vendredi 15 avril 2016

Pourquoi ne faisons-nous que le demi-Hallél durant les six derniers jours de Pasah ?

ב״ה

Exposer les fausses notions

Pourquoi ne faisons-nous que le demi-Hallél durant les six derniers jours de Pasah ?


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La récitation du Hallél a une place prépondérante dans les célébrations de Pasah. La nuit du Sédhar, nous le récitons en deux parties (une première partie composée des Tahillim 113 et 114 que l'on récite juste après avoir fini de raconter l'histoire de la sortie d’Égypte, et une deuxième partie composée des Tahillim 115 à 118 que l'on récite à la fin du repas avant la Birakhath Hammozôn). Le premier Yôm Tôv de Pasah (le lendemain du Sédhar), nous récitons à nouveau le Hallél entier (Tahillim 113 à 118), et nous pouvons le faire à n'importe quel moment de la journée, de l'aube jusqu'au coucher du soleil. Et chaque jour de Hôl Hammô´édh Pasah ainsi que le dernier Yôm Tôv de Pasah, nous récitons le demi-Hallél, où nous omettons certains passages (les onze premiers versets du Tahillim 115 et l'intégralité du Tahillim 116). Pourquoi ne faisons-nous le Hallél entier que le premier Yôm Tôv de Pasah, tandis que les six jours suivants nous ne faisons qu'un demi-Hallél ?

Lorsque cette question est posée à la plupart des « Orthodoxes », la réponse classique sera que les six derniers jours de Pasah nous ne faisons qu'un demi-Hallél parce que les Égyptiens furent noyés dans la Mer Rouge le septième jour de Pasah, et cette tragédie humaine fait taire notre joie, car chanter le Hallél, qui est un chant de louange envers Dieu pour les bonnes choses passées, présentes et futures qu'Il a accomplies en notre faveur, donnerait l'impression que nous le faisons pour nous réjouir du sort des Égyptiens. Non seulement cette réponse n'a aucun sens, mais elle contrevient en plus à celle explicitement donnée dans le Talmoudh.

En effet, le Talmoudh1 énumère tous les jours de l'année où le Hallél est récité et se pose ensuite la question susmentionnée en comparant Pasah avec Soukkôth. Pourquoi est-ce que les six derniers de Pasah nous ne faisons qu'un demi-hallél, tandis que durant toute la semaine de la fête de Soukkôth le Hallél entier est récité ? La réponse donnée par le Talmoudh est très simple à comprendre. Après le premier Yôm Tôv de Pasah, les Mousofin (sacrifices supplémentaires) sont identiques chaque jour, alors qu'à Soukkôth un sacrifice de Mousof unique est offert chaque jour. Les Mousofin sont un indicateur sur la nature d'un Yôm Tôv. En exigeant que le même sacrifice soit apporté chaque jour de Pasah, la Tôroh nous enseigne que le caractère de chaque jour reste le même tout au long de cette fête. Par contre, les sacrifices différents apportés chaque jour de la période de Soukkôth nous révèlent que chaque jour de cette fête est différent et indépendant des autres. Par conséquent, en l'honneur de la signification particulière de chaque jour de Soukkôth, représentée par chaque sacrifice spécifique, un Hallél entier est récité. C'est aussi simple que cela, et c'est là la seule raison de cette différence entre Pasah et Soukkôth, n'ayant rien à voir avec la noyade des méchants Égyptiens ! (En outre, en quoi le fait que les Égyptiens aient été noyés le septième jour de Pasah devrait nous obliger à faire le demi-Hallél pendant six jours ? N'aurait-il pas été plus logique de nous faire réciter le Hallél entier les six premiers jours et ne faire le demi-Hallél que le septième et dernier jour de la fête ?)

Dans un passage n'ayant absolument rien à voir avec le Hallél, le Talmoudh2 rapporte que la nuit où les Égyptiens furent noyés dans la Mer Rouge (la septième nuit de Pasah), HaShem ית׳ empêcha les anges de chanter des chants de louange, parce que « L’œuvre de Mes mains est en train de se noyer ». On pourrait se dire que c'est un soutien à l'erreur commise à notre époque. Sauf que ce passage talmudique n'a aucun lien avec la récitation du Hallél par les Israélites ! L'interdiction de chanter à ce moment-là ne s'appliquait qu'aux anges et dans le contexte historique de cette année-là uniquement. En effet, bien que les anges ne purent chanter à ce moment-là, la Tôroh déclare clairement qu'aussitôt après avoir miraculeusement traversé la Mer Rouge à pieds secs alors que les Égyptiens se noyaient, les Israélites chantèrent à la suite de Môshah Rabbénou ע״ה et Miryom la Prophétesse ע״ה le Cantique de la Mer3, et toutes années qui ont suivi cet événement les anges chantent la septième nuit de Pasah. D'où provient donc l'erreur de compréhension commise par la majorité des Juifs d'aujourd'hui ?

En dépit de la raison claire offerte dans le Talmoudh pour expliquer la pratique consistant à ne réciter que le demi-Hallél à Pasah, le Shibbôlé Hallaqat (1210-1280 ; cité dans le Béth Yôséf4) rapporte un Midhrosh totalement inconnu, « le Midhrosh Harraminou » (un livre que personne n'a jamais vu à part lui), suggérant que la raison du demi-Hallél les six derniers jours de Pasah est due à l'ordre donné par Dieu aux anges les enjoignant à ne pas chanter pendant que les Égyptiens se noyaient. Le Ta''z (1586-1667)5 et le Hawwôth Yo`ir (1639-1702) acceptent cette raison et expliquent qu'à cause de ce « Midhrosh », le Hallél entier ne peut être dit le septième jour de Pasah, et qu'il serait inapproprié de le dire durant les jours de Hôl Hammô´édh. Mais de nombreux autres commentateurs se sont opposés à eux et ont questionné la nécessité d'ajouter une raison supplémentaire à celle offerte par le Talmoudh lui-même. Par exemple, le Tôroh Tamimoh (1860-1941)6 considère stupide ce raisonnement, car simplement omettre quelques versets du Tahillim 115 et l'entièreté du Tahillim 116 offre encore la possibilité de largement exprimer notre joie à travers les autres Tahillim restants (Tahillim 113, 114, le reste des versets du 115, et les 117 et 118). En quoi donc faire le demi-Hallél supprime-t-il donc notre joie par rapport à la noyade des Égyptiens, qui n'a d'ailleurs rien à voir avec la Halokhoh consistant à réciter le Hallél ? Et pourtant, de nombreux Juifs croient jusqu'à aujourd'hui que cette raison imaginaire évoquée par le Shibbôlé Hallaqat serait la raison du demi-Hallél à Pasah !

Tout cela nous montre :
  • l'importance d'étudier les raisons derrière nos pratiques à la lumière exclusive de nos sources authentiques,
  • que ce n'est pas parce qu'une croyance est populaire qu'elle est exacte et
  • que ce n'est pas parce qu'un « Midhrosh » est invoqué pour soutenir une pratique que cela signifie que ce « Midhrosh » est valable et fait autorité (il existe de nombreux Midhroshim post-talmudiques, dont nous ne sommes pas tenus d'accepter l'autorité).
1´arakhin 10a-b
2Maghilloh 10b ; Sanhédhrin 39b
3Shamôth 15:1-19
4`ôrah Hayim 490
5Ibid., paragraphe 3

6Sur Shamôth 14:20, note n°9