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Peut-on plier un Talith le Shabboth ?
בס״ד
Peut-on plier un Talith le
Shabboth ?
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Les questions suivantes reviennent fréquemment : Peut-on
plier un Talith le Shabboth, et si oui, comment le faire ?
La source de cette discussion est la Mishnoh qui
déclare :[1]
Ils plient les Kélim,[2] même quatre ou cinq
fois, et font les lits les nuits de Shabboth pour le Shabboth, mais pas à
Shabboth pour Môṣo`é Shabboth. |
מְקַפְּלִין אֶת הַכֵּלִים אֲפִלּוּ אַרְבָּעָה
וַחֲמִשָּׁה פְעָמִים, וּמַצִּיעִין אֶת הַמִּטּוֹת מִלֵּילֵי שַׁבָּת
לְשַׁבָּת, אֲבָל לֹא מִשַּׁבָּת לְמוֹצָאֵי שַׁבָּת. |
Le problème avec le fait de plier est le תִּקּוּן כְּלִי
« Ṭiqqoun Kali » (littéralement, fixer / corriger
un outil, un ustensile ou - dans notre cas - un vêtement). Un vêtement froissé
ne dure pas longtemps et le fait de le plier empêche qu’il se froisse et ne
s’abîme. La Gamoro`[3]
sur cette Mishnoh stipule quatre conditions pour que plier un vêtement soit
autorisé le Shabboth :
a. Deux
personnes ne peuvent pas plier ensemble le vêtement, afin d'éviter la
réalisation du Ṭiqqoun ;
b. La
Mishnoh s'applique uniquement aux vêtements neufs. Étant donné que les froissures
sont moins évidentes sur les vêtements neufs, les plier n'est pas entièrement
considéré comme du Ṭiqqoun. Raison pour laquelle la Mishnoh permet de les plier.
Cependant, plier un vieux vêtement est interdit, car ce serait du Ṭiqqoun
Gomour ;
c. La
Mishnoh s'applique uniquement aux vêtements blancs, car - encore une fois - les
froissures sont moins apparentes. Cependant, plier des vêtements colorés est
interdit ;
d. La
Mishnoh ne s'applique que dans le cas où une personne n'a rien d'autre à porter
le Shabboth. Cependant, s'il a d'autres vêtements, il ne peut pas plier des
vêtements.
Notez que la Mishnoh n'est indulgente que lorsque le
vêtement doit être utilisé le Shabboth-même. Cependant, si le vêtement ne doit
être utilisé qu'après Shabboth, on ne peut pas le plier en raison de
l'interdiction de préparer pendant Shabboth quelque chose nécessaire pour la
semaine.
Le Rambo’’m tranche fidèlement à tous ces points de la
Gamoro` dans son Mishnéh Ṭôroh :[4]
De même, ils ne plient pas les Kélim à Shabboth à la
façon dont ils agissent pendant la semaine avec les vêtements lorsqu’ils les ont
lavés. Et s’il ne possédait qu’un seul Kali pour se changer, il
lui est permis de le plier, de l'étirer et de s’en recouvrir de manière à
[être habillé] de manière attrayante à Shabboth. Et c’est seulement s’il s’agit
d’un vêtement blanc neuf, car il peut se froisser et se salir immédiatement. Et
lorsqu’il pliera, pas plus d’un seul homme pliera. En revanche, plier à deux
est interdit. |
וְכֵן אֵין מְקַפְּלִים אֶת הַכֵּלִים בַּשַּׁבָּת,
כְּדֶרֶךְ שֶׁעוֹשִׂין בַּחֹל בַּבְּגָדִים כְּשֶׁיְּכַבְּסוּ אוֹתָן.
וְאִם לֹא הָיָה לוֹ כְּלִי אַחֵר לְהַחְלִיפוֹ, מֻתָּר לְקַפְּלוֹ
וּלְפַשְּׁטוֹ וּלְהִתְכַּסּוֹת בּוֹ, כְּדֵי שֶׁיִּתְנָאֶה בּוֹ
בַּשַּׁבָּת--וְהוּא שֶׁיִּהְיֶה בֶּגֶד חָדָשׁ לָבָן, שֶׁהֲרֵי הוּא מִתְמַעֵךְ
וּמִתְלַכְלֵךְ מִיָּד. וּכְשֶׁיְּקַפַּל, לֹא יְקַפַּל אֵלָא אִישׁ
אֶחָד; אֲבָל לְקַפַּל בִּשְׁנַיִם, אָסוּר. |
Ainsi, il y a deux problèmes avec le fait de plier des
vêtements le Shabboth :
1. Plier
certains vêtements peut causer un Ṭiqqoun ;
2. Plier
à Shabboth les vêtements qu’on compte porter à Môṣo`é Shabboth constitue un
problème de הֲכָנָה « Hakhonoh » (préparation).
Maintenant, la question de savoir si un Talith
peut être plié ou pas à Shabboth n’est jamais traitée dans le Ṭalmoudh ou par
le Rambo’’m !
Les Ṭôsophôth, dans leur commentaire sur la Gamoro`
susmentionnée, déclarent :
De
là, nous apprenons qu’il est interdit de plier les Talithôth du Béth
Hakkanasath, car on en a besoin pour le lendemain.
Les Ṭôsophôth sont ainsi les premiers à explicitement
aborder la question. Et le Ra`aviyo’’h confirme l’interdiction rapportée
par les Ṭôsophôth mais ajoute ceci :
Dans
quel cas les paroles susmentionnées s’appliquent-elles ? Quand on plie le
long des lignes du pli d'origine, mais si ce n’est pas le long des lignes du
pli d'origine - c'est autorisé.
Le raisonnement du Ra`aviyo’’h est que
quand on ne plie pas le long des lignes du pli original - dans notre cas, cela
signifie ne pas plier le long des marques des plis du Talith - la
personne indique clairement que le pliage du vêtement n'est pas à des fins de Ṭiqqoun.
De plus, un pliage « non professionnel » ne peut pas être considéré
comme une Hakhonoh, car celui qui plie ainsi n'a rien accompli.
Le Kôl Bô se demande si le pliage d'un Talith
le Shabboth peut être autorisé, car cela ne ressemble pas au pliage de l'époque
de la Mishnoh, où une presse était utilisée pour le pliage. Sans presse, se
demande le Kôl Bô, peut-être que l'on peut même plier un vêtement le long des
plis ou un Talith le long des marques des plis d'origine. Il y a donc une base
halakhique pour permettre de plier à notre époque un vêtement ou un Talith
à Shabboth même sur leurs plis d’origine !
Dans son commentaire sur le Tour, Rabbi Yôséph Qa`rô dans
son Béth Yôséph cite le Kôl Bô selon qui la façon de plier à notre époque ne ressemble
pas à la façon de plier de l’époque de la Mishnoh. Cependant, il ne rapporte
pas ce point de vue dans son Shoulḥon ´oroukh, où il déclare :[5]
Ils plient des Kélim à Shabboth pour les besoins du Shabboth
pour les porter ce jour-là. Et spécifiquement par une seule personne, et avec
des Kélim neufs qu’ils n’ont pas encore lavés, et blancs, et qu’il ne possède
pas de quoi se changer. Et si l'une de ces conditions manque, c'est interdit.
Et il y a quelqu’un qui dit que ne pas plier le long du pli d'origine est
autorisé en toute situation, et ses mots ont du sens. |
מְקַפְּלִים כֵּלִים בְּשַׁבָּת לְצֹרֶךְ שַׁבָּת
לְלָבְשָׁם בּוֹ בַּיּוֹם. וְדַוְקָא בְּאָדָם אֶחָד, וּבַחֲדָשִׁים שֶׁעֲדַיִן לֹא נִתְכַּבְּסוּ, וּלְבָנִים,
וְאֵין לוֹ לְהַחֲלִיף; וְאִם חָסֵר אֶחָד מֵאֵלּוּ הַתְּנָאִים, אָסוּר וְיֵשׁ
מִי שֶׁאוֹמֵר דִּלְקַפְּלוֹ שֶׁלֹּא כְּסֵדֶר קִפּוּלוֹ הָרִאשׁוֹן מֻתָּר
בְּכָל עִנְיָן, וְנִרְאִין דְּבָרָיו. |
A noter que le Shoulḥon ´oroukh ne cite même pas le Kôl
Bô pour distinguer les différents types de pliage entre nos époques et l’époque
de la Mishnoh.
Fait intéressant, dans Yophah Lallév, Rov Yiṣḥoq Palaji
cite l’indulgence du Kôl Bô, mais ajoute ensuite deux mises en garde
importantes :
1. Plier
un Talith doit être considéré comme un Hiddour Miṣwoh (une
amélioration ou un embellissement de la Miṣwoh), car il ne convient pas que le Talith
soit froissé. Ainsi, en raison du principe « ‘’C’est mon Dieu et je L’embellirai’’[6]
– Cela signifie : pare-toi devant Lui par des Miṣwôth »,[7]
plier un Talith le Shabboth a du mérite.
2. Si
l'on a un Talith spécial pour Shabboth (que l’on ne porte jamais en
semaine), on peut certainement le plier le Shabboth. Dans ce cas, il n'y a pas
de problème de Hakhonoh, car le pliage est en prévision du Shabboth
suivant.
Nous pouvons donc résumer les opinions diverses comme
suit :
1. Selon
la Mishnoh, on ne peut pas plier un vêtement le Shabboth si on en a besoin pour
après le Shabboth.
2. L'interdiction
est basée sur le fait que le pliage est considéré comme une forme de Ṭiqqoun et
le fait que le pliage implique une Hakhonoh.
3. Le
Kôl Bô affirme que le pliage n'est interdit que lorsqu'il est fait à l'aide
d'une presse (comme un fer à repasser lourd), et par conséquent, la façon dont
nous plions aujourd'hui est autorisée. En d'autres termes, on peut plier un Talith
le Shabboth.
4. Le
Ra`aviyo’’h et le Shoulḥon ´oroukh permettent le pliage d’un vêtement
le Shabboth tant que cela ne se fait pas dans le sens du pli d'origine. En
d'autres termes, on peut plier un Talith le Shabboth tant qu'on ne
le fait pas le long des marques de plis.
5. Le
Yophah Lallév est d'accord avec le Kôl Bô sur le fait que l'on peut plier un Talith
le Shabboth même sur les marques de plis et ajoute que cela est considéré comme
un Hiddour Miṣwoh.
6. En
outre, le Yophah Lallév soutient que si l'on a un Talith que l’on ne
porte spécialement que pour Shabboth, il n'y a pas de problème de Hakhonoh.
Jouer de la musique à Shabboth & Yôm Tôv – Cinquième Partie
Jouer
de la musique à Shabboth & Yôm Tôv – Cinquième Partie
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IV.
Quatre approches : Sources médiévales et modernes
C.
Préoccupations dérivées
Nous avons noté précédemment qu'une culture du calme, ou même une culture qui s'abstenait d'applaudissements rythmiques, souffrait d'un manque de soutien populaire en Babylonie amoraïque. D'autres exemples d'un tel laxisme semblent avoir brisé des cercles encore plus contrôlés par les dirigeants rabbiniques. Le Sha´aré Thashouvoh n°314 présente une règle guéonique selon laquelle la danse, bien que normalement interdite à Yôm Tôv, était régulièrement pratiquée dans le but d'honorer la Ṭôroh à Simḥath Ṭôroh. La valeur de la Miṣwoh impliquée ici a été jugée suffisante pour passer outre à l'interdiction purement rabbinique de danser.[1] La raison à cela est très simple à comprendre : les interdictions rabbiniques n’ont jamais eu pour but d’être absolues ; les Rabbonim ont toujours laissé une porte ouverte pour contourner leurs interdictions.
Les Ṭôsophôth ont
franchi une étape plus spectaculaire dans l'affirmation active du bruit
rythmique pendant le Shabboth :
Ṭôsophôth, Béṣoh 30a
La Mishnoh enseigne qu'on ne peut pas
applaudir ou danser – Rash’’i a expliqué que c'est à cause de la peur de
réparer / fabriquer un instrument de musique. Mais pour nous, ces activités
sont autorisées; ce n'est qu'à leur époque, lorsque les gens avaient la compétence
de fabriquer des instruments de musique, que cette préoccupation s'appliquait.
Nous n'avons pas une telle compétence et donc il n'y a pas besoin de décret.
Les Ṭôsophôth
rapportent ici que les gens de leur communauté applaudissaient, frappaient en
rythme et dansaient régulièrement le Shabboth. Allant plus loin que `abbayé, ils
expliquent pourquoi cette pratique courante est autorisée : puisque la
raison du Ṭalmoudh de cette interdiction est la peur de fabriquer / réparer un
instrument de musique, il va de soi que cette préoccupation ne s'appliquerait
pas à une culture où la personne moyenne non-professionnelle n'est pas qualifiée
pour fabriquer ou réparer un instrument de musique (comme c’était le cas dans
la culture des Ṭôsophôth). Par conséquent, soutiennent-ils, dans leurs cercles,
il serait permis de faire du bruit le Shabboth, puisque la préoccupation
première d’où est dérivée l’interdiction ne s'applique pas. Il ne s'agit ni
plus ni moins qu’une reprise de la réplique du Ṭalmoudh dans ´érouvin selon
quoi, une fois que `amémor a vu qu'il n'y avait pas de jardins à arroser à Maḥôzo`,
il a levé l'interdiction d'utiliser une roue pour puiser de l'eau, car le souci
de cette interdiction n'était pas intrinsèque mais entièrement dérivée.
Supprimez la préoccupation dérivée et l'action devient autorisée !
L’interprétation des
Ṭôsophôth est très significative sur au moins deux axes :
1)
La pratique en vigueur dans leur communauté reflète une dégradation
significative de la culture du calme, de sorte que les règles de la Mishnoh à
cet égard ne sont plus considérées comme pertinentes. Cela soutient et crée une
culture du Shabboth très différente de celle envisagée par de nombreux textes
rabbiniques antérieurs.
2)
En adoptant la caractérisation Sathom de ce problème comme
dérivant de la peur de réparer un instrument, ils ouvrent la porte à la
possibilité de voir le problème ici comme un certain type d'action plutôt que
d'éviter un certain type d'atmosphère.
Les deux premiers
modèles que nous avons explorés concernent de manière plausible la création
d'un certain environnement de Shabboth, dépourvu de bruits forts ou affectant
des sons musicaux ou rythmiques. Si nous nous concentrons sur l'action, le
bruit et la musique peuvent s'infiltrer beaucoup plus significativement dans
les espaces du Shabboth, tant qu'aucune action n'est entreprise.[2]
Ce changement se
manifeste dans un certain nombre de décisions médiévales. Le `oghour[3]
rapporte une décision permettant à une horloge carillon de fonctionner le Shabboth,
à condition qu'elle ait été remontée à l'avance, car tout le monde sait que ce
type d'horloge est mis en place un jour à l'avance. Il n'y a plus aucune
inquiétude quant à l'atmosphère créée par le bruit lui-même, mais simplement la
crainte que le bruit indique une activité potentiellement problématique à Shabboth.[4]
Le Ra`aviyo’’h permet de dire à un musicien non juif de jouer à une
fête de mariage le Shabboth[5]
et nous voyons ainsi la nouvelle théorie pleinement en application :
Séphar Ra`aviyo’’h (Ribbénou
`ali´azar ban Yô`él Halléwi, Allemagne, 12ème-13ème
siècles) Volume 3, Hilkôth Yôm Tôv, Simon 795
Je dis que le bruit musical et celui des
applaudissements et de la danse ne sont interdits qu'aux Juifs, mais un
non-Juif peut jouer d'un instrument de musique lors d'un mariage, et même si le
Juif lui demande de jouer le Shabboth, cela est permis, car dire à un non-Juif
de faire quelque chose le jour du Shabboth n'est interdit qu’au niveau
rabbinique, et cela est permis dans le cadre d'une Miṣwoh… d'autant plus ici où
cela n'est interdit à un juif qu'en raison d'un décret rabbinique.
Si nous prenons au
sérieux l'idée que le problème avec la génération de bruit musical est la peur
que cela nous conduira à faire autre chose, cela ne s'applique sûrement qu'à la
personne qui génère réellement le bruit. L’atmosphère n’importe plus du tout.[6]
Notez que le Ra`aviyo’’h n’approuve pas, du moins ici, une
autorisation pure et simple de claquer des doigts et de frapper en rythme à son
époque, comme les Ṭôsophôth. Son cadre conceptuel suit néanmoins le leur ;
ce bruit est entièrement une préoccupation dérivée, et non une interdiction
pure et dure en elle-même.
Cette décision du Ra`aviyo’’h
est codifiée dans le Shoulḥon ´oroukh :
Shoulḥon ´oroukh, `ôraḥ Ḥayyim 338 :2
Certains permettent de dire à un idolâtre
de jouer des instruments de musique lors des célébrations de mariage [le
Shabbat]. Ramo’’` : on peut même dire aux idolâtres de réparer
l'instrument de musique, en raison de l'honneur du marié et de la mariée, mais
sinon, c'est interdit. Toutefois, en cette époque-ci, nous avons été accoutumés
à être indulgents, [suivant le raisonnement des Ṭôsophôth selon quoi les
applaudissements et la danse sont désormais autorisés].
Rov Yôséph Qa`rô
peut citer le Ra`aviyo’’h, même si le premier soutient que les
applaudissements et les battements en rythme restent interdits, contrairement à
l’argument des Ṭôsophôth. Après tout, le Ra`aviyo’’h a simplement
permis à un Gôy de faire ces actions, et le Shoulḥon ´oroukh ici est disposé
(bien qu'avec une certaine hésitation, comme l'indique le langage de « certains
permettent ») à permettre ce genre d’indulgence marginale dans le cas
d'une Miṣwoh. Après tout, il est plus largement permis de demander aux Gôyim
d'exécuter des Malo`khôth interdites uniquement au niveau rabbinique
afin d'accomplir une Miṣwoh. Mais le Ramo’’` ajoute quelque chose de plus,
notant que les juifs ashkénazes de son temps et de son lieu demandaient aux
non-juifs de jouer de la musique le Shabboth même en-dehors du contexte d’une Miṣwoh !
Ceci, explique-t-il, est dû à l’argument des Ṭôsophôth selon quoi les interdictions
d’applaudir et de battre en rythme ne sont plus en vigueur dans une société où
la fabrication et la réparation d’instruments de musique se sont
professionnalisées et ne sont donc généralement pas réalisées par monsieur tout
le monde. Nous pouvons voir la différence flagrante entre le Shoulḥon ´oroukh et
le Ramo’’` dans la section suivante :
Shoulḥon ´oroukh, `ôraḥ Ḥayyim 339 :3
Il est interdit de battre des mains ou…
de danser le Shabboth, comme mesure de sauvegarde pour éviter de réparer un
instrument de musique. En raison de cette même crainte, il est également
interdit de tambouriner avec son doigt sur le sol ou sur un mur… comme le font
les musiciens… applaudir avec le dos de la main est permis. Ramo’’` :
Nous voyons de nos jours que les gens applaudissent et dansent le Shabboth, et
les rabbins ne les arrêtent pas, car il vaut mieux qu'ils pèchent sans le
savoir que sciemment. Certains disent qu’à notre époque toutes ces pratiques
sont autorisées, car nous ne savons pas fabriquer des instruments de musique,
il n'y a donc aucune raison de prendre des mesures de précaution pour empêcher
la fabrication d'instruments de musique. C'est peut-être pourquoi les gens sont
indulgents en tout [sur cette question].
Mis à part la
clémence des applaudissements à l’envers expliquée dans le Yaroushlami,
le Shoulḥon ´oroukh suit la ligne sur toute sorte de bruit rythmique, y compris
les applaudissements, les battements en rythme et la danse. C'est une règle stricte
comme Rabboh, bien qu'avec la rhétorique de שמא יתקן כלי
שיר « de
peur qu’ils ne réparent un instrument de musique ». Mais le Ramo’’` fait
face à une culture où נהגו להקל בכל « les gens sont accoutumés à être indulgents en
tout ». Il explique d'abord que les rabbins ne s’y opposent pas parce
que cela ne sert à rien - les gens n'écouteront pas comme c'était le cas à
l'époque de `abbayé - mais il continue ensuite en offrant une défense complète
en faisant appel à l'explication des Ṭôsophôth : Cette interdiction ne
s'applique tout simplement plus. Comment l'élimination de l'interdiction des
applaudissements génère-t-elle la base pour être indulgent avec un groupe de Gôyim
qui joue pour vous le Shabboth juste pour le plaisir ? Le Moghén `avrohom
fait ressortir la logique inévitable mais encore tacite :
Moghén `avrohom 338 :5
En ce qui concerne les applaudissements
[là où les Ṭôsophôth ont dit que c'est permis de nos jours] - Puisque nous ne
sommes pas habiles à fabriquer des instruments de musique, nous aurions dû nous
autoriser à jouer nous-mêmes des instruments de musique, donc il est
certainement permis de dire à un Gôy de le faire.
Le Moghén `avrohom
précise : La pratique courante était de dire aux musiciens non juifs de
jouer pendant le Shabboth, même juste pour le plaisir pur. En effet, selon les Ṭôsophôth,
il ne devrait pas y avoir de différence entre applaudir et jouer d'un
instrument de musique puisque les deux sont interdits - dans leur compréhension
- pour la même raison que l'on pourrait en venir à réparer / fabriquer un
instrument de musique. Par conséquent, théoriquement, un juif pourrait jouer lui-même
des instruments de musique le Shabboth ; par conséquent, si un juif pourrait
en jouer lui-même, il est évident que l'on peut demander à un non-juif de le
faire à notre place ![7]
La
pratique d'assister à des « concerts » où la musique est jouée par
des non-juifs le Shabboth était en fait courante dans les communautés en Grèce
et en Italie également au cours des 16ème et 17ème
siècles, et
plusieurs rabbins italiens au cours de cette période non seulement
justifiaient, mais soutenaient fortement le fait d'avoir un non juif jouant d’un
instrument dans la synagogue le jour du Shabboth.[8]
Il y avait même des communautés italiennes des 16ème et 17ème
siècles où les Juifs jouaient eux-mêmes des instruments à Yôm Tôv, peut-être
avec une approbation rabbinique.[9]
Il y avait un certain nombre de synagogues européennes - y compris l’Altneuschul
à Prague - qui utilisaient des instruments de musique pendant le Qabbolath Shabboth,
le vendredi soir. Cette dernière pratique a été justifiée de diverses manières.
Certains ont affirmé que les instruments étaient utilisés au début du Shabboth en
guise de nouvelle extension de la logique des Ṭôsophôth sur les instruments de
musique. D'autres ont affirmé qu'un non-Juif jouait de ces instruments le
vendredi soir, et il s'agissait donc d'une approche plus conservatrice reposant
sur l'approche du Ra`aviyo’’h décrite ci-dessus. D'autres encore ont
affirmé que les instruments de musique étaient toujours rangés le vendredi soir
avant le Borakhou et / ou la récitation du Ṭahillim 92,
qui sont les marqueurs traditionnels de l’entrée en vigueur des Malo`khôth
de Shabboth, ce qui était considéré comme s’ils n’avaient jamais joué d’instruments
à Shabboth-même. Mais la pratique des Ṭalmidhim du Rambo’’n - bien qu'elle se soit
poursuivie dans l'Italie de la Renaissance - ne semble pas avoir migré vers
l'Europe de l'Est, point clé pour comprendre le débat tumultueux qui a surgi
autour de l'utilisation de la musique dans la synagogue à partir du début du 19ème
siècle.
Ce sera l’objet du
prochain article. Mais comme nous l’avons montré dans cet article-ci, jouer de
la musique à Shabboth et Yôm Tôv était une pratique beaucoup plus courante et
répandue qu’on nous le fait généralement croire aujourd’hui, et il y avait des
bases solides pour l’autoriser.
[1] Bien
sûr, cette indulgence a quelque chose à voir avec d'autres indulgences qui sont
suivies à Simḥath Ṭôroh, qui sont également signalées plus tôt dans cette Ṭashouvoh.
Mais il est à noter que l'autorité guéonique rejette ici une approche plus indulgente
plus large ce jour-là, alors même qu’elle accepte cette indulgente spécifique à
l'égard de la danse, ce qui semble confirmer le fait que l'interdiction de la
Mishnoh de Béṣoh à cet égard est affaiblie. Notez aussi que la logique ici est
essentiellement une extension de la façon dont `abbayé, dans ´érouvin 104a,
comprend la Barrayṭo` de faire des bruits au profit d'une personne malade. `abbayé
lit cela comme une exception faite pour une personne malade ; en d'autres
termes, l'interdiction de faire du bruit peut être annulée par des valeurs
concurrentes suffisamment importantes, comme aider une personne malade ou
honorer la Ṭôroh.
[2] Il y a
une manifestation embryonnaire de cette approche dans le Yaroushlami
que nous avons exploré précédemment. Frapper des mains à l’envers n'est pas
beaucoup plus silencieux que frapper des mains normalement, mais en tant
qu'action, cela semble radicalement différent. Dans ce texte, il semble que
nous ayons affaire à une évasion pas encore cohérente de la loi, et cela
apparaît quelque peu insatisfaisant avec la conception de Rabboh par le Rambo’’m
dans Hilkôth Shabboth 23: 5, qui rapporte ces exceptions du Yaroushlami
comme une loi. Dans cette exposition plus complète des Ṭôsophôth, influencée
par le Sathom, nous avons une théorie plus robuste sous la main.
[3] Hilkôth Hôṣo`ath
Hashshabboth n°519
[4] Notez que Rash’’i décrit le
problème du bruit fort pendant le Shabboth par les mots, אוושא מילתא,
ce qui semble être une description d'une atmosphère perturbatrice problématique.
Mais de nombreuses voix post-Ṭôsophôth (parmi lesquelles le Tôsophôth Shanṣ,
le Séphar Haṭṭaroumoh et le Sema’’g) rejettent cette explication,
décrivant le problème du bruit comme étant la peur que les autres pensent que
quelqu'un n'agit pas correctement le Shabboth. Cette vision est directement
attribuable à l’adhésion totale des Ṭôsophôth à la caractérisation par le Sathom
du problème du bruit pendant le Shabboth.
[5] C'était
une pratique courante dans les communautés médiévales d'organiser la cérémonie
de mariage le vendredi après-midi, suivie d'une fête qui se déroulait le Shabboth
(cela semble en fait s'être produit dans l'histoire du Rov mentionné dans le passage
du Yaroushlami citée dans les parties précédentes
également); l'arrangement permettait la possibilité d'économiser de l'argent pour
un repas distinct pour le Shabboth durant une semaine où l'on préparait déjà le
banquet de mariage.
[6] Fait
intéressant, dans un vestige de l'approche antérieure du bruit comme
intrinsèquement problématique, le Mahar’’i Weil, Ḥiddoushé Dinim n°7,
interdit d'écouter un musicien non juif même à Yôm Tôv. Cela reflète une
attitude basée sur l’atmosphère.
[7] La
lecture du Ramo’’` par le Moghén `avrohom est confirmée comme correcte par une
lecture attentive du Darkhé Môshah 338: 1. Là, le Ramo’’` rapporte une
pratique courante d'embaucher des musiciens non juifs le Shabboth, même en
dehors du contexte des mariages. Il ne comprend pas comment on serait autorisé
à dire à un non-juif de faire quelque chose qui est interdit le Shabboth. Il
cite ensuite les Ṭôsophôth qui autorisent les applaudissements à travers l'argument
selon lequel les gens moyens ne sont pas qualifiés dans l’art de fabriquer et
de réparer des instruments de musique, et suggère que cela pourrait justifier
la pratique. L'implication ici est assez claire : jouer d'un instrument de
musique le Shabboth n'est plus vraiment interdit en soi si l'on suit la logique
des Ṭôsophôth, et donc on peut certainement dire à un non-Juif de le faire le Shabboth,
puisqu’on peut demander à un Gôy de faire quelque chose le Shabboth qu’il n’est
pas interdit à un juif de faire lui-même !
[8] Voir les Ṭashouvôth du
Radba’’z 4 :132 et les diverses sources concernant la pratique italienne
citées dans מ. בניהו, "דעת חכמי איטליה על הנגינה בעוגב
בתפילה", אסופות א (תשמז): רסה-שיח et א. מ.
הברמן, "בעיית העוגב בבתי כנסת ותשובתו של הרב יעקב חי ריקאנטי", תצליל
י (תשלח): כא-כה. Voir plus particulièrement l’opinion de Ribbénou
Yahoudhoh `aryéh de Modène citée par Bénayohou : כל מי שיש לו מוח בקדקדו [יודה] דלהלל להּ בזמרה בבית הכנסת בשבתות...יקרא דבר
מצוה, כמו לשמח חתן וכלה...וחייבים אנו לקשטה ולשמחה בכל מיני שמחה.
[9] Voir חיים
שירמן, התיאטרון והמוסיקה בשכונות היהודים באיטליה, ציון כט (תשכד): סא-קיא ainsi
que la Ṭashouvoh de Ribbénou Ya´aqôv Ḥay Recanati, citée
dans Bénayohou. Notez que si la plupart des approches indulgentes ici semblent
avoir totalement abandonné toute préoccupation atmosphérique pour la notion de השמעת קול, Ribbénou Recanati rapporte que les rabbins de
Corfou ont autorisé l'utilisation d'instruments dans la synagogue à Yôm Tôv à
condition que le bruit musical ne noie pas les paroles de la Ṭaphilloh.
En d’autres mots, si la musique est tellement forte qu’on n’entend pas les
paroles de la prière, la pratique n’était pas autorisée.