בס״ד
Emission de semence en vain : Une approche
rationaliste
L’opinion de Rash’’i
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Maintenant que nous
avons établi l'opinion du Rambo’’m ז״ל, il est
temps de suivre comment une compréhension complètement nouvelle de « l'interdiction »
de la masturbation est arrivée sur la scène halakhique, et a pratiquement
remplacé la compréhension traditionnelle de la Ṭôroh et du Ṭalmoudh jusqu'à
quelque part au milieu du 13ème siècle. Cependant, avant de
commencer cette discussion, je crois qu'il est important d'expliquer que la compréhension du Rambo’’m n'était en aucun cas limitée au
Rambo’’m. C'était, en réalité, la compréhension majoritairement répandue dans
le monde rabbinique.
Par exemple, le Sama’’g
ז״ל (Séphar Miṣwôth Godhôl - début du 13ème
siècle), l’un des premiers ouvrages de la littérature halakhique ashkénaze écrit
par Ribbénou Môshah de Coucy en France, démontre que la compréhension du Rambo’’m
était répandue. Le Sama’’g cite la masturbation au cours de sa
discussion sur les pratiques qui pourraient mener à une vie d'immoralité
sexuelle. En général, les Rabbonim de cette époque, tant dans les pays
ashkénazes comme la France, que dans les pays séfarades comme l'Espagne, conseillaient
d'éviter les pratiques qui conduisent à mener une vie de recherche du plaisir
sexuel. Parmi les interdictions énumérées avec la masturbation, il y a des
choses comme le flirt, le fait de regarder les femmes avec envie, les
attouchements, etc., et il a avancé que celui qui s'engage délibérément dans de
telles pratiques pourrait en arriver à l'immoralité sexuelle. Telle était la
compréhension générale, et elle était majoritairement acceptée.
La raison pour
laquelle tout cela est important, c'est qu'il n'y a pas d'interdiction
inhérente de « gaspiller la semence ». Si tel est le cas,
alors lorsqu'un jeune homme ordinaire est excité, ce qui est tout à fait normal
et courant, et qu'il gère cette excitation en se masturbant, aucun péché
terrible ne s'est produit. Lorsqu'un couple aimant se livre à une activité
sexuelle et qu'un homme éjacule en-dehors de la femme, aucun péché terrible ne
s'est produit non plus. En fait, le couple ne s'est engagé que dans une
activité amoureuse à laquelle on peut s'attendre d'un couple en bonne santé. Le
problème est seulement quand on s'engage dans un style de vie qui ne recherche que
la stimulation sexuelle, et quand on passe son temps à poursuivre de telles
choses. Dans de tels cas, s'engager dans la masturbation tout en poursuivant
l'immoralité est le sujet dont ces Rabbonim discutaient.
Il est également
important de souligner que les opinions de ces Rabbonim et du Ṭalmoudh lui-même
ont été exprimées dans un monde dans lequel les attitudes envers ce qui
constitue l'immoralité sexuelle étaient très différentes de ce que nous
trouvons aujourd'hui. La manière exacte d'appliquer ces idées dans les temps
modernes devra attendre que nous terminions notre discussion halakhique.
·
Le concept nouveau : « détruire la semence »
L'un des érudits
talmudiques et halakhiques les plus célèbres de tous les temps est Ribbénou Shalômôh
ban Yiṣḥoq ז״ל, connu sous le nom de Rash’’i.
Il était célèbre pour beaucoup de choses, mais au niveau littéraire, il est
bien connu pour sa brièveté et sa capacité à transmettre de grandes idées en
quelques mots. Tant de fois, des concepts talmudiques extrêmement difficiles
sont expliqués par Rash’’i dans un court fragment de phrase simple qui parvient
d'une manière ou d'une autre à tout éclairer. Parfois cependant, sa brièveté
laisse également beaucoup de place à une interprétation ultérieure qui ne
faisait originellement pas partie de sa pensée. Par conséquent, de nombreux
livres ont été écrits et des discours talmudiques complexes expliquent sur des
milliers de pages ce que voulait dire Rash’’i quand il a écrit ceci ou cela.
Il y a deux
déclarations de Rash’’i qui ont complètement changé la compréhension halakhique
de la masturbation pour le reste de l'histoire halakhique. Je dirai que
franchement, je ne suis pas tout à fait sûr si telle était son intention, mais les
quelques mots qu’il a employés ont suffit pour mettre le désordre dans la
maison. Dans le commentaire de Rash’’i sur l’ouvrage halakhique de Ribbénou Yiṣḥoq
`alphasi ז״ל (connu sous le nom du Ri’’ph) dans Shabboth Chapitre
14, page 108b, Rash’’i fait une de ses courtes déclarations d'explication.
Le Ri’’ph lui-même cite la Gamoro` de Niddoh dont nous avons discuté
tout ce temps, qu'il a presque certainement compris de la même manière que le
Rambo’’m la comprenait. Le Ri’’ph mentionne la comparaison avec le meurtre, ce
que presque tout le monde jusqu'à l'époque de Rash’’i comprenait comme
signifiant deux choses, que 1) ne pas s'engager à avoir des enfants était
similaire à un meurtre et 2) c'était censé paraître effrayant, et non littéral.
Cependant, Rash’’i commente ce qui suit :
Ils (ceux qui se masturbent) détruisent
(« Mashḥithim ») la semence qui pourrait devenir des enfants.
Rash’’i est, d’après
les ignorants, le tout premier individu à employer l’expression de « destruction
de semence » et à l’accoler à la masturbation. Mais nous verrons plus
bas que c’est un dévoiement de ses propos.
Le deuxième
commentaire de Rash’’i sur le sujet se trouve dans ses remarques sur Kathoubbôth
39a. Là, le Ṭalmoudh discute de la permission d'utiliser une forme de
contraception appelée « Môkh », qui est une sorte d'éponge
placée dans le vagin pendant les rapports sexuels pour servir de barrière, empêchant
le sperme d’y entrer. Le Ṭalmoudh permet son utilisation lorsque la grossesse
peut être un problème de santé pour la femme en question. La compréhension simple
du texte est qu’on peut avoir des relations sexuelles avec sa femme même si
elles ne permettront pas d’accomplir la Miṣwoh de la procréation. Rash’’i y
déclare :
Ils sont autorisés à utiliser un « Môkh »
et ils ne sont pas (considérés) comme s'ils détruisaient la semence.
La compréhension
simple de Rash’’i, à mon humble avis, est qu'il fait également référence au
souci que l'on est obligé d'accomplir la Miṣwoh de la procréation. Lorsqu'il
utilise le terme « détruire la semence », il l’explique en
réalité lorsqu'il déclare que « cela pourrait devenir des enfants ».
En d'autres termes, il affirme la même compréhension que tout le monde avant
lui, mais avec d’autres mots. La raison pour laquelle il choisit le terme הַשְׁחָתָה « Hashḥothoh »
(destruction) est que dans l'histoire de `ônon telle que rapportée dans la Ṭôroh,
ce terme est également utilisé :[1]
Mais `ônon savait
qu’il ne ferait pas vivre pour lui une semence. Alors, lorsqu’il venait vers
l’épouse de son frère il détruisait à
terre pour ne pas donner de semence à son frère. |
וַיֵּדַע אוֹנָן, כִּי לֹּא לוֹ יִהְיֶה הַזָּרַע;
וְהָיָה אִם-בָּא אֶל-אֵשֶׁת אָחִיו, וְשִׁחֵת אַרְצָה, לְבִלְתִּי נְתָן-זֶרַע, לְאָחִיו |
Par quel moyen `ônon
détruisait-il sa semence au sol ? Rash’’i l’explique parfaitement bien
dans son commentaire sur ce verset susmentionné :
Et il
détruisait au sol : Il battait
à l’intérieur mais vannait à l’extérieur. |
וְשִׁחֶת אַרְצָה. דָּשׁ מִבִּפְנִים וְזוֹרֶה מִבַּחוּץ: |
Reprenant mot pour
mot l’expression métaphorique de « battre à l’intérieur et vanner à l’extérieur »
qui se retrouve dans le Ṭalmoudh lui-même,[2]
Rash’’i explique très bien que la destruction de `ônon consistait à introduire
son pénis dans le vagin de Ṭomor (battre à l’intérieur) et à se retirer d’elle
au moment de l’éjaculation. Ce n’est pas de la masturbation mais plutôt ce que
l’on appelle le coït interrompu, qui est une forme de méthode contraceptive.
Cette destruction a toujours
été comprise comme signifiant qu'en ne « construisant » pas le
monde (c'est-à-dire en ayant des enfants), on est passivement engagé dans sa « destruction ».
En d’autres mots, Rash’’i ne voulait PAS parler de
la « destruction de la semence » mais de la « destruction
du monde » ! Ce qui est une nuance essentielle. La
raison pour laquelle il est difficile d'imaginer que Rash’’i parlait de la
destruction de la semence elle-même, c'est parce qu'il y a tellement d'exemples
dont nous avons discutés dans lesquels l'activité sexuelle et l'éjaculation
sont autorisées même si la grossesse est impossible ! Raison pour
laquelle, dans le deuxième commentaire de Rash’’i susmentionné, nous voyons clairement qu’il ne considère pas comme une
destruction de la semence le fait d’utiliser un « Môkh » pour
éviter une grossesse qui pourrait nuire à la santé de la femme. Les
choses sont donc beaucoup plus nuancées qu’on nous le fait croire aujourd’hui !
Malheureusement, ce
n'est pas ainsi que Rash’’i a été interprété par la plupart des autorités
halakhiques depuis. Pour eux, Rash’’i essayait de nous enseigner qu'il y a une
certaine interdiction littéralement de « gaspiller la semence »
(alors qu’il dit explicitement le contraire dans son commentaire sur la Ṭôroh
et le Ṭalmoudh, où on voit que ce n’est pas l’acte qui est criminel, mais l’intention
pour laquelle on le fait, ainsi que le contexte dans lequel l’acte a eu lieu). Cette
compréhension erronée de Rash’’i a tout révolutionné. D'autant que l'on ne trouve nulle part dans la Ṭôroh ou le Ṭalmoudh que « gaspiller
la semence », c'est-à-dire, éjaculer du sperme en dehors du corps
d'une femme, constituerait une sorte de problème. C’est ainsi qu’un
tout nouveau péché est arrivé sur la scène halakhique !
Le petit-fils de
Rash’’i, Ribbénou Ṭam, fut la prochaine étape dans le développement de ce
nouveau concept. Nous analyserons son opinion dans notre prochain article et
discuterons de l'influence fatale et terminale de Ribbénou Ṭam sur le
développement futur du processus halakhique concernant la masturbation.