samedi 30 avril 2016

Ban Yômô & les ustensiles des Gôyim

ב״ה

Ban Yômô & les ustensiles des Gôyim


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Questions :

  1. Les couverts des goys sont-il utilisables? Présumons-nous dans le doute qu'ils ne sont pas ben yomo? S'ils ne sont pas ben yomo, pouvons-nous les utiliser ou bien y a-t-il un interdit miderabbanan de les utiliser? Le lave-vaisselle les casherisent-ils (en les soumettant à une sorte de hagala et en détruisant avec les  détergents le goût des restes d'aliments présents dans le lave-vaisselle et en empêchant ainsi une éventuellement contamination)?
  2. Qu'en est-il des assiettes et autres couverts en porcelaine qui sont beaucoup plus vernis de nos jours qu'aux temps de Hazal ?
  3. Si de tels couverts sont autorisés, devons-vous en conclure que les produits industriels sont cashers si leurs ingrédients le sont? La contamination croisée étant impossible de nos jour et il y aurait dans tous les cas une annulation par 60. De plus, les ustensiles industriels sont tous en inox et lavé avec des détergents très forts entre chaque utilisation: est-ce que cela revient à une cashérisation?

Réponses :

Ce sont là des questions très intéressantes que vous posez et dont les réponses serviront certainement au plus grand nombre.

Tout d'abord, qu'est-ce que la notion de ֶן יוֹמוֹ « Ban Yômô » (ou בַּת יוֹמָהּ « Bath Yômoh », pour la contrepartie féminine) que vous abordez dans votre première question ? Le Ramba''m ז״ל l'introduit de la façon suivante dans son Mishnéh Tôroh1 :

[Concernant] une marmite en argile dans laquelle fut cuite la viande d'une Navéloh ou la viande d'animaux abominables et rampants : On ne doit pas y faire cuire de la viande [d'un animal] égorgé rituellement ce jour-là. Si on y a fait cuire une sorte de viande, le met est interdit. [Si] on y a fait cuire une autre sorte [d'aliment], [le met est interdit s'il] donne du goût. La Tôroh n'a interdit uniquement que la marmite Bath Yômoh, étant donné que le goût de la graisse absorbée dans la marmite n'a pas encore été altéré. Mais Middivré Sôfrim, on ne devra jamais y cuire. C'est pourquoi on n'achète jamais auprès des Gôyim d'anciens ustensiles d'argile ayant déjà servi à chaud comme par exemple les marmites ou les assiettes, même s'ils sont recouverts de plomb. Et si on en a acheté et cuit à l'intérieur d'eux à partir du deuxième jour, la cuisson est permise.
קְדֵרָה שֶׁלְּחֶרֶס שֶׁנִּתְבַּשַּׁל בָּהּ בְּשַׂר נְבֵלָה, אוֹ בְּשַׂר שְׁקָצִים וּרְמָשִׂים--לֹא יְבַשַּׁל בָּהּ בְּשַׂר שְׁחוּטָה בְּאוֹתוֹ הַיּוֹם. וְאִם בִּשַּׁל בָּהּ מִין בָּשָׂר, הַתַּבְשִׁיל אָסוּר; בִּשַּׁל בָּהּ מִין אַחֵר, בְּנוֹתֵן טַעַם. וְלֹא אָסְרָה תּוֹרָה אֵלָא קְדֵרָה בַּת יוֹמָהּ בִּלְבָד, הוֹאִיל וַעֲדַיִן לֹא נִפְגַם הַשּׁוּמָן שֶׁנִּבְלַע בַּקְּדֵרָה; וּמִדִּבְרֵי סוֹפְרִים, לֹא יְבַשַּׁל בָּהּ לְעוֹלָם. לְפִיכָּךְ אֵין לוֹקְחִין כְּלֵי חֶרֶס יְשָׁנִים מִן הַגּוֹיִים שֶׁנִּשְׁתַּמְּשׁוּ בָּהֶן בְּחַמִּין, כְּגוֹן קְדֵרוֹת וּקְעָרוֹת, לְעוֹלָם, וְאַפִלּוּ הָיוּ שְׁווּעִין בַּאֲבָר; וְאִם לָקַח, וּבִשַּׁל בָּהֶן מִיּוֹם שֵׁנִי וָהָלְאָה--הַתַּבְשִׁיל מֻתָּר

Il y a de nombreuses informations à travers cette Halokhoh, qui répond à toutes les interrogations que vous soulevez. Tout d'abord, le principe de Ban Yômô/Bath Yômoh ne s'applique que dans le cas d'ustensiles poreux, ce qui était le cas de la majorité des ustensiles de ces temps-là.

Deuxièmement, le goût d'aliments non Koshér qui a été absorbé dans un ustensile poreux peut être soit frais soit stable. S'il est frais, c'est-à-dire « Ban Yômô/Bath Yômoh » (un produit de ce jour-là), il peut rendre non Koshér d'autres aliments qu'il contamine. S'il est stable, c'est-à-dire אֵינוֹ בֶן יוֹמוֹ/אֵינוֹ בַת יוֹמָהּ « `énô Van Yômô/`énô Vath Yômoh » (un produit qui date de plus d'un jour), il ne le peut pas (et ce qui aura été cuit dedans reste Koshér). Un goût fade n'est pas qualifié de non Koshér. En effet, seul compte un goût agréable ou qui améliore le met (comme nous le mentionnerons plus bas).

Troisièmement, comme le mentionne le Ramba''m, HaZa''l ont néanmoins interdit de cuire des aliments Koshér dans des ustensiles poreux Gôyim qui étaient `énô Van Yômô/`énô Vath Yômoh, non pas parce que l'aliment Koshér deviendra non Koshér, mais tout simplement afin qu'on n'en arrive pas à cuire dans des ustensiles poreux Ban Yômô/Bath Yômoh.2

Quatrièmement, l'interdiction rabbinique susmentionnée ne s'applique que Lakhattahilloh ! En effet, n'étant que rabbinique de nature, HaZa''l n'ont pas fait appliquer leur décret Badhi´avodh, de sorte que si quelqu'un, malgré l'interdiction, a quand même acheté des ustensiles poreux `énô Van Yômô/`énô Vath Yômoh ayant servi la dernière fois il y a plus d'un jour et qu'il y a fait cuire des aliments Koshér, son met reste Koshér et il peut le consommer !

Enfin, signalons qu'il n'est pas nécessaire de « Kashériser » de tels ustensiles avant de cuire dedans. Cela est évident du Talmoudh lui-même qui nous permet de consommer l'huile cuite par les Gôyim dans leurs propres marmites ou ustensiles non Koshér, sur la base du fait que nous devons supposer qu'ils sont `énô Van Yômô/`énô Vath Yômoh !3 Cela démontre clairement que des aliments cuits dans des ustensiles non Koshér (poreux) peuvent être Koshér si les ustensiles dans lesquels ils ont été cuits sont `énô Van Yômô/`énô Vath Yômoh.

Quant aux ustensiles Ban Yômô/Bath Yômoh, il est seulement interdit d'y cuire de la viande. Mais si on y a cuit quelque chose d'autre (par exemple du poisson, des légumes, etc.), tout dépendra si le goût de l'aliment non Koshér qui avait précédemment été cuit s'est transféré sur l'aliment Koshér que l'on a cuit par la suite dans le même ustensile poreux. Comme le Ramba''m le mentionne dans les Hilkôth Ma`akholôth `assourôth Chapitre 15, Halokhoh 25, dans ce genre de cas on fera goûter le met par un Gôy et s'il nous affirme que « Il n'y a pas le goût de l'aliment interdit » ou « Il y a le goût de l'aliment interdit, mais ce goût est mauvais et abîme celui de l’aliment permis », le met est autorisé à la consommation. Et s'il n'y a pas de Gôy disponible pour goûter, le Ramba''m explique que l'on appliquera alors la règle de ָטֵל בְּשִׁשִּׁים « Botél Bashishim », de sorte que si l'aliment interdit constitue moins d'un soixantième de l'ensemble du mélange le met sera autorisé.

Pour répondre à toutes les sous-questions de votre première question :

« Les couverts des goys sont-il utilisables? » - Oui ! La Halokhoh ne visait que les ustensiles poreux des Gôyim ! Or, à notre époque, l'écrasante majorité des ustensiles ne sont plus du tout poreux, et quand bien même il pourrait y avoir une absorption dans les parois le degré d'absorption est si infime qu'il n'a aucune conséquence halakhique.

« Présumons-nous dans le doute qu'ils ne sont pas ben yomo? » - Comme nous l'avons mentionné plus haut, HaZa''l ont autorisé de consommer des aliments cuits dans des ustensiles poreux des Gôyim sur la base de la supposition qu'ils n'étaient pas Ban Yômô. Nous pouvons donc également nous appuyer sur cela. En outre, puisque la majorité des ustensiles d'aujourd'hui n'absorbent pas, c'est une raison supplémentaire de permettre la consommation d'aliments cuits dans les ustensiles des Gôyim, puisque nous supposons qu'ils les auront lavés au préalable.

« S'ils ne sont pas ben yomo, pouvons-nous les utiliser ou bien y a-t-il un interdit miderabbanan de les utiliser? » - Comme nous l'avons expliqué, l'interdiction de consommer des aliments Koshér cuits dans des ustensiles qui n'étaient pas Ban Yômô est uniquement rabbinique, et HaZa''l ne l'ont fait appliquer que Lakhattahilloh mais pas Badhi´avodh, afin que l'on n'en arrive pas à cuire également dans des ustensiles poreux Ban Yômô. Par conséquent, si on a néanmoins cuit dans des ustensiles qui n'étaient pas Ban Yômô, il n'y a aucun problème. (Mais là encore, cela ne concerne que des ustensiles poreux. Pour des ustensiles non poreux, il n'y a même pas de problème Lakhattahilloh.)

« Le lave-vaisselle les casherisent-ils (en les soumettant à une sorte de hagala et en détruisant avec les détergents le goût des restes d'aliments présents dans le lave-vaisselle et en empêchant ainsi une éventuellement contamination)? » - Même le simple nettoyage à l'eau chaude et au savon suffit !

À noter que bien que les détergents et dégraissants n'existaient pas du temps de HaZa''l, nous pouvons supposer que lorsqu'ils ont permis de manger dans des ustensiles Gôyim qui n'étaient pas Ban Yômô, c'est parce que les marmites étaient propres ou du moins suffisamment propres que pour ne pas contaminer les aliments que l'on avait cuits à l'intérieur.

Concernant votre deuxième question, les assiettes d'aujourd'hui ne sont pas, pour la majorité d'entre elles, poreuses. Quant à la porcelaine, bien que l'écrasante majorité des Pôsqim la traitent comme l'argile, c'est une grave erreur basée sur un manque de connaissance flagrant. Les tessons sont classés en deux catégories : d'un côté nous avons les tessons poreux, comme l'argile (terre cuite) et la faïence, et de l'autre côté nous avons les tessons non poreux comme la porcelaine, le grès et le vitreux. La porcelaine a un taux de porosité inférieur à 0,6% et un taux d'absorption inférieur à 0,3%, ce qui est plus que dérisoire. Il est donc complètement faux de l'assimiler à l'argile ! En outre, les ustensiles en porcelaine ne sont jamais placés sur le feu (la Halokhoh parle avant tout d'ustensiles que l'on peut placer sur le feu pour cuire des aliments), ce qui fait qu'elle n'absorbe pratiquement pas d'aliments, n'étant pas utilisés à chaud.

Quant à votre dernière question, la réponse est tout simplement « Oui ! », pour toutes les raisons que vous soulevez ! Nous pouvons ajouter à cela que le Talmoudh stipule que dès lors que le Gôy craint que les Israélites n'achèteront pas ses produits car on le soupçonne de mélanger des ingrédients prohibés dans ses produits, quand bien même il n'y a pas d'Israélites présents pour le surveiller, ses produits sont Koshér ! Nous pouvons nous appuyer, par conséquent, sur les règles très strictes des agences responsables de la sécurité et de la qualité alimentaire des pays occidentaux dans lesquels nous vivons. Et si quelqu'un argue que nous ne devons pas faire confiance aux inspections et au sérieux de ces agences, je répondrai que les produits estampillés « Koshér » n'offrent aucune garantie. Les scandales dans le business de la Kashrouth sont très nombreux, et il s'est déjà trouvé des bouchers religieux qui vendaient de la viande treif présentée comme Koshér. Jusqu'à aujourd'hui, de telles affaires se produisent dans le monde de la Kashrouth ! La Tôroh nous a ordonné de ne juger qu'à partir de ce que l’œil voit ; nous ne sommes pas dans le secret des usines, de telle sorte que tant qu'une entreprise (Gôyoh ou Israélite) n'a pas été démontrée comme transgressant les règles et ne respectant pas les mesures de sécurité et d'hygiène, nous devons lui accorder le bénéfice du doute.

1Hilkôth Ma`akholôth `assourôth 17:1

2Voir Talmoudh, ´avôdhoh Zoroh 75b

3Ibid., 38b

jeudi 28 avril 2016

Lorsqu'on a oublié de compter le ´ômar

ב״ה

Lorsqu'on a oublié de compter le ´ômar

Perspectives des Ri`shônim


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  1. Que fait-on si on a oublié de compter la nuit mais que l'on s'en souvient le lendemain ?

Les Ri`shônim sont divisés sur cette question en raison de deux Mishnoyôth apparemment contradictoires. Une Mishnoh dans Manohôth 71a déclare que les gerbes d'orge pour l'offrande du ´ômar devaient être coupées la nuit, mais si elles l'avaient été le lendemain matin l'offrande reste valable. Sur base de cette Mishnoh, certains Ri`shônim concluent que si quelqu'un n'a pas compté le ´ômar la nuit cela peut encore se faire le lendemain matin. (Cela suppose que l'on adhère à l'opinion selon laquelle les lois sur la Safirath Ho´ômar doivent coïncider avec celles du coupage des gerbes du ´ômar.) De l'autre côté, une Mishnoh dans Maghilloh 20b déclare simplement que כל הלילה כשר לקצירת העומר « Toute la nuit est valable pour le coupage [des gerbes] du ´ômar ». Prenant littéralement cette Mishnoh (et faisant le lien entre couper et compter le ´ômar), certains Ri`shônim ont conclu que le ´ômar ne peut être compté que durant la nuit (de la tombée de la nuit à l'aube).

Il existe trois approches parmi les Ri`shônim quant à la façon d'agir si on a oublié de compter durant la nuit et que l'on ne s'en est souvenu que le lendemain :

  1. Compter durant la journée en faisant une bénédiction. Cette opinion est basée sur la Mishnoh qui apparaît dans Manohôth et est soutenue par le Béha''g ז״ל, le Ramba''m ז״ל, le Mé`iri ז״ל et le Mishkanôth Ya´aqôv ז״ל.

  1. Ne pas compter durant la journée, car on n'accomplit rien en le faisant. Cette opinion est basée sur la Mishnoh qui apparaît dans Maghilloh et est soutenue par Rabbénou Ta''m ז״ל et le Sama''g ז״ל.

  1. Compter en journée sans faire de bénédiction. Cette approche est un compromis entre les deux précédentes opinion et est soutenue par le Mordokhay ז״ל, les Tôsofôth ז״ל, le Ra`avya''h ז״ל, le Tashbé''s ז״ל, Rabbénou Yarouham ז״ל, le Ro`''sh ז״ל et le Ra''n ז״ל.

  1. Que fait-on si on a oublié de compter la nuit mais également le lendemain ?

Deux approches radicalement différentes furent adoptées par différents groupes parmi les Ga`ônim et les Ri`shônim. D'un côté, le Béha''g tranche que si une journée entière (nuit + jour) est passée sans que l'on ait compté le ´ômar, il n'y a alors plus la moindre nécessité de continuer à compter le reste de la Safirath Ho´ômar. De l'autre côté, le Rov Hay Go`ôn ז״ל, le R''i ז״ל et le Mé`iri tranchent que l'on doit continuer à compter le ´ômar avec une bénédiction, même si on a manqué une journée entière dans la Safirath Ho´ômar.

Leur désaccord tourne autour de l'interprétation correcte du verset suivant1 : וּסְפַרְתֶּם לָכֶם, מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת, מִיּוֹם הֲבִיאֲכֶם, אֶת-עֹמֶר הַתְּנוּפָה: שֶׁבַע שַׁבָּתוֹת, תְּמִימֹת תִּהְיֶינָה « Vous compterez pour vous-mêmes, depuis le lendemain du Shabboth, depuis le jour où vous aurez apporté le ´ômar du balancement, sept semaines, qui doivent être complètes ». La lecture péshatique est celle du Béha''g, c'est-à-dire qu'aucun jour ne doit manquer dans le compte, ce qui rendrait incomplètes les sept semaines. Le Rov Hay Go`ôn et le R''i soutiennent que « complètes » se réfère à chaque jour individuellement ; chaque jour doit être complet, c'est-à-dire que le compte doit se faire de nuit. Le Mé`iri soutient plutôt que rendre les semaines « complètes » est une Miswoh indépendante du compte. De ce fait, pour le Mé`iri, si quelqu'un a oublié de compter la nuit il doit compter en journée avec une bénédiction, et s'il a oublié de le faire également en journée il doit néanmoins continuer à compter les nuits suivantes avec une bénédiction.

Le Tour et le Béth Yôséf2 expliquent qu'au cœur de cette divergence se trouve la question suivante : la Safirath Ho´ômar constitue-t-elle une seule Miswoh (compter quarante-neuf jours) ou quarante-neuf Miswôth indépendantes ? D'après le Béha''g, elle ne constitue qu'une seule Miswoh, de sorte qu'oublier de compter ne serait-ce qu'un seul jour invalide l'intégralité de la Miswoh. Par contre, le Rov Hay Go`ôn et le R''i considèrent que la Safirath Ho´ômar représente quarante-neuf actes indépendants, de sorte qu'oublier de compter un jour ne cause une perte que pour la Miswoh de ce jour-là et non l'ensemble des jours du compte. Il sera donc possible, d'après cette approche, de continuer à compter avec une bénédiction même en ayant manqué un jour de compte. Le Ri''d ז״ל déclare que l'on peut trouver une preuve de la validité de cette approche dans la bénédiction qui est faite avant de compter. Si l'ensemble du compte des quarante-neuf jours constitue une seule grande Miswoh, comme semble le soutenir le Béha''g, pourquoi ne pas alors faire une seule bénédiction le tout premier jour du compte qui sera valable pour l'ensemble des autres jours ? Puisque la bénédiction est refaite chaque jour avant de compter, cela accrédite l'approche du Rov Hay Go`ôn et du R''i, selon qui chaque jour du compte constitue une Miswoh indépendante.

  1. D'autres façons de compter le ´ômar parmi les Ga`ônim et Ri`shônim

  • Le Rov Sa´adhyoh Go`ôn3 ז״ל déclare que si on a oublié de compter le premier jour du ´ômar, on ne doit plus compter avec une bénédiction les autres nuits. Mais si le compte a été oublié une nuit autre que la première, on pourra continuer à compter avec une bénédiction. La question naturelle qui se pose est : pourquoi la première nuit est-elle différente des autres ? Si quelqu'un n'a pas compté la première nuit, c'est comme si la Miswoh de compter n'avait alors jamais vraiment commencé. Une progression doit toujours avoir un point de départ. L'idée du Rov Sa´adhyoh Go`ôn est qu'une fois que le compte a commencé depuis le début, manquer un jour ne détruit pas la Miswoh. On peut combler les vides et considérer que les jours manqués sont implicites, dès lors que la fondation d'un compte existe déjà.

  • Le Rov Hay Go`ôn4 déclare que si quelqu'un a oublié de compter la nuit et le lendemain, la nuit suivante il doit dire « Le compte d'hier était... et celui d'aujourd'hui est... ». En quoi est-ce important de compter le jour d'hier ? Le compte de chaque jour n'est-il pas une Miswoh uniquement pour « aujourd'hui » ? Compter le jour manqué permet de maintenir la progression, l'acte de simplement compter qui est essentiel à la Miswoh de la Safirath Ho´ômar. Déclarer « Le compte d'hier était... » n'est pas l'accomplissement d'une Miswoh, mais plutôt une façon de s'assurer qu'il y a un compte séquentiel et progressif, permettant ainsi de connecter le compte de la nuit d'aujourd'hui aux nuits précédentes.

  • Le Minhogh de Rash''i5 ז״ל consistait à compter le ´ômar tard dans l'après-midi après Palagh Hamminhoh (une heure et quart halakhique avant le coucher du soleil) sans bénédiction, puis de répéter le même compte durant la nuit, après la sortie des étoiles, avec une bénédiction. Si le compte réalisé après Palagh Hamminhoh est valable, pourquoi ne faisait-il pas la bénédiction à ce moment-là ? Et s'il n'était pas valable, pourquoi alors compter à ce moment-là au lieu de simplement attendre la tombée de la nuit ? Le compte réalisé à Palagh Hamminhoh n'était pas accompagné d'une bénédiction parce que Rash''i tranche que la vraie Miswoh ne doit être accomplie que lorsqu'il fait réellement nuit, après la sortie des étoiles. Mais de l'autre côté, étant donné que la nuit tombe de plus en plus tard durant la période de la Safirath Ho´ômar (et d'autres considérations également, comme par exemple la crainte d'oublier de le faire), Rash''i craignait de ne pas pouvoir compter cette nuit, ce qui lui ferait perdre son compte. La période qui suit Palagh Hamminhoh est pertinente concernant la nuit, puisque toutes les Miswôth associées à la nuit peuvent déjà, en cas de nécessité, être accomplies à partir de Palagh Hamminhoh. Ainsi, on peut déjà commencer le Shabboth ou prier Ma´ariv après Palagh Hamminhoh si on ne désire ou ne peut pas attendre la tombée de la nuit. De ce fait, si le compte était oublié plus tard, la progression aurait été préservée bien que la Miswoh de jour n'aurait pas été accomplie.
1Wayyiqro` 23:15
2`ôrah Hayim 489
3Cité par le Tour, Ibid.
4Cité dans le Bi`our Halokhoh, `ôrah Hayim 489:8

5Cité dans le Mahzôr Witri

Cuisson dans un four ou micro-ondes Gôy

ב״ה

Cuisson dans un four ou micro-ondes Gôy


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Question : Est-il possible de cuire dans un four goy? Sous quelles conditions? L'odeur de la nourriture taref doit-elle avoir disparue? Le four doit-il être propre? Doit-on le chauffer quelques minutes pour faire fondre toute graisse interdite? Peut-on cuire dans un four à micro-ondes sans couvercle hermétique?

Réponse : Concernant les questions relatives au four, je reprendrais une partie de ce qui a été dit dans l'article intitulé « Lorsqu'on utilise le même four ».

Nous lisons ceci dans le Talmoudh Bavli1 :

Rov a dit : « La viande grasse [d'un animal rituellement] égorgée qui a été rôtie avec2 de la viande maigre d'une Navéloh3 est interdite ». Quelle en est la raison ? C'est parce qu'elles s'engraissent l'une l'autre.4 Mais Léwi a dit : « Même de la viande maigre d'un [animal rituellement] égorgé qui a été rôtie avec de la viande grasse d'une Navéloh est permise ». Quelle en est la raison ? C'est parce qu'il s'agit simplement d'une odeur, et l'odeur n'est rien du tout. Léwi émit une décision pratique5 dans la maison du Résh Goloutho`6 dans le cas d'une chèvre [rôtie] avec « autre chose »7.
אמר רב בשר שחוטה שמן שצלאו עם בשר נבילה כחוש אסור מאי טעמא מפטמי מהדדי ולוי אמר אפילו בשר שחוטה כחוש שצלאו עם בשר נבילה שמן מותר מאי טעמא ריחא בעלמא הוא וריחא לאו מילתא היא עביד לוי עובדא בי ריש גלותא בגדי ודבר אחר

À la lecture de ce passage talmudique, certains Pôsqim soutiennent que Rov ז״ל et Léwi ז״ל sont tous les deux d'accord que Lakhattahilloh (a priori) on ne doit pas faire rôtir un morceau de viande Koshér avec un morceau de viande non Koshér dans le même four. Mais Badhi´avodh (a posteriori, c'est-à-dire si cela a déjà été fait), Rov interdit de consommer la viande Koshér, tandis que Léwi le permet. C'est une façon de comprendre cette Gamoro`.

Par contre, d'autres Pôsqim, tel que le Ra''n8 ז״ל (Rabbénou Nissim de Gérone, 1320-1380), démontrent du passage talmudique susmentionné que Léwi permet de rôtir de la viande Koshér dans le même four que de la viande non Koshér même Lakhattahilloh, et non pas Badhi´avodh. En fait, cela est clairement soutenu dans le Talmoudh Yarousholmi9, qui le dit explicitement.

Les Ga`ônim et la majorité des Ri`shônim ont tranché comme Léwi Badhi´avodh, parmi lesquels le Halokhôth Gadhôlôth (Shim`ôn Qiyaro`, qui a vécu durant la première moitié du 8ème siècle), le Ri''f ז״ל (Rabbénou Yishoq `alfasi, 1013-1103), le Ramba''m ז״ל (Rabbénou Môshah ban Maymôn (1135-1204), le Rashba''` ז״ל (Rabbénou Shalômôh ban `addarath, 1235-1310), ou encore le Ra''n. Lakhattahilloh, d'après ces Pôsqim, nous ne devrions pas le faire, mais si cela a été fait cela ne rend pas interdite la viande Koshér.

Nous devons nous rendre compte qu'en ces temps-là, avoir des fours individuels était difficile, voire impossible. De ce fait, les fours pouvaient très bien être utilisés aussi bien par les Israélites que les Gôyim, d'où cette discussion talmudique susmentionnée sur ce qu'il faudrait faire si nous faisons rôtir notre viande Koshér en même temps qu'un Gôy fait rôtir sa viande Navéloh. À nos époques, chaque famille possède son propre four chez elle, mais la discussion n'en reste pas moins pertinente. Par exemple, elle peut s'appliquer lorsqu'on visite de la famille non pratiquante, voire même non juive (si l'on est un converti). Dans un tel cas, pour ne pas consommer la viande non Koshér qui pourrait nous être servie, on pourra apporter sa propre viande Koshér et la faire rôtir dans le four de la famille non pratiquante ou non juive, même s'ils l'utilisent pour rôtir de la viande non Koshér et même s'ils font rôtir en même temps que nous leur viande non Koshér. Le Talmoudh explique que la divergence entre Rov et Léwi porte sur l'importance à accorder à l'odeur. Si, comme Rov, on considère que le transfert d'odeur d'une viande à l'autre a une importance, le fait de rôtir une viande Koshér avec une viande non Koshér dans le même four rend la viande Koshér interdite, car l'odeur de la viande non Koshér a imprégné la viande Koshér. Mais si, comme Léwi, on considère qu'un transfert d'odeur n'a aucune importance (on ne parle pas d'un transfert de goût, mais d'odeur), le fait que la viande Koshér ait pu être imprégnée de l'odeur de la viande non Koshér ne rend pas interdite la viande Koshér. (Il convient de préciser qu'en tous les cas, les deux viandes ne devront pas se toucher.)

À présent, il convient de préciser quelque chose d'essentiel. Lorsque la Gamoro` parle de la viande Koshér rôtie dans le même four que la viande non Koshér, elle parle du cas où les deux viandes ont été cuites simultanément dans le même four. Mais si la viande non Koshér fut rôtie en premier, puis retirée, et que seulement alors la viande Koshér fut placée dans ce même four et rôtie, il n'existe aucune base halakhique pour dire que cela est interdit, même d'après la position de Rov. L'affirmation selon laquelle quelques restes de la viande précédente pourraient être présents dans le four est tirée par les cheveux et inexacte pour plusieurs raisons, parmi lesquelles :
  1. si cela ne s'est pas produit le même jour, les restes de la viande non Koshér ne peuvent pas imprégner un goût (le principe de נוֹתֵן טַעַם לִפְגָּם « Nôthén Ta´am Lifgom », qui stipule que si 24h sont passées, la propriété de pouvoir transmettre le goût disparaît) ;
  2. et quand bien même la viande Koshér aurait été rôtie dans le même four au cours de la même journée où a été rôtie la viande non Koshér, les restes dans les parois du four sont insignifiants en termes de quantité, et s'applique alors la règle de בָּטֵל בְּשִׁשִּׁים « Botél Bashishim » (si de la matière interdite s'est malencontreusement mélangée à une matière permise, cela ne porte pas à conséquence si la matière interdite équivaut à moins d'1/60ème de l'ensemble) ;
  3. pas un seul des Ri`shônim n'a même affirmé que les restes de la viande non Koshér dans les parois du four constituait un problème. Vous pourrez chercher comme bon vous semble, mais vous n'en trouverez pas un seul !

À la lumière de tout cela, nous pouvons répondre aux questions posées :

« Est-il possible de cuire dans un four goy? ». Oui !

« Sous quelles conditions? ». Si des aliments non Koshér d'un Gôy ont été cuits dans un four, puis retirés, un Israélite peut y mettre ses aliments Koshér afin de les cuire dans ce même four, et cela d'après tous les avis. Par contre, il y a divergence d'opinion lorsqu'on cuit des aliments Koshér en même temps que des aliments non Koshér dans le même four. Bien que le Bavli soit ambigu sur la question et que la plupart des Pôsqim soutiennent que cela ne peut se faire que Badhi´avodh, le Yarousholmi tranche explicitement que cela peut se faire Lakhattahilloh, et telle est l'approche d'une minorité de Pôsqim.

« L'odeur de la nourriture taref doit-elle avoir disparue? ». Comme nous l'avons vu dans le Talmoudh, si les deux aliments (Koshér et non Koshér) sont cuits simultanément dans le même four, il y a une divergence d'opinion entre Rov et Léwi quant au pouvoir de l'odeur. D'après le premier cité, l'odeur est un paramètre significatif à prendre en compte. Par conséquent, il ne permet cette cuisson simultanée qu'à un niveau Badhi´avodh. Par contre, pour le deuxième cité, l'odeur n'est pas la même chose que le goût, et il n'y a donc pas lieu d'être strict. Mais rappelions que cette divergence ne concerne que le cas d'aliments cuits simultanément. Lorsqu'un aliment est cuit après l'autre, aussi bien Rov que Léwi s'accordent à dire qu'il n'y a aucun problème avec l'odeur.

« Le four doit-il être propre? ». Même s'il est préférable qu'il soit propre, cela n'est pas essentiel.

« Doit-on le chauffer quelques minutes pour faire fondre toute graisse interdite? ». Les restes d'aliments non Koshér dans le four ne sont pas considérés significatifs d'un point de vue halakhique. Quand bien même il s'en mélangerait malencontreusement avec les aliments Koshér, la règle de Botél Bashishim vient annuler le problème.

Concernant la question sur le four à micro-ondes : Il arrive régulièrement que l'on doive utiliser le même four à micro-ondes que les Gôyim, par exemple sur son lieu de travail. Je suppose que c'est par rapport à une telle situation (ou semblable à celle-ci) que la question a été posée.

Puisque l'odeur ne cause aucun souci lorsque des aliments sont cuits les uns à la suite des autres, le couvercle n'a pas à être hermétique et il n'y a pas de problème même si un peu de vapeur s'en échappe. (Bien que certains Pôsqim exigent une double couverture, comme par exemple un ustensile renversé + un sac plastique par dessus, ce n'est qu'une Houmroh, pas un Din.)

1Pasohim 76b
2C'est-à-dire dans le même four, mais sur des broches différentes, et qui ne se touchent pas
3Un animal n'ayant pas été égorgé rituellement
4Le raisonnement de Rov est celui-ci : L'odeur de la viande grasse pénètre la viande maigre et la rend grasse, et alors, en retour, l'odeur de la viande maigre, qui est interdite, pénètre la viande permise et la rend interdite également
5Et non pas seulement théorique, en accord avec sa position
6La plus haute autorité de la communauté juive à Babylone
7C'est-à-dire du porc, que l'on désignait souvent par l'expression « autre chose ». La viande de chèvre et celle de porc avaient été rôties ensemble, mais Léwi a permis la consommation de la viande de chèvre
8Dans son commentaire sur Houllin 32a

9Taroumôth 10:2

mercredi 27 avril 2016

L’idolâtrie du pain en forme de clef

ב״ה

L’idolâtrie du pain en forme de clef


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Chaque année, de nombreuses femmes Juives s'adonnent à un Minhagh `ashkanazi consistant à placer une clef à l'intérieur de la pâte d'une miche de pain qu'elles vont cuire. Ce Minhogh est connu sous le nom de « Schlussel Halloh » (« Schlussel », de l'allemand « Schlüssel », qui signifie « clef », combiné au mot Hébreu « Halloh », qui désigne communément un pain consommé à l'occasion de Shabboth et Yôm Tôv. Voir cependant l'article intitulé « Le mythe des Hallôth de Shabboth » où nous avions vu que ce terme n'était pas approprié pour désigner ce pain). Bien que la plupart du temps une clef métallique est placée dans le pain, d'autres donnent plutôt au pain la forme d'une clef ou placent des graines de sésame sur le pain en leur donnant une forme de clef. Dans certaines communautés ashkénazes, les femmes se rassemblent même entre elles avec la croyance commune que cuire une Schlussel Halloh permettra à leurs foyers de mériter des bénédictions, et en particulier dans le domaine financier et matériel. Récemment s'est même développer un nouveau Minhogh consistant à cuire une Schlussel Halloh pour le « mérite » d'un malade, afin de l'aider à se remettre de sa maladie ou d'un traumatisme physique. Mais d'où provient une telle pratique ?

Cuire une clef à l'intérieur d'un pain est une pratique non juive qui tire ses fondements dans le christianisme, qui lui-même en a hérité de cultures païennes antiques. Les clefs étaient traditionnellement fabriquées sous la forme d'une croix, le symbole du christianisme que l'on pouvait retrouver dans tous les foyers chrétiens. À Pâques, la fête chrétienne qui célèbre la résurrection de Jésus, les Chrétiens cuisaient le symbole de Jésus dans ou sur une miche de pain fermentée. C'était non seulement un geste religieux, mais le pain était également une gâterie particulière de la fête. Parfois, ces pains étaient entièrement cuits sous la forme d'une croix, et d'autres fois on faisait une croix avec de la pâte que l'on appliquait ensuite sur le dessus du pain. Quant à la clef placée à l'intérieur du pain, il n'y avait là rien d'étonnant puisque la clef elle-même était intrinsèquement un symbole du christianisme et représentait Jésus « se levant » (ou « ressuscitant ») dans la pâte.

Des pratiques similaires existent encore de nos jours dans le monde chrétien, comme par exemple au Mexique où une figurine représentant l'enfant Jésus est cuite dans de petits gâteaux. Souvent, l'enfant qui la retrouve gagne un prix. Cela existe aussi aux États-Unis : dans l'état de Louisiane, à partir du Mardi Gras et jusqu'à trente jours plus tard, des jouets en forme de l'enfant Jésus sont cuits dans un gâteau entier et quiconque en trouve dans son morceau doit acheter le gâteau du lendemain. En Espagne, il existe une tradition consistant à placer une petite poupée de Jésus à l'intérieur d'un gâteau et quiconque la retrouve doit l'apporter à l'église la plus proche le 2 Février, date de la chandeleur, qui commémore la présentation de Jésus au Béth Hammiqdosh de Jérusalem.

Les Juifs qui ont copié cette pratique ont la coutume de cuire une Schlussel Halloh chaque année lors du premier Shabboth qui suit la fin de la fête de Pasah. De nos jours, même des femmes séfarades ont commencé à adopter cette ´avôdhoh Zoroh en raison des mélanges et interactions toujours plus grandes entre `ashkanazim et Safaradhim. Pourquoi cette pratique est-elle observée à ce moment-là précisément ?

Dans le monde chrétien, les aliments cuits associés aux clefs sont communément appelés « pains de Pâques » ou « pains pascals », en référence au fait que Jésus est considéré dans la religion chrétienne comme étant « l'agneau pascal » que les Juifs offraient à l'occasion de Pasah lorsque le Béth Hammiqdosh existait. De nos jours, la clef a été remplacée dans de nombreux foyers chrétiens par des œufs placés à l'intérieur, comme l'illustrent les images ci-dessous :

Un pain pascal grec appelé « tsoureki »

Un pain pascal de Grottaglie appelé « palómma »

Une autre version du tsoureki

Dans les temps passés, dans certaines communautés chrétiennes, le pain était cuit sous la forme d'une échelle. Dans les deux, l'échelle et la clef représentaient des outils pouvant métaphysiquement aider à atteindre les cieux, car elles permettent toutes deux d'avoir accès à quelque chose ou à un endroit. Le rapprochement avec Jésus est évident, puisque ce dernier a affirmé dans le Nouveau Testament que « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ». Jésus est donc à la fois l'échelle et la clef qui mène vers Dieu, d'après la doctrine chrétienne.

Bien que les Juifs qui défendent cette pratique de la Schlussel Halloh affirment, pour la légitimer, qu'elle est mentionnée dans les écrits du Apter Rov (1748-1825), ainsi que dans le טַעַמֵי הַמִּנְהָגִים « Ta´amé Hamminhoghim » (publié en 1891), il n'existe aucune source authentique pour cette pratique. Et rapporté l'avis d'un rabbin n'équivaut pas à une source ! En effet, le concept de la Schlussel Halloh ne se retrouve nulle part dans la Tôroh, les Tanno`im, les `ammôro`im, les Ga`ônim ou les Ri`shônim. En outre, la Tôroh enseigne que c'est HaShem Lui-même qu'il faut directement invoquer. Il n'est pas dit que cuire du pain ou réaliser quelque autre activité aidera aux besoins de quelqu'un. Lorsque les Matriarches étaient stériles, elles n'ont pas eu recourt à des Saghoulôth, mais ont fait une introspection et ont prié. Rien dans la Tôroh ne soutient le concept des Saghoulôth. Cuire des pains n'est d'aucune utilité. En fait, le Minhogh de Schlussel Halloh contrevient à l'interdiction de la superstition (car c'est une forme d'amulette ou de charme pour la bonne fortune). Cela n'a aucune importance que le charme soit une patte de lapin, un fer à cheval, une Halloh, une clef ou un bracelet rouge. Même attribuer des pouvoirs à une Mazouzoh est une interdiction ; à combien plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un pain ! (Voir notamment les articles intitulés « Les objets ou les personnes ont-ils un pouvoir intrinsèque ? » et « Le Ramba''m et le rôle protecteur de la Mazouzoh ».) La pratique sous-entend que des forces existent, ce qui n'est non seulement pas le cas mais est également de l’idolâtrie.

Les gens devraient se demander quel lien y a-t-il entre le fait de placer une clef dans du pain (ou cuire un pain en former de clef) et le fait d'améliorer sa condition financière et matérielle ! Les dangers menant à l'égarement sont grands, car en inventant des pratiques n'ayant aucune base dans la Tôroh on nie implicitement la Tôroh. C'est comme si on disait que « La Tôroh n'est pas parfaite et que prier Dieu directement ne sert à rien, car cela ne fonctionne pas dans mon cas et qu'il y a d'autres personnes qui ont mis au point des méthodes alternatives qui fonctionneront pour moi ». C'est donc un reniement total de la Tôroh et constitue bien une forme de ´avôdhoh Zoroh ! Cela indique que l'on a perdu la foi dans les prescriptions authentiques de la Tôroh. Par ces méthodes alternatives, on sous-entend qu'il existe d'autres forces en-dehors de Dieu qui résoudront les problèmes de ceux qui y font appel.

Le concept et l'observance de cette folie continuent de grandir, puisqu'elle est adoptée par de plus en plus de Juifs récemment devenus religieux à qui l'on a enseigné qu'il était acceptable d'utiliser une miche de pain en forme de clef comme intermédiaire entre eux et le Tout-Puissant. Une très large portion du peuple juif adhère à ce Minhogh. Il est très populaire aussi bien dans les communautés Harédhim hassidiques et non hassidiques. On le retrouve aussi parmi les « Orthodoxes Modernes », les communautés « Yeshivish », chez certains Litvaqim, d'autres Juifs d'ascendance allemande et désormais aussi parmi les Juifs séfarades ashkénazifiés ! Après Pasah, on peut trouver des Schlussel Hallôth vendues en magasins, une Halloh avec une clef directement dans le sac ! Il est très facile de trouver des sites Internet faisant la promotion de cette avôdhoh Zoroh, comme ici ou encore ici. Il existe même des prières spéciales ayant été composées et devant être dites par celui qui prépare la Schlussel Halloh !

Comme pour toutes les pratiques nouvelles n'ayant aucune base halakhique, de nombreuses personnes tentent d'attacher à cette avôdhoh Zoroh des idées juives pour la rendre plus acceptable et lui donner l'impression d'être valable en tous points. Certaines de ces tentatives peuvent être lues dans les liens Internet susmentionnés. Certains sont même allés jusqu'à exploiter le nom du Ramba''m ז״ל pour justifier l'association entre une clef et la Halloh. De telles connexions n'ont aucune base et ne sont rien d'autres que des tentatives désespérées de sauver la face, tant il est flagrant que la Schlussel Halloh est une pratique aux origines païennes qui n'a rien à voir avec le judaïsme. De plus, il est bien connu que le Ramba''m lui-même se serait clairement opposé à la pratique de cuire une clef dans du pain ou du pain dans la forme d'une clef pour s'attirer les faveurs divines. C'est effectivement un principe clair dans les écrits du Ramba''m qu'utiliser des objets physiques de la sorte est de la pure ´avôdhoh Zoroh. S'il condamne déjà ceux qui lisent des Tahillim pour obtenir une guérison (voir l'article intitulé « Lire des Tahillim pour un malade »), combien plus l'aurait-il fait concernant ceux qui cuisent des Schlussel Hallôth pour jouir de bénédictions matérielles et financières ? Il n'y a aucun doute que la Schlussel Halloh fait partie des Darakhé Ho`amôri (pratiques des Gôyim qui sont interdites, car liées à l’idolâtrie) !

Il existe un autre aspect qui rend détestable cette pratique : ce que l'acceptation de ce Minhogh implique :

  1. À l'origine, la pratique des gens était plus ou moins mimétique

  1. Puis, les gens ont commencé à se tourner vers des textes et s'éloigner de leurs traditions mimétiques

  1. Enfin, avec le développement de l'Internet, les traditions mimétiques de chaque groupe devinrent des textes et la norme à laquelle la communauté juive est sensée se tenir.

C'est ainsi que bien que je n'avais jamais entendu parler de Rabbi Menachem Mendel de Rimanov, de nombreuses communautés s'appuient sur ses écrits dans un domaine ou dans un autre, comme par exemple pour justifier la récitation de la Parashath Hammon chaque mois. Puisqu'il s'agit d'une Saghouloh à laquelle est attachée de nombreuses récompenses (prospérité matérielle, avoir des enfants, etc.), les gens à la recherche de méthodes alternatives rapides ont commencé à répandre les propos du rabbin susmentionné. Même Artscroll a publié la Parashath Hammon sur Internet (voir ici, en PDF) et de nombreux sites font la promotion de cette bizarrerie superstitieuse (comme par exemple ici). Et maintenant, on s'attend à ce que tout le monde la dise, au point que les gens expriment leur surprise d'entendre que certains ne le font pas.

Il en est de même de la Schlussel Halloh. De très nombreux Juifs n'ont jamais eu cette pratique dans leurs familles. Mais on ne sait par quel tour de passe-passe, soudainement tout le monde l'observe aujourd'hui, et les gens s'étonnent lorsqu'ils tombent sur des Safaradhim, des Témonim ou Talmidhé HaRamba''m qui n'adhèrent pas à cette folie. « Quel est ce shnook qui n'a pas de Shlussel Halloh ? ».


Si ne pas en avoir fait de quelqu'un un shnook, alors il est préférable d'être un shnook plutôt qu'un idolâtre ou superstitieux !

Il n'y a pas de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar

ב״ה

Il n'y a pas de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar


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Il existe une pratique très répandue au sein de l'orthodoxie juive consistant à suivre toute une série de pratiques de deuil durant la période de la Safirath Ho´ômar, à savoir :

  • interdiction de tenir des mariages et des célébrations de mariage
  • interdiction de se couper les cheveux et de se raser
  • interdiction d'écouter de la musique instrumentale
  • interdiction d'acheter et de porter des vêtements neufs

La période sur laquelle ces pratiques seront respectées varie d'une communauté à l'autre :

  1. la pratique dominante consiste à les respecter à partir du premier jour du compte du ´ômar jusqu'au trente-troisième jour
  2. la pratique majoritaire chez les Safaradhim consiste à les respecter à partir du premier jour du compte du ´ômar jusqu'au matin du trente-quatrième jour
  3. certains ont la pratique de les respecter à partir de Rô`sh Hôdhash `iyor jusqu'au matin du 3 Siwon
  4. d'autres enfin ont la pratique de les respecter à partir du 2 `iyor jusqu'à la veille de Shovou´ôth

Dans toutes les approches susmentionnées, exceptée celle des Safaradhim, le deuil est suspendu le trente-troisième jour du ´ômar, que l'on appelle communément ל״ג בָּעוֹמֶר « La''g Bo´ômar ». Le seul fait que les Safaradhim ne suspendent pas les pratiques de deuil ce jour-là démontre que le 33ème jour du ´ômar n'est en réalité pas une fête officielle du Judaïsme. Quant aux Dôr Da´im et Talmidhé HaRamba''m, non seulement nous ne célébrons pas La''g Bo´ômar, mais nous ne suivons pas non plus de période de deuil durant la Safirath Ho´ômar.

Lorsque vous demandez aux « Orthodoxes » pourquoi est-ce qu'ils respectent un deuil durant la Safirath Ho´ômar, et pourquoi s'achève-t-il (ou est-il suspendu) précisément le 33ème jour du ´ômar, trois réponses sont généralement avancées :

  1. Il est dit dans le Talmoudh que 24 000 des disciples de Rébbi ´Aqivo` ז״ל ont été frappés par une plaie qui ne cessa que le 33ème jour du ´ômar.
  2. Le 33ème jour du ´Omar, Rébbi Shim´ôn ban Yôho`y ז״ל aurait rédigé et terminé le Zôhar.
  3. Ce serait également ce jour-là que Rébbi Shim´ôn ban Yôho`y décéda.

Concernant les points 2 et 3, voir les articles intitulés « Qui a écrit le ''Zôhar'' ? » et « Cinq choses à savoir sur La''g Bo´ômar ». Nous allons analyser le point 1 et voir ce qu'il en retourne réellement.

Le Talmoudh Bavli, dans Yavomôth 62b, nous dit que Rébbi ´aqivo` avait douze mille pairs de disciples de Gavath à `antipras. (Cela fait un total de 24 000 disciples. Mais dans la version que l'on retrouve dans le Midhrosh1, le mot « pairs » n’apparaît pas, suggérant qu'ils étaient 12 000 disciples au total. De l'autre côté, ailleurs, le Bavli2 parle plutôt de 24 000 pairs de disciples, ce qui fait donc 48 000 disciples.) Tous ces disciples sont morts d'une « plaie » causée par le fait qu'ils ne se respectaient pas les uns les autres. À la suite de leur mort, le Bavli dit que le monde fut privé de l'étude de la Tôroh jusqu'à ce que Rébbi `aqivo` ne se rende dans le sud de la Palestine et ne forme cinq disciples d'une érudition remarquable, parmi lesquels Rébbi Shim´ôn abn Yôho`y. Le Bavli cite alors une source tirée des Tanno`im selon quoi les disciples de Rébbi ´aqivo` (peu importe leur nombre exact) avaient péri durant la période de la Safirath Ho´ômar, entre Pasah et Shovou´ôth. (Plus tard, le Bavli écrit qu'ils sont morts d'une sorte de maladie. Mais du Talmoudh Yarousholmi il ressort clairement qu'ils sont en fait tombés au combat durant la révolte de Bar Kôzivo`. Pour chaque divergence entre les deux Talmoudhin, nous nous alignons derrière le Yarousholmi. Ainsi, lorsqu'on dit que les disciples de Rébbi ´aqivo` moururent d'une plaie parce qu'ils ne se respectaient pas les uns les autres, cela signifie en réalité qu'HaShem les fit mourir au combat dans la révolte Judéenne contre Rome pour la raison précédemment citée.)

Mais malgré tout cela, et cela a toute son importance, le Bavli ne cite jamais La''g Bo´ômar (le 33ème jour du ´ômar), impliquant par-là que la mort de ces disciples s'est produite durant l'entièreté de la période de la Safirath Ho´ômar.

Deuxièmement, ce passage ne fait aucune mention de quelques pratiques de deuil que l'on devrait observer pour marquer cette tragédie. En fait, il n'a jamais existé de recommandation à prendre le deuil pour cette tragédie durant tout le premier millénaire qui suivit cet événement. Bien au contraire, le Talmoudh et d'autres sources anciennes décrivent constamment la période de la Safirath Ho´ômar comme une période de joie et de célébrations. Les écrits des Juifs du 7ème siècle, par exemple, considéraient les jours entre Pasah et Shovou´ôth comme une période de joie.

Certains, afin de défendre coûte que coûte ces pratiques de deuil observées de nos jours par la majorité des Juifs, prétendent qu'elles tireraient leur source des écrits des Ga`ônim. Il est vrai qu'on y trouve ceci3 :

Concernant votre question sur la raison pour laquelle nous ne tenons pas de fiançailles, ni de mariage entre Pasah et Shovou´ôth... Vous devez savoir qu'il n'y a là aucune interdiction, mais que c'est plutôt une coutume de deuil, car HaZa''l disent que Rébbi ´aqivo` avaient 12 000 pairs de disciples et qu'ils sont morts entre Pasah et Shovou´ôth... Depuis lors, les générations précédentes se sont accoutumées durant ces jours-là à ne pas se marier.

Certains, en lisant les mots « depuis lors » concluent que cela signifie que cette pratique s'est développée du temps de la Mishnoh elle-même. Sauf qu'il n'existe aucune source pour l'attester, et aussi bien la Mishnoh que la Gamoro` n'en font mention. Comme l'a dit le ´oroukh Hashoulhon ז״ל, la seule conclusion valable consiste à dire que cette coutume s'est développée durant la période des Ga`ônim.

Deuxièmement, notez que ce passage indique clairement que cette pratique n'est en rien une interdiction. C'est en fait la raison pour laquelle aucune pratique de deuil à observer durant la période de la Safirath Ho´ômar n'est mentionnée dans les écrits des Ri`shônim (qui ont suivi les Ga`ônim).

Troisièmement, d'autres écrits des Ga`ônim ne font mention que de la pratique consistant à ne pas se marier durant ces semaines-là. Jamais ils ne mentionnent d'autres pratiques de deuil, contrairement aux « Orthodoxes » d'aujourd'hui qui interdisent d'écouter de la musique, d'acheter des vêtements neufs, de jouer d'instruments de musique, de se couper les cheveux, etc., du premier au trente-troisième jour du ´ômar. Des écrits des Ga`ônim nous voyons en fait que l'on est censé être joyeux durant la période de la Safirath Ho´ômar. Cependant, puisque d'un côté nous ne sommes pas censés être triste, dans le deuil, etc., mais que de l'autre côté il convenait de faire quelque chose de symbolique pour ne pas oublier la catastrophe ayant frappé les pairs de disciples de Rébbi ´aqivo`, on demanda de ne s'abstenir que du mariage. Pourquoi le mariage ? Pour la simple raison que le mot « pair », qui se dit en Hébreu זוּג « Zough », signifie aussi « couple ». Par conséquent, afin de commémorer le décès des pairs de disciples, les gens s'abstenaient d'unir des couples. Mais à l'exception de cette seule restriction, toutes les autres formes de joie et célébrations étaient permises, car la période de la Safirath Ho´ômar ne doit pas être une période de deuil et de tristesse, contrairement à ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

Durant le Moyen-âge, les jours qui suivaient Pasah étaient une période de grands dangers pour les Juifs ashkénazes. C'était la saison des accusations de meurtres rituels portées contre eux par les Catholiques, des pogroms et le lancement d'expéditions punitives et militaires contre les Juifs, comme les Croisades qui exterminèrent les Juifs de Rhénanie en Mai 1096. À cause de cela, il devint ordinaire pour les Juifs ashkénazes de prendre le deuil les semaines qui suivaient Pasah, tellement ordinaire que les rabbins de cette époque-là furent convaincus qu'il y avait quelque chose d'intrinsèquement grave concernant les jours séparant Pasah de Shovou´ôth. Le fait que les disciples de Rébbi ´aqivoh` moururent durant la même période confirma leur jugement. On commença alors à s'imposer progressivement durant toute la période de la Safirath Ho´ômar certaines des pratiques de deuil que l'on connaît aujourd'hui. Et tout cela a été expliqué par de nombreux éminents rabbins, parmi lesquels le Rov Samson Raphaël Hirsch ז״ל, le ´oroukh Hashoulhon, et beaucoup d'autres, qui rejetaient catégoriquement le lien entre La''g Bo´ômar et les événements rapportés dans le Talmoudh.

1Baré`shith Rabboh 61:50
2Nadhorim 50a

3Halokhôth Pasouqath Min Hagga`ônim 97