jeudi 6 août 2015

Le Ramba''m et le rôle protecteur de la Mazouzoh

ב״ה

La Paroshoh avec le Ramba''m

Parashath ´éqav


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  1. Introduction

Vers la fin de la Parashath ´éqav1, la Tôroh nous offre le deuxième paragraphe du Shama´ qui, comme ce fut également le cas pour le premier paragraphe (qui nous a été présenté dans la Paroshoh précédente2), se termine par la Miswoh de la Mazouzoh3 : וּכְתַבְתָּם עַל-מְזוּזוֹת בֵּיתֶךָ, וּבִשְׁעָרֶיךָ « Oukhathavtom ´al Mazouzôth Béthakho Ouvish´orakho – Et tu les inscriras sur les poteaux de ta maison et à tes portes ». L'obligation de « les » inscrire fait à l'évidence référence à ces deux passages bibliques que la Tôroh ordonne de placer, sous la forme d'un parchemin, sur les poteaux (montants) de sa maison et de ses portes.

Bien que le mot « Mazouzoh » signifie « poteau », et ne fait strictement pas référence au parchemin en lui-même, le mot en est arrivé à être utilisé (déjà dans le Talmoudh) en référence au parchemin, et nous allons donc adopter l'usage familier du terme, en dépit de son inexactitude technique.

  1. Rejeter le pouvoir protecteur de la Mazouzoh

Le Ramba''m ז״ל consacre deux chapitres de son Mishnéh Tôroh4 à l'explication des lois relatives à la Mazouzoh. Durant son exposition de ces lois, il rejette catégoriquement la fonction protectrice que l'on attribue souvent à la Mazouzoh5 :

Il est une coutume répandue d’écrire sur la face extérieure de la Mazouzoh, au niveau de l’intervalle entre les deux passages, [le nom de Dieu] « Shadday ». Cela n’est pas problématique, car [cet ajout] est fait sur la face extérieure [de la Mazouzoh]. En revanche, ceux qui écrivent sur la face intérieure des noms d’anges, des noms saints [de Dieu], des versets ou des formes, font partie de ceux qui n’ont pas part au Monde-à-Venir. En effet, [par cette pratique,] ces sots ne se contentent pas d’annuler la Miswoh, mais font d’une grande Miswoh, qui est [l’expression de] l’unité du nom du Saint, béni soit-Il, l’amour qui Lui est dû, et Son service, un talisman à leur propre profit, comme ils s’imaginent dans leur cœur stupide, que cela les aide dans les vanités du monde.
מִנְהָג פָּשׁוּט, שֶׁכּוֹתְבִין עַל הַמְּזוּזָה מִבַּחוּץ, כְּנֶגֶד הָרֵוַח שֶׁבֵּין פָּרָשָׁה לְפָרָשָׁה, שַׁדַּי; וְאֵין בְּזֶה הֶפְסֵד, לְפִי שְׁהוּא מִבַּחוּץ. אֲבָל אֵלּוּ שֶׁכּוֹתְבִין בָּהּ מִבִּפְנִים שְׁמוֹת מַלְאָכִים, אוֹ שְׁמוֹת קְדוֹשִׁים, אוֹ פָּסוּק, אוֹ חוֹתָמוֹת--הֲרֵי הֶן בִּכְלַל מִי שְׁאֵין לָהֶן חֵלֶק לָעוֹלָם הַבָּא: שֶׁאֵלּוּ הַטִּפְּשִׁים, לֹא דַּי לָהֶם שֶׁבִּטְּלוּ הַמִּצְוָה; אֵלָא שֶׁעוֹשִׂין מִצְוָה גְּדוֹלָה, שְׁהִיא יֵחוּד שְׁמוֹ שֶׁלְּהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא וְאַהֲבָתוֹ וַעֲבוֹדָתוֹ, כְּאִלּוּ הִיא קָמִיעַ לַהֲנָיַת עַצְמָן, כְּמוֹ שֶׁעָלָה עַל לִבָּם הַסָּכָל שֶׁזֶּה דָּבָר הַמְּהַנֶּה בְּהַבְלֵי הָעוֹלָם

Le Ramba''m objecte face à la pratique consistant à ajouter des inscriptions mystiques au parchemin de la Mazouzoh pour deux raisons :

  1. Il tranche clairement que les gens qui utilisent de telles Mazouzôth n'accomplissent pas du tout leur obligation. Des inscriptions étrangères sur la face intérieure du parchemin le disqualifient, et de ce fait on ne peut satisfaire aux exigences de la Miswoh avec un tel parchemin.
  2. Il condamne cette pratique également sur des bases philosophiques. Ceux qui adhèrent à cette coutume ajoutaient apparemment ces noms ou versets sur la base d'une croyance selon laquelle la Mazouzoh leur fournit une protection ou leur garantie une bénédiction et la prospérité. Il estime qu'une telle pratique reflète une approche erronée qui réduit à néant l'institution même de cette Miswoh, en faisant par-là un talisman, une amulette, ou une espèce de porte-bonheur.

En tous les cas, invoquer des puissances spirituelles pour un gain personnel est, aux yeux du Ramba''m, une chose méprisable et une perspective hérétique de la nature de cette Miswoh.

Ailleurs, dans son Mishnéh Tôroh, le Ramba''m développe son objection face à cette approche d'une manière plus complète, en l'appliquant à toutes les Miswôth, et pas seulement au cas spécifique de la Mazouzoh6 :

Celui qui prononce une incantation sur une plaie ou récite des versets de la Tôroh, de même, celui qui récite [un verset] sur un enfant pour le préserver de la peur, et celui qui pose un rouleau de la Tôroh ou des Tafillin sur un enfant pour qu’il s’endorme, ne font pas seulement partie des augures et des charmeurs, mais [plus encore,] font partie de ceux qui nient la Tôroh, car ils considèrent les paroles de la Tôroh une guérison pour le corps, alors qu’elles sont une guérison pour l’âme, comme il est dit7 : « Elles seront la vie pour ton âme ». En revanche, une personne en bonne santé a le droit de réciter des versets et des psaumes afin d’être protégé par ce mérite, et d’être sauvé des malheurs et des dommages.
הַלּוֹחֵשׁ עַל הַמַּכָּה וְקוֹרֶא פָּסוּק מִן הַתּוֹרָה, וְכֵן הַקּוֹרֶא עַל הַתִּינוֹק שֶׁלֹּא יִבָּעֵת, הַמַּנִּיחַ סֵפֶר תּוֹרָה אוֹ תְּפִלִּין עַל הַקָּטָן בִּשְׁבִיל שֶׁיִּישַׁן--לֹא דַּי לָהֶן שְׁהֶן בִּכְלַל חוֹבְרִים וּמְנַחֲשִׁים: אֵלָא שְׁהֶן בִּכְלַל הַכּוֹפְרִים בַּתּוֹרָה, שְׁהֶן עוֹשִׂין דִּבְרֵי תּוֹרָה רִפְאוּת גּוּף, וְאֵינָן אֵלָא רִפְאוּת נְפָשׁוֹת, שֶׁנֶּאֱמָר "וְיִהְיוּ חַיִּים, לְנַפְשֶׁךָ". אֲבָל הַבָּרִיא שֶׁקָּרָא פְּסוּקִין אוֹ מִזְמוֹר מִתִּלִּים, כְּדֵי שֶׁתָּגֵן עָלָיו זְכוּת קְרִיאָתָן, וְיִנָּצֵל מִצָּרוֹת וּנְזָקִים--הֲרֵי זֶה מֻתָּר

Le Ramba''m interdit de considérer les lois de la Tôroh comme un système mécanique de cause à effet qui apporte la santé, la sécurité ou d'autres avantages. Il insiste sur le fait que les Miswôth sont un moyen d'atteindre une « santé spirituelle » ; elles nourrissent et raffinent les âmes de ceux qui les accomplissent, et non leurs corps ou avoirs financiers. Il est vrai qu'il dit, à la fin de ce passage, que l'on peut réciter des versets bibliques pour obtenir des mérites grâce auxquels on pourrait jouir d'une bonne santé. Mais considérer que les Miswôth ou les objets des Miswôth possèdent des pouvoirs intrinsèques de protection physique ou de bénédiction physique et matérielle constitue, pour lui, rien d'autre que de l'hérésie. Il déclare sans détour que ceux qui utilisent la pratique des Miswôth de cette manière font partie de ceux qui ont mécru dans la Tôroh.

Quel est donc le but premier de la Miswoh de la Mazouzoh ? Le Ramba''m traite de cette question dans ses remarques de conclusion sur les lois relatives à la Mazouzoh8 :

Un homme doit être scrupuleux à [l’accomplissement du commandement de la] Mazouzoh, car c’est une obligation qui incombe constamment à tout un chacun. [Ainsi,] à chaque fois qu’il entrera et sortira [de chez lui], il se trouvera face à l’unité du nom du Saint, béni soit-Il, se souviendra de son amour pour Lui. Il se réveillera de son sommeil et de sa préoccupation dans les vanités du temps. Il prendra conscience qu’il n'y rien d’autre que la connaissance du Rocher du monde qui dure éternellement. Il reviendra ainsi immédiatement à ses esprits, et suivra le chemin des droits. Les sages d’antan ont dit : « Qui a des Tafillin sur sa tête et sur son bras, des Sisith à son vêtement, et une Mazouzoh sur sa porte, peut être assuré qu’il ne fautera point, car il aura de nombreux rappels. Ce sont des anges qui l’empêcheront de fauter, comme il est dit9 : ''Un ange du Seigneur est posé près de ceux qui Le craignent, et les fait échapper''. »
חַיָּב אָדָם לְהִזָּהֵר בַּמְּזוּזָה, מִפְּנֵי שְׁהִיא חוֹבַת הַכֹּל תָּמִיד. וְכָל עֵת שֶׁיִּכָּנֵס וְיֵצֵא, יִפְגַּע בְּיֵחוּד שְׁמוֹ שֶׁלְּהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא--וְיִזְכֹּר אַהֲבָתוֹ, וְיֵעוֹר מִשִּׁינָתוֹ וּשְׁגִּיָּתוֹ בְּהַבְלֵי הַזְּמָן; וְיֵדַע שְׁאֵין שָׁם דָּבָר הָעוֹמֵד לְעוֹלָם וּלְעוֹלְמֵי עוֹלָמִים, אֵלָא יְדִיעַת צוּר הָעוֹלָם, וּמִיָּד הוּא חוֹזֵר לְדַעְתּוֹ, וְהוֹלֵךְ בְּדַרְכֵי מֵישָׁרִים. אָמְרוּ חֲכָמִים, כָּל מִי שֶׁיֵּשׁ לוֹ תְּפִלִּין בְּרֹאשׁוֹ וּבִזְרוֹעוֹ, וְצִיצִית בְּבִגְדוֹ, וּמְזוּזָה בְּפִתְחוֹ--מֻחְזָק לוֹ, שֶׁלֹּא יֶחֱטָא: שֶׁהֲרֵי יֵשׁ לוֹ מַזְכִּירִים רַבִּים; וְהֶן הֶן הַמַּלְאָכִים שֶׁמַּצִּילִין אוֹתוֹ מִלַּחֲטֹא, שֶׁנֶּאֱמָר "חֹנֶה מַלְאַךְ-ה' סָבִיב לִירֵאָיו; וַיְחַלְּצֵם

D'après le Ramba''m, la fonction première d'une Mazouzoh est un rappel de Dieu et du peu d'importance relative des vanités du monde. Citant un passage talmudique10, le Ramba''m groupe la Mazouzoh dans la même catégorie que les Sisith et les Tafillin, qui sont trois Miswôth qui ont pour objectif de créer un système de rappels réguliers des obligations religieuses de l'Israélite.

Le regroupement de ces trois Miswôth est particulièrement instructif étant donné que la Tôroh elle-même renvoie explicitement à cette fonction comme étant le but véritable des Sisith et des Tafillin. Concernant les Sisith, la Tôroh elle-même déclare11 :

Cela formera pour vous des Sisith ; vous les verrez et vous rappellerez de tous les commandements de `adhônoy, et les accomplirez. Et vous ne vous égarerez pas après votre cœur et après vos yeux, derrière lesquels vous vous prostituez
וְהָיָה לָכֶם, לְצִיצִת, וּרְאִיתֶם אֹתוֹ וּזְכַרְתֶּם אֶת-כָּל-מִצְו‍ֹת יהוה, וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם; וְלֹא-תָתוּרוּ אַחֲרֵי לְבַבְכֶם, וְאַחֲרֵי עֵינֵיכֶם, אֲשֶׁר-אַתֶּם זֹנִים, אַחֲרֵיהֶם

Le cœur et les yeux éloignent naturellement les gens du monde sublime et significatif de la Tôroh et des Miswôth, et mènent vers une recherche incessante du confort, des plaisirs et de la gratification. Les Sisith ont pour but de rappeler à l'homme sa mission spirituelle et l'empêcher par-là d'aveuglément se préoccuper et s'adonner aux vanités du monde.

De même, la Tôroh12 décrit les Tafillin comme étant un « signe » que l'on porte sur son corps, indiquant par-là que la fonction de cette Miswoh est de nous rappeler constamment de Dieu et Ses lois. (Rappelons donc au passage qu'en principe, les Tafillin doivent être portées toute la journée, si possible.)

D'après le Ramba''m, la Mazouzoh rejoint ces deux Miswôth comme étant un autre moyen de préserver une conscience continue de ses responsabilités religieuses. Quand on fixe des Mazouzôth à ses portes, on annonce par-là que c'est une maison qui sert HaShem ית׳ et dont les membres suivent Ses commandements. Selon lui, la Mazouzoh ne sert pas d'amulette de protection, mais est un rappel constant pour l'occupant de la maison qu'il est, ou doit être, un serviteur loyal du Tout-Puissant.

  1. La nature protectrice de la Mazouzoh démontrée par le Talmoudh

Comme de nombreux commentateurs du Mishnéh Tôroh l'ont fait remarquer, nous trouvons pourtant bel et bien dans la littérature talmudique un grand nombre de passages indiquant que la Mazouzoh remplit également une fonction protectrice. Il ne fait aucun doute que le récit le plus célèbre sur la nature protectrice de la Mazouzoh soit celui de `ounqélôs le converti ז״ל, rapporté au traité ´avôdhoh Zoroh 11a.

Mais au cas où quelqu'un pourrait en arriver à dire « Ce n'est qu'une histoire, et on ne déduit pas une Halokhoh d'un récit », dix pages auparavant, au traité Manohôth 33b, le Talmoudh parle de la nature protectrice de la Mazouzoh dans un contexte purement halakhique et non `aggadique. Là, le Talmoudh discute de la raison pour laquelle une Mazouzoh est placée au bord du poteau de la porte d'entrée, près du domaine public. Une des explications offertes est qu'on la place là « afin qu'elle le protège ». D'après cette explication, la Halokhoh exige de placer la Mazouzoh sur le bord extérieur du poteau de la porte d'entrée afin que les occupants de la maison puissent jouir de façon maximale des forces protectrices de la Mazouzoh, qui s'étendront même en-dehors des limites extérieures de la maison, et pas seulement lorsqu'on se trouve dans sa maison. En fait, tout de suite après cela, le Talmoudh rapporte un commentaire de Rébbi Haninoh ז״ל qui répète presque mot pour mot les propos de `ounqélôs, c'est-à-dire que par la Miswoh de la Mazouzoh HaShem se distingue des rois du monde ; les rois du monde restent dans leur palais tandis que des gardes sont chargés de leur protection. À l'inverse, HaShem, qui est pourtant le Roi des rois, est Celui qui protège Ses sujets grâce à la Mazouzoh tandis qu'ils sont sagement assis à l'intérieur de leurs maisons. Le Talmoudh attribut donc, sans l'ombre du moindre doute, une fonction de protection à la Mazouzoh.

Comment donc le Ramba''m a-t-il pu rejeter cette qualité protectrice de la Mazouzoh ?

  1. Réconcilier le Ramba''m avec le Talmoudh

Instinctivement, nous pourrions répondre que ce sujet fait débat parmi les Sages du Talmoudh et que le Ramba''m a décidé de s'aligner sur une opinion plutôt que l'autre. Comme nous l'avons précédemment mentionné, le Ramba''m conclut son exposition des lois relatives à la Mazouzoh en citant un passage talmudique qui garantie que la mise en application appropriée des Miswôth des Tafillin, des Sisith et de la Mazouzoh offre une protection spirituelle face au péché. Ce commentaire reflète clairement la perspective selon laquelle la Mazouzoh a une fonction éducative et spirituelle, mais ne sert pas à se protéger physiquement. De ce fait, peut-être que le Ramba''m se disait que les différentes sources talmudiques exprimaient différentes positions sur le sujet, et il a décidé de suivre l'école qui conçoit la Mazouzoh comme un rappel constant, plutôt qu'un protecteur.

Effectivement, en traitant de la raison pour laquelle on doit placer la Mazouzoh au poteau extérieur de sa maison, le Talmoudh cite deux opinions, dont seule la première (que nous avons citée plus haut) associe cette exigence halakhique à la fonction protectrice de la Mazouzoh. L'autre explication est celle-ci : « Afin que [lorsqu'il entre et sorte] il rencontre la Mazouzoh en premier ». Cette deuxième explication reflète assez bien la perspective du Ramba''m, puisqu'elle se focalise sur les bienfaits spirituelles et l'inspiration que l'on pourrait avoir en voyant la Mazouzoh. D'après cette opinion, les Sages désiraient s'assurer par cette Halokhoh que l'on tombe sur la Mazouzoh le plus tôt possible, lorsqu'on entre ou que l'on sort, afin de maximiser son influence. Il est donc possible de dire que les deux explications pourraient refléter une divergence d'opinion parmi les Sages talmudiques, et le Ramba''m a juste fait le choix de souscrire à l'opinion qui considère la Mazouzoh comme un rappel, et non un objet protecteur.

Mais en y regardant de plus près, il est difficile d'imaginer que le Ramba''m croyait qu'il existait un débat talmudique sur le sujet. Après tout, non seulement il rejette catégoriquement la nature et fonction protectrice de la Mazouzoh, mais il la considère en plus comme étant une hérésie, un reniement d'un fondement de la foi juive. Il est donc impossible d'imaginer qu'il ait pu qualifier d'hérétique une position pourtant soutenue dans le Talmoudh.

L'approche simple et brièvement développée par Rabbi Yôséph Qa`rô ז״ל, dans son Kasaph Mishnéh (qui est un commentaire sur le Mishnéh Tôroh), est plus probable. Il écrit que le Ramba''m s'opposait au fait d'attribuer des pouvoirs protecteurs intrinsèques à la Mazouzoh, mais que, par contre, il reconnaît que l'accomplissement appropriée de cette Miswoh peut nous faire mériter une protection et une bénédiction Divine. En vérité, le Ramba''m fait lui-même explicitement cette distinction dans le passage des Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim cité plus haut. Bien qu'il qualifie d'hérésie le fait de tenter de guérir une maladie avec des objets saints, il permet de réciter des Tahillim et d'autres versets bibliques pour obtenir un mérite par lequel jouir d'une protection Divine. De même, Rabbi Yôséph Qa`rô suggère que le rejet catégorique d'une capacité de protection intrinsèque à la Mazouzoh par le Ramba''m ne remet pas en cause la possibilité de jouir d'une protection Divine en récompense de l'accomplissement approprié de cette Miswoh.

Il est vrai que le Ramba''m insiste pour dire que la Mazouzoh ne peut en elle-même offrir la moindre protection, car au final, ce n'est qu'un objet. Elle sert donc de rappel de nos obligations, plutôt que d'une amulette protectrice. Néanmoins, comme pour n'importe quelle Miswoh, une mise en application appropriée de cette Miswoh peut effectivement nous rendre dignes d'une protection Divine. Ce n'est donc pas la Mazouzoh qui protège, mais HaShem qui nous protège à travers l'accomplissement de la Miswoh de la Mazouzoh. Et effectivement, les passages talmudiques susmentionnés insistent sur le fait que c'est HaShem qui protège l'Israélite par la Mazouzoh à sa porte, et non la Mazouzoh en elle-même, ni même les paroles inscrites dessus. La notion selon laquelle HaShem protège ceux qui accomplissent fidèlement Ses commandements n'est pas du tout incompatible avec le fait que le Ramba''m condamne ceux qui traitent la Mazouzoh comme une amulette ou un talisman. De telles personnes tombent dans le piège de croire que la Mazouzoh en elle-même, plutôt que le Tout-Puissant, les protège. C'est donc de la pure hérésie !

À l'évidence, il ne faut pas croire qu'accomplir les Miswôth est une garantie de jouir de la protection Divine. Le Makhilto`13 faire remarquer les souffrances terribles qui se sont abattues sur les Israélites en dépit de la présence des Mazouzôth à leurs portes. Il explique que cela se produit à cause de nos transgressions, qui nous font mériter des punitions en dépit de notre mise en pratique de cette Miswoh, ce qui indique bien encore que ce n'est pas la Mazouzoh en elle-même qui protège, mais HaShem qui décide de le faire ou pas, selon notre comportement vis-à-vis des commandements qu'Il nous a donnés. Si quelqu'un fixe une Mazouzoh à sa porte mais ne vit pas dans le même temps avec la conscience religieuse que la présence de la Mazouzoh est censée engendrer en lui, le mérite obtenu par l'accomplissement de cette Miswoh est annulé par ses fautes.

Il n'y a donc pas de contradiction entre le Talmoudh et le Ramba''m !

  1. Nous réveiller de notre sommeil

En conclusion, retournons un instant aux remarques de conclusions faites par le Ramba''m à la fin de son exposition des lois relatives à la Mazouzoh, où il présente de la façon suivante sa théorie quant à la fonction de cette Miswoh :

[Ainsi,] à chaque fois qu’il entrera et sortira [de chez lui], il se trouvera face à l’unité du nom du Saint, béni soit-Il, se souviendra de son amour pour Lui. Il se réveillera de son sommeil et de sa préoccupation dans les vanités du temps. Il prendra conscience qu’il n'y rien d’autre que la connaissance du Rocher du monde qui dure éternellement. Il reviendra ainsi immédiatement à ses esprits, et suivra le chemin des droits
וְכָל עֵת שֶׁיִּכָּנֵס וְיֵצֵא, יִפְגַּע בְּיֵחוּד שְׁמוֹ שֶׁלְּהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא--וְיִזְכֹּר אַהֲבָתוֹ, וְיֵעוֹר מִשִּׁינָתוֹ וּשְׁגִּיָּתוֹ בְּהַבְלֵי הַזְּמָן; וְיֵדַע שְׁאֵין שָׁם דָּבָר הָעוֹמֵד לְעוֹלָם וּלְעוֹלְמֵי עוֹלָמִים, אֵלָא יְדִיעַת צוּר הָעוֹלָם, וּמִיָּד הוּא חוֹזֵר לְדַעְתּוֹ, וְהוֹלֵךְ בְּדַרְכֵי מֵישָׁרִים

D'après le Ramba''m, la Mazouzoh a pour but de réveiller l'homme « de son sommeil et de sa préoccupation dans les vanités du monde ». Cela nous transmet un message fondamental : un Israélite doit constamment prêter attention à ce qui l'entoure (les livres saints, les Sisith, les Tafillin, la Mazouzoh, etc.) et utiliser chaque situation comme une opportunité de réveil spirituel. Si quelqu'un mène sa vie attentivement, en prêtant l'oreille à ce qui l'entoure et en étant sensible aux signaux qui lui sont envoyés par les symboles qui l'entourent, la présence silencieuse de la Mazouzoh pourra alors effectivement causer chez lui une inspiration spirituelle lui faisant comprendre que rien ne vaut plus la peine dans ce monde que d'être au service du Tout-Puissant, et non du monde et ses artifices !

1Davorim 11:13-21
2Ibid., 6:4-9
3Ibid., 11:20
4Hilkôth Tafillin Oumazouzoh Waséphar Tôroh Chapitres 5 et 6
5Hilkôth Tafillin Oumazouzoh Waséphar Tôroh 5:4
6Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 11:13
7Mishlé 3:22
8Hilkôth Tafillin Oumazouzoh Waséphar Tôroh 6:13
9Tahillim 34:8
10Manohôth 43b
11Bamidhbor 15:39
12Shamôth 13:9, 16 ; Davorim 6:8, 11:18

13Parashath Bô`
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