ב״ה
Les
deux autres Miswôth de Pourim
Le
repas de fête et les dons aux pauvres
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Nous
avions mentionné que Pourim était constitué de quatre Miswôth.
Nous avons traité de la Miswoh de Mishlôah
Monôth, ainsi que de celle de la lecture de la Maghilloh
(première,
deuxième
et troisième
partie). Il ne reste donc plus que deux Miswôth à aborder, à
savoir, celle de la סְעוּדַת
פּוּרִים « Sa´oudhath
Pourim » (repas de Pourim) et celle de מַתָּנוֹת
לָאֶבְיוֹנִים « Mattonôth
Lo`avyônim » (présents aux pauvres).
Comment
[s'accomplit] cette obligation du repas ? [Elle s'accomplit]
en consommant de la viande et en préparant un beau repas, chacun
selon ses moyens, et en buvant du vin jusqu'à ce qu'on s'enivre
et s'endorme par son ivresse.
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כֵּיצַד
חוֹבַת סְעוֹדָה זוֹ--שֶׁיֹּאכַל
בָּשָׂר וִיתַקַּן סְעוֹדָה נָאָה,
כְּפִי
אֲשֶׁר תִּמְצָא יָדוֹ;
וְשׁוֹתֶה
יַיִן,
עַד
שֶׁיִּשְׁתַּכַּר וְיֵרָדֵם בְּשִׁכְרוּת
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Lorsque
la Halokhoh exige de consommer de la viande, cela ne revient pas à
dire que ce soit une obligation absolue. Si on préfère consommer du
poisson, on mangera du poisson. Si on préfère du poulet, on
consommera du poulet. Et si on ne mange pas de viande du tout, mais
qu'on prend par exemple un repas lacté, la Miswoh du repas de fête
aura été accomplie. C'est juste que consommer de la viande est
l'idéal. Lorsqu'on prend en compte le contexte historique, cela se
comprend davantage. Dans les temps passés, les gens consommaient
beaucoup moins souvent de la viande qu'aujourd'hui, et pour deux
raisons principales : 1) elle coûtait chère (le Talmoudh2
rapporte une maxime de Rébbi `él´ozor ban ´azaryoh ז״ל,
qui a déclaré que seul celui qui possédait plus de 100 Manéh
pouvait se permettre de consommer de la viande quotidiennement), et
2) il n'y avait pas dans les temps passés la même qualité de
conservation de la viande qu'à notre époque (par conséquent,
lorsqu'on abattait un animal, c'était pour le consommer dans les
trois jours qui ont suivi l'abattage, d'où notamment la Halokhoh
qui stipule que si trois jours sont passés après l'abattage sans
que l'on ait salé la viande, on ne peut plus le faire, car on ne
pourra plus absorber le sang une fois ce délai passé). La viande
était, par conséquent, généralement réservée à des occasions
particulières, et pour de grands repas. Puisqu'on n'en mangeait pas
quotidiennement, nos Sages ont fait de la consommation de viande une
Miswoh pour Shabboth et les jours de fête, ajoutant davantage
à la particularité de ces jours par rapport aux autres (un
raisonnement identique existe pour la Miswoh de l'allumage des lampes
de Shabboth. Voir l'article intitulé « Pourquoi
allumons-nous les bougies de Shabboth ? »). Mais à
notre époque, où la viande est beaucoup plus consommée qu'avant
(certains en mangent même tous les jours, ou presque), et où les
moyens de conservation sont beaucoup plus avancés et efficace, il
n'y a presque plus rien d'extraordinaire à consommer de la viande,
et ce n'est donc plus vraiment l'aliment qui permet de faire une
distinction entre les repas de Shabboth et des fêtes, d'un côté,
et les repas du reste de l'année, de l'autre côté. Par conséquent,
peu importe ce que l'on consomme, l'important sera de prendre un
repas de fête, et comme le rapporte le Ramba''m, chacun préparera
son repas suivant l'état de ses moyens financiers.
Vous
aurez remarqué qu'il n'est pas fait mention du pain, pour la simple
raison que les seuls jours où consommer du pain est une obligation
religieuse sont Shabboth et Yôm Tôv. Pourim n'étant pas un Yôm
Tôv, puisque le travail y est permis (mais il est préférable, si
possible, de ne pas travailler ce jour-là), ainsi que toutes les
Malo`khôth, y consommer du pain n'est en aucun cas une obligation.
En
plus de la viande (ou peu importe ce qu'on préparera d'autre), la
Halokhoh demande de consommer du vin. Nous avions déjà longuement
traité de cette caractéristique de la fête de Pourim dans
l'article intitulé « S'enivrer
à Pourim ». Nous ne rappellerons donc ici que cinq
points essentiels (pour les détails, je vous renvoie à l'article
susmentionné) :
- La Miswoh ne se réalise qu'avec du vin, pas du scotch, de la vodka, du whisky, ou quelque autre liqueur forte que ce soit.
- La limite consiste à boire jusqu'au moment où la tête tourne légèrement, nous amenant ainsi à nous étendre un peu pour dormir, et nous reposer, et non pas jusqu'à tomber raide mort. Boire jusqu'au point de ne plus être conscient de ce que l'on fait est une interdiction stricte de la Tôroh tout au long de l'année, à Pourim y compris, et quiconque boit au-delà de ce qui est prescrit commet un Hilloul HaShem. Il n'y a pas de joie au sein d'une telle ivresse, comme l'a déclaré le Ramba''m.
- La Miswoh du repas ne se réalise qu'en journée, et non pas la nuit de Pourim, contrairement à ce que font bon nombre de gens. Comme le rapporte le Ramba''m3 : וּסְעוֹדַת פּוּרִים שֶׁעֲשָׂאָהּ בַּלַּיְלָה, לֹא יָצָא יְדֵי חוֹבָתוֹ « Mais le repas de Pourim que l'on tient durant la nuit n'acquitte pas de son devoir ».
- On ne boit du vin que dans le contexte du repas, pas en dehors. C'est précisément une mesure servant à éviter l'ivresse excessive, puisque boire en mangeant ne rend pas ivre.
- Il va de soi que celui qui ne veut pas boire de vin, ou qui est indisposé par le vin, est exempt de cette Miswoh, qui n'est que rabbinique. De même, celui qui a des problèmes d'alcoolisme, ou qui s'est remis d'un tel problème (et craint une rechute), doit s'abstenir de boire du vin, tout comme celui qui craint de perdre le contrôle sur lui en buvant.
On
a l'obligation de distribuer [des dons] aux pauvres durant la
journée de Pourim, à pas moins de deux pauvres. On doit donner à
chacun un présent, ou de l'argent, ou des aliments, car il est
dit5 :
« des présents pour les pauvres »,
[c'est-à-dire], deux présents à deux pauvres. On ne doit pas
être pointilleux concernant l'argent à Pourim. Plutôt,
quiconque tend sa main pour prendre [de l'argent], on lui donne.
On ne doit pas utiliser l'argent de Pourim pour une autre charité.
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וְחַיָּב
לְחַלַּק לַעֲנִיִּים בְּיוֹם הַפּוּרִים,
אֵין
פָּחוּת מִשְּׁנֵי עֲנִיִּים;
נוֹתֵן
לְכָל אֶחָד מַתָּנָה אַחַת,
אוֹ
מָעוֹת אוֹ מִינֵי תַּבְשִׁיל אוֹ
מִינֵי אֹכָלִין:
שֶׁנֶּאֱמָר
"וּמַתָּנוֹת
לָאֶבְיֹנִים"--שְׁתֵּי
מַתָּנוֹת,
לִשְׁנֵי
עֲנִיִּים.
וְאֵין
מְדַקְדְּקִין בִּמְעוֹת פּוּרִים,
אֵלָא
כָּל הַפּוֹשֵׁט יָדוֹ לִטֹּל,
נוֹתְנִין
לוֹ;
וְאֵין
מְשַׁנִּין מְעוֹת פּוּרִים,
לִצְדָקָה
אַחֶרֶת
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Notons
que cette Miswoh
est appelée « Mattonôth Lo`avyônim ». Le mot מַתָּנָה
« Mattonoh »
signifie « cadeau/présent », et ne désigne donc pas
nécessairement un don d'argent, contrairement à ce que l'on dit
souvent. C'est pourquoi le Ramba''m rapporte ici qu'elle s'accomplit
aussi bien en donnant un cadeau à un pauvre (par exemple, offrir une
couverture), qu'en lui donnant de l'argent, ou encore en lui offrant
à manger. De par l'emploie du pluriel dans le texte de la Maghillath
`astér, nous apprenons que le minimum pour accomplir cette Miswoh
consiste à faire deux dons (alimentaires, financiers, matériels,
etc.) à deux pauvres (c'est-à-dire, au moins un don par pauvre).
À
la différence du reste de l'année, où nous faisons plus attention
aux pauvres auxquels nous faisons des dons, et sommes très
sélectifs, on doit veiller à être moins pointilleux à Pourim, et
donner à n'importe quel pauvre qui mendierait. Si, par exemple,
quelqu'un a l'habitude de ne jamais donner à des mendiantes gitanes,
il pourrait faire une exception à Pourim, et leur donner ne
serait-ce qu'une petite pièce. Dieu, à l'occasion de Pourim, a eu
pitié de nous et a fait preuve d'une grande bonté à notre égard,
bien que nous aurions pu ne pas du tout mériter une telle bonté de
Sa part. Par conséquent, nous aussi faisons du bien autour de nous
ce jour-là, sans faire de distinction entre qui mériterait ou ne
mériterait pas qu'on lui donne un peu d'argent ou accorde un
bienfait.
Enfin,
si de l'argent avait été mis de côté durant l'année spécialement
pour le distribuer aux pauvres à Pourim, il sera interdit de
l'utiliser pour une autre charité que la charité de Pourim. C'est
considéré comme de l'argent consacré à une mission particulière,
qu'il ne convient pas de changer d'affectation.
Il est
préférable pour quelqu'un de multiplier dans les présents aux
pauvres plus que ce qu'il ne fait pour son repas et dans l'envoie
[de présents alimentaires] à ses prochains, car il n'y a pas de
plus grande et plus belle joie que de réjouir le cœur des
indigents, des orphelins, des veuves, et des convertis, car celui
qui réjouit le cœur de ces malheureux ressemble à la Présence
Divine, car il est dit7 :
« pour raviver l'esprit de ceux qui sont abattus, et pour
raviver le cœur de ceux qui sont brisés ».
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מוּטָב
לָאָדָם לְהַרְבּוֹת בְּמַתְּנוֹת
אֶבְיוֹנִים,
מִלְּהַרְבּוֹת
בִּסְעוֹדָתוֹ וּבִשְׁלֹחַ
לְרֵעָיו--שְׁאֵין
שָׁם שִׂמְחָה גְּדוֹלָה וּמְפֹאֲרָה,
אֵלָא
לְשַׂמַּח לֵב עֲנִיִּים וִיתוֹמִים
וְאַלְמָנוֹת וְגֵרִים,
שֶׁהַמְּשַׂמֵּחַ
לֵב הָאֲמֵלָלִים הָאֵלּוּ מִדַּמֶּה
בַּשְּׁכִינָה,
שֶׁנֶּאֱמָר:
לְהַחֲיוֹת
רוּחַ שְׁפָלִים,
וּלְהַחֲיוֹת
לֵב נִדְכָּאִים
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Le
Ramba''m établit ici une hiérarchie claire concernant les
différentes obligations de Pourim, à savoir, que la priorité
revient à la Miswoh
de Mattonôth Lo`avyônim plutôt qu'à celles de la Sa´oudhath
Pourim et Mishlôah
Monôth. Les gens qui ont un budget limité pour les dépenses de
Pourim doivent limiter leurs dépenses dans les Miswôth
de Mishlôah
Monôth et Sa´oudhath Pourim, et préférer s'impliquer davantage
dans la Miswoh
de Mattonôth Lo`avyônim, car s'occuper des malheureux et personnes
dans le besoin est une des meilleures actions d'après la Tôroh.
(Notez que le converti est inclus dans cette liste des personnes
« malheureuses », car il a tout quitté, tout abandonné,
pour se joindre au peuple d'Israël. Ce n'est pas évident de changer
complètement de mode de vie pour en adopter un autre. De façon à
ce que cette transition se passe du mieux possible, et afin que le
converti n'en vienne pas à regretter son choix et préférer
retourner à son ancienne vie, Dieu nous ordonne de faire preuve à
l'égard du converti d'un amour particulier, plus intense que celui
que l'on aurait pour d'autres Israélites, exactement comme pour la
veuve, le pauvre, et l'orphelin.)
Malheureusement,
peu de gens suivent l'exhortation du Ramba''m à donner priorité aux
Mattonôth Lo`avyônim. Il est trop courant de voir des gens dépenser
des fortunes pour jouir d'un repas de Pourim très (trop) copieux, et
dépenser de grandes sommes pour des paniers alimentaires à offrir à
leurs amis, alors que, dans le même temps, ils ne réservent qu'une
somme dérisoire pour les pauvres (certains se contentent carrément
de ne dépenser qu'un euro pour les pauvres : 50 centimes à un
pauvre, et 50 centimes à un autre). Pourim est en réalité une fête
pleine d'altruisme, dont les Miswôth
nous enseignent à penser plus aux autres plutôt qu'à nous-mêmes.
Il est fort possible que le Ramba''m a remarqué cette vilaine
pratique parmi les Juifs de son temps, et que c'est la raison pour
laquelle il a si fortement insisté pour davantage s'impliquer dans
les Mattonôth Lo`avyônim. Mais force est de constater que les gens
n'ont pas beaucoup changées à notre époque.
Il
convient de noter la raison invoquée par le Ramba''m pour donner
priorité aux pauvres. De façon tout à fait intéressante, il
n'écrit pas que la valeur de la charité surpasse celle des autres
Miswôth,
de sorte que s'il n'était possible d'en accomplir qu'une seule, il
faudrait donner priorité à cette des Mattonôth Lo`avyônim. Il
écrit plutôt que s'occuper des pauvres, des personnes qui ont des
problèmes, qui sont malheureuses et des convertis, est la forme de
joie la plus élevée et la plus belle. La charité n'annule pas les
célébrations de Pourim ; c'est plutôt la plus grande forme
des célébrations de Pourim ! Comme l'écrit le Ramba''m :
שְׁאֵין
שָׁם שִׂמְחָה גְּדוֹלָה וּמְפֹאֲרָה,
אֵלָא
לְשַׂמַּח לֵב עֲנִיִּים
« car
il n'y a pas de plus grande et plus belle joie que de réjouir le
cœur des indigents ». Il ajoute que celui qui agit ainsi
מִדַּמֶּה
בַּשְּׁכִינָה
« ressemble
à la Présence Divine ». Si nous souhaitons célébrer la
délivrance que Dieu nous a accordée en Perse au plus haut niveau
qui soit, nous devons alors suivre Son exemple de compassion, de
miséricorde et de bonté, et tendre la main aux déshérités.
Les
remarques faites ici par le Ramba''m rappellent inévitablement
celles qu'il a tenues dans le contexte des célébrations de Yôm
Tôv8 :
Et lorsqu'on
mange et boit, on a l'obligation de nourrir le converti,
l'orphelin, la veuve, avec le reste des indigents malheureux. Mais
celui qui verrouille les portes de sa cour et mange et boit seul
avec sa femme et ses enfants, sans nourrir ni donner à boire aux
indigents et aux opprimés, il ne s'agit pas là de la joie d'une
Miswoh mais plutôt de la joie de son ventre.
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וְכִשְׁהוּא
אוֹכֵל וְשׁוֹתֶה,
חַיָּב
לְהַאֲכִיל לַגֵּר לַיָּתוֹם וְלָאַלְמָנָה
עִם שְׁאָר הָעֲנִיִּים הָאֲמֵלָלִים.
אֲבָל
מִי שֶׁנּוֹעֵל דַּלְתוֹת חֲצֵרוֹ
וְאוֹכֵל וְשׁוֹתֶה הוּא וּבָנָיו
וְאִשְׁתּוֹ,
וְאֵינוּ
מַאֲכִיל וּמַשְׁקֶה לָעֲנִיִּים
וּלְמָרֵי נֶפֶשׁ--אֵין
זוֹ שִׂמְחַת מִצְוָה,
אֵלָא
שִׂמְחַת כְּרֵסוֹ
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Là
encore, le Ramba''m souligne l'importance de la charité dans le
contexte de la שִׂמְחָה
« Simhoh »
(réjouissance/célébrations religieuses). À ses yeux, l'obligation
de שִׂמְחַת
יוֹם טוֹב
« Simhath
Yôm Tôv » (réjouissance de Yôm Tôv) nécessite non
seulement un plaisir personnel, mais également de partager avec les
déshérités. C'est la plus grande forme de joie et de célébration :
c'est faire ce que nous pouvons pour « ressembler à la
Présence Divine » en apportant de la joie à ceux qui ont
toutes les raisons du monde d'oublier ce que signifie se réjouir.
1Hilkôth
Maghilloh Wahanoukkoh 2:16
2Pésahim
109a
3Hilkôth
Maghilloh Wahanoukkoh 2:15
4Ibid.,
18
5`astér
9:22
6Hilkôth
Maghilloh Wahanoukkoh 2:19
7Yasha´yohou
57:15
8Hilkôth
Shavithath Yôm Tôv 6:17