jeudi 26 novembre 2015

Juger dans la précipitation

ב״ה

Juger dans la précipitation


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Dans la Sidhroh de cette semaine suivant le cycle triennal, la Sidhrath Wayhi Khol-Ho`oras Sofoh `ahath (qui peut être téléchargée dans la colonne de droite sur le blog), la Tôroh nous parle de la célèbre histoire de la Tour de Boval, et nous dit notamment ceci, après que la ville et la tour furent construites : וַיֵּ֣רֶד יְהוָ֔ה לִרְאֹ֥ת אֶת־הָעִ֖יר וְאֶת־הַמִּגְדָּ֑ל אֲשֶׁ֥ר בָּנ֖וּ בְּנֵ֥י הָֽאָדָֽם « et `adhônoy descendit pour voir la ville et la tour que les fils de l'Homme avaient construites ».1

Nous savons qu'HaShem ית׳ est incorporel et que les phénomènes physiques ne peuvent s'appliquer à Lui. De ce fait, nous ne devons pas comprendre littéralement qu'Il est « descendu » sur terre pour « voir » ce que faisaient les hommes à Boval. Le mot תּוֹרָה « Tôroh » provient de la même racine que le mot הוֹרָאָה « Hôro`oh », qui signifie « instruction ». Cela nous enseigne que la Tôroh a été rédigée dans le langage de l'homme de façon à ce qu'il puisse tirer du texte des instructions pour sa vie morale et spirituelle, ainsi que dans sa relation avec les autres. Nous savons donc qu'HaShem n'est pas littéralement « descendu » pour « voir » ce qui se passait à Boval. La question est donc : qu'est-ce que la Tôroh veut nous faire comprendre par-là ? Cela doit toujours être la question à se poser lorsqu'on est confronté à un texte de la Tôroh que nous savons qu'il ne faut pas prendre littéralement. La Tôroh emploie un certain langage pour nous transmettre une leçon. Laquelle ?

Rash''i ז״ל commente ce verset de la façon suivante :

Et HaShem descendit pour voir : Il n'avait pas besoin [de descendre] pour cela, mais cela vient enseigner aux juges qu’ils ne doivent pas condamner l’accusé avant de l’avoir vu et d’avoir compris [l’objet du litige].2
וַיֵּרֶד ה' לִרְאוֹת. לֹא הוּצְרָךְ לְכָךְ אֶלָּא בָּא לְלַמֵּד לַדַּיָּנִים שֶׁלֹּא יַרְשִׁיעוּ הַנִּדּוֹן עַד שֶׁיִּרְאוּ וְיָבִינוּ

La même leçon peut être tirée des paroles prononcées par HaShem concernant l'impiété des Sodomites. La Tôroh rapporte ceci3 :

Et `adhônoy dit : « La clameur de Sadhôm et ´amôroh est grande, et leur crime est immense. Je veux donc descendre et voir s'ils ont agi selon la clameur qui M'est parvenue, malheur à eux ! Sinon, Je le saurai ».
וַיֹּאמֶר יְהוָה, זַעֲקַת סְדֹם וַעֲמֹרָה כִּי-רָבָּה; וְחַטָּאתָם--כִּי כָבְדָה, מְאֹד. אֵרְדָה-נָּא וְאֶרְאֶה, הַכְּצַעֲקָתָהּ הַבָּאָה אֵלַי עָשׂוּ כָּלָה; וְאִם-לֹא, אֵדָעָה

Il est évident qu'HaShem n'avait pas besoin de « descendre » pour « voir » si ce qu'il « entendait » des crimes commis par les Sodomites était vrai ou pas. Mais cela vient nous apprendre une leçon très importante, à savoir, que les choses ne sont pas toujours telle qu'elles semblent l'être, et nous devons faire tout ce qui est possible de faire pour éviter d'en arriver à un jugement trop précipité.

Cette leçon à une énorme importance morale et pratique. Très souvent, nous entendons des choses qui suscitent en nous des sentiments puissants et nous tirons des conclusions sans prendre le temps de rassembler tous les faits, d'écouter les deux faces de l'histoire, et réfléchir sur le problème calmement et judicieusement. Nous nous laissons souvent influencer par une seule version des événements et prenons des mesures ou prononçons des paroles que nous regrettons plus tard. Il nous est enseigné dans les Pirqé `ovôth4 : הֱווּ מְתוּנִים בַּדִּין « Soyez pondérés dans le jugement ». Ce conseil s'applique dans tous les domaines de la vie. Nous devons aspirer à rester calmes et ne pas être ballottés par les premières impressions. Nous devons accorder aux gens décents le bénéfice du doute. Plus important encore, nous devons être capables de discerner les situations où nous agissons ou parlons sur le coup d'émotions fortes ou par un état de calme et avec une pensée claire.

De même, nous sommes quotidiennement inondés d'informations diffusées par les médias du système. C'est notamment le cas depuis les attaques survenues le 13 Novembre 2015 à Paris. Il y a beaucoup de mensonges, incohérences et contradictions dans ce qui nous parvient par la presse, les médias et réseaux sociaux, mais parce que les gens réagissent sous le coup de l'émotion, ils avalent tout ce qu'on leur dit et montre, et laisse au vestiaire toute réflexion critique et rationnelle. Nous devons apprendre à traiter chaque information de manière objective, et s'informer sur toutes les facettes d'un récit avant de tirer la moindre conclusion. Combien de gens n'ont-ils pas été condamnés à tort simplement parce que les médias ne diffusaient que des informations négatives sur eux ? L'affaire d'Outreau n'est qu'un exemple parmi des milliers ! Nous devons donc être prudents dans ce domaine, et ne pas tirer de conclusions trop hâtives. C'est ce que la Tôroh veut nous apprendre ici.

Nous pouvons appliquer cette leçon à un autre domaine. Nous vivons dans un monde d'informations instantanées où nous pouvons répondre immédiatement à des messages par des SMS et des courriels. Cela peut être très dangereux, car cela peut nous amener à faire des déclarations que nous n'avons pas eu la possibilité de repasser en revue. Après avoir rédigé une phrase sur le coup de l'émotion, ou par colère, etc., on devrait s'abstenir d'appuyer sur le bouton envoyé. Plutôt, on devrait attendre un peu, jusqu'à ce qu'on se soit calmé et réécrire ce qu'on avait écrit. Il n'y a rien de mal à retarder ses réponses, mais une fois que des paroles ont été prononcées ou envoyées on ne peut pas les reprendre.

Apprenons donc à ne pas être hâtifs dans le jugement, évitons les réactions irréfléchies, et surveillons ce que nous disons, très soigneusement. Cela contribuera à une vie beaucoup plus heureuse.

1Baré`shith 11:5
2Midhrosh Tanhoumo` 58:18
3Baré`shith 18:20-21

41:1

Les trente-neuf Malo`khôth : Zôréa´ - Semer

ב״ה

Les trente-neuf Malo`khôth expliquées clairement

Zôréa´ - Semer


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  1. Introduction

Dans la leçon précédente, nous avons analysé la Malo`khoh de Hôrésh (labourer), la première des trente-neuf Malo`khôth de Shabboth. Comme nous l'avions mentionné, Hôrésh est également la première Malo`khoh dans le groupe des Malo`khôth connu sous l’appellation de סִידּוּרָא דְּפַּת « Siddouro` Dapath » (l'Ordre du Pain). Ce groupe inclut, dans l'ordre logique, chacune des activités nécessaires à la préparation du pain. Ainsi, dans cette leçon, nous passons à l'ensemencement des graines, qui était la deuxième étape une fois que l'on avait labouré un champ.

  1. Les fondamentaux de Zôréa´

Le cas classique de la Malo`khoh de semer (que l'on appelle en Langue Sainte זוֹרֵעַ « Zôréa´ ») consiste à planter une graine là où elle sera capable de pousser. Si vous placez la graine dans une zone où il est improbable qu'elle pousse, vous n'avez accompli aucune Malo`khoh. Un exemple serait de planter une graine dans du sable ou une zone désertique (ou dans quelque autre type de terre non arable). Un exemple moins évident serait le fait de planter une graine à un endroit doté d'une bonne terre mais qui est fréquemment utilisé par les gens ou les animaux. Bien que les conditions puissent être bonnes pour la croissance de la graine, le trafic constant empêchera la graine de se développer. Par conséquent, celui qui plante une graine dans un tel endroit n'a accomplit aucune Malo`khoh.


Cependant, Zôréa´ va bien au-delà de la plantation. Cette Malo`khoh inclut tout ce qui pourrait favoriser ou améliorer la croissance d'une plante ou d'une graine. Cela inclut donc des activités agricoles telles que :

  • arroser (par exemple, une pelouse)
  • élaguer une plante ou un arbre
  • greffer ensemble deux plantes
  • placer une couverture au-dessus d'un arbre afin de le protéger du froid

Cela semble, à première vue, très simple : si nous nous abstenons de tout travail lié au jardinage à Shabboth, nous devrions aisément savoir respecter l'interdiction de Zôréa´. C'est vrai jusqu'à un certain point. Mais il existe d'autres applications de la Malo`khoh de Zôréa´ sur lesquelles nous devons nous pencher.

  1. Les problèmes à l'extérieur

De nombreuses maisons ont des zones extérieures qui contiennent de l'herbe et d'autres choses qui poussent dans la terre. Donc, à Shabboth, nous devons veiller à ne pas verser de l'eau (ou d'autres liquides) dans ces zones-là. C'est plus particulièrement vrai durant la période de Soukkôth, où nous mangeons et accomplissons d'autres activités en extérieur.

Revenons à notre ami `aharôn. Au cours de leur repas de Shabboth dans son arrière-cour, lui et ses invités auront besoin de se laver les mains avant de consommer le pain. Sur la base de ce que nous avons appris, ils ne doivent pas se laver les mains directement au-dessus de l'herbe, ni verser l'eau qui resterait sur l'herbe ou la terre. Cela constituerait du Zôréa´, puisque cela aide l'herbe à mieux pousser.


De même, et cela pourrait paraître moins évident, nous devrons également dire à `aharôn et ses convives de faire attention en mangeant leur pastèque juteuse au moment du dessert. Ces graines sont glissantes, et les faire tomber dans le sol en terre constituerait une transgression rabbinique (mais pas toranique) de Zôréa´.

S'il a plu la nuit de Vendredi, `aharôn pourrait être tenté de débarrasser les chaises de l'eau qui s'y trouvent avant de les utiliser. Déverser volontairement l'eau sur l'herbe constituerait clairement du Zôréa´ sur la base de ce que nous avons appris.

Un cas similaire se produit souvent durant la fête de Soukkôth. Certaines personnes, pour garder leurs Soukkôth sèches, ont l'habitude de placer au-dessus une espèce de bâche lorsque la Soukkoh n'est pas utilisée. S'il pleut, la bâche collectera de l'eau, et lorsque vous la retirerait, à l'évidence, de l'eau en tombera.

Comment donc agir dans de telles situations ?

La Halokhoh distingue entre :

  1. un cas où l'eau coulera directement sur l'herbe, et
  2. un cas où l'eau va d'abord se répandre sur une surface solide (par exemple, une plate-forme) et seulement après couler sur l’herbe.

Dans le cas A), vous ne pourrez pas déverser l'eau, tandis que dans le cas B), vous le pourrez. Les cas sont différents, car l'action est moins directe dans le cas B). (C'est basé sur quelques-unes des conditions que nous avons vues dans la leçon 2.)

Vous pourrez également déverser de l'eau si le sol est complètement saturé (ce qui se produit immédiatement après une pluie). La raison à cela est qu'un ajout d'eau n'aidera pas l'herbe à pousser puisqu'elle est déjà trempée et, comme nous l'avons dit, la Malo`khoh de Zôréa´ ne s'applique que lorsque votre acte améliorera la croissance d'une plante. C'est-à-dire que si vous n'aviez pas fait cet acte, la plante la croissance de la plante n'aurait pas été favorisée ou améliorée. Or, puisqu'ici il y a déjà de l'eau, ajouter davantage d'eau n'est d'aucune conséquence, car l'herbe avait déjà bénéficié de l'eau de pluie. C'est donc l'eau de pluie qui est considérée comme étant celle qui va favoriser sa croissance et non l'eau supplémentaire que l'on a déversée ensuite.

  1. Les problèmes à l'intérieur

  1. Prendre soin des plantes d'intérieur

Tout ce dont nous avons traité jusqu'à présent concernait des plantes enracinées dans le sol. Cela pourrait surprendre, mais Zôréa´ et d'autres Malo`khôth de Shabboth s'appliquent également aux plantes d'intérieur. Ainsi, nous ne pouvons pas arroser nos plantes d'intérieur à Shabboth.

Mais n'oubliez pas que toute amélioration ou ce qui favorise la croissance est inclus dans Zôréa´. Cela signifie donc que nous ne pouvons pas faire entrer de la lumière dans la pièce (en ouvrant, par exemple, les rideaux) expressément pour le bien de nos plantes d'intérieur. En effet, cela favorisera leur croissance. Cependant, cela ne veut pas dire que nous devons rester dans l'obscurité à Shabboth. Nous pouvons ouvrir les rideaux si c'est afin d'éclairer la pièce, ou ouvrir les fenêtres si c'est pour avoir de l'air frais. Nous ne pouvons juste pas le faire si cela est expressément fait pour le bien des plantes.

Mais attendez une seconde ! Si nous ouvrons les rideaux pour éclairer la pièce, et que nous avons des plantes dans la pièce, il est presque certains que les plantes tireront profit de la lumière entrant dans la pièce. Donc, comment la Halokhoh peut-elle permettre qu'on fasse entrer de la lumière ?

Là encore, nous devons faire un retour en arrière vers la leçon n°2 et les conditions dont nous avions discutées. À Shabboth, l'intention de nos actes fait toute la différence (en plus du fait qu'il s'agit ici d'un profit « indirect »). De ce fait, ici, lorsque nous faisons entrer de la lumière dans la pièce avec l'intention que cela nous profite (afin de ne pas rester dans l'obscurité, bien voir, etc.), nous n'avons pas à nous soucier du fait que cette lumière profitera également aux plantes.

  1. Les fleurs

Souvent, les gens ont des fleurs coupées à la maison pour Shabboth. Supposons que les fleurs ont déjà fleuri, elles ne vont, à l'évidence, plus pousser davantage. De ce fait, la majorité des problèmes de Zôréa´ ne s'appliquent pas à elles. Mais si elles n'ont pas encore fleuri, accomplir quoi que ce soit qui aidera à ce qu'elles soient en fleur constituera du Zôréa´.

Une question qui se pose est s'il nous est permis de placer des fleurs dans un vase d'eau à Shabboth, ou les y remettre après qu'on les en ait retirées.

La Halokhoh a tranché que placer des fleurs dans un vase d'eau pour la première fois est considéré comme du טִרְחָא « Tirho` », un effort qui n'est pas en phase avec l'esprit du Shabboth et ne devrait donc pas être réalisé à Shabboth. (Notez que l'on ne dit pas que c'est interdit. Juste qu'il serait préférable de ne pas le faire.) D'autres disent aussi que c'est un acte qui est trop ressemblant à du vrai Zôréa´. (Là encore, on ne dit pas que c'est une transgression de Zôréa´, mais que cela ressemble fortement à du Zôréa´, et, par conséquent, il serait préférable de s'en abstenir.) Ainsi, au niveau pratique, nous ne le faisons généralement pas à Shabboth. Et pour les mêmes raisons, nous ne changeons pas à Shabboth l'eau d'un vase contenant des fleurs.

Qu'en est-il du fait de remettre dans un vase des fleurs pleinement ouvertes qui étaient déjà dans l'eau si on les a retirées ? Cela est permis dans un cas de nécessité (comme par exemple, pour empêcher les fleurs de faner). Ici, il n'y a pas de notion de Tirho`, et les fleurs ne peuvent de toute façon plus pousser. De ce fait, il n'y a aucune raison de l'interdire.


  1. Des choses qui poussent dans l'eau (l'hydroponique)

Puisque le principe sous-jacent de Zôréa´ est d'améliorer ou favoriser la croissance d'une plante, cela s'applique également aux plantes qui ne poussent pas dans le sol. De ce fait, prendre un noyau d'avocat et le faire germer dans l'eau est considéré être un acte de Zôréa´. Il en est de même du fait de placer des germes de soja, des haricots de Lima, ou des choses similaires, dans de l'eau ou toute autre matériau humidifié. Nous réalisons ces activités afin de faire pousser les plantes, et elles sont, par conséquent, inclues dans la Malo`khoh de Zôréa´.

  1. En résumé

Nous avons appris que tout acte qui a pour intention d'améliorer ou favoriser la croissance d'une plante (ou d'un arbre, etc.) est considéré comme le fait de « semer une graine » (Zôréa´) à Shabboth.

Cette Malo`khoh de Zôréa´ s'applique autant aux choses qui poussent à l'extérieur qu'à celles qui poussent en intérieur.

Les exemples courants de Zôréa´ incluent le fait :


  • d'arroser une plante
  • de déverser de l'eau sur un sol en terre ou de l'herbe
  • de lancer des graines sur un sol en terre
  • d'ouvrir les rideaux pour faire entrer de la lumière naturelle au profit d'une plante d'intérieur
  • placer des fleurs non ouvertes dans de l'eau
  • faire pousser quelque chose dans de l'eau (même sans terre).

lundi 23 novembre 2015

Le Tallith : un châle de prière ou un vêtement ?

ב״ה

Le Tallith : un châle de prière ou un vêtement ?


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De nos jours, l'usage du Tallith est uniquement confiné aux moments de la prière, à tel point que le Tallith est souvent traduit en français par « châle de prière ». Mais c'est l'une des distorsions modernes les plus profondes.

Toutes les sources juives faisant autorité démontrent que le Tallith était, à l'origine, fait de laine et que celui qui le portait le traitait comme un vêtement ordinaire de la vie quotidienne, et s'en servait donc pour des usages très variés, comme par exemple envelopper et transporter ses marchandises dedans, l'utiliser comme couverture pour se tenir au chaud, comme châle de prière, comme drap de lit pour dormir dessus, comme tapis de prière, comme manteau, etc. Et sur la base d'une Tashouvoh du Ramba''m ז״ל, il ressort que le Minhogh à son époque consistait à porter le Tallith tout au long de la journée. En outre, du Talmoudh il ressort également clairement que lorsque le Tallith est utilisé comme châle de prière, contrairement à notre époque, il peut être porté pour toutes les prières, et pas seulement pour celle de Shaharith. En fait, le Ramba''m rapporte dans son Mishnéh Tôroh que l'on doit s'envelopper d'un Tallith pour toutes les prières quotidiennes. C'est du moins obligatoire pour les Talmidhé Hakhomim.

Jusqu'à ce jour, les Témonim (Juifs yéménites), les Talmidhé HaRamba''m et les Dôr Da´im conservent encore certaines distinctions au niveau de l'usage du Tallith qui les rendent uniques et authentiques vis-à-vis du reste des Juifs. Le Rov Ya´aqôv Sappir ז״ל, qui fut envoyé au Yémen en 1859 pour le compte de diverses organisations religieuses de Palestine, écrivait que « les hommes qui craignent Dieu, les enseignants du peuple, portaient un autre vêtement, avec quatre coins et arborant des Sisith, en-dessous de leur manteau et par dessus leurs dos ; le Shamlé (c'est ainsi qu'on l'appelle en arabe), noir ou avec des bandes noires et blanches, fait de laine épaisse, carré, avec quatre coins, avec lequel ils couvrent leurs têtes et corps jusqu'en bas, et aux quatre coins ils pendent des Sisith, suivant la Halokhoh. Et ils se couvrent du Shamlé tout au long de la journée... la nuit aussi, ils se couvrent avec, ou l'utilisent pour couvrir le matelas sur lequel ils dorment. Et il est utilisé pour toutes les tâches ; les gens transportent des choses dedans lorsqu'ils s'en vont acheter ou vendre au marché, ou l'utilisent pour transporter du bois ».

En réalité, le Tallith est un vêtement « normal » et n'a jamais été exclusivement associé à la prière. On peut l'utiliser pour tous les usages, sans aucun problème halakhique. Mais aujourd'hui, en raison du fétichisme qui s'est répandu au sein des communautés juives, principalement Harédhim, le Tallith est traité comme un vêtement « sacré », qui ne peut être porté que pour la prière du matin, qui doit se plier et se déplier d'une manière particulière, et qui doit être porté d'une manière particulière. Toutes ces choses sont des bêtises qui n'ont aucune source halakhique. Nos Sages ne se sont jamais embêtés avec ces futilités. Un Tallith est un vêtement comme un autre, rien de plus, rien de moins. Évidemment, des Sisith y sont attachés, mais cela reste un vêtement. L'attitude moderne vis-à-vis du Tallith provient des supercheries kabbalistiques et, comme cela a été dit, du fétichisme qui domine les milieux dits « froum » ; ils traitent leurs chapeaux, leurs Shtreimelakh, leurs Bekishe, leurs chaussettes blanches ou noires, leur Gartel, leurs chemises blanches, leurs longs manteaux, etc., comme s'ils étaient dotés de pouvoirs magiques, comme s'ils portaient des vêtements sacro-saints, au point que porter les mauvaises couleurs de chaussettes devient un drame ! On ne doit jamais perdre de vue qu'il ne s'agit que de « vêtements » ! Que l'on me comprenne bien : le problème n'est pas de porter un caftan, ou un certain type de chapeau ; le problème survient lorsqu'on accorde à ces vêtements des propriétés ou une importance exagérée. Et c'est cela qui a amené le Tallith à passer d'un vêtement ordinaire de tous les jours à un châle exclusivement réservé à la prière. Les gens doivent donc savoir qu'un Tallith est un vêtement comme les autres, et qu'il n'y a absolument aucun problème à s'asseoir ou dormir dessus, ni à l'utiliser pour d'autres choses que pour la prière, comme par exemple pour transporter des affaires, pour se tenir chaud s'il faut froid, etc. Le ciel ne vous tombera pas sur la tête parce que vous aurez fait un usage « profane » du Tallith. Bien au contraire, le Tallith est bien un vêtement multifonction !

Quant au Tallith Qoton, le petit Tallith qui est porté sous les vêtements (les Hasidhim Heimishe veillent à le porter au-dessus des vêtements), au Yémen il n'était porté que par une minorité de Juifs. C'est seulement après que la communauté juive yéménite a immigré en Palestine qu'ils ont changé leur Minhogh pour se conformer à celui de leurs frères, qui en portaient un chaque jour.

Le Rov Shôlom Yishoq Halléwi, qui quitta le Yémen pour la Palestine en 1923, reconnut que seule une très petite minorité portait un Tallith Qoton, « mais cela ne signifie pas que les Juifs yéménites estimaient suffisant de porter un Tallith uniquement durant la prière. Le Minhogh accepté est que chaque Juif yéménite de sexe masculin au Yémen ne quittait pas le seuil de la porte de sa maison sans avoir un Tallith sur les épaules, et c'était le Tallith qu'il enveloppait autour [de lui] à la Synagogue durant la prière ». Et telle est la pratique que nous, les Talmidhé HaRamba''m encourageons : porter le Tallith aussi longtemps et autant de fois que cela est possible au cours d'une journée, et même de sortir avec chaque fois que cela est possible, évidemment. Mais les gens doivent savoir que le Tallith n'est en rien un vêtement exclusif à la prière ; c'est un vêtement pour les usages de la vie de tous les jours (manteau, tapis de prière, châle, couverture, drap, etc.). En outre, il n'existe aucune couleur halakhique que devrait avoir un Tallith. Que le Tallith soit jaune, bleu, noir, blanc, gris, vert, multicolore, etc., cela n'a aucune importance. (Nous y reviendrons une autre fois, Dieu voulant.)

Ci-dessous, quelques illustrations de la façon dont le Tallith était/est porté dans les milieux yéménites, Talmidhé HaRamba''m et Dôr Da´im (comme vous pourrez le voir, il a différentes couleurs, et peut se porter de diverses façons) :














Les trente-neuf Malo`khôth : Hôrésh – Labourer

ב״ה

Les trente-neuf Malo`khôth expliquées clairement

Hôrésh – Labourer


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  1. Introduction

À présent que nous avons appris les fondamentaux des lois du Shabboth, nous sommes fin prêts à nous attaquer aux détails.

Les trente-neuf Malo`khôth sont divisées en quatre groupes de Malo`khôth. Le premier groupe est appelé סִידּוּרָא דְּפַּת « Siddouro` Dapath » (l'Ordre du Pain), parce qu'il contient les Malo`khôth nécessaires à la confection du pain, depuis le labourage de la terre jusqu'à ce que le pain soit placé dans le four. Ce groupe inclut les onze premières Malo`khôth.

Comme nous l'avions mentionné dans les deux premières leçons, chaque catégorie de Malo`khoh est basée sur une activité réalisée dans le cadre de la construction ou du fonctionnement du Mishkon. Il incombe donc, pour bien comprendre les paramètres de chaque Malo`khoh de la relier à son utilité pour le Mishkon. La raison pour laquelle tant de Juifs aujourd'hui ne savent pas réellement et entièrement ce qui est permis ou interdit de faire à Shabboth découle du fait qu'ils ignorent comment chaque Malo`khoh était appliquée dans le contexte du Mishkon. Pour palier à cette ignorance, pour chaque leçon nous connecterons chaque Malo`khoh à son application dans le Mishkon.

Les Israélites avaient besoin de faire pousser un certain nombre de choses afin que le Mishkon puisse fonctionner correctement. Ils faisaient pousser du blé pour en faire du לֶחֶם הַפָּנִים « Laham Happonim » (Pain de Proposition) qui était placé chaque semaine sur le ֻלְחָן « Shoulhon » (table cérémonielle).1 Ils faisaient également pousser diverses plantes qui étaient utiliser dans la confection des teintures nécessaires pour colorer les fils, rideaux, etc., du Mishkon.2

Étant donné que la terre doit être labourée afin de pouvoir planter, labourer est la première des trente-neuf Malo`khôth.

Commençons donc par-là !

  1. חוֹרֵשׁ « Hôrésh » (Labourer)


Avant de planter, on doit préparer le sol. Cela s'accomplissait (et c'est encore le cas) normalement en travaillant la terre (l'ouvrir jusqu'à une certaine profondeur, puis la retourner) au moyen d'une charrue ou d'un autre instrument. Labourer est donc le cas classique de la Malo`khoh de Hôrésh.

(Le contexte d'origine des Malo`khôth était une société agricole. Mais comme nous le verrons pour chaque leçon, même si nous ne vivons pas dans une telle société aujourd'hui, les principes sous-jacents des Malo`khôth sont toujours encore pertinents, et ont de nombreuses applications contemporaines.)

D'autres activités sont également inclues dans la `ov Malo`khoh de Hôrésh, à savoir, toute activité qui améliore le sol et l'aide à le préparer pour un potentiel ensemencement. En voici quelques exemples :

  • le sarclage
  • la fertilisation
  • débarrasser son terrain des pierres ou d'autres débris
  • humidifier la terre avec de l'eau

Toutes ces activités sont des Tôladhôth de Hôrésh.

La Malo`khoh de Hôrésh ne s'applique qu'à une terre qui pourrait être cultivée, ce que l'on appelle une terre arable. À l'inverse, labourer de l'argile dur ou une terre désertique n'est pas une transgression de Hôrésh (bien que si vous le faîtes, vous pourriez être en train de transgresser la Malo`khoh de Bônéh – construire). Aussi, si la terre est si molle qu'elle s'enfoncera immédiatement dans l'espace créé par votre labourage ou creusement, ce n'est pas considéré comme du Hôrésh. Nous pouvons l'expliquer en disant que votre acte n'a pas amélioré le sol pour l'ensemencement, étant donné que la terre est immédiatement retournée à son état d'origine.

En résumé, nous avons vu que :

La Malo`khoh de Hôrésh implique d'assouplir le sol sur une terre arable, de telle sorte que le sol reste là où il est après que vous l'ayez assoupli.

  1. Quelques applications de la Malo`khoh de Hôrésh

  1. Faire un sillon

Vous souvenez-vous de `aharôn dans la leçon précédente ? Il avait besoin de déplacer un banc à travers la partie terreuse de sa cour. En agissant ainsi, il pourrait créer des sillons, ce qui assouplirait le sol et constituerait alors une forme de Hôrésh.

La Halokhoh stipule que si le meuble est léger, par exemple une chaise de jardin, cela ne créera pas inévitablement des sillons, et de ce fait, `aharôn pourrait le traîner au sol. De l'autre côté, si l'objet est lourd, disons un banc ou une table, cela créera effectivement des sillons à cause de son poids, et `aharôn ne pourra alors pas le traîner au sol. (Comme nous l'avions expliqué dans la leçon précédente, même si `aharôn n'avait pas l'intention de créer des sillons, dès lors qu'il était inévitable que cela se fasse s'il traîne au sol la lourde chaise, il ne lui est pas permis de le faire.)

Vous pourriez alors vous poser la question suivante : s'il en est ainsi, comment se fait-il qu'il soit permis d'utiliser des poussettes ou encore des chaises roulantes à Shabboth ? Cela ne crée-t-il pas des sillons à cause des roues ? (Il est vrai que la plupart du temps, nous nous déplaçons sur des rues pavées. Mais il peut arriver que nous ayons à passer sur de la terre ou de l'herbe, comme par exemple dans un parc, et là, la question de Hôrésh se pose.)

Là, la Halokhoh nous demande de prêter une attention toute particulière à la réalité physique. Les objets sur roues comme les poussettes compressent le sol par le mouvement de roulement des roues. Cela n'améliore en réalité pas du tout le sol s'il devait y avoir un ensemencement, à l'inverse de l'assouplissement du sol, et n'est donc pas considéré comme du Hôrésh.

Il en est de même du fait de marcher sur de la terre. L'action de votre pied a un effet écrasant ou compactant, comme une poussette ou une chaise roulante. Là encore, ce ne sera pas considéré comme un acte de Hôrésh.

  1. Niveler le sol

Un autre aspect de cette Malo`khoh est le nivellement du sol, une activité désignée dans le Talmoudh sous l'expression de מַשְׁוֶה גוּמוֹת « Mashwah Ghoumôth ». Le cas typique consiste à aplanir un champ en remplissant un trou dans le sol ou en retirant un tas.

En appliquant cette idée, nous voyons que si vous désirez retirer de la boue ou toute autre matière de dessous vos chaussures, vous ne devez pas frotter vos chaussures sur un sol en terre. Cela aura pour effet de niveler le sol en-dessous de vous.3

De même, si vous avez un sol en terre battue dans votre maison, vous ne devez pas le balayer à Shabboth. Là encore, cela aura pour effet d'aplanir la surface du sol. D'après la majorité des Pôsqim, ce n'est pas un problème lorsqu'on balaie des sols qui ne sont pas en terre battue.

Et enfin, si quelqu'un veut jouer au ballon (par exemple, au football), cela ne doit pas se faire en pleine nature (ou un sol naturel). La raison en est que vous pourriez, même par inadvertance, prendre un temps pour niveler la surface (écraser les bosses, frotter le sol avec le pied, etc.) de sorte que le jeu puisse se dérouler correctement.


Ainsi, concernant le « nivellement », nous sommes passés du cas talmudique à certains exemples modernes, parmi lesquels :

  • frotter vos chaussures contre un sol en terre afin d'en retirer quelque chose qui se serait accroché dessous
  • balayer un sol en terre battue
  • jouer au ballon sur une surface naturelle
1Shamôth 25:30
2Ibid., verset 4

3Talmoudh, Shabboth 141a ; Mishnéh Tôroh, Hilkôth Shabboth 21:2

dimanche 22 novembre 2015

Devons-nous suivre la majorité et les Minhoghim de notre époque ?

ב״ה

Devons-nous suivre la majorité et les Minhoghim de notre époque ?


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Certaines personnes, qui contestent les positions des Talmidhé HaRamba''m, Rambamistes et Dôr Da´im qui vont à l'encontre des positions dominantes d'aujourd'hui, avancent des arguments fallacieux et risibles pour défendre les pratiques anti-halakhiques et anti-talmudiques auxquelles ils adhèrent. Ils disent : « Nous devons suivre le Shoulhon ´oroukh ! ». Qui a dit que le Shoulhon ´oroukh incombait à l'ensemble du peuple juif ? Y a-t-il eu une concertation des rabbins du monde entier qui a débouché sur une résolution imposant à l'ensemble des Juifs de suivre le Shoulhon ´oroukh ? En outre, il a déjà été démontré à travers divers articles publiés sur ce blog que même ceux qui soutiennent une telle approche s'arrangent pour s'appuyer sur d'autres sources lorsque ce que tranche le Shoulhon ´oroukh ne leur convient pas ou qu'ils préfèrent faire autrement. Par exemple, bien qu'ils prétendent suivre tout ce qui est dit dans le Shoulhon ´oroukh, la majorité des Safaradhim s'appuient sur la Qabboloh du `ari chaque fois qu'il y a une divergence entre le Shoulhon ´oroukh et le `ari ou que la « Qabboloh » tranche des choses ne se trouvant pas dans le Shoulhon ´oroukh.

Un autre argument est que « Nous devons suivre les rabbins ! ». Un tel « argument » ne veut rien dire et est trop vague. En effet, de quels rabbins parle-t-on ? Et de quelle époque ? Si l'on parle des rabbins contemporains, sur quels sujets devons-nous les suivre ? Sur tous ? Or, nous savons tous qu'ils divergent sur d'innombrables sujets ! Donc, comment peut-on dire que « Nous devons suivre les rabbins » ? Un sondage a-t-il déjà été organisé pour savoir quelle est la position majoritaire des rabbins sur chaque sujet de Halokhoh ? C'est absurde !

Un autre argument est que « Nous devons écouter les Grands de la Génération ». Cet argument est en partie lié au précédent, et est un non sens plus grand encore. Qui décide et sur base de quels critères qui est inclus dans le club fermé des « Grands de la Génération » ? D'où provient ce faux concept des « Grands de la Génération » ? Et les rabbins qui sont inclus dans la liste des « Grands de la Génération » sont-ils d'accord sur tous les sujets ? Chaque communauté adhère à ses propres « Grands de la Génération », précisément parce que ces pseudos « Grands de la Génération » ne s'accordent pas entre eux sur une gamme très vaste de sujets. Prétendre suivre les « Grands de la Génération » est une aberration totale !

Un autre argument est qu'il faut faire comme les autres Juifs religieux. Là encore, d'où provient une telle affirmation ? Et qui dit que tous les Juifs religieux font pareil sur tous les points ? Sur quels Juifs religieux devons-nous baser ? Sur les Harédhim Hasidhim en long manteau noir, chapeau noir, chemise blanche et Shtreimel ? (Et sachant qu'il existe des centaines de sectes hassidiques différentes, avec chacune des normes et coutumes différentes sur e nombreux points, laquelle choisir ?) Sur les Harédhim Litvaqim ? Sur les « Orthodoxes Modernes » ? Sur les Loubavitchers ? Sur les Harédhim Safaradhim (qui ont de nombreuses différences avec les Harédhim `ashkanazim ? Sur les Témonim (les Yéménites) ? Il n'existe pas qu'un seul modèle de Juif religieux. Dire qu'il faut suivre ce que font les autres Juifs religieux est un non sens. Il n'existe pas une seule communauté pouvant prétendre au monopole sur le Judaïsme, et nulle part il est dit que nous devons suivre comme des moutons ce que font les autres.

Un autre argument est que « Nous avons l'obligation de suivre la majorité dans chaque génération ». Cette affirmation est à la fois erronée et hypocrite. Erronée, parce que cette règle ne s'applique qu'aux Sages du Grand Sanhédhrin. Et hypocrite, parce que les Juifs `ashkanazim n'abandonnèrent pas leurs pratiques aux époques où les Juifs des terres musulmanes constituaient la majorité. De même, lorsque les Juifs `ashkanazim devinrent dominants, les Juifs non-`ashkanazim ne se sentirent pas et ne se sentent pas obligés d'adopter les Minhoghim `ashkanazim. Cependant, il est clair et évident qu'une pratique majoritaire crée une influence puissante à laquelle il est difficile de résister. Ceux qui soutiennent une pratique majoritaire tendent à être plus confiants et s'inquiètent moins du fait d'être discriminés, tandis que ceux qui se trouvent dans la minorité se sentent sous pression, voire même, dans certaines circonstances, forcés de se conformer aux pratiques populaires dominantes. En réalité, la pression ne se trouve pas vraiment du côté de la minorité, mais de celui de la majorité. Lorsqu'ils sont acculés et mis face à leurs nombreuses contradictions, les gens de la majorité ont énormément de mal à trouver des preuves crédibles et solides légitimant leurs positions. En fait, il est même facile de démontrer sur de très nombreux points qu'ils ne suivent pas du tout la position majoritaire parmi les Pôsqim de leur propre version de l'Orthodoxie ! Boroukh HaShem, de nombreux Juifs sincères et réellement attachés à la Tôroh aspirent simplement à suivre la Halokhoh, non pas d'après les positions dites majoritaires, mais d'après les positions de l'expert en Tôroh qu'ils auront choisi. Mais ceux qui prétendent qu'il y aurait une obligation de « suivre la majorité » devraient soit appliquer ce qu'ils prêchent, ou adhérer à une plus logique et cohérente.

L'approche des Talmidhé HaRamba''m, Rambamistes et Dôr Da´im (pour une explication de ces termes, voir l'article intitulé « Que signifie être Rambamiste ? ») est celle présentée par le Ramba''m ז״ל. Il explique que l'on a l'obligation d'adhérer à la pratique majoritaire en l'absence du Grand Sanhédhrin que sur les sujets pour lesquels HaZa''l ont dit que la Halokhoh dépend de la pratique majoritaire en vigueur. Or, HaZa''l n'ont affirmé cela que pour un nombre très limité de sujets, et seulement pour des pratiques majoritaire dans une localité spécifique, et non pour des pratiques majoritaires suivant l'origine ethnique ou ancestrale. C'est-à-dire que cela n'a rien à voir avec le fait d'être `ashkanazi, Safaradhi ou Témoni, ni le fait que les `ashkanazim, Safaradhim ou Témonim seraient majoritaires, mais à avoir avec ce qui se fait majoritairement dans une certaine localité. Et il va de soi que c'est seulement à la condition que la pratique majoritaire locale ne transgresse ni une loi de la Tôroh ni une Halokhoh talmudique que HaZa''l ont institué indépendamment de là où on vit. Par exemple, il y a une loi de la Tôroh et une Halokhoh qui stipule que les femmes doivent se couvrir la tête. C'est le Din, et nous ne pouvons aller à l'encontre de cela, même si la pratique majoritaire dans la localité où l'on se trouve est que les femmes ne se couvrent pas la tête. C'est un point où la pratique majoritaire n'a aucune pertinence, car elle va à l'encontre d'un Din. De même, si la pratique locale des femmes est de se raser la tête, une femme qui ne désire pas le faire en a parfaitement le droit, car se raser la tête lorsqu'on est une femme va à l'encontre de la Halokhoh de HaZa''l (voir l'article intitulé « Les femmes qui se rasent la tête »). C'est un autre cas où la pratique majoritaire locale va à l'encontre du Din. À l'inverse, la Halokhoh stipule que les mesures de rigueur relatives à l'habillement des femmes dépendent de la pratique de chaque localité. De ce fait, si dans une certaine localité la pratique des femmes consiste à porter un long voile en plus du foulard, une femme qui s'y installe devra se tenir à cette règle. De même, si dans une certaine localité, comme c'était le cas au Yémen, les hommes sortent toujours avec un Tallith sur les épaules, un homme qui s'installe dans une telle localité devra se tenir à cette pratique.

En outre, lorsque quelqu'un vient d'une localité où la pratique consiste à suivre l'opinion indulgente donnée dans un débat non résolu traité dans le Talmoudh, et se rend vers une localité où la pratique consiste à suivre l'opinion plus stricte donnée dans le Talmoudh, il doit également suivre l'opinion talmudique plus stricte tout le temps qu'il se trouve là. Mais cela ne s'applique que pour les débats talmudiques non résolus ! S'il s'agit, par contre, de divergences d'opinions sur des sujets non-talmudiques, il n'y a aucune obligation d'adhérer à la pratique plus stricte de la nouvelle localité où l'on est allé s'établir. Ainsi, si quelqu'un, dans son ancienne localité, était accoutumé à couper ses ongles dans n'importe quel ordre, et se retrouve dans une localité où la majorité des gens se coupent les ongles suivant un ordre spécifique déterminé par la Qabboloh, il n'a aucune obligation de se plier à la pratique dominante de cette localité, car HaZa''l n'ont jamais traité de l'ordre dans lequel les ongles devaient être coupés. De même, si la pratique dominante de sa nouvelle localité consiste à faire les Kapporôth entre Rô`sh Hashonoh et Yôm Hakkippourim, il n'est pas tenu de le faire, car cette pratique est post-talmudique (voir l'article intitulé « Le rituel des Kapporôth »). Il en est de même dans tout cas semblable. Dans ces situations de pratiques post-talmudiques, chaque individu est libre de faire ce qu'il estime être le plus raisonnable.

D'autres contestent les approches des Talmidhé HaRamba''m, Rambamistes et Dôr Da´im, en invoquant l'interdiction de לֹא תִתְגֹּדְדוּ « Lô` Thithgôdhadhou » (ne pas se diviser en factions). Ils prétendent qu'en ayant notre propre approche de la Halokhoh et en refusant celle de la majorité, nous transgressons cette interdiction et créons des factions au sein du peuple juif. Or, nos Sages expliquent dans le Talmoudh1 que l'interdiction de se diviser en factions ne s'applique que dans le cas où il n'y a qu'un seul Béth Din dans la même localité, et où la moitié des juges tranche suivant une certaine opinion et l'autre moitié suivant une autre opinion. Et le Talmoudh conclut cette discussion en disant que dans le cas de deux Bathé Dinim au sein d'une même ville, si un Béth Din opine dans un sens et l'autre Béth Din dans le sens inverse, c'est-à-dire qu'il y a une différence de résolution entre les deux Bathé Dinim, cela ne pose aucun problème ! En d'autres mots, l'interdiction de « Lô` Thithgôdhadhou » ne s'applique qu'aux divergences de résolution au sein d'un même Béth Din, et non pas aux détails relatifs à la pratique religieuse. Le fait de faire différemment de la majorité au niveau de la pratique religieuse n'est en rien une transgression de « Lô` Thithgôdhadhou ». Par contre, lorsque des juges du même Béth Din sont incapables de se mettre d'accord sur une résolution, et qu'à cause de cela ils se fractionnent en deux groupes, c'est bel et bien une transgression de « Lô` Thithgôdhadhou ». Il est important de bien comprendre les notions halakhiques que l'on invoque avant d'en faire usage.

Un dernier argument est souvent invoqué : la transgression de l'interdiction de פּוֹרֵשׁ מִן הַצִּבּוּר « Pôrésh Min Hassibbour » (se séparer de la communauté). Ceux qui ne font pas comme les autres se rendraient coupables de la transgression de se séparer de la communauté. Là encore, cet argument est basé sur une méconnaissance totale de cette notion de « Pôrésh Min Hassibbour ». Voici ce que le Ramba''m, qui est très précis, explique dans son Mishnéh Tôroh sur cette notion2 :

Celui qui se sépare des voies de la communauté [est considéré comme tel] même s'il n'a commis aucune transgression. Plutôt, [il s'agit de celui qui] se distingue de l'assemblée d'Israël et n'accomplit pas les Miswôth en s'incluant avec eux, qui ne partage pas leurs malheurs, et ne se joint pas à leurs jeûnes, mais suit sa propre voie comme s'il faisait partie des nations de la terre, comme s'il n'était pas l'un d'entre eux.
הַפּוֹרֵשׁ מִדַּרְכֵי צִבּוּר: אַף עַל פִּי שֶׁלֹּא עָבַר עֲבֵרוֹת, אֵלָא נִבְדַּל מֵעֲדַת יִשְׂרָאֵל וְאֵינוּ עוֹשֶׂה מִצְווֹת בִּכְלָלָן וְלֹא נִכְנָס בְּצָרָתָן וְלֹא מִתְעַנֶּה בְּתַעְנִיתָן, אֵלָא הוֹלֵךְ בְּדַרְכּוֹ כְּאֶחָד מִגּוֹיֵי הָאָרֶץ, וּכְאִלּוּ אֵינוּ מֵהֶן

C'est plus que clair. Se séparer de la communauté, c'est mener sa vie comme si on ne faisait plus partie du peuple d'Israël, comme si on était un non Israélite. Ainsi, on ne se considère plus lié à l'accomplissement des Miswôth comme le sont les Israélites, on ne respecte pas les jours de jeûne comme si cela ne nous concernait pas, on est indifférent aux malheurs qui s'abattent sur le peuple d'Israël comme si on n'en faisait plus partie, et on décide de mener sa vie comme on l'entend, comme si on était un Gôy et plus un Israélite. C'est cela la définition de « se séparer de la communauté », et cela n'a rien à voir avec l'approche défendue par les Talmidhé HaRamba''m, les Rambamistes et les Dôr Da´im. Ainsi, faire différemment du reste des Juifs n'équivaut pas du tout à se séparer de la communauté. C'est là encore un concept qui a été dénaturé pour culpabiliser tout Juif pratiquant qui refuserait de se plier aux erreurs de la majorité, préférant suivre une voie différente qui est plus en phase avec la Tôroh et la Halokhoh de HaZa''l. Ce n'est pas se séparer de la communauté, mais aspirer à s'approcher davantage d'HaShem, de la vérité et de l'intégrité !

Il existe une liberté dans la Tôroh et la Halokhoh que peu de gens soupçonnent. Et le jour où cela sera compris, un fardeau énorme tombera sur les épaules de beaucoup et pratiquer la vraie foi sera source d'un bonheur inimaginable. Comme l'a dit Shalômôh Hammalakh au sujet de la sagesse de la Tôroh3 :

Ses voies sont des voies d'aménité, et tous ses sentiers [mènent à] la paix ; elle est l'arbre de vie pour ceux qui l'embrassent, quiconque la saisit est heureux. Par la sagesse `adhônoy a fondé la terre, Il a consolidé les cieux par l'intelligence ; par Sa science, les profondeurs se sont divisées et les nuages ont distillé la rosée. Mon fils, qu'ils ne s'éloignent pas de tes yeux, le conseil et la réflexion ; garde-les ! Ils seront la vie de ton âme et l'ornement de ton cou. Alors tu avanceras dans ton chemin avec sécurité et ton pied ne chancellera pas.
דְּרָכֶיהָ דַרְכֵי-נֹעַם; וְכָל-נְתִיבוֹתֶיהָ שָׁלוֹם. עֵץ-חַיִּים הִיא, לַמַּחֲזִיקִים בָּהּ; וְתֹמְכֶיהָ מְאֻשָּׁר. יְהוָה--בְּחָכְמָה יָסַד-אָרֶץ; כּוֹנֵן שָׁמַיִם, בִּתְבוּנָה. בְּדַעְתּוֹ, תְּהוֹמוֹת נִבְקָעוּ; וּשְׁחָקִים, יִרְעֲפוּ-טָל. בְּנִי, אַל-יָלֻזוּ מֵעֵינֶיךָ; נְצֹר תֻּשִׁיָּה, וּמְזִמָּה. וְיִהְיוּ חַיִּים לְנַפְשֶׁךָ; וְחֵן, לְגַרְגְּרֹתֶיךָ. אָז תֵּלֵךְ לָבֶטַח דַּרְכֶּךָ; וְרַגְלְךָ, לֹא תִגּוֹף

1Yavomôth 14a
2Hilkôth Tashouvoh 3:20

3Mishlé 3:17-23