lundi 13 avril 2015

Y a-t-il une obligation de réciter trois fois par jour le Tahilim 145 ?

בס״ד

La Halokhoh d'après le Talmoudh et le Mishnéh Tôroh


Y a-t-il une obligation de réciter trois fois par jour le Tahilim 145 ?

Nous connaissons tous la pratique consistant à réciter le « `Ashré » trois fois par jour : deux fois durant l'office de Shaharith, et une troisième fois durant l'office de Minhoh. Quelle est la base de cette pratique, et est-ce réellement une obligation halakhique ?

  • Dans la Gamoro`

La récitation du Tahillim 145 n'est mentionnée qu'à deux reprises dans tout le Talmoudh. La première fois, c'est dans le passage suivant :

Barokhôth 4b
Rébbi `Él´ozor a dit au nom de Rébbi `Avino` : « Quiconque dit ''Tahilloh LaDhowidh''1 chaque jour à trois reprises, celui-là a la garantie d'être un fils du Monde-à-Venir2 ! ». Quelle en est la raison ? Dois-je dire que c'est parce qu'il suit l'ordre du Alaf-Béth ? Qu'on récite alors « `Ashré Thamimé Dhorakh »3 qui suit huit fois [l'ordre du `Alaf-Béth] ! Est-ce plutôt parce qu'il contient [le verset] « Pôthéah `Ath Yodhakho »4 ? Qu'il récite alors le Grand Hallél5, dans lequel il est écrit : « Nôthén Laham Lakhol Bosor »6 ! C'est plutôt parce qu'il contient les deux7 !
אמר רבי אלעזר א"ר אבינא כל האומר תהלה לדוד בכל יום שלש פעמים מובטח לו שהוא בן העולם הבא מאי טעמא אילימא משום דאתיא באל"ף בי"ת נימא אשרי תמימי דרך דאתיא בתמניא אפין אלא משום דאית ביה פותח את ידך נימא הלל הגדול דכתיב ביה נותן לחם לכל בשר אלא משום דאית ביה תרתי

La deuxième fois où nous trouvons une mention du Tahillim 145 dans le Talmoudh, c'est dans le passage suivant :

Shabboth 118b
Rébbi Yôsé a dit : « Que mon lot soit parmi ceux qui disent intégralement le Hallél8 chaque jour ! » Mais il n'en est pas ainsi, car un Maître n'a-t-il pas dit : « Celui qui récite le Hallél chaque jour, celui-là blasphème et accuse [HaShem] ? Nous disons plutôt que [Rébbi Yôsé parlait] des Pasouqé DaZimro`9 !
א"ר יוסי יהא חלקי מגומרי הלל בכל יום איני והאמר מר הקורא הלל בכל יום הרי זה מחרף ומגדף כי קאמרינן בפסוקי דזמרא

Si nous nous penchons sur ces deux passages ci-dessus, il est difficile de trouver la moindre obligation de réciter le Tahillim 145 chaque jour. C'est tout au plus une pratique « spirituelle » conseillée par certains Sages.

En tous les cas, c'est sur la base des propos de Rébbi `Él´ozor que s'est développée la pratique consistant à réciter le « `Ashré » trois fois par jour. Mais il convient de mentionner les propos suivants tenus par Rabbénou Béhayé ban `Oshér זצ״ל :

Commentaire sur Wayyiqro` 7:37
Les Sages ont expliqué que quiconque se penchait sur la section relative au Qorban ´Ôloh (ou au Qorban Minhoh, au Qorban Hatto`th, etc.), c'est comme s'il en avait offert un. Ce n'est vrai que lorsqu'il médite sur la signification de cette section et ce à quoi elle fait allusion. En agissant ainsi, il comprendra les merveilles des lois relatives aux Qorbonôth. Cela l'amènera à faire plus d'effort pour accomplir la Tôroh et les Miswôth, et ses péchés seront pardonnés comme s'il avait offert un Qorbon. HaZaL ne parlaient pas de quelqu'un qui se contente de réciter les versets sans méditer sur leur signification. Il en est de même [pour l'enseignement selon quoi] « Quiconque dit ''Tahilloh LaDhowidh'' chaque jour à trois reprises, celui-là a la garantie d'être un fils du Monde-à-Venir ! ». En méditant ce que ces versets enseignent et à quoi ils font allusion, il reconnaîtra les merveilles de l'Omniscient, et son cœur sera renforcé dans sa foi en HaShem et le culte qu'il Lui rend. C'est par cela qu'il héritera du Monde-à-Venir.

Il ne suffit donc pas seulement de se contenter de faire de la simple récitation, comme le font la plupart des gens aujourd'hui (certains allant même jusqu'à faire d'autres choses tout en récitant le « `Ashré »), car ce n'est pas le fait de réciter quelque chose qui nous permet d'avoir droit au Monde-à-Venir. C'est plutôt le fait de profondément méditer ces versets, de comprendre les messages explicites et implicites qu'ils nous transmettent, et surtout les vivre dans sa vie quotidienne, qui font que l'on héritera du Monde-à-Venir, car les paroles de ce Psaume seront si profondément gravées dans nos cœurs et nos consciences que l'on aura une foi entière en HaShem et un bonheur immense à Le servir ! Cela n'a donc rien à voir avec de la simple récitation ou lecture ! En outre, réciter deux fois la même chose au cours du même office (deux fois le « `Ashré » pendant l'office du matin) ne permet justement pas du tout de prendre le temps de faire attention à ce que l'on dit, et encore moins de méditer sérieusement sur la signification de ces versets.

  • Le Rambam

Voici ce qu'écrit le Rambam זצ״ל dans son Mishnéh Tôroh concernant la récitation du « `Ashré » et des « Pasouqé DaZimro` » :

Hilkhôth Tafilloh Ouvirkhath Kôhanim
Les Sages d'antan ont fait l'éloge de celui qui récite chaque jour des cantiques tirés du Livre des Tahillim, plus précisément à partir de « Tahilloh LaDhowidh » jusqu'à la fin du livre10. Les gens se sont déjà accoutumés à réciter [d'autres] versets avant et après ceux-ci.
ושיבחו חכמים הראשונים, למי שקורא זמירות מספר תילים בכל יום, והן מ"תהילה, לדויד", עד סוף הספר. וכבר נהגו העם לקרות פסוקים לפניהם, ולאחריהם

Nous ne pouvons être plus clair que cela ! Réciter chaque jour des Pasouqé DaZimro` (versets tirés du livre des Psaumes) ou chaque jour le « `Ashré » était une pratique que les Sages du Talmoudh ont encouragée. Mais cela était une Middath Hasidhouth (mesure de piété), mais pas du tout une obligation ! Celui qui voulait les réciter faisait bien, et celui qui ne les récitait pas ne faisait rien de mal ! Et c'est aussi ce que le Rov Sa´adyoh Go ôn זצ״ל a écrit dans son Siddour : « Notre peuple s'est volontairement engagé à réciter un certain nombre de Psaumes, de louanges à HaShem ». Ces Psaumes appelés « Pasouqé DaZimro` » ne constituent pas en eux-mêmes une obligation quotidienne, et il est encore moins obligatoire de réciter le « `Ashré » trois fois quotidiennement. C'est une pratique volontaire, exactement comme la prière de Ma´ariv/´Arvith (voir ici concernant ce que le Rambam dit sur le statut de Ma´ariv/´Arvith). En fait, on pourrait même réciter n'importe quel autre Psaume ; il n'y a aucune obligation à ne réciter que les Psaumes 145 à 150 (et c'est pour cela que la pratique s'est développée d'ajouter des Psaumes et louanges supplémentaires).

  • En conclusion

Si nous acceptons que la récitation des Pasouqé DaZimro` ou des mêmes Psaumes chaque jour n'a pas un statut d'obligation, cela rendrait nos prières quotidiennes plus vivantes, car on pourrait réciter chaque jour des Psaumes et cantiques différents et avoir plus de spontanéité, et éviter ainsi la lourdeur et le sentiment de redondance que ressentent beaucoup de gens (même s'ils ne l'avouent pas ouvertement) lorsqu'ils prient chaque jour en récitant chaque fois les mêmes choses ! C'est en fait cela qui les pousse à bâcler la prière !

De la même manière, comme nous l'avons vu plus haut, lorsqu'il a été dit que celui qui récitait chaque jour les sections de la Tôroh relatives aux Qorbonôth serait considéré comme ayant apporté des Qorbonôth à HaShem, on parlait de quelqu'un qui prenait la peine de méditer sur ces versets pour en découvrir les sens explicites et implicites, et les appliquer dans sa vie quotidienne. Mais que voyons-nous de nos jours ? La plupart des gens se contentent de lire ces versets et se rassurent en se convaincant qu'ils ont accompli leur devoir de les lire, ce qui est très loin d'être le cas ! Il suffit de voir à quelle vitesse ces versets sont récités pour comprendre que ces récitations n'ont aucune valeur et sont faites sans Kawwonoh ! Dans certaines communautés, les passages relatifs aux Qorbonôth sont même récités à deux reprises au cours de l'office du matin : une fois avant les Pasouqé DaZimro` et une deuxième fois avant de conclure l'office. Que remarque-t-on ? La deuxième récitation de ces passages est dans la majorité des cas effectuée à grande vitesse, car les gens veulent conclure l'office le plus vite possible ! C'est psychologique : plus on se rapproche de la fin de l'office, moins la concentration est grande. Et l'une des raisons à cela est que nous avons excessivement tiré en longueur les offices, chose qui n'est pas du tout nécessaire ! Nous connaissons tous le dicton selon lequel « Mieux vaut réciter peu avec concentration que beaucoup sans concentration ! » Cela s'applique aussi à la prière ! En fait, dans de nombreuses communautés séfarades, les passages relatifs aux Qorbonôth ne sont pas récités à la fin de l'office, précisément parce que la plupart des gens ne les réciteront pas avec concentration. De même, les communautés yéménites, les Talmidhé HaRambam et certains Safardhim ont la pratique de ne réciter qu'une seule fois la ´Amidhoh, et non pas deux fois, conformément à l'opinion de Rabbon Gamli`él ז״ל et les instructions données par le Rambam, pour la simple raison que la plupart des gens sont incapables de se concentrer comme il faut lorsque la ´Amidhoh est récitée deux fois ! Beaucoup se mettent à parler pendant que le Shaliah Sibbour refait la ´Amidhoh à voix haute, d'autres n'écoutent pas du tout ce qu'il dit, etc. C'est un Hilloul HaShem !

Les gens devraient sérieusement inspecter leur ´Avôdhath HaShem pour voir si ce qu'ils font rend gloire ou pas à HaShem et si ce qu'ils font provient du cœur ou n'est que la récitation mécanique de préceptes appris par des hommes. Puissiez-vous ne pas faire partie de ceux dont parle le verset suivant :

Yasha´yohou 29:13
Le Seigneur a dit: Puisque ce peuple ne Me rend hommage que de bouche et ne M'honore que des lèvres, mais qu'il tient son cœur éloigné de Moi, et que sa crainte à Mon égard se borne à des préceptes d'hommes, à une leçon apprise,
ויאמר אדני, יען כי נגש העם הזה, בפיו ובשפתיו כבדוני, ולבו רחק ממני--ותהי יראתם אתי, מצות אנשים מלמדה

Qu'ont dit nos Sages sur la prière ?

Ta´anith 2a
Il a été enseigné : [Il est écrit11 :] « afin d'aimer HaShem ton D.ieu et Le servir de tout votre cœur ». Qu'est-ce que le service qui se trouve dans le cœur ? On se doit de dire qu'il s'agit de la prière !
תניא לאהבה את ה' אלהיכם ולעבדו בכל לבבכם איזו היא עבודה שהיא בלב הוי אומר זו תפלה

La prière est une activité du cœur, qui se fait avec le cœur et dans le cœur ! Cessons d'en faire quelque chose de superficiel et mécanique ! Et l'une des façons d'y parvenir consiste à savoir ce qui est obligatoire dans la prière et ce qui ne l'est pas, ce que l'on peut faire et ce que l'on ne peut pas faire en priant, ce qui est permis ou interdit dans la prière. Si on se rend compte que réciter chaque jour les Tahillim 145 à 150 n'est qu'une pratique facultative n'ayant aucune valeur de Halokhoh, mais que l'on peut en fait réciter quelque Psaume que l'on désire (voire même n'en réciter aucun, si on pense, par exemple, ne pas pouvoir réciter un Psaume avec une concentration véritable), cela redynamisera nos prières et leur rendra le statut de « service du cœur ».

Cet article peut être téléchargé ici.

1Le Tahillim 145
2C'est-à-dire, il aura une part dans le Monde-à-Venir
3Le Tahillim 119
4« Il ouvre Sa main et satisfait le besoin de chaque créature vivante » (Tahillim 145:16)
5Le Tahillim 136
6« Il accorde de la nourriture à toute chair, car Sa grâce dure pour l'éternité » (Tahillim 136:25)
7C'est-à-dire, parce qu'il suit l'ordre du `Alaf-Béth et contient un verset faisant mention du fait qu'HaShem prend soin de chacune de Ses créatures en leur fournissant leur nourriture
8Les Tahillim 113 à 118
9Les « Versets dde Cantique ». Il y a une divergence d'opinion entre le Rif זצ״ל et Rashi זצ״ל quant à l'identité exacte des Psaumes appelés « Pasouqé DaZimro` » dans cette Gamoro`. D'après le Rif, on se réfère ici aux Tahillim 145 à 150, alors que d'après Rashi, on se réfère plutôt aux Tahillim 145, 148 et 150. Dans tous les cas, le Tahillim 145 est inclus dedans. La raison pour laquelle ces Tahillim pourraient avoir été surnommés « Hallél » par Rébbi Yôsé est qu'ils contiennent plusieurs fois les termes « louange », « louez », etc.
10C'est-à-dire, du Tahillim 145 au Tahillim 150

11Davorim 11:13
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