mercredi 24 février 2016

S'enivrer à Pourim

ב״ה

S'enivrer à Pourim


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Tout le monde connaît la Halokhoh qui stipule que l'on devrait s'enivrer à Pourim, mais peu savent réellement ce qu'elle implique, ce qu'elle permet et ce qu'elle interdit. Dans le monde juif actuel, nous trouvons deux extrêmes sur ce sujet : ceux qui, d'un côté, minimisent cette Halokhoh et vont jusqu'à l'interpréter d'une manière qui n'est pas conforme à la Halokhoh, en disant, par exemple, que l'on ne parle pas vraiment de s'enivrer, etc., et de l'autre côté, ceux qui exagèrent et disent que l'on peut boire sans limite jusqu'à tomber presque raide mort. Que dit donc réellement la Halokhoh à ce sujet ?

Nous allons tenter de répondre à cette question sans prendre de gants, ni suivre ces deux extrêmes, mais en citant simplement et en analysant ensemble ce que la Halokhoh dit réellement.

  1. L'obligation de s'enivrer à Pourim

Le Ramba''m ז״ל cite l'obligation de s'enivrer à Pourim dans le contexte de son exposition de la Miswoh de se réjouir à Pourim. Il écrit1 :

14. Il est une Miswoh de faire du quatorze [`adhor] pour les habitants des villes non fortifiées, et du quinze [`adhor] pour les habitants des villes fortifiées, des jours de boisson et de joie, et d’envoi de nourriture aux prochains et de dons aux pauvres. Et il est permis de travailler ces jours-là, quoi qu'il n'est pas recommandé de le faire. Les Sages ont dit2 : « Quiconque travaille le jour de Pourim ne verra pas de signe de bénédiction ».
יד  מִצְוַת יוֹם אַרְבָּעָה עָשָׂר לִבְנֵי כְּפָרִים וַעֲיָרוֹת, וְיוֹם חֲמִשָּׁה עָשָׂר לִבְנֵי כְּרָכִים--לִהְיוֹת יְמֵי מִשְׁתֶּה וְשִׂמְחָה, וּמִשְׁלוֹחַ מָנוֹת לָרֵעִים וּמַתָּנוֹת לָאֶבְיוֹנִים. וּמֻתָּר, בַּעֲשִׂיַּת מְלָאכָה; וְאַף עַל פִּי כֵן, אֵין רָאוּי לַעֲשׂוֹת בּוֹ מְלָאכָה: אָמְרוּ חֲכָמִים, כָּל הָעוֹשֶׂה מְלָאכָה בְּיוֹם פּוּרִים, אֵינוּ רוֹאֶה סִימָן בְּרָכָה
15. Les habitants des villages qui anticipent et lisent lundi ou jeudi, s'ils distribuent aux pauvres le jour de leur lecture, ils sont quitte. Mais la boisson et la réjouissance ne peuvent avoir lieu que le quatorze, et ceux qui les anticipent ne sont pas quitte. Et le repas de Pourim qu'on réalise dans la nuit ne rend pas quitte de son obligation.
טו  בְּנֵי כְּפָרִים שֶׁקִּדְּמוּ וְקָרְאוּ בַּשֵּׁנִי אוֹ בַּחֲמִישִׁי--אִם חִלְּקוּ מָעוֹת לָאֶבְיוֹנִים בְּיוֹם קְרִיאָתָן, יָצְאוּ; אֲבָל הַמִּשְׁתֶּה וְהַשִּׂמְחָה, אֵין עוֹשִׂין אוֹתָהּ אֵלָא בְּאַרְבָּעָה עָשָׂר, וְאִם הִקְדִּימוּ, לֹא יָצְאוּ. וּסְעוֹדַת פּוּרִים שֶׁעֲשָׂאָהּ בַּלַּיְלָה, לֹא יָצָא יְדֵי חוֹבָתוֹ
16. Quelle est donc l'obligation d'un repas ? On doit manger de la viande et préparer un repas attirant, selon ses possibilités. Et on doit boire du vin jusqu'à ce qu'on s'enivre et qu'on s'endorme par son ivresse.
טז  כֵּיצַד חוֹבַת סְעוֹדָה זוֹ--שֶׁיֹּאכַל בָּשָׂר וִיתַקַּן סְעוֹדָה נָאָה, כְּפִי אֲשֶׁר תִּמְצָא יָדוֹ; וְשׁוֹתֶה יַיִן, עַד שֶׁיִּשְׁתַּכַּר וְיֵרָדֵם בְּשִׁכְרוּת

La première chose qu'il convient de noter est que, selon la Halokhoh, l'obligation de s'enivrer à Pourim fait partie de l'obligation du repas de Pourim. Il n'y a aucune justification, ni aucune Miswoh, de boire jusqu'à l'ivresse en-dehors du contexte du repas halakhique de Pourim. D'ailleurs, voici ce qui est dit au sujet de l'ivresse en général et de ceux qui boivent du vin en-dehors des repas3 :

Quand le sage boit du vin, il n'en boit que pour alléger la nourriture qui est dans son estomac. Et quiconque s'enivre, celui-là est un pécheur, quelqu'un d'obscène, et il perdra sa sagesse. Et s'il s'enivre en présence des ´amé Ho`oras, celui-là profane le Nom. Et il est interdit de boire dans l'après-midi, et même un petit peu, sauf si cela est pris en association avec la nourriture, car ce qui est pris en association avec la nourriture n'enivre pas. Et nous n'évitons que le vin qui est pris après le repas.
כְּשֶׁהֶחָכָם שׁוֹתֶה יַיִן, אֵינוּ שׁוֹתֶה אֵלָא כְּדֵי לִשְׁרוֹת אֲכִילָה שֶׁבְּמֵעָיו. וְכָל הַמִּשְׁתַּכֵּר, הֲרֵי זֶה חוֹטֶא וּמְגֻנֶּה וּמַפְסִיד חָכְמָתוֹ; וְאִם מִשְׁתַּכֵּר בִּפְנֵי עַמֵּי הָאָרֶץ, הֲרֵי זֶה חִלַּל אֶת הַשֵּׁם. וְאָסוּר לִשְׁתּוֹת בַּצָּהֳרַיִם וְאַפִלּוּ מְעַט, אֵלָא אִם הָיָה בִּכְלַל הָאֲכִילָה, שֶׁהַשְּׁתִיָּה שֶׁבִּכְלַל הָאֲכִילָה אֵינָהּ מְשַׁכֶּרֶת, וְאֵין נִזְהָרִין אֵלָא מִיַּיִן שֶׁלְּאַחַר הַמָּזוֹן

Cela ne nécessite aucun commentaire, tellement la chose est claire ! Le TaNa''Kh regorge de versets qui mettent en garde contre l'ivresse, et l'abondance de versets sur ce sujet indique clairement que c'est un très grave péché ! Puisse HaShem ית׳ nous en éloigner le plus loin possible !

Revenons à notre sujet. Puisque le Ramba''m précise clairement que la Miswoh du repas de Pourim ne peut pas être accomplie la nuit, et étant donné que l'obligation de s'enivrer n'est rien d'autre qu'une partie de l'obligation d'avoir un repas festif à Pourim, il s'en suit qu'il n'y a aucune justification halakhique au fait de s'enivrer la nuit de Pourim, contrairement à ce que font de nombreux Juifs aujourd'hui ! En d'autres mots, la nuit de Pourim, nous devons boire modérément, comme pour les autres jours de l'année. C'est seulement durant la journée de Pourim, après avoir lu la Maghilloh, que l'on pourra boire jusqu'à l'ivresse lorsqu'on prendra le deuxième repas de fête (le premier étant celui de la veille au soir). La raison à cela est très simple : c'est durant la journée du 14 `adhor, et non durant la nuit, que les Israélites vainquirent leurs ennemis Perses. Par conséquent, la Miswoh se réalisera durant la journée de Pourim, et non la nuit (la veille au soir), contrairement à toutes nos autres fêtes dont nous commençons la célébration dès la veille au soir.

Troisièmement, nous pouvons remarquer que l'obligation de s'enivrer à Pourim ne peut être accomplie qu'avec du vin. La Halokhoh ne parle pas de מַשׁקֶה « Mashqah », qui est le terme employé pour désigner les liqueurs fortes, qu'il est permis de boire lors des Yomim Tôvim, comme nous l'a dit la Tôroh elle-même. Ainsi, bien qu'il soit permis de boire des liqueurs fortes à Pésah, Shovou´ôth, Soukkôth et toute autre occasion joyeuse, la Miswoh de s'enivrer à Pourim ne se réalise qu'avec du vin, et non de la bière, ni du scotch, ni de la vodka, ni de la tequilah, ni aucune autre sorte de liqueur forte. C'est une particularité de Pourim, car le vin a joué un rôle central dans le miracle, puisque c'est au cours d'un banquet qui en contenait que la Reine `astér ע״ה a révélé à `ahashwérôsh le plan machiavélique de Homon ימש״ו. C'est aussi à la suite d'un banquet dans lequel fut servi du vin que `ahashwérôsh répudia Washti. Et c'est à nouveau lors d'un banquet contenant du vin que la Reine `astér fut choisie pour nouvelle reine de l'empire perse. Par conséquent, nos Sages ont institué que la Miswoh ne soit accomplie qu'avec du vin, et rien d'autre ! Ceux qui s'enivrent avec de la vodka et d'autres sortes de liqueurs n'accomplissent, en réalité, pas du tout leur obligation !

  1. La mesure de l'ivresse

La question la plus pratique à se poser est celle-ci : que veut dire le Ramba''m par « ivresse » ? Jusqu'à quel point doit-on être « ivre » ?

Le terme employé par le Ramba''m pour désigner quelqu'un qui est ivre est le mot hébreu bien connu de שִׁכּוֹר « Shikkôr ». La définition de ce terme se retrouve dans la Halokhoh suivante du Mishnéh Tôroh4 :

Celui qui est ivre (Shikkôr) ne doit pas prier, car il n'a pas de Kawwonoh. Et s'il prie, sa prière est une abomination. Par conséquent, il doit recommencer et prier quand il sera débarrassé de son ivresse. Celui qui est éméché (Shothouy) ne doit pas prier. Et s'il prie, sa prière est une prière. Quand est-on considéré « ivre » (Shikkôr) et quand est-on considéré « éméché » (Shothouy) ? Est ivre celui qui ne sait pas parler en présence du roi, et est éméché celui qui peut parler en présence du roi et ne s'embarrasse pas. Néanmoins, étant donné qu'il a bu une Ravi´ith de vin, il ne doit pas prier tant que son vin ne l'a pas quitté.
שִׁכּוֹר--אַל יִתְפַּלַּל, מִפְּנֵי שְׁאֵין לוֹ כַּוָּנָה; וְאִם הִתְפַּלַּל, תְּפִלָּתוֹ תּוֹעֵבָה--לְפִיכָּךְ חוֹזֵר וּמִתְפַּלֵּל, כְּשֶׁיִּתְרוֹנֵן מִשִּׁכְרוּתוֹ. שָׁתוּי, אַל יִתְפַּלַּל; וְאִם הִתְפַּלַּל, תְּפִלָּתוֹ תְּפִלָּה. אֵיזֶה הוּא שִׁכּוֹר, וְאֵיזֶה הוּא שָׁתוּי--שִׁכּוֹר, זֶה שְׁאֵינוּ יָכוֹל לְדַבַּר בִּפְנֵי הַמֶּלֶךְ; וְשָׁתוּי, שֶׁיָּכוֹל לְדַבַּר בִּפְנֵי הַמֶּלֶךְ וְאֵינוּ מִשְׁתַּבֵּשׁ. אַף עַל פִּי כֵן, הוֹאִיל וְשָׁתָה רְבִיעִית יַיִן--לֹא יִתְפַּלַּל, עַד שֶׁיָּסוּר יֵינוֹ מֵעָלָיו

Selon la Halokhoh, cela ne demande pas beaucoup d'alcool pour atteindre le niveau de « Shikkôr ». Dès que quelqu'un atteint l'état d'ébriété dans lequel ses inhibitions diminuent au point qu'il pourrait dire quelque chose de stupide, et serait donc embarrassé de parler devant un roi (quelqu'un d'important), il a dépassé le stade de « Shothouy » pour pénétrer dans le domaine du « Shikkôr ».

  1. Au-delà de l'ivresse

À ce stade-ci de notre analyse, quelqu'un pourrait objecter en disant que le Ramba''m ne dit pas seulement qu'on a l'obligation de boire jusqu'à être « Shikkôr », mais qu'il doit aussi boire jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Certains vont jusqu'à dire que selon le Ramba''m, il faut boire jusqu'à tomber raide mort !

Une lecture minutieuse du Ramba''m révèle tout de suite qu'une telle interprétation est tout simplement mensongère. Le Ramba''m dit précisément ceci : וְשׁוֹתֶה יַיִן, עַד שֶׁיִּשְׁתַּכַּר וְיֵרָדֵם בְּשִׁכְרוּת « Washôthah Yayin ´adh Shayyishtakkar Wayérodhém Bashikhrouth – Et on doit boire du vin jusqu'à ce qu'on s'enivre et qu'on s'endorme par son ivresse ». Le Ramba''m emploie le terme יֵרָדֵם « Yérodhém », qui signifie « tomber dans un sommeil profond ». Le sens de cette expression est claire lorsqu'on prend la peine de voir comment le Ramba''m l'utilise dans d'autres contextes.

Si le Ramba''m voulait dire que l'on doit s'enivrer jusqu'à ce qu'on tombe raide mort, ou que l'on perde le contrôle de soi, il aurait formulé cette Halokhoh différemment. Comment le savons-nous ? Parce que le Ramba''m emploie une expression halakhique spécifique, mentionnée dans le Talmoudh lui-même, pour désigner l'ivresse jusqu'au point d'être inconscient ou jusqu'à perdre connaissance, et cette expression est שִׁכְרוּתוֹ שֶׁלְּלוֹט « Shikhrouthô ShallaLôt – l'ivresse de Lôt », comme dans la Halokhoh suivante5 :

[Si quelqu'un qui est] ivre sanctifie [une femme dans le but de l'épouser], sa sanctification a valeur de Qiddoushin, et même s'il est très ivre. Mais s'il atteint l'ivresse de Lôt (Shikhrouthô ShallaLôt), sa sanctification n'a pas de valeur de Qiddoushin, et il convient de se pencher davantage sur ce sujet.
שִׁכּוֹר שֶׁקִּדַּשׁ--קִדּוּשָׁיו קִדּוּשִׁין, וְאַף עַל פִּי שֶׁנִּשְׁתַּכַּר הַרְבֵּה. וְאִם הִגִּיעַ לְשִׁכְרוּתוֹ שֶׁלְּלוֹט, אֵין קִדּוּשָׁיו קִדּוּשִׁין; וּמִתְיַשְּׁבִין בְּדָבָר זֶה

Il y a donc trois niveaux qui ne sont absolument pas identiques, et les voici par ordre croissant :

  1. Shothouy – être éméché
  2. Shikkôr – être ivre
  3. Shikhrouthô ShallaLôt – l'ivresse de Lôt.

Nous savons que « l'ivresse de Lôt » fait référence à un état d'ébriété au point de l'inconscience, au point de ne plus vraiment savoir ce que l'on fait, puisque c'est la Tôroh elle-même qui nous dit ceci6 :

Elles firent boire du vin à leur père cette même nuit; la fille aînée vint partager sa couche et il ne la reconnut point lorsqu'elle se coucha ni lorsqu'elle se leva.
וַתַּשְׁקֶיןָ אֶת-אֲבִיהֶן יַיִן, בַּלַּיְלָה הוּא; וַתָּבֹא הַבְּכִירָה וַתִּשְׁכַּב אֶת-אָבִיהָ, וְלֹא-יָדַע בְּשִׁכְבָהּ וּבְקוּמָהּ

Si le Ramba''m voulait dire qu'on a l'obligation de boire jusqu'à tomber raide mort ou être inconscient, il aurait alors dit que l'obligation consistait à « boire du vin jusqu'à ce qu'on atteigne l'ivresse de Lôt et qu'on soit inconscient ». Mais ce n'est pas ce qu'il a dit. Plus encore, dans les lois relatives au vœu de Naziréat, il est clairement sous-entendu qu'il est impossible qu'HaShem ית׳ puisse donner une Miswoh qui nécessite d'atteindre le niveau de l'ivresse de Lôt, car toute personne qui atteint ce niveau ne peut être considéré comme un « Bar Miswôth », c'est-à-dire, quelqu'un de respectueux des Miswôth de la Tôroh !7 HaShem ne peut pas demander de s'enivrer jusqu'à ce point ! Ce n'est pas un comportement digne, et toute personne qui le fait n'a pas d'attache avec la Tôroh et ses Miswôth ! Donc, il est clair et évident que rien ne justifie de boire jusqu'à être inconscient, jusqu'à être raide mort, jusqu'à ce ne plus savoir ce que l'on fait, que ce soit à Pourim ou le reste de l'année. Ceux qui agissent ainsi font un Hilloul HaShem ! Et ils sont malheureusement nombreux à le faire ! Il n'est pas rare de voir dans les quartiers hassidiques de Jérusalem et d'ailleurs des Juifs avec Pé`ôth, barbe et chapeau, dormir carrément par terre, et se comporter comme des idiots ou des sauvages, tellement leur état d'ébriété à Pourim est lamentable. Rien, absolument rien, ne le justifie !



  1. Boire de façon sauvage

On pourrait objecter à tout cela en disant : « Peut-être que le Ramba''m ne parle que du niveau minimum d'ébriété à atteindre à Pourim, et non du niveau maximum. Peut-être qu'on pourrait dire qu'au plus on boit, au mieux est réalisée la Miswoh, étant donné que l'état de joie n'en est que renforcé et qu'il est un devoir d'être joyeux ».

Le Ramba''m traite de cet argument, et condamne sans équivoque ceux qui tiennent un tel raisonnement. Voici ce qu'il écrit8 :

Quand un homme mange, boit et se réjouit lors d'une fête, qu'il ne soit pas attiré par le vin, la plaisanterie et la légèreté, en disant : « Quiconque ajoute dans ces activités-là augmente [son accomplissement] de la Miswoh [de se réjouir] », car l'ivresse, la plaisanterie et la légèreté ne sont pas de la joie, mais de la débauche et un comportement imbécile. Et il ne nous a pas été ordonné de nous adonner à la débauche et à un comportement imbécile, mais plutôt de nous adonner à la joie qui contient l’adoration du Créateur de tout, car il est dit9 : « parce que vous n'avez pas servi HaShem, votre Dieu, dans la joie et bonté de cœur ». Tu apprends donc que le culte [du Créateur] se fait dans la joie. Et il est impossible de servir HaShem au milieu de la plaisanterie, ni au milieu de la légèreté, ni au milieu de l'ivresse.
כְּשֶׁאָדָם אוֹכֵל וְשׁוֹתֶה וְשָׂמֵחַ בָּרֶגֶל, לֹא יִמָּשֵׁךְ בַּיַּיִן וּבַשְּׂחוֹק וּבְקַלּוּת רֹאשׁ וְיֹאמַר שֶׁכָּל שֶׁיּוֹסִיף בְּזֶה יַרְבֶּה בַּמִּצְוָה, שֶׁהַשִּׁכְרוּת וְהַשְּׂחוֹק הַרְבֶּה וְקַלּוּת הָרֹאשׁ, אֵינָהּ שִׂמְחָה אֵלָא הוֹלֵלוּת וְסִכְלוּת. וְלֹא נִצְטַוִּינוּ עַל הַהוֹלֵלוּת וְהַסִּכְלוּת, אֵלָא עַל הַשִּׂמְחָה שֶׁיֵּשׁ בָּהּ עֲבוֹדַת יוֹצֵר הַכֹּל, שֶׁנֶּאֱמָר "תַּחַת, אֲשֶׁר לֹא-עָבַדְתָּ אֶת-ה' אֱלֹהֶיךָ, בְּשִׂמְחָה, וּבְטוּב לֵבָב" (דברים כח,מז), הַא לָמַדְתָּ שֶׁהָעֲבוֹדָה בְּשִׂמְחָה. וְאֵי אִפְשָׁר לַעֲבֹד אֶת ה'--לֹא מִתּוֹךְ שְׂחוֹק, וְלֹא מִתּוֹךְ קַלּוּת רֹאשׁ, וְלֹא מִתּוֹךְ שִׁכְרוּת

Là encore, aucun commentaire n'est nécessaire !

Comme nous l'avons dit plus haut dans le contexte de la prière, si quelqu'un tente de servir Dieu en priant dans un état d'ébriété, sa prière n'est non seulement pas valable, mais elle est en plus considérée être une abomination. Il ne fait aucun doute que nos Sages et le Ramba''m se seraient opposés aux ivresses sauvages dont nous sommes témoins à notre époque. Pourim est une fête de joie, et le Ramba''m insiste sur le fait que l'ivresse est contraire au concept toranique de la joie. La raison à cela est claire : notre lien avec HaShem se fait au niveau de l'intellect, avec Kawwonoh, et dans un état dénué d'intellect (quand on est ivre) il est impossible de servir HaShem. Les Juifs doivent servir HaShem avec raison, l'intellect ; se mettre dans une situation où l'on perd la raison et ne réfléchit plus est donc tout sauf de l'adoration de Dieu ! Par conséquent, même les ivresses qui ont lieu à Simhath Tôroh sont contraires à la Halokhoh, puisque Pourim est en réalité le seul jour de l'année où il nous est permis de boire un peu plus que d'habitude, au point de « s'enivrer », et nous avons défini plus haut ce que cela signifiait. S'enivrer à Pourim ne peut se faire qu'à l'intérieur du cadre et des limites halakhiques que nous avons vus ensemble. Mais lors d'un Yôm Tôv, comme Pésah ou encore Simhath Tôroh, il n'y a absolument aucune permission de s'enivrer, et celui qui est ivre un jour de Yôm Tôv autre que Pourim est un transgresseur de la Miswoh de se réjouir à Yôm Tôv !

Il convient de noter que plusieurs dirigeants religieux de gros calibre ont dénoncé et condamné les gens qui s'enivraient excessivement à Pourim ou les jours de Yôm Tôv. Toutes ces autorités qui ont condamné le Hilloul HaShem dont nous sommes témoins, notamment et principalement dans les communautés hassidiques, étaient des gens qui se levaient pour l'honneur de la Tôroh et le respect de la Halokhoh !

  1. Préserver sa vie

Il est inutile de dire que si quelqu'un sait qu'il ne sera pas capable de limiter sa boisson aux exigences halakhiques, et qu'il y a de grandes chances qu'il s'enivre excessivement et se mettra en danger ou mettra les autres en danger, il a l'obligation de s'abstenir de boire, tout simplement ! Le Ramba''m écrit d'ailleurs ceci10 :

Et de même, tout obstacle qui contient un danger pour la vie, il est une Miswoh Positive de la retirer et de se préserver et de s'abstenir grandement de ces choses, comme il est dit11 : « Prends garde à toi et préserve ton âme ». Et si quelqu'un ne retire pas et laisse les obstacles qui peuvent causer un danger, il néglige une Miswoh Positive et transgresse [la Miswoh] de « Ne verse pas de sang »12.
וְכֵן כָּל מִכְשׁוֹל שֶׁיֵּשׁ בּוֹ סַכָּנַת נְפָשׁוֹת--מִצְוַת עֲשֵׂה לְהָסִירוֹ וּלְהִשָּׁמֵר מִמֶּנּוּ וּלְהִזָּהֵר בַּדָּבָר יָפֶה יָפֶה, שֶׁנֶּאֱמָר "הִשָּׁמֶר לְךָ וּשְׁמֹר נַפְשְׁךָ". וְאִם לֹא הֵסִיר, וְהִנִּיחַ הַמִּכְשׁוֹלוֹת הַמְּבִיאִין לִידֵי סַכָּנָה--בִּטַּל מִצְוַת עֲשֵׂה, וְעָבַר עַל : לֹא-תָשִׂים דָּמִים

Si ne pas retirer de sa maison des choses dangereuses est une transgression de ces deux Miswôth bibliques, à combien plus forte raison si quelqu'un boit jusqu'à être un danger pour lui-même (il met sa santé en danger) et/ou pour les autres ! Comme l'a dit le Ramba''m13 : שֶׁנֶּאֱמָר בַּמִּצְווֹת, "אֲשֶׁר יַעֲשֶׂה אֹתָם הָאָדָם וָחַי בָּהֶם" --וְלֹא שֶׁיָּמוּת בָּהֶם « Au sujet des Miswôth il a été dit14 : ''car l'homme qui les accomplira vivra par elle'', et non pas qu'il mourra par elle ».

Signalons aussi que celui qui ne supporte pas le vin n'a pas non plus l'obligation d'en boire.

  1. Conclusion

En conclusion, nous voyons que selon le Ramba''m et nos Sages, la Miswoh de s'enivrer à Pourim ne consiste en rien d'autre que boire un peu plus de vin que d'habitude lors du repas de Pourim, de façon à s'endormir à cause d'avoir trop bu. Nulle part la Halokhoh ne permet de « boire comme un trou », ou de faire des folies, ou encore de boire jusqu'à en tomber raide mort, ou se trouver dans un état d'inconscience, comme cela se fait de nos jours dans certains milieux. En fait, faire des folies et s'enivrer jusqu'à l'inconscience n'accomplit pas du tout l'obligation de se réjouir à Pourim, mais est un grave péché et peut nuire à la santé de la personne, le mettre dans une situation de danger, ou représenter un danger pour les autres ! En outre, la Miswoh ne s'accomplit qu'avec du vin, et non des liqueurs fortes telles que de la vodka, du scotch, etc.

1Mishnéh Tôroh, Hilkôth Maghilloh Wahanoukkoh 2:14-16
2Maghilloh 5b
3Mishnéh Tôroh, Hilkôth Dé´ôth 5:5
4Hilkôth Tafilloh Ouvirakhath Kôhanim 4:17
5Mishnéh Tôroh, Hilkôth `ishouth 4:18
6Baré`shith 19:33
7Mishnéh Tôroh, Hilkôth Nazirouth 1:12
8Mishnéh Tôroh, Hilkôth Yôm Tôv 6:19
9Davorim 28:47
10Mishnéh Tôroh, Hilkôth Rôséah Oushamirath Nafash 11:5
11Davorim 4:9
12Ibid., 22:8
13Mishnéh Tôroh, Hilkôth Yasôdhé Hattôroh 5:1

14Wayyiqro` 18:5
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