la barbe et les Pé`ôth Horô`sh »), il poursuit en disant5 :

10. Le retrait des poils d'autres parties du corps, comme par exemple les aisselles et les parties génitales, n'est pas interdit par la Tôroh, mais plutôt par les paroles des Scribes. Et celui qui les retire se voit sanctionner par des coups de fouet pour rébellion. Dans quel cas les dites paroles s'appliquent-elles ? Là où seules les femmes les retirent, afin de ne pas s'embellir comme le font les femmes. Mais là où les hommes retirent [aussi ces] poils, si on les retire on n'est pas flagellé. Et il est permis de retirer des poils d'autres membres aux ciseaux en tous lieux.
י  הַעְבָּרַת הַשֵּׂעָר מִשְּׁאָר הַגּוּף, כְּגוֹן בֵּית הַשֶּׁחִי וּבֵית הָעֶרְוָה--אֵינוּ אָסוּר מִן הַתּוֹרָה, אֵלָא מִדִּבְרֵי סוֹפְרִים; וְהַמַּעְבִירוֹ, מַכִּין אוֹתוֹ מַכַּת מַרְדּוּת. בַּמֶּה דְּבָרִים אֲמוּרִים, בִּמְקוֹם שְׁאֵין מַעְבִירִין אוֹתוֹ אֵלָא נָשִׁים--כְּדֵי שֶׁלֹּא יְתַקַּן עַצְמוֹ תִּקּוּן נָשִׁים; אֲבָל בִּמְקוֹם שֶׁמַּעְבִירִין הַשֵּׂעָר הָאֲנָשִׁים--אִם הִעְבִיר, אֵין מַכִּין אוֹתוֹ. וּמֻתָּר לְהַעְבִיר שְׂעַר שְׁאָר אֵבָרִים בְּמִסְפְּרַיִם, בְּכָל מָקוֹם
Le retrait des poils d'autres parties du corps, comme par exemple les aisselles et les parties génitales : Qui sont fréquemment rasées par les femmes.

n'est pas interdit par la Tôroh, mais plutôt par les paroles des Scribes : En tant que dérivé de l'interdiction pour un homme de se revêtir d'un vêtement féminin, comme expliqué plus haut. Il s'agit donc d'une interdiction d'ordre rabbinique.

Le Kasaf Mishnéh ז״ל explique très bien la différence entre les deux interdictions bibliques et cette interdiction rabbinique : la Tôroh a interdit toute forme d'embellissement qui était détectable et visible (par exemple, porter une robe de femme), tandis que les Sages ont étendu la portée de ces interdictions pour inclure même des actes d'embellissement qui sont privés (comme par exemple se raser les poils des aisselles ou les poils pubiens).

Et celui qui les retire se voit sanctionner par des coups de fouet pour rébellion : Ce qui est la sanction standard pour toute transgression d'ordre rabbinique.

Dans quel cas les dites paroles s'appliquent-elles : C'est-à-dire, quand sanctionne-t-on un homme qui se raserait les poils d'autres parties de son corps ?

Là où seules les femmes les retirent, afin de ne pas s'embellir comme le font les femmes : En d'autres mots, cette interdiction rabbinique ne s'applique que dans des localités où seules les femmes ont la pratique de se raser ces poils-là du corps, ou que cette pratique est ultra minoritaire parmi les hommes de cette localité.

Mais là où les hommes retirent [aussi ces] poils, si on les retire on n'est pas flagellé : Le Parisho`6 ז״ל attire notre attention sur le fait que le Ramba''m a employé le terme « hommes » et non « Israélites », et explique très justement que cela comprend également les Gôyim. En d'autres mots, si une grande partie des Gôyim de sexe masculin de cette localité a la pratique de se raser les poils pubiens, des aisselles, etc., si un Israélite le fait aussi il n'est pas punissable.

Néanmoins, un Israélite ne doit pas le faire. Voilà pourquoi le Ramba''m conclut cette phrase par « on n'est pas flagellé », mais commence la suivante par « Il est permis », pour nous indiquer ici que l'acte n'est pas permis, mais si jamais on le commet on ne peut être puni pour l'avoir fait.

Et il est permis de retirer des poils d'autres membres aux ciseaux en tous lieux : Mais pas au rasoir !7

Comme nous l'avions expliqué dans l'article sur la barbe et les Pé`ôth, les termes « ciseaux » et « rasoir » ont un sens halakhique très précis et spécifique. On ne parle pas littéralement de ciseaux et de rasoir. Par le premier terme, on entend tout objet qui ne retire pas le poil à la racine, tandis que par le second terme on parle de tout objet susceptible de retirer le poil à la racine. Ce qu'on veut dire ici, c'est qu'un homme ne doit pas se raser les poils d'autres parties de son corps, c'est-à-dire les retirer intégralement. Mais s'il les coupe ou taille sans arracher le poil à la racine, comme par exemple aux ciseaux, cela ne pose aucun problème, ni au niveau biblique, ni au niveau rabbinique.

Il ne faut donc pas, lorsqu'on est un homme, se raser les poils du torse, par exemple, ou ceux des bras, etc. C'est une activité de femme. Mais les couper ou tailler ne pose aucun problème, car un ustensile qui ne va pas jusqu'à la racine du poil ne l'arrache pas intégralement.
11. Une femme ne doit pas se parer de la parure d'un homme, comme par exemple en plaçant sur sa tête un turban ou un chapeau, ou en se revêtant d'une armure et toute chose semblable, ou en se rasant la tête comme un homme. Un homme ne doit pas se parer des parures d'une femme, comme par exemple en portant des vêtements colorés ou des bracelets en or là où seules les femmes portent de tels articles ou affichent de tels bijoux. Tout dépend de la coutume de la localité.
יא  לֹא תַעְדֶּה אִשָּׁה עֲדִי הָאִישׁ, כְּגוֹן שֶׁתָּשִׂים בְּרֹאשָׁהּ מִצְנֶפֶת אוֹ כּוֹבַע, אוֹ שֶׁתִּלְבֹּשׁ שִׁרְיוֹן וְכַיּוֹצֶא בּוֹ, אוֹ שֶׁתְּגַלַּח רֹאשָׁהּ כְּאִישׁ; וְלֹא יַעְדֶּה אִישׁ עֲדִי אִשָּׁה, כְּגוֹן שֶׁיִּלְבֹּשׁ בִּגְדֵי צִבְעוֹנִין וַחֲלִי זָהָב--בִּמְקוֹם שְׁאֵין לוֹבְשִׁין אוֹתָן הַכֵּלִים וְאֵין מְשִׂימִים אוֹתוֹ הַחֲלִי, אֵלָא הַנָּשִׁים: הַכֹּל, כְּמִנְהַג הַמְּדִינָה
Une femme ne doit pas se parer de la parure d'un homme : Ce qui est l'une des 613 Miswôth de la Tôroh, comme nous l'avons expliqué en introduction de cet article.

comme par exemple en plaçant sur sa tête un turban ou un chapeau : Inutile de préciser qu'un chapeau qui a été créé spécifiquement pour les femmes est permis. Comme le Ramba''m le déclare à la fin de cette Halokhoh, tout dépend réellement de la pratique locale. C'est pour cela que même d'un point de vue strictement halakhique, on ne peut interdire aux femmes de porter un pantalon s'il s'agit clairement d'un pantalon féminin et qui n'est pas indécent. (Voir l'article intitulé « Une femme peut-elle porter un pantalon ? ».)

ou en se revêtant d'une armure : De nombreuses sources anciennes8 associent directement cette interdiction biblique au fait pour une femme de se revêtir d'une armure ou porter des armes. Comme nous l'avons expliqué, cette Miswoh n'inclut pas que les vêtements, mais également les « ustensiles » que portent les hommes. C'est pour cela que le Ramba''m ne dit pas qu'une femme a l'interdiction de s'habiller comme un homme, car ce serait trop réducteur, mais emploie plutôt l'expression générale de « Une femme ne doit pas se parer de la parure d'un homme ».

et toute chose semblable : C'est-à-dire que toute chose qui est clairement un article masculin, ou réservée aux hommes, ne peut être portée par une femme.

ou en se rasant la tête comme un homme : C'est-à-dire qu'une femme ne doit pas avoir de coiffure ressemblant à celle d'un homme. En cela, les femmes de certaines communautés hasidiques, telles que Satmar, transgressent directement une interdiction d'ordre biblique. (Voir l'article intitulé « Les femmes qui se rasent la tête ».)

Un homme ne doit pas se parer des parures d'une femme : Ce qui est l'une des 613 Miswôth de la Tôroh, comme nous l'avons expliqué en introduction de cet article.

comme par exemple en portant des vêtements colorés ou des bracelets en or là où seules les femmes portent de tels articles ou affichent de tels bijoux. Tout dépend de la coutume de la localité : Par conséquent, la définition de ce qui est considéré être « un vêtement ou une parure de femme » ou « un vêtement ou une parure d'homme » change en fonction des normes de la société dans laquelle on vit. (De la même manière que prier pieds nus dépend de la pratique de la localité où l'on se trouve, ou encore le fait pour une femme de porter un long voile en plus d'un simple foulard, etc.) Des vêtements qui auraient pu être interdits aux hommes ou aux femmes à une certaine époque pourraient tout à fait être permis à une autre époque, selon les normes établies par une société particulière. Toutes ces prescriptions ne sont donc pas « gravées dans la roche », pour ainsi dire, mais sont variables.
12. Un homme qui se pare de la parure d'une femme et une femme qui se pare de la parure d'un homme, se font flageller. Celui qui arrache des poils blancs du milieu des [poils] noirs de sa tête ou de sa barbe, dès lors qu'il a arraché au moins un poil, il se fait flageller en raison de [l'interdiction] de se parer de la parure d'une femme. De même, s'il teint ses poils en noir, dès lors qu'il a teint au moins un poil blanc, il se fait flageller.
יב  אִישׁ שֶׁעָדָה עֲדִי אִשָּׁה, וְאִשָּׁה שֶׁעָדָת עֲדִי אִישׁ--לוֹקִין. הַמְּלַקֵּט שְׂעָרוֹת לְבָנוֹת מִתּוֹךְ הַשְּׁחוֹרוֹת, מֵרֹאשׁוֹ אוֹ מִזְּקָנוֹ--מִשֶּׁיְּלַקַּט שַׂעֲרָה אַחַת, לוֹקֶה מִפְּנֵי שֶׁעָדָה עֲדִי אִשָּׁה; וְכֵן אִם צָבַע שְׂעָרוֹ שָׁחוֹר--מִשֶּׁיִּצְבַּע שַׂעֲרָה לְבָנָה אַחַת, לוֹקֶה
Un homme qui se pare de la parure d'une femme et une femme qui se pare de la parure d'un homme, se font flageller : Il ne s'agit pas ici de coup de fouet d'ordre rabbinique, mais biblique, contrairement aux coups de fouet mentionnés dans la Halokhoh 10.

Il convient de mentionner que cela est interdit même pour s'amuser ou rigoler. En cela, il n'est pas permis à un garçon de s'habiller en fille à Pourim ou pour des spectacles, comme cela se fait dans certains milieux hassidiques.

Celui qui arrache des poils blancs du milieu des [poils] noirs de sa tête ou de sa barbe : Afin de masquer son vieillissement.

dès lors qu'il a arraché au moins un poil, il se fait flageller en raison de [l'interdiction] de se parer de la parure d'une femme : C'est une pratique féminine, et non masculine, que de masquer le vieillissement (crème antirides, masques de beauté, etc.).

De même, s'il teint ses poils en noir, dès lors qu'il a teint au moins un poil blanc, il se fait flageller : Ce n'est le cas que s'il l'a fait afin de paraître plus jeune. Mais en soi, teindre ses cheveux n'est pas interdit à un homme.9

1Davorim 22:5
2Voir le Targoum `ônqalôs sur ce verset
3Shabboth 94b
4Nozir 59a ; Makkôth 20b
5Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 12:10-12
6Yôréh Dé´oh 182
7Voir le Sifathé Kôhén 182:3
8Par exemple, Nozir 59a, le Targoum `ônqalôs, etc.

9Touré Zohov 182:7
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