jeudi 29 octobre 2020

Emission de semence en vain - Les bases talmudiques sur le gaspillage de semence et le processus halakhique

 

בס״ד

 

Emission de semence en vain : Une approche rationaliste

 


Les bases talmudiques sur le gaspillage de semence et le processus halakhique

 

Cet article peut être téléchargé ici.

 

Pour (re)lire :

·        Première Partie

·        Deuxième Partie

·        Troisième Partie

 

Maintenant que le décor a été planté, nous pouvons enfin entrer dans le vif du sujet. Inutile de dire qu'il y a tellement de sources connexes qu’il est nécessaire de faire une sélection sérieuse sur la façon d'aborder chaque étape de cette analyse. Le plus important, bien sûr, est de tout centrer autour du Ṭalmoudh, et de reprendre un à un tout ce qu’il rapporte sur le sujet de Hôṣo`ath Zara´ Labbattoloh. Cela va former la base de notre analyse halakhique, car le Ṭalmoudh est évidemment la base de la Halokhoh. Tout ce que nous dirons à partir de ce moment devra en quelque sorte se rapporter aux discussions talmudiques que nous allons analyser ici.

 

Il convient également, en guise de préambule, de lancer l’avertissement suivant. Il a été réitéré de nombreuses fois auparavant sur ce blog. L’avertissement est le suivant : Je suis pleinement conscient que souvent mon analyse ne reflètera pas l'analyse et la compréhension qui ont été faites par la majorité des commentateurs et des décisionnaires halakhiques au cours des siècles. Je déclare donc ouvertement que si un lecteur de ce blog critiquera mon analyse sur la base de « la plupart des Posaqim tranchent que, etc », alors gardez votre critique pour vous, et rendez-vous sur un autre blog. Je ne fais pas partie de ceux qui font la promotion des soi-disant « Grands de la Génération » et qui les écoutent même quand ce qu’ils préconisent va à l’encontre du Ṭalmoudh et la pratique et compréhension de nos ancêtres. Comme le Rambo’’m ז״ל l’explique magistralement bien en introduction de son Mishnéh Ṭôroh, tout rabbin, aussi illustre qu’il soit, venu après l’ère talmudique n’a pas autorité sur tout Israël en matière halakhique, car toute la Halokhoh est exclusivement contenue dans le Ṭalmoudh. Par conséquent, dit le Rambo’’m, peu importe ce que dirait un Go`ôn (sage venu après le Ṭalmoudh) ou tout autre grand rabbin, d’ès lors qu’il est démontrable par le Ṭalmoudh qu’il a tort, nous ne sommes pas tenus de l’écouter. Et telle a toujours été l’approche de ce blog. Cela ne sert donc à rien de me signaler que Rov Kanievsky, que Rov Belsky, etc., disent différemment que moi ; passez simplement votre route !

 

D'un autre côté, si vous êtes intéressé par une lecture d'une Soughyoh talmudique particulière qui est à la fois valable halakhiquement ET conforme aux principes rationalistes, alors continuez et lisez cet article et les suivants sur cette série ici. C'est mon objectif. J'essaie de me pencher sur cette Soughyoh et de la comprendre d'une manière rationaliste ET halakhiquement valable. Seront donc rapportées des opinions halakhiquement valables mais qui seraient parfois minoritaires dans le judaïsme contemporain, qui nous aideront à comprendre la Soughyoh parfaitement bien. Car une opinion, même minoritaire, si elle n’a pas été explicitement rejetée par le Ṭalmoudh, reste valable ! Et souvent, une opinion minoritaire AUJOURD’HUI était en réalité majoritaire et la Halokhoh d’après le Ṭalmoudh. (Par exemple : le judaïsme contemporain, là encore en raison de l’influence de la Qabboloh, interdit toute une série d’actes sexuels entre un homme et sa femme, alors que le Ṭalmoudh et le Mishnéh Ṭôroh sont sans équivoque qu’un couple fait ce qu’il veut en matière sexuelle, dès lors qu’ils sont consentants. Il n’y a pas de tabou talmudique, et même biblique, à ce sujet.)

 

Maintenant, commençons ! La référence la plus importante sur la question de la masturbation dans le Ṭalmoudh se trouve dans la Masakhath Niddoh 13a-13b.

 

Le texte est évidemment trop long pour être cité ici, et je vous recommande donc très fortement d'aller vous procurer une Gamoro` de NIddoh et d’étudier vous-même la Soughyoh.

 

Voici mon résumé de la Soughyoh.

 

Premièrement, la Mishnoh déclare qu'un homme qui « se vérifie » trop souvent devrait « se faire couper la main » (évidemment pas littéralement. Mais cela signifie que c'est une mauvaise habitude à abandonner). La Gamoro` explique alors que puisque l'homme est « sensible », il ne devrait pas se vérifier car cela peut conduire à l'excitation. La Gamoro` explique alors que dans certaines circonstances, cela ne poserait aucun problème, comme par exemple si l’homme utilise un chiffon ou un autre objet pour se vérifier ou se nettoyer.

 

La deuxième partie de la Soughyoh rapporte une discussion entre Ribbi `ali´azar ז״ל et les Ḥakhomim ז״ל. Ribbi `ali´azar déclare que quiconque tient en main son organe sexuel cause un « Mabboul » dans le monde. L'hypothèse est que cela conduira à répandre en vain de la semence et que c'était l'un des péchés de la génération du déluge. Les Ḥakhomim étaient préoccupés par le fait que quelqu'un ne tienne pas en main son pénis en urinant parce que s'il ne le faisait pas, son urine se répandrait partout sur lui et les gens penseraient qu'il est un כְּרוּת שָׁפְכָה « Karouth Shophakhoh », c’est-à-dire que son urètre était endommagé et par conséquent que ses enfants n'étaient pas vraiment les siens, car un Karouth Shophakhoh ne peut pas engendrer d'enfants. Ribbi `ali´azar a estimé qu'il serait préférable de douter de la légitimité de ses enfants que de commettre un péché si terrible en se provoquant lui-même une érection qui pourrait conduire à commettre le péché de répandre la semence.

 

La Gamoro` poursuit en clarifiant cette interdiction de Ribbi `ali´azar par quelques exemples où se tenir soi-même serait autorisé. Ces exemples seraient des cas où l'on est près de son maître, debout dans un endroit élevé où on a besoin de maintenir son équilibre, ou une personne qui a suffisamment de Yir`ath Shomayim pour ne pas avoir à s'inquiéter de se stimuler s’il tenait son membre en main. La Gamoro` déclare également que cette interdiction de Ribbi `ali´azar ne fait pas référence à un homme marié, car même s'il a été stimulé, il a des moyens autorisés pour soulager ses pulsions sexuelles (sa femme), et qu’elle se réfère uniquement au fait de tenir au bout du pénis mais pas à la tige.

 

La Gamoro` rapporte plusieurs déclarations sur l'extrême gravité de ce péché, le comparant aux « grands péchés de l'idolâtrie et du meurtre » et déclare que celui qui commet ce péché mérite la peine de mort.

 

La dernière partie de la Gamoro` (principalement sur la page 13b) continue d'apporter davantage d'avertissements connexes, critiquant celui qui se stimule intentionnellement au point d'avoir une érection, et elle décrit comment fonctionne le Yéṣar Hora´ : d'abord il vous fait vous stimuler, et puis finalement il vous fait commettre des péchés plus graves. La Gamoro` se termine en critiquant les personnes qui « commettent l'adultère avec les mains et les pieds » et celles qui « jouent avec les enfants ».

 

Cette Gamoro` est la source la plus explicite et la plus importante de l'idée que répandre de la semence en vain est un péché et même un grave péché. Analysez-la donc attentivement par vous-même.

 

Sans citer tous les longs passages de l'opinion du Rambo’’m et de la manière dont il interprète cette Gamoro`, je vais me contenter de résumer son approche le plus clairement possible. Le Rambo’’m inclut les lois relatives au fait de « répandre la semence » dans les Hilkôth `issouré Bi`oh, c’est-à-dire les lois relatives aux interdictions sexuelles, comme l’adultère, l’inceste et d’autres types de relations sexuelles interdites. Selon le Rambo’’m, il y a deux problèmes avec le fait de « répandre de la semence ». Un problème est que cela peut être une méthode pour empêcher une personne d'accomplir la Miṣwoh de la procréation. C'était le péché de ´ér et `ônon, qui ont délibérément répandu de la semence afin d'empêcher leur femme de concevoir un enfant, comme cela a été expliqué dans la deuxième partie. Le second problème est qu'en se stimulant au point de se masturber, on se rapproche de l'acte des relations réellement interdites, car l’excitation fréquente pourrait amener à avoir des relations sexuelles avec des ´aroyôth. Quand on est marié et que cela n'interfère pas avec la Miṣwoh de procréation, il n'y aurait alors aucune interdiction des types d'activités sexuelles qui ne conduisent pas à la conception.

 

Les déclarations talmudiques effrayantes concernant le péché de répandre de la semence sont donc, selon le Rambo’’m, destinées à nous éloigner des activités interdites qui pourraient conduire à des transgressions bien pires. Elles sont destinées à nous garder saints et impliqués dans des activités plus saintes. Quand on regarde la Gamoro` de cette façon, tout cela a beaucoup de sens et devient plus clair :

 

1.     Ne pas se tenir le membre d'une manière qui pourrait vous exciter, sauf si les circonstances sont telles qu'il est peu probable que cela mène à l'excitation ;

2.     Ne pas s’exciter intentionnellement sexuellement ;

3.     Ne pas penser intentionnellement à des pensées excitantes sexuellement ;

4.     Ne pas commettre d'adultère « avec la main » ;

5.     Ne pas « jouer » avec les enfants d'une manière excitante sexuellement.

 

Celui qui fait l’une de ces cinq choses se rapproche de la frontière de ce qui le sépare des actes sexuels interdits et crée un environnement qui peut conduire au péché. Cela explique pourquoi cela était pertinent pour la génération du Mabboul. Ce n'était pas la « semence répandue » en soi qui était le problème, mais l'environnement impie qui a été créé par leur attitude qui a conduit à une génération pleine de comportements immoraux.

 

Le plus intéressant est l'interprétation du Rambo’’m sur l’expression talmudique de « commettre l'adultère avec la main et le pied ». L’orthodoxie a émis une hypothèse de base que cela se réfère à la masturbation. Cela semble être la façon dont la plupart des Posaqim comprennent cette partie de la Gamoro`. Par masturbation, j'entends une personne qui se stimule avec ses propres mains pour atteindre l'orgasme et l'éjaculation. Ce n'était cependant pas du tout ce que le Rambo’’m avait compris.

 

Voici les paroles du Rambo’’m dans son commentaire sur la Mishnoh de Sanhédhrin 7: 4 :

 

Celui qui a des relations sexuelles avec l'une des ´aroyôth ..... ou s'il caresse ou touche l'un des organes d’une femme ´arwoh afin d'en tirer du plaisir, quelle que soit la partie de son corps qu'il touche, par exemple il se frotte contre son bras ou sa jambe, ce type d'abomination est ce que les Ḥakhomim appellent « l'adultère de la main ou du pied ».

 

Ceci est tout à fait différent de la compréhension « conventionnelle » de « l'adultère de la main ou du pied » qui a été si fortement condamnée par ḤaZa’’l. C'est très différent de ce que le Qiṣour Shoulḥon ´oroukh a condamné dans la citation que nous avons rapportée dans le dernier article. Mais c'est aussi l’explication la plus précise et fidèle de l’expression נִאוּף בְּיָד « Ni`ouph Bayodh – adultère par la main ». La façon dont le Rambo’’m a compris la Gamoro` a tellement de sens ! Le Gamoro` commence par des avertissements de ne pas se toucher d'une manière qui pourrait provoquer l'excitation (même dans des circonstances où on n'a pas l'intention de s’exciter car on se tient le membre seulement pour uriner), puis continue avec des avertissements de ne pas penser à des pensées excitantes, puis continue avec des avertissements de ne pas provoquer intentionnellement une érection, puis continue d'avertir que toucher une femme (évidemment sans faire référence à son épouse !) d'une manière qui provoque l'excitation ou même l'éjaculation est un péché terrible qui conduira souvent à des rapports sexuels interdits réels, puis continue de mettre en garde contre le fait de toucher les enfants d'une manière qui mène à l'excitation (Ḥos Washolôm).

 

Lorsque nous mettons tout cela bout à bout et dans son contexte, nous avons donc maintenant une compréhension complètement différente de la Soughyoh. L'interdiction de « répandre de la semence » n'est pas un problème en soi. C'est plutôt une barrière de protection érigée par les Ḥakhomim contre l'implication dans des péchés de conséquences bien pires. Les déclarations sévères sur la gravité du péché sont destinées à nous faire fuir les activités qui peuvent nous conduire sur une mauvaise voie. Elles ne sont pas destinées à dire littéralement que celui qui se masturbe s'apparente en fait à un meurtrier. Il existe des myriades d'exemples talmudiques où ḤaZa’’l ont utilisé des termes similaires pour désigner les péchés comme étant beaucoup plus horribles qu'ils ne le sont en réalité, et inversement, des Miṣwôth relativement mineures dont l’importance a été volontairement exagérée par ḤaZa’’l afin de nous faire comprendre à quel point elles sont spéciales bien que mineures.

 

Comment le Rambo’’m conseillerait-il un jeune homme qui a été stimulé sexuellement par quelque chose qu'il a vu, quelque chose qu'il a lu, quelque chose dont il rêvait, etc., puis a eu une érection et s'est masturbé ? De toute évidence, je n'ai aucun droit de parler au nom du Rambo’’m. Cependant, je suppose qu'il lui conseillerait de faire ce que le Rambo’’m lui-même déclare dans son Mishnéh Ṭôroh :[1]

 

Et de même, il s’habituera à s’éloigner de la plaisanterie, de l'ivresse et des choses excitantes, car ce sont de grands influenceurs et des étapes [menant] aux ´aroyôth. Et un homme ne demeurera pas sans femme, car cette pratique conduit à une grande pureté.[2] Et ils ont dit quelque chose de plus grand encore que cela :[3] « Il se tournera et sa pensée sera pour des sujets de Ṭôroh, et il élargira sa connaissance en sagesse, car la pensée des ´aroyôth ne se renforce que dans un cœur vide de sagesse ». Et concernant la sagesse il dit :[4] « C'est une biche bien-aimée, suscitant la faveur. Ses seins te satisferont à tout moment. Tu seras constamment obsédé par son amour ».

וְכֵן יִנְהֹג לְהִתְרַחַק מִן הַשְּׂחוֹק, וּמִן הַשִּׁכְרוּת, וּמִדִּבְרֵי עֲגָבִים--שֶׁאֵלּוּ גּוֹרְמִין גְּדוֹלִים הֶם, וְהֶם מַעֲלוֹת שֶׁלָּעֲרָיוֹת; וְלֹא יֵשֵׁב בְּלֹא אִשָּׁה, שֶׁמִּנְהָג זֶה גּוֹרֵם לְטַהְרָה גְּדוּלָה.  יְתֵרָה מִכָּל זֹאת אָמְרוּ, יַפְנֶה עַצְמוֹ וּמַחְשַׁבְתּוֹ לְדִבְרֵי תּוֹרָה, וְיַרְחִיב דַּעְתּוֹ בַּחָכְמָה--שְׁאֵין מַחְשֶׁבֶת עֲרָיוֹת מִתְגַּבֶּרֶת, אֵלָא בְּלֵב פָּנוּי מִן הַחָכְמָה, וּבַחָכְמָה הוּא אוֹמֵר "אַיֶּלֶת אֲהָבִים, וְיַעֲלַת-חֵן:  דַּדֶּיהָ, יְרַוֻּךָ בְכָל-עֵת; בְּאַהֲבָתָהּ, תִּשְׁגֶּה תָמִיד" (משלי ה,יט(.

 

Suivant les propos du Rambo’’m, nous pouvons déduire que le Rambo’’m conseillerait ceci à ce jeune homme : Essaye de concentrer tes pensées sur des sujets plus sacrés. Ne t’excite jamais intentionnellement. Il lui dirait alors de trouver une épouse pour qu'il puisse satisfaire ses pulsions sexuelles d'une manière autorisée. Il ne lui dirait certainement pas qu'il est passible de mort et comparable à un meurtrier pour avoir répandu sa semence.

 

Il y a bien plus à dire, bien sûr. Cependant, je ne vais pas prétendre avoir expliqué la Soughyoh selon l’approche de chaque Ri`shôn et `aḥarôn. Je vous dis seulement comment le Rambo’’m a compris la Soughyoh et la manière la plus lisible, claire, précise et rationaliste de comprendre la Gamoro`.

 

Dans mon prochain article, je prévois d'analyser plusieurs autres Soughyôth dans le Ṭalmoudh qui démontrent que « répandre la semence » en soi n'est pas un péché, tant que cela n'est pas fait intentionnellement pour s’exciter sexuellement d'une manière qui pourrait conduire à un péché avec des ´aroyôth. En d'autres termes, cela peut se faire d'une manière que le Ṭalmoudh ne considérerait pas être un péché d’après la compréhension du Rambo’’m et l’école rationaliste du judaïsme.



[1] Hilkôth `issouré Bi`oh 22 :19

[2] En étant marié, il aura l'opportunité d'avoir des relations homme-femme ordinaires et licite, et ne développera pas de sentiments refoulés qui cherchent à s'exprimer dans des relations interdites.

[3] Qiddoushin 30b

[4] Mishlé 5 :19

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